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personnelles.
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UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV/INSTITUT DETUDES POLITIQUES DE BORDEAUX
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ECOLE DOCTORALE DE SCIENCE POLITIQUE DE BORDEAUX (E.D. 208)
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CEAN-Centre dEtude dAfrique Noire (UMR 5115 du CNRS)
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LE GABON ET LE NOUVEAU PARTENARIAT POUR LE DEVELOPPEMENT DE LAFRIQUE (NEPAD)
Thèse pour le Doctorat en Science politique
Sous la direction de M. Patrick QUANTIN
Présentée et soutenue publiquement par
Patrice MOUNDOUNGA MOUITY
Membres du jury :
M. Bernard CONTE, Maître de conférences, Université Montesquieu, Bordeaux IV
M. Patrick QUANTIN, Directeur de recherche FNSP, IEP de Bordeaux - Directeur de thèse
M. Marc-Louis ROPIVIA, Professeur, Université Omar Bongo, Libreville, Rapporteur
M. Guy ROSSATANGA-RIGNAULT, Professeur, Université Omar Bongo, Libreville, Rapporteur
Décembre 2008
REMERCIEMENTS
Au terme de ce travail, jadresse mes sincères remerciements à Monsieur Patrick QUANTIN. Il ma guidé dans lacquisition des connaissances à proprement parler et lémergence dun état desprit lié à la spécificité de la méthode de travail conseillée, à un effort de rigueur et de persévérance. Quil en soit encore vivement remercié pour lattention rigoureuse portée à ce travail ainsi que pour sa chaleur humaine dans nos rapports personnels.
Je tiens à rendre à rendre un hommage de gratitude et de reconnaissance fidèles à lUniversité Omar Bongo de Libreville, tout lhonneur a été pour moi davoir été étudiant de cette université gabonaise. Mes remerciements vont aussi à lendroit de tous les membres du jury. Leur disponibilité a permis damener cette thèse en soutenance.
Permettez-moi également de remercier toutes les personnes, qui mont constamment renouvelé leurs judicieuses critiques dans le cadre de ce travail. Je suis redevable à mon enseignante Madame Anne MESSERSCHMITT et à son époux Eric pour leurs contributions diverses qui ont dessiné la forme définitive de ce travail.
Ma reconnaissance sadresse aussi au CEAN qui met à la disposition des doctorants un environnement autorisé et stimulant pour la recherche.
Ce travail a été également facilité par lhospitalité de Monsieur Patrice OTHA et des membres du Cabinet du Ministre gabonais en charge du NEPAD. Il naurait pas été possible sans la disponibilité de tous les acteurs gabonais et extérieurs interrogés, nous offrant ainsi dautres regards sur le Gabon et le NEPAD.
En courant le risque de loubli et de lindélicatesse, je ne saurai finir, sans un mot particulier à tous mes interlocuteurs gabonais et étrangers pour avoir rendu intelligible ma perception sur les logiques de construction du NEPAD au Gabon et en Afrique. Que ma famille -dont lattention à mon égard maide sans cesse à progresser- trouve ici la marque de ma gratitude.
LE GABON ET LE NOUVEAU PARTENARIAT POUR LE DEVELOPPEMENT DE LAFRIQUE
Résumé
Le phénomène de mondialisation constitue après celui de la guerre froide, lun des événements majeurs des transformations économiques et politiques contemporaines. Ces mutations ont conduit à la reconfiguration de lespace monde et des relations internationales. Dans cette perspective, le régionalisme est apparu comme lune des réponses à la faveur de ces changements économiques au niveau global et de lexemple historique sans commune mesure du NEPAD. Cest dire que la coopération entre Etats est dominée dorénavant par la dynamique de partenariat. Le partenariat au développement est aujourdhui devenu un des thèmes politiquement parlant des relations internationales à lère du nouveau régionalisme. Il sagit dun événement international qui, sur le plan théorique renouvelle et enrichit lanalyse internationale en combinant flux transnationaux et formation des institutions et, sur le plan pratique, diffuse tout une vision du monde en redéfinissant le jeu de la puissance mondiale. Face à linstitutionnalisation du NEPAD, le continent africain tente de se créer de nouvelles marges de manuvre pour sarrimer à la mondialisation afin dessayer de modifier sa position marginale internationale afin déviter son « confinement à la périphérie de la politique mondiale ». En cela, le NEPAD est à la fois une réponse politique au fait international de régionalisation et une alternative à la souffrance des institutions, mieux un moyen de réagir face à limpossibilité de la démocratie qui fonctionne mal sur ce continent. Ce qui justifie ce glissement de légitimité du pouvoir au comptable, issu dans le « mécanisme africain dévaluation par les pairs ».
Lentrée du Gabon dans cette dynamique transnationale est due avant tout à linspection externe des bailleurs de fonds. Il sagit donc pour ce pays de transformer une contrainte dinspection externe en ressource politico-stratégique interne afin de se conformer à la loyauté du système international et régional. En sattachant à appréhender les figures du pouvoir dans leur banalité, on peut se rendre compte que la diplomatie gabonaise essaie de sadapter au « temps mondial », passant ainsi pour un modèle dapplication des injonctions internationales. Ce faisant, ce pays fait preuve dinventivité avec des jeux tantôt desquive, de ruse, mais également de contournement. Dans ces conditions, ici lénonciation du politique se nourrit, en effet, de cet imaginaire particulier fondé sur la dérision et dont le résultat est daboutir à des régimes hybrides et inédits où les dynamiques formelles et informelles sagencent pour donner sens à des systèmes dintérêt. Cest ce qui explique la promotion dune certaine homologie sociale et institutionnelle entre les pays africains et le monde développé. Le facteur externe influence, sans conteste lenvironnement interne.
Cette thèse qui sinscrit dans le thème plus global de la formation des institutions autour dune dynamique collective de changement politique, est au centre des problématiques contemporaines de la science politique africaniste. Portant spécifiquement sur les nouveaux enjeux du développement de lAfrique, elle prend appui sur le Gabon, en dressant à partir des temporalités successives un bilan de la trajectoire historique du Gabon et du NEPAD et examine lévolution des forces politiques en Afrique, leurs interactions avec le niveau local, les stratégies véhiculées par les acteurs influents ainsi que leur emprise sur le jeu politique, tout en rendant compte, -à partir dune méthodologie reposant sur les lectures douvrages et les entretiens-, des représentations que les populations africaines se font de ce programme.
Mots clés : acteurs, action publique, champ politique, développement, Etat, évaluation, Gabon, gouvernement, institutions, institutionnalisation, NEPAD, organisation internationale, partenariat et travail politique.
GABON AND THE NEW PARTNERSHIP FOR AFRICAS DEVELOPMENT
Abstract
After the Cold War, globalization has become one of the major contemporary economic and political transformations. These changes led to the reconfiguration of the world map and the international relations. From this point of view, regionalism seemed to be one of the answers to the benefits of these economic changes at a global level and to the historical example without common measurement of NEPAD. That is to say that the co-operation between States is dominated henceforth by the dynamics of partnership. Today, the partnership for the development has become, politically speaking, one of the major topics in the international relations in the era of the new regionalism. It is about an international event which, on the theoretical level renews and enriches the international analysis by combining transnational flows and the formation of institutions and, on the practical level, diffuses a whole vision of the world while redefining the whole concept of world power. With regard to the institutionalization of NEPAD, the African continent tries to find new ways of keeping up with globalization in order to change its internationally marginal position to avoid its confinement to the periphery of world politics. Therefore, NEPAD is at the same time a political answer to the international fact of regionalization and an alternative to the suffering of the institutions, or rather a means of reacting to the lack the impossibility of implementing sustainable democratic values on this continent. This justifies this slippage of the legitimacy of power, resulting from the African peer review mechanism.
The involvement of Gabon in this transnational dynamics is, above all, due to the external inspection from money-lenders. It is, thus, a question for this country of transforming an external constraint of inspection into a domestic political strategy in order to abide by the rule of international and regional system. While endeavouring to apprehend the concept of the power in its common sense, one can realize that the Gabonese diplomacy tries to adapt to the global standard to appear as a role model for the implementation of international injunctions. However, this country shows inventiveness with sometimes dodging tactics, trickery, but also circumvention. Thus, under these conditions the description of polity is, indeed, nourished from this particular imaginary based on derision and whose result leads to the formation of hybrid and strange regimes where formal and informal dynamics are intertwined to give meaning to systems of interests. This is what explains the promotion of a certain social and institutional homology between the African countries and the developed world. The external factor undoubtedly influences the internal environment.
This thesis focuses on the thematic of the creation of institutions around a collective dynamics of political change since it is at the core of contemporary issues of Africanist political science. Relating specifically to the new stakes of Africas development, it focuses on the case of Gabon, by drawing up from successive temporalities an assessment of the historical trajectory of Gabon and NEPAD and examines the evolution of political systems in Africa, their interactions with the local level, the strategies conveyed by influential actors as well as their control over the political environment, by giving reports, from a methodology based on the readings of works and interviews, of the representations that African people have about this program.
Key words: actors, public action, political field, development, State, evaluation, Gabon, government, institutions, institutionalization, NPAD, international organization, partnership and political work.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION----------------------------------------------------------------------------------------1
I. LAFRIQUE ET LE PARTENARIAT INTERNATIONAL
AU DEVELOPPEMENT---------------------------------------------------------------------------------2
Le gouvernement des sociétés africaines autour du NEPAD et
du cas gabonais comme objet de recherche----------------------------------------------------8
Les institutions et le gouvernement : dépasser les débats sur les critères de
classement vers un statut dobjet digne de discours-----------------------------------------12 C. Le "peer review" et le contournement du débat autour
du suffrage universel-----------------------------------------------------------------------------23
II. LANALYSE DE LOBJET : THEORIES ET DEMARCHES---------------------------------25
A. Etat de la recherche et Problématique------------------------------------------------------26 B. Les perspectives théoriques------------------------------------------------------------------35
III. INVESTIGATION------------------------------------------------------------------------------------50
A. Le recueil des données biographiques------------------------------------------------------51
B. Les entretiens au Gabon----------------------------------------------------------------------54
C. Hypothèses connexes et Organisation du travail------------------------------------------60
Première partie
LETAT GABONAIS EN AFRIQUE ET LA NOUVELLE
DYNAMIQUE CONTINENTALE DE PARTENARIAT----------------------------------------64
Chapitre 1-LA CONSTRUCTION HISTORIQUE DU GABON ET DU NEPAD :
UNE VARIANTE EXOGENE APPLIQUEE--------------------------------------------------------67
Section 1 - Pour comprendre le Gabon et sa trajectoire-------------------------------------------68
1.1. Les trois temporalités successives marquantes de son histoire-----------------------------69
1.1.1. 1960-1989 : de lhéritage de lordre colonial à la fin de
la guerre froide------------------------------------------------------------------------------------69
1.1.2. 1989-1999 : la décennie charnière de la démocratisation----------------------------73
1.1.3. Depuis 2000: le « post Washington Consensus » et les
nouveaux remèdes--------------------------------------------------------------------------------76
1.2. Le contexte économique, politique, régional et international------------------------------79
1.2.1. La dimension économique---------------------------------------------------------------79
1.2.2. La configuration politique----------------------------------------------------------------83
1.2.3. Les relations régionales et internationales----------------------------------------------89
Section 2 - Le NEPAD et les incertitudes du discours
sur le devenir des Etats africains----------------------------------------------------------------------92
2.1. La mise en uvre du NEPAD : le rêve dune « nouvelle renaissance »-------------------93
2.1.1. 1960-1989 : les origines intellectuelles et idéologiques du NEPAD----------------94
2.1.2. 1989-1999 : léchec des plans économiques et de la démocratisation--------------96
2.1.3. Depuis 2000 : la « renaissance africaine » et lémergence dune
idéologie de tutelle géopolitique régionale---------------------------------------------------115
2.2. La mondialisation et la résurgence dune dynamique panafricaine---------------------121
2.2.1. La mobilisation néolibérale, un enjeu face à la « glocalisation »------------------122
2.2.2. Le Plan Omega, réponse de Wade à la « renaissance africaine »------------------129
2.2.3. Le NEPAD, une alternative contemporaine au blocage
des institutions------------------------------------------------------------------------------------133
Chapitre 2 - LA REPRODUCTION DES SYSTEMES DINTERET :
UNE MATRICE COMMUNE DE GOUVERNEMENT DES ACTEURS
GABONAIS ET DU NEPAD-------------------------------------------------------------------------143
Section 1 - Sociologie du milieu décisionnel : portrait dun système au pouvoir-----------146
1.1. Linstitution présidentielle : instance politique unique de régulation-------------------145
1.1.1. Omar Bongo, parcours politique et arène dévolution-------------------------------145
1.1.2. La patrimonialisation de lappareil dEtat---------------------------------------------147
1.1.3. Le cabinet présidentiel-------------------------------------------------------------------149
1.2. La curialisation des acteurs en dessous de Bongo : les luttes de palais------------------150
1.2.1. Le palais du « bord de mer »------------------------------------------------------------150
1.2.2. Les courtisans-----------------------------------------------------------------------------152
1.2.3. Guerre de palais et course vers le pouvoir---------------------------------------------162
Section 2 - La mobilisation africaine autour du NEPAD----------------------------------------168
2.1. Jeu dacteurs et dynamique dinstitutionnalisation-----------------------------------------168
2.1.1. Une sociologie des acteurs : linvestissement dune génération
hétéroclite de leaders « réformistes »----------------------------------------------------------168
2.1.2. Une sociologie des idées : « africaniser » le développement------------------------178
2.1.3. Une sociologie de laction : soumettre les gouvernants aux experts----------------181
2.2. Linstitution dEtats « producteurs » et « consommateurs »-------------------------------184
2.2.1. La légitimation des « initiateurs » dans la société globale---------------------------184
2.2.2. Formation de coalitions étatiques et realpolitik : les enjeux-------------------------189
2.2.3. Lappropriation des réformes comme enjeu interne des
ajustements du discours sur les conditionnalités----------------------------------------------193
Deuxième partie
LENTREE DU GABON DANS LA DYNAMIQUE DU NEPAD----------------------------203
Chapitre 3- LES AUTORITES GABONAISES FACE A LA CONTRAINTE
DINSPECTION EXTERNE : LES ENJEUX------------------------------------------------------206
Section 1 - La tentative des réformes, la transformation dune
contrainte en ressource politique----------------------------------------------------------------------208
Les enjeux économiques et sociaux de la réforme---------------------------------------------209
1.1.1. Assainir les finances publiques et décentraliser les pouvoirs------------------------211
1.1.2. Structurer et organiser les contre-pouvoirs----------------------------------------------228
1.1.3. Gouverner et moderniser la société-------------------------------------------------------240
Les enjeux politiques et stratégiques--------------------------------------------------------------258
1.2.1. La démocratisation bloquée, enjeu de la quête
de rayonnement sous-régional---------------------------------------------------------------------258
1.2.2. La fabrique de limage de "sage"----------------------------------------------------------262
1.2.3. La « paix », enjeu interne et symbolique-------------------------------------------------267
Section 2 - Le NEPAD au Gabon et en Afrique centrale--------------------------------------------272
2.1. Le NEPAD et lEtat gabonais-----------------------------------------------------------------------273
2.1.1. Le cabinet présidentiel et linstitution dune
arène de « management » du NEPAD-----------------------------------------------------------------273
2.1.2. Les acteurs dans les instances du NEPAD :
éléments de concurrence et de structuration des élites----------------------------------------------280
2.1.3. Linstitutionnalisation « opportune » du commissariat général
MAEP/Gabon---------------------------------------------------------------------------------------------288
2.2. Evaluation du capital du NEPAD en Afrique centrale pour le Gabon----------------------298
2.2.1. La dimension politico-diplomatique et quête de lintérêt public et privé------------------299
2.2.2. La dimension économique et de développement humain------------------------------------302
2.2.3. La dimension géostratégique---------------------------------------------------------------------313
Chapitre 4- LETAT GABONAIS DANS LES RELATIONS INTERAFRICAINES :
LE PRESIDENT DANS SON ROLE DE "DOYEN"-------------------------------------------------317
Section 1 - Le dirigeant gabonais et le maintien des réseaux
3 francophones3 en Afrique subsaharienne--------------------------------------------------------------318
L organisation continentale, politique nationale dintégration
gabonaise dans léconomie régionalisée-------------------------------------------------------------------319
1. 1.1. Linstrumentalisation de la « sagesse » en institution----------------------------------------319
1.1.2. Le soutien gabonais aux pays non alignés autour du NEPAD :
dynamique stratégique dun compromis---------------------------------------------------------321
1.1.3. Le dévoiement du projet panafricain par les diplomaties locales----------------------------324
La politique gabonaise du NEPAD--------------------------------------------------------------------326
1.2.1. La conduite de la diplomatie gabonaise du NEPAD : structuration
du processus de régulation autour des acteurs internes et externes-----------------------------------326
1.2.2. Le Gabon dans la dynamique de lUnion africaine : du statut
de simple membre à la présidence de lorganisation panafricaine------------------------------------329
1.2.3. Régionalisation, développement et diplomatie des réseaux au Gabon------------------------340
Section 2- Les enjeux nationaux dans le NEPAD : analyse de la situation
dans les deux Etats leaders de la sous-région dAfrique centrale-----------------------------------342
2.1. Le Gabon, acteur de première vue et modèle promotion/application du NEPAD----------342
2.1.1. La fin du système de monopartisme et lavènement
dune nouvelle politique étrangère gabonaise------------------------------------------------------342
2.1.2. La Refondation de lEtat : la nouvelle ambition proclamée dOmar Bongo----------------344
2.1.3. La diversification locale de léconomie, une voie gabonaise
dinsertion à la mondialisation-----------------------------------------------------------------------348
2.2. Lexemple camerounais dans le jeu de la concurrence politique sous-régionale
actée dans le cadre du NEPAD---------------------------------------------------------------------351
2.2.1. La conquête du « porte parolat » sous-régional et régional-----------------------------------352
2.2.2. Les enjeux dune démocratisation « en dent de scie »-----------------------------------------354
2.2.3. La situation économique et la volonté de responsabilisation---------------------------------357
Troisième partie
LE "PEER REVIEW" DU NEPAD : UNE ETUDE DE CAS DU PROCESSUS
DEVALUATION INTERNE-------------------------------------------------------------------------------359
Chapitre 5- LA REVUE DES PAIRS, UNE POLITIQUE DE PALAIS DE LEXPERTISE AFRICAINE DEVALUATION---------------------------------------------------------------------------361
Section 1. Trajectoire intellectuelle de linstitution africaine dévaluation,
entre dynamique interne et externe---------------------------------------------------------------363
1.1. Le "peer review" et le caractère instrumental des modèles dévaluation
des pays dans le système international------------------------------------------------------------363
1.1.1. Les antécédents avec lOCDE et les institutions
financières internationales-----------------------------------------------------------------------------363
1.1.2. Lévaluation des pays dans le système international------------------------------------------374
1.1.3. Les défauts et paradoxes fondamentaux du mécanisme---------------------------------------380
1.2. Le 3 peer review3 du NEPAD : points de vue locaux et externes--------------------------------385
1.2.1. Positionnement des organisations de la « société civile » africaine-------------------------385
1.2.2. Limpact sans commune mesure au sein des organisations internationales-------------388
1.2.3. La réactivation africaine de la pensée de Fanon--------------------------------------------390
Section 2. Linstitution du Panel des personnalités éminentes (PIPE) :
portrait du groupe dexperts africains-------------------------------------------------------------------394
2.1. La dynamique de création du PIPE dans lexpertise
de lévaluation gouvernementale africaine---------------------------------------------------------------394
2.1.1. Innovation institutionnelle et légitimité experte----------------------------------------------395
2.1.2. Biographies des experts africains : carrières-------------------------------------------------398
2.1.3. La cohabitation générationnelle, entre revendication
de lauthenticité et ouverture à lOccident---------------------------------------------------------409
2.1.4. La contrainte dinspection interne : production normative
et critique de l« archéologie de nouveaux universaux »-----------------------------------------411
Chapitre 6- LA REVUE DES PAIRS, UN MOYEN DE CONTOURNER
LEVALUATION DES POLITIQUES PAR LOPINION PUBLIQUE---------------------------417
Section 1- Lévaluation interne : le passage du pouvoir au comptable-----------------------------418
1.1. Le renoncement de lévaluation des politiques par les électeurs--------------------------------418
1.1.1. La légitimité électorale, une version moderne du gouvernement
des sociétés-----------------------------------------------------------------------------------------------418
1.1.2. La légitimité technocratique, une « antithèse du vrai pouvoir politique »-----------------424
1.1.3. Le renoncement de lévaluation des politiques par la voie électorale :
la fin des élections ?------------------------------------------------------------------------------------430
1.2. La diplomatie africaine à lépreuve du "peer review mechanism"-----------------------------433
1.2.1. Le processus dautoévaluation par les pairs entre février 2004 et mars 2006 :
analyse critique du bilan des rapports---------------------------------------------------------------433
1.2.2. La remise en question de la légitimité du "peer review" par
un Etat réformiste du NEPAD: le Botswana--------------------------------------------------------447
1.2.3. Le dirigeant gabonais face à laffaire du système du (peer review(:
évaluer ou mesurer lincommensurable ?------------------------------------------------------------456
Section 2- Le NEPAD et le nouveau « temps mondial » : comparaisons
des logiques internes démancipation à partir des terrains anglophones--------------------------461
2.1. LOccidentalisation de lautorité et du pouvoir en Afrique-------------------------------------462
2.1.1. Le rôle des « puissances tutélaires » dans la recomposition
interne du continent africain--------------------------------------------------------------------------464 2.1.2. Le « sommet de Paris » sur le NEPAD : les dessous de la Realpolitik--------------------469
2.1.3. Lisolement du guide libyen et le cas Mugabe :
enseignements dun « new deal » circonstanciel---------------------------------------------------473
2.2. Analyse des situations nationales du NEPAD : comparaison binaire
dans les aires anglophones-----------------------------------------------------------------------------------476
2.2.1. LAfrique du Sud et le Nigeria : deux géants de lAfrique subsaharienne ---------------477
2.2.2. Le Zimbabwe et le Malawi : deux pays membres à impact limité------------------------482
2.2.3. Les divisions internes entre les promoteurs anglophones du NEPAD--------------------485
CONCLUSION------------------------------------------------------------------------------------------------490
ANNEXES------------------------------------------------------------------------------------------------------515
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES-----------------------------------------------------------------531
INTRODUCTION
I. LAFRIQUE ET LE PARTENARIAT INTERNATIONAL AU DEVELOPPEMENT
Les mutations économiques et sociopolitiques qui ont reconfiguré le monde à lorée du XXIème siècle ont conduit le continent africain à prendre en compte les déséquilibres géopolitiques de cette reconfiguration et denvisager autrement de nouvelles manières de gouverner les sociétés africaines en mutation.
Ces transformations de la société mondiale ont permis depuis le début des années 1990 de marquer une rupture entre la gouvernance postcoloniale et celle de la période des transitions qui a préparé le lit à lémergence de nouveaux lieux de pouvoir. La « vague de démocratisation » a abouti à de nouvelles capacités de diriger les systèmes politiques africains. Dans cette perspective, avec la mise en place du suffrage universel, les traditions africaines du pouvoir autrefois fondées sur lautoritarisme et lautocratie, ont été remplacées par des modalités nouvelles dexercice du pouvoir plus légitime. Pour autant, lémergence délections libres et concurrentielles na pas permis au continent africain de rompre avec les formes anciennes daccession au pouvoir, malgré quelques rares exceptions.
Ce rendez-vous manqué avec la démocratisation a été loccasion pour les régimes autoritaires de se recycler en vue de se maintenir au pouvoir et de promouvoir la continuité du système. Lensemble du continent africain au même titre que lEtat gabonais na pas échappé à ce processus de libéralisation politique. En dépit de cela, lobservation du fonctionnement politique actuel de la majorité de ces Etats, montre que les mutations tant attendues après la démocratisation nont pas encouragé lancrage dune nouvelle ère politique et lémergence de véritables institutions. Mieux, on constate une simple perpétuation de ces régimes par manque de travail politique et dadaptation à la modernité universelle. Cette impossibilité de la démocratie sest ainsi accompagnée du débat sur le développement institutionnel. Celui-ci, dont la nécessité est reconnue par les acteurs et les professionnels du développement a alimenté la scène internationale autour des enjeux sur la bonne gouvernance, et donc sur le devenir des pays africains dans la nouvelle société globale du XXIème siècle.
Les institutions financières internationales, en ce début du millénaire, se sont particulièrement intéréssées, à la situation du continent africain. Un ensemble démo-géographique qui, malgré de nombreux avantages pour son développement endogène reste marqué par la souffrance des dispositifs dinstitutionnalisation, le blocage de la démocratisation, la mauvaise gouvernance et la corruption des processus. Pire encore, le continent africain est devenu depuis peu, un espace traversé par des perturbations géopolitiques et géostratégiques récurrentes marquées par des conflits et guerres civiles dont lenjeu se situe au niveau du « pouvoir dEtat : lutte pour laccès ou le maintien au pouvoir, contestation du pouvoir politique en place.... Même sil ne faut y voir nécessairement un lieu naturel de conflictualité, il nen demeure pas moins que cette partie du monde connaît de nombreuses crises. Les Etats voient ainsi leurs capacités et leur souveraineté affectées par de nombreux problèmes de gouvernement et de commandement ou de développement et de management. Sans faire de cette fragilité, une propriété consubstantielle de ces Etats et sociétés, ce type de conflits est en recrudescence depuis la fin des années 1990 notamment du fait de la montée des revendications pour le changement politique, la démocratisation et lamélioration des conditions socio-économiques.
Lautoritarisme, lillégitimité ou la fragilité du pouvoir en place, la corruption, le népotisme sont autant de raisons pour déclencher des mobilisations sociales qui généralement se heurtent à la répression du pouvoir politique ». Leur permanence est liéé à ces différents problèmes induits par le sous-développement et sur lesquels prennent racine les manipulations politiques. Et dailleurs, ce continent est façonné « depuis son émancipation du joug colonial à partir de la deuxième moitié du XXème siècle, par des ambivalences, des contrastes et une antinomie dans le rapport entre lexploitation de ses abondantes ressources et la diffusion de la prospérité qui aurait dû en résulter ». De fait, lAfrique apparaît demblée comme un site étrange à la fois avantageux et désavantageux, et donc dans une trajectoire paradoxale qui explique largement la complexité historique du continent.
Cette situation nous amène à aborder la question de la responsabilité des Africains dans le sous-développement et le développement de leur continent. Certes, les potentialités de lAfrique au Sud du Sahara sont immenses pour les ressources naturelles comme humaines. Les populations africaines vivent tout de même dans une impasse totale. Ce désarroi peut sexpliquer à la fois par le besoin déducation des jeunes africains et par lespoir et lincertitude dune partie de son élite politique et intellectuelle, inscrite dans un refus de la résignation avec lidée que le devenir des Etats africains reste ouvert malgré la multitude des maux.
En effet, les remous de la démocratisation en Afrique, la régionalisation des conflits, léchec des constructions géo-économiques antérieures et son rôle marginal de spectateur du système international, sont autant déléments qui témoignent dun continent bloqué par manque dadaptation, et surtout de travail politique face aux défis internes et externes, apparemment insurmontables. Mais, ce sont aussi, semble-t-il au-delà des évidences, des indicateurs qui justifient sous différents aspects la question du sous-développement de lAfrique. Vieux débat du point de vue de sa nature, le problème du sous-développement trouve dans son caractère évolutif et ses implications polymorphes, non seulement une pluralité de niveaux, mais surtout les fondements de sa réactualisation dans ce contexte contemporain marqué par des transformations profondes. Ces changements qui ont rythmé la dernière décennie du siècle, ont ravivé la donne du développement, et partant celle de la bonne gouvernance. Leurs implications géopolitiques conduisent à des combinaisons opératoires suscitant lurgence de conceptions endogènes novatrices, pour répondre à la question du mal développement, mais surtout à celle plus large de la mauvaise gouvernance. Pour le continent africain dans lincertitude, la référence au développement se justifie par la nécessité dapprécier autrement la capacité des Etats à gouverner et inventer des projets progressistes. Cest donc dans ce contexte quil faut situer la création du Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) - connu sous le vocable anglais de « New Partnership for Africas Development »-, faute de lexistence dun appareil communautaire africain, crédible et efficace, susceptible de modifier sa position marginale.
Ainsi, en ce début du XXIème siècle, et face à ces constats, les dirigeants africains ne pouvaient rester indifférents devant les changements politiques de cette nouvelle ère : la mondialisation. Cest cette prise en compte des mutations mondiales, qui a amené certains dirigeants africains à proposer à la communauté internationale, notamment aux partenaires au développement, un nouveau contrat social de gouvernement pour tenter de construire une nouvelle société africaine, actrice et non plus spectatrice du système international. Cest dans ces conditions quon a assisté à la mise en place du Nouveau Partenariat pour le Développement de lAfrique (NEPAD). Ce programme panafricain, dédification dune « renaissance africaine », identifiable à évolution intellectuelle et idéologique, représente une alternative à la démocratisation et au blocage des institutions, et sapparente à ce que Marc-Louis Ropivia nomme une « révolution spirituelle propédeutique » utile au développement. Afin davoir une bonne compréhension de la suite du travail, notamment de ce quest le NEPAD, il nous paraît essentiel de présenter sommairement ce programme de manière à pouvoir comprendre doù il tire son origine, les contenus quil revêt et les expériences qui lont alimenté.
Le NEPAD est un programme mis en place en 2001 par cinq dirigeants de pays africains qui constituent des puissances régionales, à savoir lAfrique du Sud, lAlgérie, lEgypte, le Nigeria et le Sénégal. Il fait la synthèse de deux initiatives majeures, reprenant ainsi dune part, le Millenium African Recovery Plan (MARP) de lancien Président sud-africain Thabo Mbeki et le Plan Omega du Président sénégalais Abdoulaye Wade, dautre part. Il a été adopté le 23 octobre 2001 par lOrganisation de lunité africaine (OUA), puis soumis aux dirigeants du G8 au sommet de Kananaskis le 26 juin 2002 par quatre de ces cinq chefs dEtat initiateurs (Algérie, Afrique du Sud, Nigeria et Sénégal). Il a été créé pour mettre en place un partenariat entre lAfrique et les partenaires au développement.
En effet, dans un contexte de blocage économique et de régionalisation des conflits, le NEPAD représente une occasion pour le continent africain de modifier son positionnement international et de relever de nombreux défis (démographiques, politiques, environnementaux, technologiques, etc), mieux de prévenir et de gérer les conflits. Selon ses promoteurs, son originalité principale est quil sagit dune initiative émanant de lintérieur mais nanti des plans antérieurs. A ce titre, il se démarque de tous les anciens programmes par sa démarche. Il souligne implicitement la responsabilité des Africains face à léchec du développement et suggère des solutions internes avec lappui extérieur pour en sortir. Dans un certain sens, le NEPAD répond au cadre de lUnion Africaine et se situe dans un horizon de long terme allant entre 10 et 20 ans. Il sagit dun programme qui cherche à impulser un changement de modèle à la fois dans les relations internationales et dans les politiques intra-africaines. Il a également la particularité de mettre laccent sur le secteur privé et fait de la région lespace privilégié. La région constitue la matrice de base pour la conception des projets transnationaux de développement. En privilégiant lappropriation du processus par les Africains, le NEPAD vise avant tout un partenariat fondé sur la responsabilité partagée et lintérêt mutuel. A ce titre, il est possible de supposer, du moins en théorie, que le NEPAD est la manifestation de la volonté des dirigeants africains de sapproprier le processus de développement continental en incitant le peuple africain à laction et à la transformation de son espace politico-sociétal.
De plus, il est possible de le réduire à un programme « néolibéral » porteur dune idéologie artificielle qui se déploie à partir de lexclusion des peuples africains du processus de croissance et sur lalliance avec les forces de léconomie de marché. Cest dire que cette dynamique est en phase avec les attentes des institutions financières internationales en termes de bonne gouvernance, de démocratie et des droits de lHomme, même si elle nest pas sans soulever beaucoup dinterrogations et dincertitudes. En tant que projet de développement durable, il est orienté vers le respect par les gouvernants des principes du progrès économique, et, avec pour objectif la croissance et lévolution. Le « contrôle par les pairs » est également lélément « nouveau » du NEPAD qui doit pouvoir favoriser la bonne gouvernance. Dans cette perspective, pour parvenir à financer les projets retenus et de pallier son double processus de légitimité/légitimation, il a été institué le mécanisme africain d évaluation des pairs ou 3 African Peer review mechanism3 . Il s agit d une technique de surveillance réciproque des gouvernants basée sur le modèle de l évaluation des pays dans les organisations internationales.
Ce processus est inspiré des techniques managériales et daudit mis en place aux Etats-Unis dans le cadre de la gouvernance des entreprises, et auxquelles emprunte elle-même lOrganisation de Coopération pour le Développement Economique et le Comité dAide au Développement (OCDE/CAD). A travers ce mécanisme le continent africain glisse incontestablement vers un nouveau mode de légitimité. On passe désormais du pouvoir au comptable, cest-à-dire de la légitimité électorale vers une légitimité de type technocratique ou bureaucratique. Les politiques des dirigeants ne sont plus évaluées au moyen du suffrage universel mais par un comité dexperts africains regroupé autour du panel indépendant des personnalités éminentes (PIPE).
Dans ce cadre, quatre principaux objectifs ont été fixés : la paix et la sécurité, la gouvernance, la santé et léducation, la croissance économique et linvestissement. La mobilisation des fonds privés indispensables à la réalisation des projets intégrateurs est luvre de la Banque africaine de développement (BAD) en tant que coordinateur central de financement du programme, surtout en matière dinfrastructures régionales. Ces transformations apparaissent comme une réponse à la mondialisation selon les auteurs du NEPAD, mais représente à nos yeux une alternative à limpossibilité de la démocratie, qui fonctionne mal sur ce continent. Doù la reconfiguration géopolitique du continent qui peut se lire à travers une division continentale de lautorité autour des différents pôles sous-régionaux de lUnion africaine.
Le Gabon est lun des Etats-parties à linitiative du NEPAD qui se caractérise par une profonde souffrance de ses dispositifs gouvernementaux et par une économie en déclin et tente en ce début de siècle dimpulser une dynamique nouvelle de conduite de laction publique et de ses capacités à gouverner. Lexemple accablant qui permet dapprécier la léthargie dans laquelle se trouve plongé ce pays est celui de luniversité. Bien que son nombre soit passé de 2 à 3, ces institutions manquent dinfrastructures et déquipements scientifiques dignes du siècle actuel. Le personnel, même de haut niveau, en est réduit à se battre pour faire vivre ce lieu du savoir qui est sans conteste le miroir de la société gabonaise à partir duquel devrait senvisager toute entreprise développementaliste. Il en résulte que les productions de ses universitaires sont parmi les moins nombreuses si lon compare avec la production scientifique régionale. Les programmes dajustement structurel des années 1980, léclatement de luniversité pionnière et les démembrements des ministères de la recherche et lenseignement supérieur ont réduit les budgets des universités.
Cette marginalisation de linstitution du savoir justifie en partie la politisation de la société universitaire, mieux encore la part insignifiante des dépenses destinées à la recherche et au développement. Et pourtant, les pays qui aujourdhui en Afrique assurent des revenus convenables au corps enseignant, à lexemple du Sénégal ou du Burundi ne sont pas forcément les plus nantis en ressources naturelles. Le Gabon, pays dAfrique centrale, peu connu pour certains, reste pour beaucoup dautres un Etat particulier. Certaines représentations en font un Etat à images glorieuses : « république pétrolière », « émirat équatorial ou subsaharien », « pays pacifique de lAfrique ». Dans un tel contexte, il est peu probable dimaginer un Gabon en profonde crise puisque certains indicateurs macro-économiques le placent en position intermédiaire de tranche supérieure alors même que ce pays a toutes les caractéristiques dun Etat pauvre, et donc un pays des paradoxes.
Coordonnateur du NEPAD pour lAfrique centrale, ce pays est dirigé depuis plus de quatre décennies par le Président Omar Bongo Ondimba. Son pouvoir fonctionne selon un double registre : celui des structures officielles pour la légitimité externe et celui des structures réelles, reflet des compromis et du capital symbolique accumulé en termes de relations et de réseaux. Le positionnement de ce pays autour du NEPAD témoigne de la nécessité pour son dirigeant dessayer de répondre à de nombreux défis internes pour la fabrique dune image positive à lextérieur. A partir du cas gabonais, le NEPAD permet de comprendre le développement institutionnel en Afrique subsaharienne. Elle questionne les différentes facettes du Gabon contemporain, la sociologie de son pouvoir et le positionnement de sa diplomatie à lextérieur. Dans cette perspective, nous nous situons dans une lecture dynamique des changements en cours en Afrique, en tentant de comprendre et de rendre compte des trajectoires dans lesquelles se situe le continent africain en même temps quon porte à partir du cas gabonais une analyse sur les logiques du politique autour du jeu et du comportement des acteurs ainsi que la formation des institutions à travers une action collective.
A. Le gouvernement des sociétés africaines autour du NEPAD et du cas gabonais comme objet de recherche
Afin de circonscrire notre problématique, nous faisons le choix du gouvernement des sociétés africaines un objet détude dont lobjectif explicite est la diffusion générale par le NEPAD dune nouvelle manière de gouverner les sociétés en mutation dans un contexte contemporain. Le NEPAD, à en juger par ses prescriptions, se propose de promouvoir la bonne gouvernance de laction publique contenue dans les traités internationaux abandonnée par les pays africains nonobstant leur reconnaissance dans les législations nationales. Il sagit dun programme à la recherche des institutions de gouvernement. Ce site dobservation des pratiques africaines de gouvernement nous paraît pertinent en ce quil constitue un cadre africain dappropriation de la bonne gouvernance, que les acteurs entendent utiliser comme outil de leur légitimité internationale.
Une autre raison de ce choix tient au fait que lavènement du NEPAD est un indicateur nouveau de la continuité du changement politique intervenu à degrés variables dans lenvironnement africain lors du passage formel au multipartisme au début des années 1990 et certaines mesures de « libéralisation ». De ce point de vue, le programme africain peut être envisagé comme un site dobservation approprié des transformations en cours dans la société africaine. Le NEPAD intervient à plusieurs niveaux politiques en ce quil tente de transformer le jeu politique (politics), en cherchant à influer laction publique (policies) en même temps quil diffuse des valeurs éthiques censées modifier les rapports entre gouvernants et gouvernés, et sinspirent des mécanismes ayant cours ailleurs : le cas de lintroduction de lévaluation comme résultat de linteraction dun grand nombre de gouvernants qui sinfluencent réciproquement. Le programme africain se place ainsi au centre du registre de la culture politique (polity).
Parler de transformation politique revient à détecter les lieux qui semblent porteurs des faits à étudier, et les modes par lesquels sopèrent ces changements politiques du fait de la mobilisation du NEPAD, sans insister sur les types de régime qui ne sont pas lobjet de cette étude. Notre étude aborde de manière globale les relations entre le Gabon et le NEPAD - fruit dun enchevêtrement complexe entre les facteurs politiques, économiques et culturels - par le biais du jeu des acteurs et de la sociologie de la formation des institutions. Elle entend également sintéresser à lenjeu dune action collective en faveur du gouvernement dans des environnements politiques encore récemment libéralisés. Il nest nullement question à travers cette étude de rendre compte des mécanismes de changement de régime, moins encore de les qualifier. Il ne sagit pas non plus délaborer une théorie des régimes politiques, à partir du cas gabonais, mais de comprendre les conditions et les effets de lentrée du Gabon dans une dynamique nouvelle daction collective.
Par ailleurs, à lère où les considérations géopolitiques déterminent la stratégie et la diplomatie des Etats, ce travail vise également à saisir ce moment de contournement/renoncement ou de dépassement du débat sur la légitimité démocratique issue des élections vers lidée de redécouverte des institutions à travers le glissement vers une nouvelle forme de légitimité experte reposant cette fois-ci sur une légitimité de type technocratique issue de lexamen par les pairs (peer review). Dans ce cadre, notre recherche va sarticuler autour de lapproche néo-institutionnelle et sinscrit dans une perspective de sociologie politique de la formation nouvelle des institutions. Elle vise à comprendre grâce à une vision empirique des faits à étudier, comment le Gabon est arrivé à entrer dans ce nouvel espace géopolitique institutionnalisé par les leaders africains et comment et avec quel succès lEtat gabonais sefforce de transformer une contrainte dinspection externe en ressource politique.
Pour ne parler que du "peer review", il est important de comprendre comment la contrainte dinspection externe (IFI et autres partenaires au développement) est transformée en examen interne par des "collègues Présidents africains" qui ne vont pas nécessairement se montrer trop sévères en raison du caractère volontaire de ladhésion des Etats et de labsence des sanctions. Et comment le Gabon anticipe en devenant un modèle dapplication. Pour bien comprendre cela, il sagit de sintéresser aux Gabonais qui participent au processus, mais surtout de bien saisir le fonctionnement de lévaluation des pays dans le système international.
En prenant appui sur le Gabon, nous entendons démontrer comment les acteurs gabonais ainsi que ceux de la communauté africaine façonnent ce processus et comment le NEPAD, notamment à travers son mécanisme de contrôle le 3 peer review3 peut promouvoir l application par l Etat gabonais des dispositifs dinstitutionnalisation en souffrance, si lon sen tient au cadre sociopolitique créé par son dirigeant Omar Bongo Ondimba. Par ailleurs, la variable fondamentale que nous souhaitons privilégier dans ce travail nest ni nationale ni continentale. Elle chevauche les dimensions internes et internationales. Dans cette perspective, de larticulation entre ces deux dimensions, il résulte que le développement des institutions en cours en Afrique, nest quune "mise en scène" dun jeu de pouvoir et denjeux daffirmation de puissance entre les différents leaders politiques africains dans la région et au sein du système international.
Cest dire que la construction institutionnelle en Afrique obéit à une logique de "théâtralisation" qui est destinée à susciter ladhésion grâce à la production dun discours, dimages, à la manipulation de symboles et dont lorganisation est assurée autour dun cadre cérémoniel. Ce qui est vrai, si lon admet que le NEPAD est aujourdhui considéré comme le nouveau "cadre" de production des réformes de la gouvernance en Afrique. Ce dautant plus que ce programme peut renvoyer à une logique de « production/consommation » mettant en présence du jeu, différents acteurs politiques à la fois anglophone et francophone que du monde musulman et non-musulman partagés entre la nouvelle « garde politique » et la « vieille garde au pouvoir » ; acteurs aux ambitions hégémoniques et aux enjeux personnels de pouvoir, de domination et de "porte-parolat" reposant sur des interactions continues.
Dans ce jeu, le Gabon à la recherche dune légitimité internationale a, grâce à la longévité politique et au capital symbolique accumulé par son dirigeant dans plusieurs activités de médiation et les réseaux francophones, réussi à devenir un modèle dapplication, en transformant la contrainte dinspection interne en ressource politique, mieux, en se retrouvant aujourdhui au centre de ce programme. Il est donc essentiel de questionner lexercice opérationnel de ce pouvoir, pour comprendre son fonctionnement dans les systèmes concernés et les projets de réformes de lEtat.
B. Les institutions et le gouvernement : dépasser les débats sur les critères de classement vers un statut dobjet digne de discours
Les exigences formulées par le NEPAD, les dirigeants africains les portant ainsi que leurs canaux de diffusion, doivent être appréhendées comme des objets en construction dont les effets ne peuvent être décelés à première vue malgré les ambitions affichées. Cest pourquoi, il paraît utile de construire conceptuellement ces objets pour comprendre les éléments constitutifs. Si dans leur généralité les concepts de gouvernement et dinstitution sont les plus mobilisés, dans leurs multiples usages, ceux-ci sont indissociables dans lanalyse du politique en Afrique. Des nuances existent entre ces deux notions qui renvoient à la capacité des Etats africains à mettre en place des institutions pour gouverner leurs sociétés aux dynamiques variables.
Intuitivement, ces deux concepts sinscrivent dans le registre désormais balisé des organisations internationales, notamment des institutions financières internationales. Il sagit de deux thématiques prisées dans les études politiques, économiques et sociologiques depuis les dynamiques de libéralisation économique des années 1980. Mention a dailleurs été faite de ces deux notions dans les études consacrées à l« Etat en Afrique » renvoyant à l « archéo » ou vieil institutionnalisme. Toutefois, elles connaissent un succès récent, et, sil est utile de recourir à cette littérature, on ne peut en faire la matrice conceptuelle de notre étude parce que le sens de ces termes est parfois flou, que leurs utilisations chevauchent des domaines variés. A cet effet, il est utile de préciser les concepts employés et de définir empiriquement les lieux, les acteurs et les processus qui nous semblent porteurs des faits que nous cherchons à démontrer.
Aujourdhui, moderniser les Etats, être capable de les appuyer dans leurs nouvelles fonctions, dans leur rôle, suppose quil faut articuler des projets et accompagner les acteurs du développement et les partenaires non étatiques. Le processus de développement institutionnel implique donc des modalités dinterventions nouvelles, qui nécessitent une clarification des règles et une réelle mobilisation des acteurs du développement. Lanalyse des institutions, dont la généalogie conceptuelle historique et épistémologique a été retracée ailleurs, est réapparue récemment en science politique au tournant des années 1990 en Afrique, à la faveur des mouvements de démocratisation et du retrait de lEtat centralisateur. Suivant la direction de Comi Toulabor, « il apparaît que le développement institutionnel est plutôt un état dynamique en voie de structuration à différents niveaux de la société globale. De fait, lorsque le développement institutionnel est abordé, on constate une tendance à sen tenir à son aspect purement formel cest-à-dire à la création, ou plus exactement à la production, de normes qui énoncent des règles juridiques ou posent les structures organiques de la société ». De fait, de nombreux questionnements de définition se posent autour de ce concept, et bien avant celle de ses constituants : linstitution doit-elle être appréhendée en termes de trajectoire ? Se définit-elle à partir des organisations ou du rapport à la société ? Doit-elle inclure le rapport à lEtat en tant quorganisation « contre-hégémonique » ? Ou doit-on la comprendre selon une ambivalence chevauchant entre « incorporation » et « désengagement » envers lEtat ?
En effet, les institutions peuvent se définir à partir des cadres qui renvoient aux formes sociales établies ou à des processus par lesquels la société sorganise. Cest un ordre supérieur aux individus et aux groupes, qui assure sa cohésion, réalise son intégration et fonde sa pérennité. De fait, une institution cest dabord des acteurs, des croyances, des stratégies dont il convient dappréhender le fonctionnement. Cette affirmation utilisée parfois à des fins de démonstration scientifique, mais surtout politique, en fait un concept idéologiquement, voire même normativement « chargé ». Les institutions internationales (bailleurs de fonds) ont accepté linstitution NEPAD, en raison de sa dimension économico-politique de « bon gouvernement », et les acteurs du programme africain y voient un lieu propice à la formation dun « contre-pouvoir régional ». A linverse, les critiques les plus incisives de cette « idéologie des institutions de gouvernement », considèrent ce programme comme le moyen dune domination dun genre nouveau.
Ces contradictions se retrouvent de manière identique dans les analyses « libérales » et « radicales» en matière de développement économique et social de lAfrique.
Linstitutionnalisation renvoie au processus de formation des institutions et apparaît donc centrale dans lanalyse néo-institutionnelle. Cette approche est opératoire et permet une lecture claire de linstitution tant elle vise à rendre compte de la transformation de forces sociales en formes sociales. Elle va sintéresser ici au rôle de lEtat et au processus démergence des institutions dans un contexte africain contemporain. Linstitutionnalisation fait porter lattention sur ce que lon institue par les actes, et donc à limplication des acteurs et à la saisie de leur jeu. Ce processus dépasse donc la vieille question de lindividu et de la société et celle, aussi classique, du rapport entre le social et lEtat.
Par institutionnalisation, il faut entendre dabord le processus démergence des institutions qui se manifeste dans son réajustement par une forme organisationnelle différenciée qui se construit et se structure dans lEtat autour de la société réceptrice et à travers un ensemble dattributs, de référents symboliques et des jeux politico-institutionnels qui lui donnent corps. En effet, la pratique de « développement institutionnel » est une affaire du jeu dacteurs et dinstitutions, cest-à-dire dinstances collectives politiques qui en portent le développement en le transformant en « politique publique ». Il sagit là de décrire la manière dont les élites africaines à travers le NEPAD entendent imprimer une nouvelle manière de concevoir laction publique. Elle est, enfin, une des modalités plus ou moins efficace de la transformation de lEtat puisque cest à travers les programmes de développement des institutions (plus ou moins aboutis) que se recomposent historiquement et sociologiquement lorganisation politico-administrative de lEtat et sa visibilité dans lopinion publique.
Cest dire que les institutions autant que linstitutionnalisation nont de sens que dans la mesure où elles représentent lexpression dun construit de la société dont lordonnancement est assuré par des acteurs porteurs dun « discours politique de nouvelles règles et méthodes » de changement social. De ce point de vue, le NEPAD peut apparaître à la fois comme une vision africaine de toutes les menaces que portent en elles les transformations du monde en même temps quil apparaît comme une réponse à un aspect particulier de la vie des hommes en société : le développement institutionnel de lAfrique.
En outre, il est également utile de circonscrire la notion de gouvernement qui revêt une forte charge normative et se prête à toutes sortes dusages et perd souvent toutes vertus analytiques, à en juger par son expansion méthodologique. Cest pourquoi nous la préférons à celle de lEtat, laquelle est rattachée à un nombre de référents symboliques qui ont une valeur de jugement social. Dans cette perspective, il semble pertinent dintroduire la notion de « gouvernement » comme aide à lanalyse en envisageant une lecture en termes dinstitutionnalisation et en sinscrivant volontiers dans lusage cohérent des tenants du néo-institutionnalisme. Nous choisissons de nous placer dans cette perspective qui éveille un sens de relativisme afin de revisiter et dexplorer les catégories et les concepts habituels privilégiés par la science politique sur le politique en Afrique pour « tenter de comprendre comment sont gouvernées les sociétés africaines contemporaines ». Et cest à cet exercice que lon sengage dès lors que le Gabon et le NEPAD pose la question densemble du gouvernement des sociétés africaines, phénomène essentiel pour comprendre les sociétés modernes et leurs actions qui sont idéalement fonction de lorganisation. Le parti pris théorique et méthodologique de lanalyse « conduit à installer la recherche empirique dans des sites dobservation susceptibles de fournir des informations nouvelles sur les dynamiques » de développement des institutions et de modernisation de lEtat en Afrique subsaharienne.
De nos jours, la notion de gouvernement prend davantage au sérieux celle dinstitution tout en sachant mesurer les effets sociaux. Elle fait appel à la pérennité des dispositifs, à limportance de la stabilité des structures sociales et politiques au sein des sociétés en développement. Au sens large, le gouvernement renvoie à lensemble du pouvoir politique qui régit un Etat.
Cependant, ce concept est dune polysémie que dans beaucoup de contextes, « il désigne particulièrement le pouvoir exécutif voire, dans les régimes à exécutif bicéphale, seulement lensemble des ministres collectivement responsables devant le parlement, par opposition au chef de lEtat ». Le gouvernement est lart de gouverner et ne peut se comprendre sans la gouvernance qui renvoie à « une relation de pouvoir, le gouvernement, cest lexercice opérationnel de ce pouvoir ». Et la gouvernabilité, cest la mesure de ce pouvoir sur les systèmes concernés. Aujourdhui on parle davantage de gouvernance plutôt que de gouvernement, parce que lart de gouverner a connu de profondes mutations caractérisées par des changements de procédures dans la manière de gérer les affaires publiques. Les termes de gouvernance et dinstitution sont aujourdhui indissociables dans le domaine du développement, où ils structurent les conceptions du cadre politique des sociétés et inspirent les projets de réforme de lEtat.
La gouvernance sentend comme « lexercice dune autorité politique, économique et administrative aux fins de gérer les affaires dun pays. Elle repose sur des mécanismes, des processus et des institutions qui permettent aux citoyens et aux groupes dintérêts de régler des litiges et davoir des droits et des obligations ». Si lon procède à une reconstitution de la généalogie de lorigine épistémologique et politique du terme de gouvernance, on constate quil recouvre plusieurs acceptions. Le concept de gouvernance tend à se généraliser dans la notion beaucoup plus large de développement.
En effet, la gouvernance nest pas une terminologie nouvelle, elle désigne la capacité à gérer efficacement toute forme dorganisations et dactivités. Cest un processus de décision politique qui implique la recherche du consentement nécessaire à une action collective au regard dintérêts particuliers. Ce terme recouvre aujourdhui des acceptions assez différentes relevant des logiques diverses. Elle est une norme plus technique que politique et sert à une volonté de banalisation du rôle de lEtat. Dautres, moins désireux damoindrir les capacités daction des pouvoirs publics, utilisent ce concept pour traiter de compétences ne relevant pas uniquement du domaine de lEtat tant au niveau local que supranational. La gouvernance nest ni un système de règles, ni une activité mais un processus qui nest pas fondé sur la domination mais sur laccommodement. Elle nest pas formalisée et repose sur des interactions continues.
Cest dire, au sens des institutions financières internationales, que la gouvernance est lensemble des traditions et institutions par lesquelles le pouvoir sexerce dans un pays avec pour seul objectif le bien-être de tous. Elle comprend tout dabord les procédés par lesquels les titulaires du pouvoir sont choisis, contrôlés et remplacés, ensuite la capacité du gouvernement à gérer efficacement les ressources et à appliquer des politiques solides ; et enfin, le respect des citoyens et de lEtat envers les institutions régissant les interactions économiques et sociales intervenant entre eux. Cette définition présente lavantage de substituer à la délicate question de la « réforme de lEtat » celle plus policée « daménagements institutionnels » et donc prend en compte le cadre légal du pouvoir, les politiques publiques et lacceptation des dispositifs de domination, cest-à-dire la gouvernementalité au sens de Foucault. Parler de gouvernance plutôt que de gouvernement, cest aussi une manière de faire passer une idéologie du moins dEtat, de lEtat minimal.
Lessence de la gouvernance est quelle privilégie des mécanismes de gouvernement qui nont pas besoin pour fonctionner, de lautorité et des sanctions de la puissance publique. La gouvernance part du principe quil est possible dagir sans sen remettre au pouvoir ou à lautorité de lEtat. Celui-ci a pour rôle dutiliser des techniques et des outils nouveaux pour orienter et guider laction collective. En revanche, la bonne gouvernance suppose le contrôle de la dépense publique à travers la régulation financière afin déviter des systèmes clientélistes et donc, empêche de favoriser les solidarités sociopolitiques (familiales ou amicales) entre les tenants du pouvoir politique. De ce point de vue, la bonne gouvernance est nécessaire à la mise en uvre de politiques « orientées vers le marché ».
La bonne gouvernance est un nouveau modèle de développement dont lélaboration sest faite au cours des années 1990, lorsque les politiques dajustement structurel sont apparues insuffisantes pour restaurer la croissance sur le continent africain. Dabord présentée dun point de vue techniciste par la Banque mondiale, comme une meilleure gestion des ressources budgétaires afin de relancer les réformes de la Fonction publique et de lappareil étatique, elle a trouvé une extension particulière dans la gouvernance démocratique. Cette dernière insiste sur limportance de la légitimité du gouvernement et de son ouverture sur la société civile, afin que les leaders politiques répondent mieux aux besoins et aux attentes des populations. De plus, vu la globalité des réformes proposées - réforme de la fonction publique, lutte contre la corruption, décentralisation, participation accrue, etc - elle révolutionne le domaine économique aux champs politique et institutionnel. Conçue comme instrument de développement, la bonne gouvernance comprend un service public efficace, un système judiciaire indépendant et une législation garantissant les transactions, une administration rendant des comptes de lutilisation des fonds publics ; des organes de contrôle élus, le respect des droits de la personne et de lEtat de droit à tous les niveaux de gouvernement ; la séparation des pouvoirs et la liberté de la presse. De ce fait, elle implique la manière par laquelle le pouvoir sexerce dans la gestion des ressources économiques et sociales dun pays dans le cadre du développement. La bonne gouvernance est synonyme dune gestion saine pour le développement et fait référence à « laction ou à la manière de gouverner et recouvre partiellement lidée de gouvernement ».
Le gouvernement invite les praticiens du développement, notamment les institutions bilatérales et multilatérales à ne plus focaliser leur attention sur les structures, mais aussi et surtout sur les jeux dacteurs sur les groupes dintérêts et sur leurs interactions. Réfléchir sur les problèmes de développement sous cet angle, cest rompre avec une approche purement institutionnelle de la gestion des affaires publiques et se donner les moyens de rendre compte des formes concrètes de lintervention des pouvoirs publics au quotidien. En outre, ces deux concepts opératoires (et leurs dérivés) qui dépendent de la problématique de l"institutionnalisation" sont indissociables des mots-clés de ce travail et dont il est tout aussi utile délucider les significations théoriques. Ces concepts fondamentaux sont « acteurs », « action publique », « champ politique », « développement », « Etat », « évaluation », « normes », « organisation internationale/partenariat », « travail politique ». Pour donner sommairement une idée de leur signification, il est possible de dire que :
- « acteurs » renvoie à lintérêt qui peut être accordé aux différentes stratégies des actions et réactions ainsi quà la marge de manuvre dans le jeu politique. Dans lintention théorique de Pierre Bourdieu, on peut dire que les acteurs désignent « un petit monde social relativement autonome à lintérieur du grand monde social ». Ils se caractérisent par leur autonomisation, notamment grâce à la soumission aux règles et lois de fonctionnement spécifique, par la mise en place de nouveaux cadres de pouvoir ainsi que par des stratégies historiquement situées. Ce qui est vrai pour le NEPAD, où il sagit dun microcosme à lintérieur duquel on retrouve des acteurs au sein du comité de direction. La mobilisation du concept dacteurs et leur position sociale, politique et professionnelle est digne dintérêt en ce quelle permet de comprendre lémergence du discours autour du NEPAD dans lappareil dEtat gabonais.
- « action publique » nous conduit à axer notre réflexion sur ce qui est fait, cest-à-dire sur les usages des politiques publiques dans un contexte national en interrogeant leur « mise en activité effective », ainsi quà lappropriation dont les actions sont lobjet par les décideurs politiques. Le discours du NEPAD est dabord celui dune action publique collective qui sera étudiée à partir de laction de la diplomatie gabonaise et de la manière dont ce pays participe à la conduite des politiques. Il sagit de « lensemble des politiques et décisions publiques des acteurs en interaction dans une société. Et on ne peut la réduire quà lensemble des modes dintervention de lautorité politique sur la société ».
- « champ politique » est « un lieu où sengendre, dans la concurrence entre les agents qui sy trouvent engagés des produits politiques, problèmes, programmes, analyses, commentaires, concepts, événements, entre lesquels les citoyens ordinaires, réduits au statut de consommateur, doivent choisir, avec des chances de malentendus dautant plus grands quils sont plus éloignés du lieu de production ». Le NEPAD fait référence à lévidence à un champ politique régional où les notions de « consommation/production » sont à lorigine de la compétition politique entre dirigeants et des critiques des plus incisives du peuple africain. Ce champ politique régional permet de comprendre un double processus : dune part, lintention théorique du NEPAD autour des « pays initiateurs » et « nations participantes » qui constituent le comité de mise en uvre (organe de direction) renvoie aux Etats « producteurs » et aux « Etats consommateurs » ; dautre part le NEPAD pose le problème de son appropriation par les populations africaines, renvoyant ainsi au caractère « top down » du processus, et donc à lexclusion et à la dépossession à lorigine de la coupure entre les leaders et la « société civile africaine ».
- « développement » affirme la volonté de sortir du sous-développement longtemps considéré comme une problématique essentielle dontologie spatiale. Le NEPAD est une tentative de réponse à cette réalité sociale dont les origines aussi loin que lon peut remonter lhistoire se résument à la mauvaise gouvernance des dirigeants africains. Cest dans ce sens que les économistes considèrent le développement comme le passage du stade statique de sous-développement ou de non-développement, vers un certain niveau beaucoup plus dynamique de croissance. Dans ce travail, notre conception nest pas focalisée sur les structures, on essaie de lire cette quête du développement autour des jeux dacteurs et leurs interactions. Appréhender les problèmes de développement dans cette perspective, cest rompre avec une tradition purement économique des affaires publiques et se donner les moyens de rendre compte des formes concrètes de lintervention quotidienne des autorités dirigeantes.
- « Etat » rappelle lexistence de quatre éléments essentiels : un territoire, une population, un pouvoir et un certain degré dinstitutionnalisation. Poser les problèmes de gouvernement autour du NEPAD, cest faire référence à lEtat dans son rapport à la société, en faisant passer une idéologie du « moins dEtat ou de lEtat minimal » dans ce que Philippe Braud appelle le « coup de force symbolique de la représentation » du peuple acté dans le cadre du 3 peer review3 avec la désignation des membres du panel des personnalités éminentes (PIPE), une sorte de « fondés de pouvoirs » selon l expression de Bourdieu représentant le peuple en matière d évaluation des politiques.
- « évaluation » précise cette orientation de surveillance adossée à des textes juridiques reconnus au niveau régional et international, soutenus et revendiqués par divers acteurs. Cest donc un processus de « critique de la société moderne au nom des idéaux que celle-ci sest donnée (
). Elle lui emprunte ses valeurs et lui reproche de les trahir ». Lévaluation revient ainsi à « surveiller et reprocher », voire même à « punir » selon la direction de Foucault. Le « peer review » du NEPAD est un système dévaluation entre les pairs africains dont il est important, pour le comprendre, daller au-delà de cette définition générale, en questionnant les conditions démergence de ces valeurs, normes et significations sociales formulées par les acteurs du NEPAD dans le contexte africain.
- « norme » se réfère aux contraintes et renvoie aux règles définies et communément partagées par les acteurs. Elles permettent de réguler la société pour atteindre des objectifs précis. Dans le cadre du NEPAD, lactivité dévaluation repose sur des indicateurs et des critères - de légitimation de laction des gouvernants - de gouvernance qui se rapportent aux performances de laction. Elles acquièrent une signification sociale dès lors quil est mis en place une sorte dagence de surveillance, avec des gardiens (experts) qui veillent à la stabilité des institutions.
- « organisation internationale/partenariat », ces deux notions sont étroitement liées en ce quelles renvoient aux interactions pouvant exister entre un groupe plus ou moins structuré et le monde extérieur. Les frontières sont tellement poreuses entre ce groupe en construction et lenvironnement extérieur quil est indispensable de comprendre lenjeu de sa configuration et les règles du jeu qui ne dépendent pas de lui. Dans lActeur et le Système, il apparaît selon ses auteurs quil existe sur lorganisation et lenvironnement, une certaine dépendance de lorganisation vis-à-vis de lenvironnement externe car elle y puise ses ressources et y place ses « produits ». Cest dire quune organisation internationale, en tant quinstitution agissant sur les processus, souligne lintérêt accordé aux groupes de tous genres, dont certains forment des coalitions dintérêt ou servent de ressources. Dans tous les cas, le moins quon puisse dire cest que toute organisation est dominée par un acteur central : lEtat en tant quentité géopolitique située et cadre effectif ou virtuel de lorganisation spatiale.
Le NEPAD, cest lillustration dune institution de mise en forme dun nouvel environnement interne. La coopération internationale avec lAfrique est, depuis quelques années, dominée par la politique du partenariat. Le partenariat est ainsi au cur des problématiques contemporaines des relations internationales à lère du phénomène de mondialisation. A travers la mobilisation de ce concept, on peut dire que le NEPAD est un fait international dont lintention théorique renouvelle et enrichit lanalyse internationale en combinant réalisme interétatique, flux transnationaux et normes éthiques, sur le plan pratique, véhicule toute une vision du monde et reconfigure le jeu de linfluence régionale. Ce jeu politique semble obéir aux directives de la communauté des bailleurs de fonds. Cest à ce titre quon peut affirmer que les institutions agissant probablement le plus dans les faits étudiés sont les organisations internationales qui véhiculent toute une vision du monde : « loccidentalisation de lordre politique mondial » selon lexpression de Bertrand Badie, cest-à-dire, une sorte d« africanisme » sous le modèle de « lorientalisme » dEdouard Saïd rappelant une réinvention de lAfrique par lOccident, à en juger par linnovation majeure du "peer review" qui emprunte largement au mécanisme de lOCDE. Par ailleurs, cette emprise des organisations internationales peut tout aussi se justifier par le fait que « être demandeur daide » selon Jacques Chirac, ancien président français, cest appartenir à la communauté des donneurs », cest-à-dire, internationale, une société qui a ses « valeurs, codes et réflexes » qui doivent être pris en compte par la société africaine réceptrice. Ce dautant plus que cest à travers ces différents éléments que sest construit lOccident qui a aussi connu des péripéties et qui invitent à lire la dynamique dans le cadre des trajectoires du politique. Le NEPAD est à ce titre, le canal de diffusion dun « mouvement général vers la civilisation » quévoquait Norbert Elias. Ce dautant plus que le design de la mondialisation exige un ajustement aux nouvelles donnes de ce que Zaki Laïdi nomme le « temps mondial » : conditionnalité économique et démocratique, bonne gouvernance, économie de marché, etc.
- « travail politique » est inséparable de la culture du résultat dans un Etat gouverné. Il suppose donc laboutissement des politiques publiques et ne saurait être compatible avec lexpression permanente dincantations exaltées qui cache la souffrance des mécanismes. Le travail politique repose sur un projet conscient et pensé et dont la mise en uvre effective ne peut être le fait de limprovisation, du tâtonnement ou du bricolage qui ne peut rendre lisible et claire la lecture de laction publique. Cest donc le fait dagir avec un résultat. Ce qui renvoie donc à ce quon peut appeler le « gouvernement au concret » : action gouvernementale pensée qui apporte une réponse appropriée pour la résolution des problèmes de la population. Dans le cadre de ce travail, cette expression est préférable dans le cadre de la mise en uvre effective des ambitions politiques à celle de « volonté politique » qui au contraire tend à masquer lincapacité des dirigeants africains à prendre des décisions en raison dune faiblesse des dispositifs.
C. Le "peer review" et le contournement du débat autour du suffrage universel
En un peu plus dune décennie, le continent africain a connu une mutation qui a permis de sortir ces pays des régimes à parti unique en les engageant dans un processus de retour vers des régimes ouverts à la démocratie ou à ce qui peut y ressembler. Limpératif démocratique, avec ses défis et enjeux, a suscité lespoir de nombreux peuples qui voyaient en la démocratie lexpression du bon gouvernement. Cet idéal avait un sens parce quil permettait de convertir certaines autocraties africaines en un espace public fondé sur le débat pluraliste, sur les institutions garantissant le succès de ce débat dans le jeu des pouvoirs et de contre-pouvoirs. Il sagit également de doter les Etats africains dune technique de décision bâtie sur la rationalité qui cherche les solutions les plus cohérentes aux problèmes des populations comme dans tout Etat qui gouverne, mieux sur léthique dune responsabilité collective dans la quête de la justice sociale et du bien-être du plus grand nombre pour lefficacité des choix politiques, économiques, sociaux et culturels.
Dans un Etat gouverné, la démocratie ne se résume pas à rendre les pays démocratiques, mais il faut aussi les rendre vivables puisquil sagit de concevoir autrement la capacité à gouverner la société. Pour cela, il revient aux gouvernants de modifier leurs pratiques gouvernementales et de changer les usages afin de viser lefficacité économique, car le sous-développement est en grande partie lune des conséquences de la mauvaise gouvernance. Dans ce cadre, les élections pluralistes ont tout leur sens pour apprécier les pratiques politiques des gouvernants. Elles confèrent la légitimité à ceux qui gouvernent et leur donnent la capacité, la force et lautorité de mieux administrer les populations. Aujourdhui, le glissement vers le nouveau mode de légitimité issue du "peer review" du NEPAD à travers lexpertise technocratique et non populaire dans lévaluation des actions gouvernementales, est révélateur dun « ordre politique de sociétés en mutation » et incite à penser que le suffrage universel est à nouveau contourné par des formes africaines de gouvernement.
Cest dire que notre critique sur le NEPAD sadresse, non seulement aux modalités de sa mise en uvre mais également aux défauts fondamentaux de cette nouvelle "machine de légitimation" dont lefficacité et leffectivité restent encore limitées en raison dune part, du caractère volontaire (seuls sont soumis à lévaluation les Etats ayant donné leur accord) et de labsence des sanctions concrètes à même de déclarer inéligibles à lexercice des Etats « mal gouvernés » même sil est prévu la relative pression par les pairs (peer pressure) et dautre part, du renoncement à faire évaluer les politiques par les électeurs : évaluation bureaucratique et technocratique. Evaluer revient ainsi à « reprocher », au besoin à sanctionner en cas dinsuffisances constatées. Ce mécanisme dévaluation a une charge symbolique par principe mais élague ou se substitue à la souffrance du processus de démocratisation au fonctionnement en « dents de scie ». Et pourtant, il résulte incontestablement que la légitimité politique vient des urnes parce quelle sacquiert par les élections. Autrement dit, la démocratie renvoie à lélection même si elle ne suffit pas à elle seule, à rendre compte de la légitimité. On ne peut être gouvernant dun Etat sans affronter le suffrage universel. Cette exigence relève de lordre de la responsabilité, de la morale et du courage politiques.
Le soutien du peuple est le seul gage qui permette de diriger efficacement un pays. Lorsquil y a expression dune opinion publique, naît un désir dêtre un vrai gouvernant parce que la majorité du peuple qui adhère au discours assure la caution morale. Or lorsquon examine le NEPAD et son "peer review" dans leurs principes dorganisation et dordonnancement, il ressort que la question des élections pluralistes (qui permet au peuple de sexprimer) pour lévaluation des dirigeants est élaguée ou contournée au détriment dune légitimité bureaucratique (mode dévaluation technocratique) assurée par lexpertise des seuls dirigeants africains et de leurs collaborateurs. En renonçant à faire évaluer les politiques par les électeurs, le continent africain ouvre une nouvelle page de son histoire en faisant preuve dun aveu déchec de la démocratisation.
En effet, en instituant ce programme, les dirigeants africains renoncent à la légitimité démocratique en la remplaçant par un nouveau modèle de légitimité qui nengage en rien le peuple qui les a choisis. Lessentiel est de se demander si ce contournement de la légitimité issue des élections peut permettre laboutissement à des politiques publiques véritables et cohérentes. Il y a deux enjeux principaux. Au niveau interne, on assiste à une évaluation par les techniciens de la gouvernance extérieure et non pas par les électeurs (le peuple). Au niveau externe, lévaluation revêt dans ses principes une dimension symbolique "bénéfique" confortant des héritages, traditions et cultures différents. Le continent africain veut montrer à la communauté internationale sa capacité à se gouverner, à construire sa propre modernité et à trouver les voies de sa modernisation. Cest ce qui justifie, quaujourdhui certains Etats africains sont pratiquement sous tutelle des organisations internationales. Les potentiels candidats aux plus hautes responsabilités passent tous par la « case des bailleurs de fonds », dont ils doivent sassurer le soutien ou la neutralité. Cest ce qui fait dire au Président malien Amadou Toumani Touré lorsquil affirme avoir : « découvert beaucoup dinjustices dans les relations économiques internationales » et éprouve non pas de la « honte » mais une « gêne » face à cette dépendance.
En effet, la plupart des experts africains de lévaluation de la gouvernance désignés par les acteurs du NEPAD, sont même directement issus des rangs des institutions financières internationales ou des Nations unies. La légitimité et la représentativité des élites procèdent alors moins de la population que des organismes internationaux. Lors dun débat au Parlement gabonais, la majorité présidentielle a ainsi pu faire taire les critiques incisives de lopposition par une simple phrase : « Les bailleurs de fonds sont daccord avec la politique du gouvernement ». Ce qui illustre parfaitement la connivence des élites et des économistes dominants : les dirigeants africains réclamaient le respect des règles de libre-échange, mais pas la remise en question dun jeu mondial pipé par la violence des rapports de force Nord-Sud.
II. LANALYSE DE LOBJET : THEORIES ET DEMARCHES
Lobjet de recherche de notre étude privilégie lanalyse néo-institutionnelle mais se place au niveau intermédiaire dun champ politique régional prenant appui sur un cas national. Il ne sagit donc pas ici, de dégager des variables structurelles, moins encore des logiques individuelles, mais des logiques médianes des acteurs autour du fonctionnement du NEPAD et donc dun champ politique régional. Ce faisant, grâce à une observation empirique des faits à étudier, notre intérêt privilégie « les variables politiques du politique », dont il est possible dopérer une classification, à partir du modèle de Bertrand Badie et Guy Hermet, en trois séquences : le temps mondial, les institutions fondatrices et laction politique. Lobservation de larticulation des deux autres variables politiques, les institutions et laction politique permet, dappréhender les conditions démergence du NEPAD ainsi que les modes daction des acteurs. Cette articulation sera envisagée à partir dune approche en termes de trajectoire, cest-à-dire dhistoricité et donc de néo-institutionnalisme ainsi que des relations internationales.
Etat de la recherche et Problématique
Majoritairement composés darticles, les premiers écrits sur le NEPAD apparaissent de façon sporadique et intéressent la plupart des spécialistes de létude du politique. Le premier ouvrage intitulé le NEPAD et les enjeux du développement en Afrique publié sous la direction des universitaires africains Moustapha Kassé et Hakim Ben Hammouda va paraître à la suite dune série darticles de plusieurs organismes de recherche, notamment de lInstitut Sud-africain des Affaires Internationales (SAIIA).
En effet, plusieurs auteurs se sont prononcés sur le cadre dapplication du NEPAD, en critiquant ou en approuvant le programme, notamment sur la question de lappropriation de lagenda du développement autour de linitiative, ainsi que des risques, défis et enjeux. Certaines tendances se dégagent chez plusieurs auteurs allant des libéraux aux plus radicaux et permet dappréhender la diversité des positions sur la capacité du NEPAD à impulser une dynamique de développement. La parution de cet ouvrage après la naissance du NEPAD, préfigure une floraison de la production livresque qui prend au fil du temps de la consistance. Le Mécanisme africain dévaluation par les Pairs : leçons à tirer des pionniers (The African Peer Review Mechanism: Lessons from the Pioneers) de Herbert Ross et Steven Gruzd est la première étude approfondie sur le MAEP. Elle examine ses défis pratiques, théoriques et diplomatiques. Les difficultés rencontrées par la société civile pour faire entendre sa voix ont été illustrées dans des études de cas au Ghana, au Kenya, au Rwanda, à lIle Maurice et en Afrique du Sud.
Cette étude importante traite en profondeur du MAEP, grâce à une analyse critique de de lévolution du processus dexamen par les pairs dans les cinq premiers pays évalués, notamment en matière des règles du MAEP et lévaluation de la politique et de la dynamique sociale. Il sagit dune recherche de près de cinq ans qui sappuie sur des entretiens approfondis de lensemble des acteurs du continent, et propose une infinité de possibilités susceptibles de renforcer le processus et dapprofondir la participation de la population par lintégration de la société civile. Cette production comprend les rapports dévaluation des pays, des instruments denquête, des articles universitaires, des témoignages et une vision de la gestion des codes et des normes adoptées par le MAEP. Cest dire que le SAIIA » a suivi de près le Mécanisme africain dévaluation par les pairs ». Cet outil est une approche novatrice à lamélioration de la gouvernance en Afrique et offre dimportantes possibilités de dialogue public, mais se révèle politiquement et logistiquement difficile selon les propos dAlex Vines, chef de Chatham House Program de lAfrique.
Aujourdhui, le Mécanisme africain dévaluation par les pairs (MAEP) apparaît à un moment critique de lhistoire de la gouvernance en Afrique. Pour Grant Masterson, ce nest que grâce à une meilleure analyse et à lengagement dune multitude de parties prenantes que ce mécanisme peut aller de lavant. Dans le prolongement des analyses sur le MAEP, une autre étude à limage de celle dHerbert Ross et Steven Gruzd insiste sur les lacunes du MAEP tout en offrant des suggestions qui rendraient opérationnel le processus afin de permettre au Secrétariat du MAEP de disposer de la capacité nécessaire pour répondre aux suggestions faites en termes de réformes. Dans la même perspective, Brendan Boyle a insisté également sur les lacunes du 3 peer review3 , identifiables par le rejet de l Afrique du Sud, pays promoteur censé être le modèle et dont le système a été en grande partie l Suvre du Président Thabo Mbeki.
Ce pays a rejeté un rapport accablant des experts du Mécanisme d évaluation par les pairs. Conduit par lexpert Adebayo Adedeji, le rapport a déclaré dans le Sunday Times quen dépit du fait que lEtat sud-africain a fait dimportants progrès depuis la fin de lapartheid, ce pays semble avoir échoué sur de nombreux dossiers, notamment en matière de sécurité de ses enfants, de menaces à la stabilité, allant de la criminalité violente au chômage, des conséquences involontaires du « Black Economic Empowerment » et de lécart entre les revenus des riches et des pauvres. Pour cet auteur, le comportement du gouvernement sud-africain dans le processus dexamen par les pairs a profondément atteint la réputation de la nation et du MAEP. Alison Tilley, qui a également contribué à lexamen, a suivi la direction de Boyle en affirmant que lAfrique du Sud ne sert plus dexemple au reste des pays africains. En rejetant ce rapport dexamen, dautres Etats-parties au MAEP auront la possibilité de dénoncer les conclusions négatives de leurs rapports.
Au-delà de ces productions, peu douvrages ont été publiés sur le NEPAD. Cela est dautant plus vérifiable dans la quantité des travaux que nous avons pu lire. Ils sont composés essentiellement dune série darticles. On peut constater quaucun de ces écrits ne traite de façon interactive du Gabon et du NEPAD si ce nest Marc-Louis Ropivia qui aborde les problèmes du sous-développement et de développement du Gabon à partir du cadre plus global de lAfrique. Cest pourquoi, pour comprendre le Gabon et le NEPAD, nous avons eu recours à plusieurs travaux spécifiques qui offrent de vastes enquêtes sur le Gabon en matière politique, économique, culturel et sur son histoire sociale, fournissant ainsi des informations cruciales sur les acteurs, les événements, et les institutions.
En effet, le NEPAD et son approche du développement en Afrique en général et au Gabon en particulier demeurent encore méconnus malgré son élaboration depuis quelques années et limportance que lui accordent ses initiateurs et le dynamisme de ses ambitions. Le choix de ce thème se justifie par son originalité car aucune étude mettant en interaction le Gabon et le NEPAD nest disponible. De ce fait, cette étude a lavantage de recourir à un arrière-plan historique global.
Il faut remonter le temps pour saisir la trajectoire historique des dynamiques qui structurent la vie politique africaine et qui ont donné naissance au NEPAD. Cette recherche a pour ambition de contribuer à mieux comprendre les mécanismes dinstitutionnalisation politique en cours en Afrique, et leur formulation et articulation dans le champ sociopolitique. Cest dire que la faiblesse des Etats dans le processus historique de construction institutionnelle des politiques de développement a largement forgé notre vocation au point daccroître notre passion pour les problèmes de gouvernement en Afrique et au Gabon. Depuis les années soixante, linstitutionnalisation de lEtat assimilée parfois à une catégorie sociale de production de la « modernisation du gouvernement et du développement des institutions » dans le contexte africain post-indépendance est devenue un thème central des agendas gouvernementaux. Elle constitue un attribut constant du discours des hommes politiques et des programmes daction publique de gouvernement. Elle est aussi une figure fréquemment endossée par des hauts fonctionnaires, des élites politiques et intellectuelles qui appellent à la refondation en proposant des diagnostics et des solutions. Cette construction institutionnelle a bénéficié, enfin, dune attention universitaire externe particulièrement soutenue qui en fait une catégorie du sens commun voué à léchec ou à linadaptation autant quune catégorie de laction publique. A limage des écrits sur lEtat en Afrique, les discours et pratiques sur la formulation et larticulation des politiques de développement des institutions depuis léchec des politiques dajustement structurel, par-delà les nombreuses représentations de lEtat quils véhiculent, constituent une trace importante, à analyser, de certaines transformations contemporaines de lactivité gouvernementale et de lEtat.
Désormais, le NEPAD - en tant que lieu de production des normes consommées par les Etats - représente une auto-institution de la société africaine sans se fonder sur un ordre donné, mais selon un modèle que les dirigeants africains ont défini. Cest donc la société africaine elle-même, issue du contrat entre les acteurs étatiques qui fonde la légitimité. Cest ainsi que la recherche du « bon gouvernement » sarticule aujourdhui autour du 3 peer review3 du NEPAD devenu nouvelle « machine de légitimation ». Ce mécanisme est, toutes proportions gardées, une alternative à l impossibilité de la démocratie et au processus de démocratisation qui ne marche pas dans les sociétés africaines et qui suscite aujourdhui un nouveau mode de légitimité des gouvernants. Cela suppose que les politiques des Etats vont être soumises au contrôle par des « collègues Présidents » grâce à des consultations régulières des politiques publiques densemble.
Envisagée comme un discours offensif pour le positionnement au sein de la société internationale, la question du gouvernement des sociétés africaines est devenue un enjeu dans de nombreux Etats africains dans le champ politique africain, sans que cela ne permette de déduire à un effet de mode politique et homogène. Dans une lecture politiste du NEPAD, la question densemble dans ce travail est de se demander à quoi peut servir ce nouveau programme africain au Gabon dans un contexte de changement politique régional ? Autrement dit, est-il utile denvisager le développement à venir du Gabon au XXIème autour du NEPAD lorsquon sait que tous les projets développementalistes africains initiés antérieurement nont pas permis de rendre possible toute perspective de développement national dans ce pays, pas plus que les programmes des institutions financières internationales ? Le NEPAD au Gabon ne serait-il pas finalement une initiative démesurément ambitieuse dont le rapport à lexistence dune dynamique véritable peut paraître évanescent si lon en juge par la carence des moyens pratiques de mise en uvre des discours politiques ?
Partant de ces questions initiales qui se posent en véritables dilemmes pour les acteurs gabonais et du NEPAD et qui en appellent à un travail politique et à un changement de comportement, deux voies de recherche sont possibles. La première sintéresse aux acteurs, à leurs usages et pratiques qui sont faits du gouvernement dans un contexte national propre au Gabon. Pour stimuler le développement, tout changement politique nécessite une évolution véritable du comportement des acteurs et des peuples et ne peut être rendu possible que par un réel travail politique des gouvernants et non par une suite dincantations exaltées. La seconde conduit à se demander si létude du NEPAD dans le cas gabonais, à la fois objet politique, outil de légitimation et de discours public des acteurs permet délucider la compréhension des mécanismes dinteraction entre gouvernants et gouvernés. Cest à ce niveau quont peut suivre volontiers la direction de R. Dahl avec la question : qui gouverne la société gabonaise et le NEPAD ?
Les questionnements subsidiaires suivants permettent de discuter du cadre sociopolitique gabonais et de chercher à établir dans quel contexte social et politique sest construite lévolution historique du Gabon et du NEPAD ? Quen est-il des origines intellectuelles et idéologiques de ce programme et comment sest-il progressivement imposé comme un nouvel espace géopolitique institutionnalisé des relations internationales en Afrique ? Quels contenus et quelles formes institutionnelles successifs cette organisation continentale a-t-elle revêtus ?
Dans ce cadre, si au sens de Foucault, « les institutions rappellent la pérennité des dispositifs », et non leur souffrance comme il est légion au Gabon, nous partons de deux hypothèses fondamentales.
Premièrement, ce partenariat nest quune occasion qui permet au Gabon de répondre à des injonctions parce que les institutions qui agissent le plus dans lobservation des faits à étudier sont les organisations internationales et les partenaires au développement. Le développement du Gabon ne se fera pas autour du NEPAD pour la simple raison que les dirigeants de ce pays manquent de vision objective de lEtat. Ils ne peuvent produire une modernité propre avec une élite au pouvoir inscrite dans un schéma curial et une logique machiavélienne de durée, dont le résultat est la régression de la société gabonaise et la continuité du système. Lentrée du Gabon au sein du NEPAD est liée à une stratégie de ruse et desquive qui consiste à faire passer ce pays pour un modèle dapplication des prescriptions de bonne gouvernance. Cette stratégie cache en arrière fond des intérêts liés à la captation de laide publique au développement (APD) et à des avantages symboliques relatifs à la reconfiguration géopolitique de lautorité et du pouvoir au plan sous-régional et régional. De ces points de vue, nous affirmons que le NEPAD nest pas un programme puissant de transformation sociopolitique de lEtat au Gabon, où les acteurs décisionnels sont en panne didées et de projet politique sérieux susceptibles de leur permettre dagir avec des résultats concrets. En cela ce programme ne peut pas favoriser laboutissement de laction publique au Gabon ni participer ou contribuer à la transformation des conditions de vie et à la modification de limaginaire gouvernemental et sociopolitique gabonais.
Deuxièmement, il y a lieu daffirmer également que lexercice dévaluation qui sinspire largement du système des organisations internationales ne peut constituer un outil efficace contraignant susceptible de déclarer inéligible à lexercice des Etats-parties au NEPAD qui ne respecteraient pas les normes de bonne gouvernance et de démocratie. Le développement du Gabon et du continent ce nest pas la réduplication de lordre politique mondial, ni un partenariat de dupes, mais doit avoir pour acteurs une nouvelle élite politique capable de réaliser des projets à partir des soutiens extérieurs sans pour autant nier sa capacité à produire sa propre modernité. Le "peer review" regorge de défauts fondamentaux : le caractère volontaire de la soumission des Etats et labsence des sanctions. A travers ces deux paradoxes, les gouvernants africains sont à labri de toute crainte de destitution ou de remise en question de leur pouvoir, et ils peuvent pour certains user de leur « rente charismatique » pour falsifier ou modifier les rapports dévaluation. Ce nest donc pas une véritable machine de légitimation.
Pour parvenir à vérifier ces hypothèses, notre démarche consiste à axer notre travail sur les acteurs gabonais et externes du NEPAD, qui nous servent de points dobservation des discours nationaux et internationaux sur ce programme, en tenant compte de larticulation des dynamiques internes et externes des faits à étudier. Doù lintérêt de porter un regard sur les acteurs gabonais qui participent au processus, ainsi que sur les stratégies de positionnement de la diplomatie gabonaise dont le contenu peut expliquer les tentatives dambition modernisatrice au niveau national.
Apprécier les conditions démergence dune nouvelle configuration de laction collective régionale autour du NEPAD, et les comprendre à partir des usages dans un pays africain mal gouverné comme le Gabon, revient alors à rendre la manière de gouverner un statut de débat et non un critère de classement des performances. Ce qui commande dobserver la manière avec laquelle lEtat gabonais à travers ses acteurs défendant parfois des intérêts personnels, a malicieusement anticipé son entrée dans la dynamique du NEPAD en tentant de passer pour un modèle dapplication des politiques de « bon gouvernement ». Lobjectif est de comprendre la manière avec laquelle sest construit le processus dinstitutionnalisation du NEPAD autour déléments idéologique, intellectuel et symbolique. Ce recours au processus de construction institutionnelle permet de repérer les acteurs qui ont successivement porté le NEPAD et de comprendre les contenus et les expertises qui lon alimenté.
Tout aussi utile est de chercher à établir que le renoncement de lévaluation des politiques par les électeurs est un contournement par les dirigeants de la légitimité démocratique par la légitimité technocratique, et doù l idée des acteurs à travers la légitimité experte d ériger le mécanisme africain d évaluation des pairs en une véritable « machine de légitimation ». Bien qu on note que l effectivité du 3 peer review3 est limitée par l absence concrète des sanctions et le caractère volontaire des Etats soumis au dispositif dévaluation. On sintéresse également aux moyens pratiques mis en uvre pour que les politiques de développement des institutions initiées par ce programme africain sinsèrent dans le dispositif étatique des Etats-parties, le cas du Gabon. Par ailleurs, il est utile dexpliciter le positionnement la diplomatie gabonaise et la manière dont se conçoivent le développement institutionnel et son agencement au creuset dinterdépendances entre les Etats et instances politiques qui composent une même région, à lexemple de lAfrique centrale.
Lintérêt principal de ce sujet est de tenter de comprendre la manière avec laquelle lEtat gabonais est arrivé à entrer et à sinsérer dans le programme du NEPAD. Il revient donc à démontrer comment tant dacteurs de la communauté continentale ont réussi à façonner le processus du NEPAD. Doù la nécessité de décrire le fonctionnement en réseaux dacteurs qui participent à lélaboration des décisions publiques et dappréhender ces systèmes dacteurs, cest-à-dire, de rendre compte des acteurs gabonais ou étrangers avec lesquels discutent le Président gabonais et ses collaborateurs. Ce qui nous conduit, par la suite, à voir si les dirigeants politiques ont un réel contrôle sur le processus décisionnel et comment ils procèdent à la direction de lappareil étatique. Cest ce qui permet de dire comment les projets de développement (aboutis ou non) sont reçus, perçus et mis en uvre par les gouvernants. Puis il revient de rendre compte des modalités et des conditions à travers lesquelles se déploie la pratique gouvernementale. Ce dautant plus quaujourdhui, la forme spécifique de tout pouvoir qui a pour interlocuteur principal la population et pour instrument de régulation et de légitimation des institutions consiste à "gouverner" et à la manière de déployer son autorité sur une population. En effet, les institutions remplissent fondamentalement deux fonctions : la régulation et la légitimation. Elles émettent des discours de légitimation au peuple pour quil adhère à la croyance.
Cest fort de tous ces problèmes de gouvernement africain quil faut situer la pertinence dune étude sur le Gabon et le NEPAD. Ce programme est une alternative à limpossibilité démocratique et à la souffrance du développement au plan politique, économique et culturel, mieux à limpossibilité de la démocratisation. En proposant cette initiative, le NEPAD touche de près ou de loin les problèmes de gouvernement africain qui affectent le développement des institutions. Il remet en cause lune des doctrines et des pratiques longtemps considérées comme condition de succès des politiques publiques, à savoir, le recours à lassistance technique comme fondement du développement. Et cest en cela que se justifient également le choix et lintérêt de ce sujet.
Par ailleurs, lintérêt scientifique de ce travail est de montrer que limage du Gabon est très particulière : il y a le « devant et le derrière » ou le visible et linvisible, le « dedans et le dehors », le « haut et le bas ». Ce pays mal gouverné comporte un espace éclairé, celui de lofficialité, de la visibilité et un espace caché, celui de lombre, et de linvisible et du « non-dit ». Cest à ce dernier espace quon sintéresse ici, la problématique de linstitutionnalisation nécessite douvrir la « boîte noire » et de pénétrer dans lintériorité des mécanismes pour rendre compte de la complexité et de la particularité du politique. Car, si lEtat en Afrique a longtemps été perçu comme le lieu de la « pagaille », cest parce que le regard porté sur lui se concentre sur le côté jardin, en référence à la tradition wébérienne légale-rationnelle ou rationnelle-bureaucratique occidentale. Lobservation du côté cour, conduit avec prudence de poser linterrogation suivante : le Gabon, cest qui ? Ceci revient donc à questionner la dimension sacrée de son pouvoir politique et lincertitude sur la nature réelle de ceux qui dirigent ou qui prétendent gouverner la société gabonaise.
Lobjectif de ce travail est de montrer que la participation gabonaise au NEPAD est un élément qui témoigne dun travail de fabrication dune certaine image positive du Président gabonais et du « bon gouvernement ». Lengagement gabonais au NEPAD nobéit pas à un travail politique de construction de la gouvernance par les élites mais renvoie à une adhésion conforme aux attentes externes. Et doù toute la construction spécifique de lautorité par le pouvoir politique face aux enjeux de puissance, et qui se lit dans le cas gabonais à partir de la question de lautoritarisme.
B. Les perspectives théoriques
Le sociologue Pierre Bourdieu considérait que la connaissance dun objet nécessite une recherche préalable sur les conditions de production de cette connaissance. Dans cette perspective, lanalyse des dynamiques qui structurent la vie politique africaine dans ce contexte contemporain doit être précédée dune exploration sur les débats dapproches et de méthodes. Sur le plan méthodologique, la question du choix paradigmatique est essentielle pour tout chercheur en science politique mû par la volonté de restituer le réel, cest-à-dire, « ce qui est et qui ne se donne pas toujours voir à lévidence ou immédiatement » à partir des trajectoires et des dynamiques internes. Cette manière daborder la problématique de ce travail nous paraît pertinente à plus dun titre pour les terrains africains où les institutions ne se prêtent pas à lobservation mais doivent être recherchées au sein des mécanismes des appareils dEtat. Et le NEPAD invite à éveiller une posture nuancée qui doit nécessiter louverture de la « boîte noire » pour saisir à travers la déduction les logiques profondes des transformations sociales en cours en Afrique. Cest dans ce cadre quil nous semble pertinent et stratégique de se placer selon une conception dépendante de la problématique de l"institutionnalisation", qui nest certes pas la seule possibilité, mais qui connaît tout au moins un succès remarquable dans la science politique contemporaine. A ce niveau, il est utile de saisir la logique profonde du paradigme néo-institutionnel pour distinguer de celui-ci les intentions théoriques dautres approches concurrentes.
En effet, ce travail se situe au confluent de plusieurs champs disciplinaires, allant des relations internationales ou de la géopolitique, en passant par léconomie internationale ou en développement à la sociologie politique ou à la science politique. Cette étude peut être abordée selon différentes approches en dépit du choix porté aux courants théoriques dits du néo-institutionnalisme. Nous en retenons quelques-unes pour expliciter succinctement leur intentionnalité théorique autour du politique en Afrique. Il sagit de présenter ces différentes démarches, dire ce quelles sont, pourquoi est-il possible de traiter le sujet dans ces perspectives, comment nous mettons la thèse en relation avec ces cadres théoriques. Il faut donc les expliciter et de dire comment ces choix peuvent se combiner puis enfin adopter une posture et faire un choix et se placer dans la perspective théorique qui nous parait la mieux adaptée.
Il convient de préciser que le sujet choisi, le Gabon et le NEPAD, nous autorise à envisager lapproche en termes dinstitutionnalisation plutôt que "développementaliste" avec Almond et Coleman ou Apter, "post-développementalisme" (au sens de Gazibo à travers lanalyse des systèmes politiques africains par le prisme de la démocratisation ou du néo-patrimonialisme inspiré de la tradition du patrimonialisme wébérien) ou de l"Etat en Afrique" de J-F. Bayart ou du prisme du "néo-patrimonialisme" de J-F. Médard puisquil sagit du gouvernement des sociétés africaines. Mieux, la question du gouvernement conduit à des analyses sur le double échec constaté dans la construction des Etats modernes et la réalisation du développement. La conception théorique du gouvernement nest pas abordée ici en rapport avec celles des élites qui postule que les gouvernants renvoient à une minorité dindividus organisés qui dirige la majorité en remplissant toutes les fonctions politiques, en monopolisant le pouvoir et en bénéficiant de tous les avantages qui sy rattachent. Cette posture sinscrit dans la vision de Bourdieu sur le champ politique. Il distingue autour des notions de « production » et de « consommation » une lutte entre les différents agents qui sy trouvent engagés pour lobtention des avantages liés à leurs actions et stratégies. A partir de cette approche, On peut sautoriser à distinguer dans le cadre du NEPAD des Etats « producteurs » (pays initiateurs) et des Etats « consommateurs » (nations dites participantes) qui tous sont engagés dans des stratégies dacteurs en vue de compter parmi les « grands Etats africains ». En assimilant le NEPAD comme une « boîte noire » qui ressemble à un iceberg, ces approches ne permettent pas véritablement de simmerger pour déceler la face cachée de linstitution. De ce point de vue, elles présentent un désavantage pour le chercheur du fait quelles ne peuvent pas favoriser chez ce dernier la possibilité de cristalliser la compréhension des mécanismes à partir des « dynamiques du dedans » évoquées par Georges Balandier. Les dynamiques « du dehors » ne peuvent suffire à elles seules à rendre compte du politique en Afrique. Généralement, les « publicitaires » de ces approches nient lexistence des institutions en Afrique ou tout au moins la capacité des populations africaines à les produire. Ces écrits normativement chargés, le moins quon puisse dire, ne se sont intéressés quà ce qui pouvait relever de lévidence, de laspect formel et donc de linduction ou de lintuition. Cest là une limite importante qui prive les auteurs à lire ce qui relève de linformel, domaine tout aussi pourvu de sens.
Le NEPAD est aussi et avant tout une manière de répondre à léchec des politiques dajustement structurel et au concept dappropriation de réformes proposé par les institutions de la communauté internationale accusées dimposer un ajustement par le "haut" largement inspiré par lextérieur. De fait cette étude peut sinscrire dans la pensée économique de lorthodoxie néoclassique chez « les structuralistes et les éclectiques » qui « admettent limportance des caractéristiques structurelles et institutionnelles des sociétés dans la réussite des politiques de développement économique et social ». Les critiques sur lajustement se rapportent au courant structuraliste et de linstitutionnalisme dont les approches privilégient les règles du jeu social et politique ainsi que les institutions. Lajustement des discours sur la réalité des politiques nationales est fondamentalement le rôle du NEPAD, qui sinspire en partie du concept dappropriation des réformes, selon lequel les pays « doivent fixer eux-mêmes leurs priorités et définir leurs programmes par le biais de processus participatifs, avec la pleine participation de la communauté internationale ».
Par ailleurs, ce programme est un schéma hémisphérique reposant sur une approche planifiée de la promotion du développement autocentré dans les pays en voie de développement. Confronté au défi du développement et enserré dans la mondialisation, le continent africain essaie depuis le début du millénaire de trouver de nouvelles réponses. LAfrique tente de sorganiser autrement en couplant à la démocratisation des initiatives dintégration continentale avec la création sur le modèle européen de lUnion Africaine (UA) et ladoption du NEPAD. On peut ainsi lire cette transformation à partir de lapproche réaliste des relations internationales. Cette approche reste centrale en relations internationales. Les postulats fondateurs de lécole classique accordent un intérêt à la suprématie de lEtat. Pour leurs auteurs, tout est politique et lintervention de lEtat permet dobjectiver les multiples demandes du corps social. Dans le cadre de cette recherche, ce paradigme est limité du fait quil délaisse le caractère inter-étatique du NEPAD. Cette limite est dautant plus justifiée que lapproche transnationaliste dont le mérite est de faire ressortir le rôle de nouveaux acteurs dits non-étatiques, permet de dépasser la notion dEtat en postulant la force des acteurs internationaux qui transpercent par les flux transnationaux le territoire. La réflexion sur le développement se caractérise par lémergence de nouveaux principes, notamment les modes de coordination qui rendent possible laction publique grâce à lémergence dun agenda politique et dun espace de représentation communautaire.
En effet, dans la perspective du "nouveau" régionalisme et de lintégration des pays du "Sud" dans léconomie mondiale, il est admis que « la montée des interdépendances sy traduit par des formes dintégration qui ne se réduisent plus à des schémas purement institutionnels, la souveraineté territoriale ayant cédé la place à des formes de régionalismes qui sorganisent par-delà les frontières, sans supranationalité ni territorialisation précise ». Désormais, « les interdépendances se redéfinissent par-delà les frontières politiques, faisant fi de la disparité des régimes et des écarts de développement ; une nouvelle géopolitique se fait jour (
).
Pour les Etats du Sud, leur capacité à sinsérer dans léconomie mondiale à travers les grands réseaux régionaux semble désormais conditionner pour une très large part leurs perspectives de développement ». Le territoire est transpercé par des flux transnationaux de toute nature qui déstructurent lordre national. En ce nouveau millénaire, « la réflexion sur le développement se caractérise par lémergence de nouveaux principes ». La bonne gouvernance en Afrique aujourdhui cest autour du NEPAD. Elle fait référence aux problèmes de gouvernement du fait de latomisation du corps social, de la prolifération des réseaux permettant aux citoyens de sémanciper dune allégeance citoyenne exclusive et enfin de la résistance accrue à toute forme dautorité. La logique transnationale renvoie aux ensembles communautaires : il y a atteinte à la souveraineté des Etats, le cas du "peer review" du NEPAD étant un glissement vers dautres modes de légitimation du pouvoir politique. Le régionalisme transétatique, cest-à-dire, au sens où il transcende les Etats en intégrant tous les autres types de relations, doit sentendre dans les pays en développement comme « un moyen déviter leur confinement à la périphérie de la politique mondiale ».
Cest dire quavec la mondialisation, les dirigeants africains ont pris conscience des mutations socio-économiques et politiques qui ont reconfiguré lespace monde, et qui semblaient avoir placé lAfrique comme spectateur central de cette reconfiguration. Ce qui a manifestement conduit les leaders africains à se constituer en bloc régional pour devenir partenaire des grands ensembles économiques intégrés. En effet, autour du Nouveau Partenariat pour le Développement de lAfrique, le continent africain tente dintégrer la mondialisation, dune part. Le NEPAD devient le cadre dexpression de la nouvelle configuration des relations internationales africaines tant dans ses principes de mise en uvre et dorganisation que dans ses dynamiques concrètes, dautre part. De ce point de vue, le NEPAD peut apparaître comme un cadre géopolitique qui a véritablement un sens parce que cest avant tout une vision du monde si lon en juge par sa dimension politique. La sociologie des relations internationales en Afrique apparaît en partie comme une forme de civilisation internationale de la vie politique et économique des Etats africains.
Ce nouveau programme structure une configuration de positions inégales entre acteurs en jeu pour lappropriation des gains symboliques et matériels liés à ce partenariat. Cest cette perspective du partenariat qui grâce à la tension entre puissance et normativité peut rendre opérationnelle et pertinente une posture conceptuelle et théorique dans les relations internationales. Par ailleurs, sintéresser au NEPAD à partir du jeu de la puissance mondiale peut constituer un renversement des approches dont les orientations sarticulent autour de la précision sémantique et la détermination des conditions de faisabilité du partenariat entre des pays aux dynamiques internes plurielles et au niveau de développement inégal.
En effet, le discours sur la faisabilité est en vogue chez les internationalistes et la recherche de lauthenticité conduit à aborder les questions internationales à partir des postures éthiques. Si léthique nest pas une donnée à prendre en compte dans les relations internationales, il faut néanmoins tenir compte de ce qui advient de celle-ci lorsquelle met en jeu des intérêts égoïstes des Etats et des acteurs aux relents hégémoniques. En relations internationales, la production éthique et normative est fondamentalement réaliste. En effet, éthique et intérêts sont en interaction permanente. Cest ce qui peut justifier mobilisation et mise au service de la légitimation des acteurs et des institutions. Doù toute la richesse de « lidéalisme pragmatique » développé aux Etats-Unis par Madeleine Albright, et qui renvoie à léthique pour défendre les intérêts nationaux et stratégiques vitaux. Le discours sur la faisabilité et sur lauthenticité est privé dune lecture véritable sur le NEPAD et de mettre en perspective les nouvelles formes dexpression des relations internationales quil conduit. Or, notre objectif dans cette étude est danalyser la dynamique pratique et concrète du NEPAD et surtout la manière dont ce programme se met à lépreuve des relations internationales africaines en poursuivant son expérience dautodétermination dans la formation des institutions.
Par ailleurs, sur le plan de la théorie des relations internationales, le NEPAD semble porteur dune approche hybride combinant revivalisme westphalien et gouvernance globale. Ce programme met en perspective la redécouverte et la revalorisation du principe westphalien de légalité et de la souveraineté comme piliers de lordre international en ce quil réintroduit la parité et le respect mutuel au cur des relations partenariales entre les Etats, permettant ainsi de relire les relations internationales à lintersection du bilatéralisme interétatique (réalisme), du "multilatéralisme inter-organisationnel" (transnationalisme). Le NEPAD renouvelle aussi les relations internationales grâce aux catégories de la « responsabilité et de la solidarité ». La première catégorie, en tant que réalité de la mondialisation renvoie chaque Etat à se sentir garant de lavenir de lhumanité tout entière. De la deuxième catégorie découle lobligation qui lie les Etats en raison de luniversalisation des menaces dues à la « fin des territoires ». Cest la logique des intérêts qui fonde le NEPAD dans la mesure où les Etats ne sengagent dans les relations de partenaires que lorsque leurs intérêts et enjeux à participer à la dynamique le commandent.
En outre, du point de vue du renouvellement théorique des relations internationales, le NEPAD sinscrit également dans une dynamique de civilisation de la vie politique africaine. Dans cette perspective, ce programme apparaît manifestement comme un cadre dénonciation politique, qui véhicule une vision des relations internationales dont les fondamentaux sont la libéralisation des marchés politique et économique, les réformes institutionnelles, la démocratisation, la bonne gouvernance, etc. Il sinspire en partie des courants théoriques dits du « consensus de Washington » qui consiste à reformer les économies des pays en développement autour de la discipline budgétaire et des droits de lhomme. Cest ainsi dire que le NEPAD est non pas une réponse africaine à la mondialisation mais un de ses éléments; un canal de promotion et de diffusion de linternationalisme libéral.
Le NEPAD met à lépreuve la Realpolitik et introduit ainsi, une dimension hégémonique de ses promoteurs. Cest donc le nouveau cadre où se déroule le jeu de linfluence des dirigeants africains. Dans lanalyse du partenariat, « le discours de la coopération internationale a dabord été celui de la puissance et du droit », il convient de prendre en considération les dynamiques de leadership qui accompagnent le NEPAD. Se faisant, par linstitutionnalisation implicite du discours de la puissance, le NEPAD lintègre en devenant désormais le cadre sociopolitique de son expression. En observant la manière dont le NEPAD sest construit en « espace de sens » et en analysant la structuration partenariale des positions dEtats sur la scène continentale, nous sommes bien là en présence dun processus dinstitutionnalisation aux enjeux et acteurs divers.
En réalité, le NEPAD en tant que nouvelle "machine de légitimation" apparaît beaucoup plus comme une réponse à la démocratisation qui ne fonctionne pas dans la majorité des pays africains en dépit des mouvements de transition et de libéralisation réussie et amorcée dans dautres pays. Et ce dautant plus quil traite de près ou de loin les problèmes de gouvernement dans les sociétés africaines. Cest pour cette raison, quil nous paraît pertinent de se placer dans la perspective néo-institutionnelle puisquil sagit bien de lémergence de nouvelles institutions dans un contexte contemporain. Par ailleurs, cette approche dispose dune valeur ajoutée qualitative dans cette étude parce quelle permet, contrairement aux théories économiques et internationalistes, de prendre en compte les trajectoires et donc le poids de lhistoire. Elle ne se prive pas de lire le NEPAD dans ses principes dordonnancement, ses dynamiques concrètes et met en lumière les nouvelles formes africaines dexpression de la formation des institutions. Car, la sociologie qui a présidé à la naissance de cette entreprise dunification, obéit bien à une histoire et à une dynamique dinstitutionnalisation reposant sur des impératifs géopolitiques et économiques (positionnement international et stratégie économique) quon ne peut appréhender sans cesse en rapport avec le processus interne dévolution.
La création du NEPAD est indissociable dun effort de création juridique et institutionnelle dans la mesure où ce programme naurait pu se consolider et aboutir à une existence possible sans institutionnalisation. En empruntant volontiers la direction de Philippe Braud sur la genèse de 1Etat, il sagit bel et bien dun changement décisif introduit par linstitutionnalisation du NEPAD dans le passage de lordre ancien à lEtat moderne. En loccurrence, ce processus dinstitutionnalisation dû en partie à léchec de la démocratisation, sest traduit dune part, par laffirmation de la bonne gouvernance comme un moyen de dissocier la personne physique des gouvernants au concept abstrait de puissance publique, et dautre part, linstitutionnalisation sexprime dans la généralisation dun mécanisme dauto-surveillance comme "machine de légitimation" du « bon gouvernement ».
La construction institutionnelle du "peer review mechanism" visait à définir une conduite à tenir aux différents pairs des Etats membres de lorganisation. Celle-ci définit les prérogatives et obligations de tous ceux qui gouvernent. Il nest plus tolérable que la manière de gouverner ne soit exercée que selon des formes procédurales déterminées par des détenteurs du pouvoir et dans des champs de compétence circonscrits allant des réseaux personnels à des logiques informelles et à larbitraire du bon plaisir. Il se produit désormais une routinisation des croyances collectivement définies. Berger et Luckmann montrent pour leur part que « linstitutionnalisation se manifeste chaque fois que des acteurs effectuent une typification réciproque dactions habituelles ». En dautres termes, chacune de ces typifications est une institution. Ils ajoutent que « les institutions, par le simple fait de leur existence, contrôlent la conduite humaine en établissant des modèles prédéfinis de conduite et ainsi, la canalisent dans une direction bien précise au détriment de beaucoup dautres directions qui seraient théoriquement possibles ».
La mise en place du NEPAD en Afrique nous permet de retenir, selon lexpression de son mode dinstitutionnalisation, deux éléments essentiels. Dune part, les institutions ordonnent le contexte dans lequel elles prennent place. Elles dictent le comportement et « ne naissent pas seules » comme laffirme Mary Douglas. On peut comprendre le processus démergence du NEPAD à partir des phénomènes disomorphisme qui peuvent illustrer le changement institutionnel. Dautre part, elles déterminent le positionnement des acteurs sur la scène politique et donc, leurs interactions. Enfin, selon les enjeux entre acteurs et le type dinstitutions choisi, le NEPAD obéit à une logique contextuelle dévolution. Son institution le MAEP devrait influencer considérablement sa trajectoire en tant que dispositif darbitrage du jeu politique. Ce qui serait compromettant pour le NEPAD, ce nest pas loccurrence des pratiques de bon gouvernement, mais cest limpossibilité de les réguler conformément aux règles démocratiques. La configuration de ce programme peut favoriser un fonctionnement normal ou au contraire, une évolution problématique des institutions avec, comme catalyseur, les acteurs qui animent ces institutions en situation dinteraction.
Ce travail soulève manifestement la question du rapport entre les institutions et lenvironnement, voire même la trajectoire. Cest pourquoi il semble opportun de se placer dans la perspective du néo-institutionnalisme pour expliciter les manières de concevoir lanalyse du gouvernement des sociétés africaines en mutation. Loin de faire dans un cuménisme théorique, nous empruntons la démarche néo-institutionnelle parce quelle est celle de toutes ces approches théoriques énoncées qui relève la mieux pour cette thèse pour la simple raison quelle permet de comprendre les mécanismes non pas de lextérieur mais en investiguant dans leur intériorité. Elle permet de comprendre la société politique gabonaise et ses prolongements régionaux et internationaux. Cette approche est intéressante parce quelle a provoqué une réorientation de la recherche vers dautres champs que larchéo-institutionnalisme avait tendance à délaisser. Elle a introduit une variable institutionnelle renouvelée dans ce domaine du gouvernement où prévalaient des explications en termes de valeurs, de cultures, de prédispositions, de banalité ou détrangeté.
Nous partons de lidée que le néo-institutionnalisme comporte trois variables voisines et concurrentes qui permettent dapprécier linteraction entre les institutions et lenvironnement à partir des trajectoires. Elles envisagent chacune une perspective intéressante. Le gouvernement des sociétés africaines à la lumière du NEPAD doit intégrer aussi bien ses réalités profondes, sa trajectoire et la rationalité des choix sociologiquement situés. La compréhension fait donc appel à différents outils. Ce travail, tout en discutant de la pertinence de lapproche néo-institutionnelle, consiste à exposer succinctement la manière dont le néo-institutionnalisme à travers ces trois modèles sapplique au gouvernement des sociétés africaines par la formation des institutions et lémergence des acteurs aux enjeux divers. Il est important dintroduire les acteurs et la diversité des stratégies sils sont à même de développer un espace de sens.
Il est en effet admis à présent que le bon gouvernement peut émerger de toutes sortes de contextes même dans ceux qui, à priori, lui paraissent structurellement défavorables. Cela implique donc que lon prête une attention particulière à la variable stratégique qui en dernier ressort, même entravée par les dynamiques structurelles internes, constitue la variable explicative principale des trajectoires africaines des dispositifs dinstitutionnalisation. Cest pourquoi nous faisons le choix daborder cette problématique selon langle néo-institutionnel. Ce dernier a lavantage de nous permettre de rendre compte des dynamiques institutionnelles qui structurent le pouvoir politique en Afrique ainsi quune analyse des principaux enjeux du NEPAD. Cette approche permet de revisiter les catégories danalyse conventionnelles de la science politique en termes dintérêt et de recherche. La problématique de linstitutionnalisation en Afrique nous incite à explorer les efforts dimplantation des modèles institutionnels.
Le néo-institutionnalisme sest principalement développé aux Etats-Unis au début des années 1980, à la suite des travaux dauteurs aux orientations diverses allant du marxisme de Theda Skocpol à la perspective stratégique de Kenneth Shepsle et Barry Weingast. Cette approche théorique a émergé simultanément dans des domaines différents, mais surtout en politique comparée et en politiques publiques, notamment dans les travaux sur lEtat- providence, et elle sest imposée au fil des temps. En effet, le préfixe « néo » renvoie à lexistence, au début du XXème siècle, dun ancien institutionnalisme occulté par le behaviorisme dominant de la période de laprès Seconde Guerre mondiale. Cet archéo- institutionnalisme porté par les béhavioristes était trop empreint de normativité, didéalisme et de formalisme. Cest dans ce cadre, que les behavioristes proposaient lexplication des phénomènes politiques en termes de comportements et de valeurs, explication qui a dominé la science politique américaine dans les années 1950 à 1970. Cette approche a connu des excès et cest en raison de cette prétendue universalité des phénomènes politiques que les auteurs de la tradition sociologique dinspiration durkheimienne et les tenants du néo-institutionnalisme qui sintéressent désormais aux institutions non pas au sens juridique du terme, ont voulu réagir.
Le nouvel institutionnalisme se rapproche certes de lancien, mais diffère fondamentalement du behaviorisme par lutilisation des institutions comme variables explicatives autonomes, et se distingue aussi par une acception plus complexe de linstitution, donc par un champ dinvestigation plus vaste que lintérêt accordé à la démocratie et à ses institutions formelles qui étaient au centre des problématiques de lancien institutionnalisme. Ses champs thématiques sintéressent à létude traditionnelle de lEtat, des institutions formelles ou sociales, de la démocratisation, des luttes pour le contrôle du pouvoir politique. Ils couvrent aussi le rôle des grandes entreprises, des firmes multinationales, des flux transnationaux, des politiques publiques, des problématiques de lEtat-providence et de laccès aux subsides de lEtat, générateurs de luttes sociales.
Lapproche néo-institutionnelle a incontestablement élargi le champ du politique. La définition de linstitution- qui couvre désormais les structures formelles, les normes sociales, les symboles et les idées- ainsi que linsistance sur lautonomie des institutions et sur leur capacité à structurer leur environnement ont conduit à une réorientation de la recherche. Les auteurs ont contribué à ce retour de la redécouverte des institutions. Ils abordent de nombreuses problématiques qui permettent de revisiter les analyses conventionnelles de la science politique. Le continent africain offre probablement des terrains fertiles en matière de recherche et permet de revisiter les catégories habituelles danalyse en éveillant un certain sens de relativisme. Il en est ainsi des modalités dexercice de laction publique ou de linstitutionnalisation de lEtat qui nous permet de suivre la direction de Samuel Huntington lorsque, dans les années 1960, il écrivait en ouverture dun ouvrage classique sur lordre politique dans les pays en développement : "The most important political distinction among countries concerns not their form of government but their degree of government. The differences between democracy and dictatorship are less than the differences between those countries whose politics embodies consensus, commodities, community, legitimacy, organization, effectiveness, stability and those countries whose politics is deficient in these qualities".
Cest dire, que « jusquà la fin des années 1980, lattention portée au "politics" a été relativement faible à cause de ces "déficiences". Dans les milieux du développement, les questions concernant les institutions politiques étaient considérées comme négligeables. Dans la recherche universitaire, les voix qui résistaient au développementalisme se réclamaient soit de la critique de la dépendance, soit du politique "par le bas", mais ne sintéressaient pas pour autant à la construction des institutions politiques et à la gestion des politiques publiques "par le haut" ». Le regain dintérêt pour les institutions politiques a permis de mettre en évidence une montée du discours de la "gouvernance" qui nécessite de prendre en compte la remarque de Huntington sur le "degré" de gouvernement pour mesurer comment un Etat perd ses capacités à gouverner une société, devenant ainsi incapable de mettre en uvre des politiques publiques cohérentes qui aboutissent. Dans ce type dEtat, il est impossible pour le NEPAD de promouvoir un "bon gouvernement" en raison des déficiences des régimes politiques et de la souffrance des dispositifs dinstitutionnalisation. Ce qui est vrai au Gabon où tous les pouvoirs de lEtat sont confisqués par un système politique qui conforte en réalité la posture dEtat mal gouverné marqué par leffondrement des dispositifs institutionnels.
Le néo-institutionnalisme permet de mettre en évidence la capacité de lEtat dans le domaine de laction publique en contribuant à la bonne lecture des préoccupations empiriques dans le contexte africain. Cest dailleurs dans ce cadre que les intérêts des chercheurs ayant travaillé sur « les processus de démocratisation » ont fini par se déplacer vers la "transitologie", qui sintéresse au changement de la nature des systèmes politiques, et à la "consolidologie" qui soccupe du degré dinstitutionnalisation des règles définissant ces systèmes.
Dun point de vue de lanalyse, nous pouvons mettre en exergue un consensus relatif à la suite des travaux de Samuel Huntington qui définit le « bon gouvernement » dans lordre politique des pays en développement non pas à partir des formes mais plutôt du degré de gouvernement ; et sur lidée que linstitutionnalisation est un processus complexe, incertain et évolutif. Les mutations et tendances nouvelles du politique sur le continent sintéressent davantage à larchitecture institutionnelle pour rendre compte du gouvernement dans les sociétés africaines.
Aujourdhui, laccent est mis sur les processus de diffusion, de formation et de continuité des institutions, les innovations institutionnelles, les procédures de droit, les règles du jeu, les jeux des acteurs et les rapports de force. Cette évolution paradigmatique permet de réorienter la recherche vers lidée que les institutions ne sont pas de simples variables intervenantes, mais des arènes qui, bien quétant des construits, façonnent considérablement le processus politique. Cette thèse sappuie sur le versant historique du néo-institutionnalisme dans lequel les institutions ne sont pas considérées comme de « simples variables intervenantes, mais comme des canevas de laction et des producteurs des résultats politiques ».
Mettant essentiellement en scène les élites politiques de la société africaine, les enjeux de positionnement international et de stratégie économique ont conduit les dirigeants africains à reconfigurer leurs rapports avec le reste du monde. Ainsi, le postulat de la production et de la consommation invite à envisager de façon lucide et objective le jeu des acteurs qui se disputent le monopole de la représentation politique du continent par lacquisition de la parole autorisée africaine tout aussi légitime ; jeu qui détermine la dynamique dinstitutionnalisation du NEPAD qui sinscrit dans le cadre plus large dune stratégie visant laffirmation de puissance dans la société globale. Lenjeu est la conquête ou le maintien des avantages liés aux gains symboliques dune position privilégiée. Notre définition de la production et de la consommation est tributaire de celle du champ politique découlant de la tradition sociologique dinspiration bourdieusienne. Selon Pierre Bourdieu, dans un champ politique, il y a toujours un lieu de « production » et un lieu de « consommation ». Dailleurs, il existe avec la mondialisation un « centre » producteur et une « périphérie » consommatrice.
A travers le NEPAD, on assiste à la reconfiguration des relations internationales africaines et donc à un nouvel ordonnancement du champ politique régional. Celui-ci est un microcosme, cest-à-dire « un petit monde social relativement autonome à lintérieur du grand monde social ». Cest par excellence, « un lieu où sengendre, dans la concurrence entre les agents qui sy trouvent engagés des produits politiques (
.), entre lesquels les citoyens ordinaires, (
) sont plus éloignés du lieu de production ». Nous postulons que les relations de compétition/concurrentielles ou consensuelles entre dirigeants africains (agents engagés dans le jeu) ont pour une large part préparé le lit à lémergence du processus de formation du NEPAD.
La description de cette configuration résulte dun travail fondé sur la compréhension de relations de causalité et de multiples effets de composition et de concurrence mais aussi de dissonances et dasymétrie entre des jeux institutionnels contradictoires et souvent concurrentiels et conflictuels. Cest dire que les institutions sont bien produites en même temps quelles y produisent des pratiques. Ce ne sont pas de simples données figées mais des constructions sociales qui orientent laction des acteurs et limpact en termes de résultats politiques. La problématique de l"institutionnalisation" permet de comprendre les enjeux induits par la question du NEPAD à lintérieur de chaque pays.
III. INVESTIGATION
Pour entreprendre cette recherche, deux méthodes dinvestigation complémentaires nous ont permis de collecter des informations sur le Gabon et le NEPAD. Elles permettent de comprendre les trajectoires dévolution ambivalente du continent qui ne soffrent pas demblée à lobservation et les logiques contemporaines daction. Le recueil des données bibliographiques secondaires ainsi que les entretiens et lobservation, parfois, participante, nous ont permis datteindre ces objectifs. Nous avons initialement eu recours à lenquête bibliographique à partir dune collecte des données documentaires. Par ailleurs, notre analyse est évidemment indissociable du travail de recherche empirique entrepris. Dans une étude générale sur les groupes dintérêts, Michel Offerlé souligne non sans pertinence la difficulté de rentrer dans la « boîte noire » que constitue une organisation. Cette affirmation accrédite la thèse selon laquelle les institutions ne se donnent presque jamais immédiatement à lobservation et à linduction.
En effet, observer les acteurs du NEPAD au-delà de leur présentation publique lorsquils se mettent en mouvement nest pas chose aisée dans des terrains comme le Gabon. Cela requiert de pénétrer à lintérieur des organisations dirigées par ceux-ci afin de comprendre les règles, mais aussi, les pratiques, ainsi que les représentations que ces acteurs se font de ce programme. Cette observation des acteurs gabonais qui sintéressent au processus du NEPAD a nécessité plusieurs séjours dinvestigation, de repérage, puis de confrontation dhypothèses sur le terrain. Les modalités pratiques de recherche nous ont conduit à effectuer trois séjours au Gabon entre 2005 et 2008.
A. Le recueil des données bibliographiques
Nos choix relèvent dune construction progressive et se fondent, au fur et à mesure de la recherche, sur des lectures qui se rapportent dabord à la sociologie politique et à lanalyse des politiques publiques mais également à la sociologie de lEtat, à la sociologie des organisations et à la sociologie de laction. La dimension de lobjet et de ses différentes composantes ne doit laisser prétendre ni à lexhaustivité de notre enquête ni à lirréfutabilité de nos analyses. La reconstitution empirique des différents puzzles constituant la sociologie historique du gouvernement nécessite le croisement de plusieurs méthodes denquêtes. A partir du repérage des sites dinstitutionnalisation du politique au Gabon et en partant chronologiquement des épisodes les plus contemporains du processus de construction institutionnelle de la gouvernance autour du NEPAD, cette étude nous conduit simultanément à plusieurs types denquêtes et de recueils dinformations et de matériaux. Nous nous sommes ainsi appuyés sur la recherche documentaire, les entretiens semi-directifs, lobservation directe et un questionnaire élaboré à cet effet. De ce fait, les données collectées vont se composer essentiellement de documents écrits, oraux, de statistiques et de données issues du réseau Internet.
La recherche documentaire consiste à répertorier lensemble des documents écrits ayant trait à notre sujet de recherche. Tous ces documents nous permettent non seulement damorcer cette étude, mais encore de lapprofondir. En fait, ils nous ont aidé à mieux cerner le NEPAD et à appréhender la conception de la politique de développement proposée. Lensemble de cette recherche documentaire seffectue dans les bibliothèques, centres de documentation et les établissements spécialisés au Gabon et en France. Le réseau Internet nous a permis daccéder à des fonds douvrages spécialisés. A cet effet, de nombreux sites ont été visités, plus dune vingtaine au total. Nous retiendrons quelques sites pour le moment parce quils contiennent de nombreuses informations relatives au NEPAD, mais également des éléments sur les techniques et méthodes dappréhender les problèmes de gouvernance. Il sagit du Secrétariat du NEPAD et lUnion Africaine.
Pour la collecte de ces données bibliographiques, nous nous sommes rendus dans plusieurs institutions de recherches et administratives françaises et gabonaises. En France, nous travaillons naturellement à la bibliothèque du centre détude dAfrique noire (CEAN) de Bordeaux, ainsi quau centre détudes africaines de lIEP de Paris et à la Bibliothèque nationale de France. Ces différentes institutions de recherche disposent dun fond documentaire important sur le continent africain et de manière relative sur le Gabon. Nous avons trouvé dutiles informations sur les trajectoires des personnalités gabonaises qui participent au processus décisionnel. Cette collecte avait une double visée : recueillir des informations sur lhistoire de la vie politique gabonaise ainsi que des acteurs qui dominent celle-ci et lhistoire de lorganisation panafricaine, ses objectifs et activités. Ce travail a été complété par la lecture des textes et documents officiels sur le programme et le croisement avec la lecture des revues de presse.
Au Gabon, nous avons fréquenté les centres de documentation de la communauté économique des Etats de lAfrique centrale (CEEAC), de lUniversité Omar Bongo notamment aux laboratoires du Centre détude et de recherche en Géopolitique et Prospective (CERGEP) et du Centre détude et de recherche en institutions politiques (CERDIP), de lAssemblée Nationale, de la Bibliothèque nationale (archives nationales du Gabon) et au Cabinet du ministère gabonais du NEPAD. Ces institutions de recherche et administratives disposent de nombreux documents sur la vie politique gabonaise et sur le NEPAD. Ce qui nous a permis davoir accès à certains documents privés souvent gardés sous le sceau dune certaine confidentialité. Il sagit des comptes-rendus des réunions, des notifications dintention et de certains décrets et textes de lois non publiés au journal officiel.
Nous nous sommes aussi appuyés sur des documents officiels publics, sur des documents darchives privées (lorsque certains interlocuteurs nous ont donné accès), sur des articles de presse ou des textes dobservateurs contemporains. Nous avons également pu consulter des documents officiels non publics (comptes-rendus de réunions, décisions, etc) dans le cadre de notre enquête sur la coordination nationale du NEPAD/MAEP. Pour certaines lois ou mesures gouvernementales, nous nous sommes également appuyés sur les débats parlementaires (notamment ceux de lAssemblée Nationale et les décisions publiées par hebdo info). Lenquête a dabord été un travail de sélection, parfois rationnellement conduit, parfois porté par des « hasards » de recherche, souvent contraint par les limites de laccès aux sources documentaires ou au temps que nous pouvions y consacrer.
Cest dire que dans laspect méthodologique de la rédaction, nous avons procédé à lanalyse des données selon une double approche. Lune est théorique, et lautre est fondée sur des données empiriques. Sur le plan théorique, nous avons recours aux ouvrages traitant du NEPAD et sur les travaux de sociologie de lEtat au Gabon. Nous faisons également usage des travaux pluridisciplinaires susceptibles davoir un lien avec notre objet détude. En ce qui concerne les données empiriques, nous avons effectué plusieurs séjours denquête de terrain au Gabon. Ces enquêtes ont été réalisées afin de documenter notre recherche grâce à lobservation participante des interviews réalisées auprès des acteurs nationaux du NEPAD, notamment avec un intérêt particulier pour le "peer review mechanism". La suite de cette enquête de terrain aurait pu nous mener en Afrique du Sud auprès du secrétariat du NEPAD et des institutions assimilées, et ce, en vue de compléter la partie de la recherche liée aux acteurs externes. Territorialiser davantage le domaine de lenquête à un milieu non-francophone aurait eu lavantage dêtre intellectuellement stimulant et riche en informations. Selon que lon soit francophone ou anglophone, le regard sur le fonctionnement des Etats et leur articulation dans la dynamique du NEPAD nest peut-être pas le même.
Cette stratégie a pour objectif daller à la recherche de toutes les sources dinformations susceptibles denrichir notre étude et que nous risquerions de passer sous silence. Dans ce cadre, le terrain a été une condition de validité de notre démarche en même temps quil garantit le caractère strictement scientifique de notre travail. Nous restons de ce point de vue fidèle à la tradition des sciences sociales qui présente lenquête de terrain comme la voie par excellence de collecte de données et dinformations. Cest dailleurs ce quaffirme Jean Copans : « le terrain est à la fois un lieu, un objet, une tradition et une forme denquête où tout individu mû par la recherche établit un contact direct avec ses interlocuteurs ». En nous inscrivant dans cette tradition de terrain, nous avons mené nos recherches selon le mode de lobservation participante pour reprendre les termes des auteurs de la tradition sociologique dinspiration bourdieusienne. Pratiquée sur le terrain, elle consiste à recueillir le point de vue des acteurs pour saisir les raisons qui ont présidé à la mise en place dune nouvelle organisation continentale. Cest dans le souci de mieux cerner notre objet détude que nous comptons passer de la position de lobservation à distance à une implication plus rapprochée et donc plus pratique auprès des institutions et acteurs concernés.
B. Les entretiens au Gabon
Les entretiens qui représentent notre second objectif avaient pour but de comprendre le sens que les acteurs gabonais du NEPAD donnent à leur engagement et au positionnement de leur Etat autour du NEPAD et de les interroger sur la trajectoire historique du NEPAD au Gabon. Lentretien « biographique » des acteurs gabonais qui gouvernent et des acteurs externes du NEPAD permet de noter quil sagit dune interprétation « déchanges » qui nest jamais quune « surinterprétation contrôlée » de la réalité, cest-à-dire qui se doit de ne pas modifier le sens interne donné aux actions au regard du contexte dans lequel celles-ci ont lieu. Car il nest généralement pas évident de saisir les pratiques de nos enquêtés à travers la simple prise en compte de ce quils disent et de ce qui est rapporté dans la presse locale et les documents officiels, qui filtrent les discours sur lillusion de la propagande officielle dune certaine presse qui fabrique généralement une image autre de la réalité. Lavantage des textes officiels est quils sont parfois écrits par des non Gabonais ou quils peuvent révéler des intentions et des représentations plus que des actions. De fait, ces entretiens semi-directifs et ces réunions nous ont permis de comprendre les manières de gouverner. Ils ont été menés auprès de personnes diverses, composées de hauts fonctionnaires, parmi lesquels les acteurs politiques, les professionnels de ladministration et les parlementaires qui participent à la formulation des politiques du gouvernement depuis les années soixante.
Ces entretiens occupent une place importante dans notre dispositif de recherche. Ils ne prétendent aucunement à lexhaustivité ni à la représentativité statistique dun échantillon de tous ceux qui auraient pris part à laction gouvernementale. Notre démarche est guidée par le travail de sélection et de « repérage » dinterlocuteurs - personnalités politiques gabonaises qui constituent le corpus danalyse et dont la variable générationnelle, la plus dominante, explique la longévité remarquable de certains aux sommets de lEtat - ayant particulièrement suivi la mise sur lagenda et la séquence de décision des politiques de développement au Gabon. La restitution ne peut donc résulter que didentification de variables plus explicatives que dautres (variables scolaires, universitaires, associatives, professionnelles, générationnelles, etc
), de découpages et dagencements privilégiant les faits marquants, les liens de causalité significatifs, les effets de continuité ou de rupture. Outre ces personnalités qui participent au processus décisionnel, nous avons rencontré également les élites universitaires et les opérateurs du secteur privé, des groupes dassociations, certains responsables dorganisations non gouvernementales (ONGs),
pouvant nous apporter des informations relatives à notre thème de travail. Le choix de cette technique de collecte de données a été retenu parce que les informations obtenues constituent des données de première main qui sont originales et exclusives.
En effet, obtenir un entretien au Gabon nest pas chose facile. Ce dautant plus que cela peut ressembler à un parcours du combattant. Il est donc utile de se préparer en conséquence et souvent en mobilisant un réseau social de relations afin dobtenir des rendez-vous avec les possibles enquêtés. Et pourtant, il sagit bien de notre pays dorigine et dont nous connaissons pour lessentiel les entrées et les sorties de Libreville, capitale gabonaise qui a constitué le lieu sociologique principal de notre terrain.
Notre situation détudiant « politiste » rendait encore plus difficile la tâche, neut été lintervention des proches auprès des personnalités localement remarquables autour de lobjet politique NEPAD. La réticence et la méfiance de nos enquêtés étaient dues en partie à leur obscurantisme quant à la communication des informations mais également à cause de la peur quon représentait pour certains, car un futur docteur - spécialiste dune question où lenquêté est parfois parachuté en raison des combinaisons dappareils - est susceptible à lévidence de lui ravir son poste. Au risque de vous faire connaître dans les appareils de direction, on se voyait opposer sans surprise une fin de non-recevoir. Il a fallu des garanties de nos proches pour que certains de nos enquêtés soient en situation de confianc, ce qui a parfois créé de la proximité entre nous, pour que lon soit reçu dans les cabinets du président de la République, du Ministre en charge du NEPAD, du commissariat général MAEP/Gabon ainsi que dans dautres institutions. Grâce à des proches, dont nous tenons à préserver lanonymat, nous avons obtenu depuis la France des rendez-vous soit par téléphone ou par confirmation de courrier. En dépit de ces confirmations et du soutien de nos demandes par personnes interposées, nous partions de Bordeaux avec sérénité grâce aux lettres de recommandations utiles bienvenues de notre directeur de thèse et à un questionnaire élaboré à cet effet.
Il y avait donc certitude quon soit reçu par les organisations internationales de développement basées à la capitale mais incertitude quant aux audiences prévues avec les acteurs gabonais du NEPAD. Une fois à Libreville, nous nous rendions dans ces différents lieux pour nos entretiens. La première exigence du personnel du secrétariat ou du cabinet est de tomber daccord sur les modalités de la rencontre, le contenu de la discussion ainsi que la présentation des documents attestant quon fait bien de la recherche et non du « journalisme politique ou de lécriture de combat ». A la suite de cela, jobtenais un entretien non pas avec lautorité décisionnelle centrale mais avec un conseiller, sorte dassureur davant-garde.
De manière générale, notre investigation sur le terrain a été confrontée à deux expériences difficiles quil a fallu surmonter en adoptant une posture de recherche particulière aux limites de la modestie et de la patience, et parfois précaire, combinant un statut d« engagement clair au système » qui garantissait la proximité certaine dun citoyen sympathisant et un « engagement de lomerta », à un ordre de discours scientifique policé (normatif).
En effet, soumis aux critiques justifiées de la mauvaise direction des appareils dEtat, certains acteurs décisionnels du champ politique gabonais qui incarnent larène du NEPAD considèrent le chercheur comme un soutien potentiel à lactivité de dénonciation du « grand monde social » en lui conférant une visibilité par sa position déventuel intermédiaire grâce à la possibilité décrire en contresens du discours consacré à la fabrication dune image messianique de leur direction mais aussi comme un suspect extérieur, étant donné le caractère délicat de leurs actions. Cest pourquoi, il nous paraissait utile, à bien des égards, de faire preuve dune certaine empathie, tolérance et modestie, voire même en garantissant lengagement du silence, en suivant certainement la direction de Jean-Claude Kaufmann, qui suggère, quau cours dun entretien, « lenquêteur qui reste sur sa réserve empêche linformateur de se livrer ; celui-ci a besoin de repères pour se livrer et construire linteraction ». Pour arriver à nos fins, il a été néanmoins évident, en ce qui nous concerne, de choisir cette voie qui a permis de réduire notre enthousiasme face aux acteurs, lieux de pouvoir ou à des actions remarquables. Cette posture d« engagement clair au système » par-delà la conformité au style vestimentaire on ne peut plus codifié a contribué, sans nul doute, a obtenir la confiance de certains acteurs gabonais du NEPAD, avec qui il était judicieux de construire un lien pour quils se livrent. Cela a pu être visible lors dune rencontre qui nous a profondément marqué et où lun de nos interlocuteurs justifiait notre réception par :
- « Le patron a accepté de vous recevoir parce quil connaît un de vos proches, et le système a besoin de jeunes intellectuels comme vous pour se régénérer autour des idéaux de la très haute autorité de son excellence, monsieur le Président de la République, chef de lEtat El Hadj Omar Bongo » sous-entendant que notre appartenance supposée au système et assumée pour les besoins de la cause scientifique, méritait quil prenne le risque de mettre certains documents confidentiels comme les rapports, discours, comptes-rendus de réunions et les actes des rencontres internationales du NEPAD, à disposition de nos travaux ;
- Croyez moi, que pour un intime au système, ça ne ma pas échappé un seul instant, je vous remercie à lavance pour cette annonce ;
- « vous me rassurez davantage, au fait pouvez-vous me rappelez doù vous revenez et où étudiez vous? » ;
- Cest par là quil aurait fallu que jentame la conversation comme lexige la bienséance au cours dun échange entre des personnes inconnues. Je reviens de Bordeaux en France et je prépare une thèse à Science-po dans le cadre du centre détude dAfrique noire ;
- « Ah ok, vous me surprenez, je connais bien Bordeaux et jy reviens dailleurs. En fait, jai un ami enseignant à lUniversité de Bordeaux IV un grand professeur de droit qui est dailleurs bien connu du système et qui a séjourné ici à linvitation des hautes autorités et il se pourrait quil vous ait enseigné »;
- Cest possible ;
- « Il sagit de
vous pourrez le rencontrer et parlez lui de moi »;
- Tout à fait, il ma dispensé des séminaires sur les institutions africaines mais je vais taire son nom dans le contenu du texte. La réaction de notre interlocuteur est des plus rassurantes. En fait, sa question était tendancieuse mais je lavais bien compris ;
- « Mon petit, vous êtes intelligent mais vous savez le patron ne reçoit pas souvent les chercheurs pour des entretiens sur ces dossiers du NEPAD. Vous êtes à la recherche des documents, je dois vous avouer que neut été cette confiance que vous venez dinstaller en moi, je naurai pu vous livrer ni information ni documents. Et puis, les documents que jai en ma possession sont confidentiels se sont les fiches du président et les actes du NEPAD qui sont volumineux. Seuls le patron et moi y avons accès mais je vais vous faire quelques copies mais sachez que le pays est bien géré et verrouillé si vous en faites une utilisation politique qui peut me valoir mon poste » ;
- Je vous remercie infiniment Monsieur pour cette attention particulière que vous avez bien voulu accorder à ma requête ;
- « Ecoutez, laissez moi vos coordonnées je vous les ferai parvenir par la poste » ;
- Je nai pas dadresse postale mais je peux revenir les chercher si cela ne vous occasionne une gêne dans votre emploi du temps. En fait, je sentais que quelque chose nallait pas ;
- Comme vous voulez, je me rends à létranger donc revenez dans deux semaines ;
- Daccord, je nai pas de choix que de reporter mon voyage ;
- « Je suis désolé, mais vous avez beaucoup de chance car ce nest pas toujours que je reçois des étudiants. Bon écoutez, je vous remets les documents et faites les retourner par votre proche dans les plus brefs délais. Tenez ceci pour votre taxi » ;
- Jai prévu mes frais de taxi. Mais, croyez-moi que je trouve ce geste humainement sympathique et bienvenu. Jétais surpris du montant de la somme quil mavait proposé équivalent à mille fois le prix du montant réel que javais à payer pour regagner mon domicile ;
- « vous êtes étudiant ça pourra vous aider pour votre séjour ». Mais comme vous lavez prévu cest bien. Et puis, je comprends que vous revenez de France où vous avez la possibilité de vous faire de largent grâce aux petits boulots. Il traduisait là la complexité des rapports quils entretiennent avec les citoyens ordinaires.
- Cest possible, mais ce nest pour cette raison que jai refusé votre « don ». Je ne trouvais pas son utilité certaine.
- Javoue que vous me surprenez de façon positive, car il est rare de voir des compatriotes qui viennent me rencontrer se comporter comme vous le faites. En général, lorsquils viennent ici, lintention réelle cest pour solliciter de laide et demander de largent.
- Il est possible de les comprendre dans la mesure où ils sont dépourvus de revenus. Ils nont pas de travail et ne bénéficient pas des minimas sociaux et autres aides comme en France. Trouvez leur du travail et vous verrez quils ne vous agaceront plus.
- Ce nest pas possible, on ne peut pas trouver du travail à tout le monde. Vous vous imaginez, si nous le faisons qui portera nos valises lorsque nous nous rendons au village, mieux qui viendra danser et chanter pour nous accueillir à laéroport à notre descente davion. Il mavait là résumé leur manière de diriger à travers la redistribution qui leur assure un capital social. Leur stratégie consiste à développer une certaine fainéantise chez les citoyens démunis afin de les réduire à la mendicité. Ce comportement politique a lavantage dalimenter la dépendance des citoyens vis-à-vis des hommes du pouvoir. Cette maintenance permanente des liens sociaux avec des compatriotes participe au fonctionnement durable du système.
- Connaissant le comportement ostentatoire des « Pédégistes » du régime, javais lintime conviction quil venait de me faire passer un test de personnalité. Je suis resté sans mot dire au risque de le contrarier et de paraître condescendant. Je quittais son bureau en lui disant tout simplement merci et bon voyage Monsieur.
Cependant, cette confiance na pas été suffisante pour adopter une posture de recherche satisfaisante. La proximité des savoirs formulés et utilisés par les enquêtés et le chercheur a pour risque de mener lenquêteur à se concentrer sur les processus offerts par le savoir de lacteur interrogé, ou par ses écrits, lorsquil y en a, et à être submergé par « létat informatif » de ces interlocuteurs, supérieur à celui du chercheur. Il fallait donc constituer une posture de mise à distance des écrits et récits produits par les acteurs gabonais du NEPAD, doublée dune nécessité de dépasser à la fois lidée « dengagement clair au système » et la « soumission » au discours presque programmatique des acteurs, vers une lecture scientifique de critique dun système mal gouverné qui fabrique un bon récit de son pouvoir pour échapper aux critiques justifiées de léchec dune gestion autocratique de lEtat.
Cette lecture était nécessaire pour opérer à limage de Bruno Latour sur létude la fabrique quotidienne du droit à partir du Conseil dEtat en France. Lauteur a enquêté sur le secret dEtat sans trahir un secret dEtat. Ce qui a donné lieu à une rupture épistémologique entre les fausses évidences et les vraies évidences. Il sagit là de la difficulté de toute étude empirique : être suffisamment extérieur et intérieur pour restituer avec objectivité la vérité sans dissimuler la réalité. Cela nous a permis dopter pour des réglages délicats en adoptant une position claire de chercheur : plonger dans lintériorité des mécanismes comme un Historien au Mozambique qui sest intégré dans une équipe de campagne dont il ne connaissait rien mais voulait comprendre un phénomène avec des carnets de route, issus de la visite et des entrevues et des dispositifs nationaux du NEPAD et en accordant des entretiens avec des personnes extérieures à ces appareils. Ce qui nous a permis grâce à « trois étapes importantes dans la recherche (rupture, construction et constatation) » de procéder à partir de l« observation distante » et de la « participation engagée » afin de recueillir des informations plus larges, de les recouper et de formuler des hypothèses valables pour la déduction du « fait étudié ».
C. Hypothèses connexes et Organisation du travail
Nos hypothèses de recherche ont été élaborées à partir des observations sur le terrain du discours et du comportement politique des acteurs gabonais et externes du NEPAD, et de lanalyse comparée sommaire avec dautres Etats parties au NEPAD à partir de la mise en uvre effective interne du processus et du bilan des évaluations internes pour comprendre les variables de cette action collective.
Cette thèse essentiellement empirique se fonde sur les hypothèses connexes suivantes : les usages qui sont faits du NEPAD en Afrique en général, et au Gabon en particulier dépendent de la manière dont les éléments constitutifs de laction collective du gouvernement en faveur de ce processus sont affectés par les conditions du rapport à leur émergence ; en conséquence le NEPAD nest pas un outil puissant de transformation politique certaine en raison de labsence dune vision objective de lEtat dans son rapport à la société africaine, qui ne favorise pas lémergence des formes institutionnelles véritables et performantes. Ce sont donc les conditions sociales, culturelles, idéologiques dans les pratiques et les manières de gouverner qui contribuent fondamentalement à la confusion sociale des logiques dinstitutionnalisation en souffrance dans le dispositif gabonais où il est impossible de concevoir et de reconnaître leur effectivité.
Tout en tenant compte des possibilités dinnovation contenues dans laction du NEPAD, son usage ne peut constituer un levier de changement politique que sil ne sinscrit pas dans les trajectoires institutionnelles et idéologiques favorables au déploiement du gouvernement et tenant compte des dynamiques internes. Trois autres hypothèses viennent soutenir celle-ci.
- Une première hypothèse peut être avancée sur les conditions démergence du NEPAD en tant que glissement vers un nouveau mode de légitimité. La forme inédite contemporaine de délibération dans les organisations repose sur lélection. En tant quinstitution née à la suite du nouveau constitutionnalisme africain, ce programme est dépendant dune légitimité technocratique aux dépens du suffrage universel. Aujourdhui, le glissement vers lexpertise technocratique et non populaire dans lévaluation des politiques gouvernementales, incite à penser que le suffrage universel est à nouveau contourné par des formes africaines de gouvernement.
- Une deuxième hypothèse concerne la participation du Gabon autour du NEPAD. Lentrée de ce pays sest faite au gré des interactions entre les acteurs et leurs coalitions de « pays réformistes », elle est tributaire de la fabrication dune certaine image « messianique ou pontificale » de son dirigeant, cest-à-dire de personnage incontournable qui fait autorité (grand leader africain), des modes historiques des réseaux dans lesquels il évolue en vue de faire passer en modèle dapplication lEtat gabonais quil incarne et dont la réalité interne se situe aux limites de lirréformable.
- Enfin, une troisième hypothèse renvoie au déficit de la démocratisation. Si la production du 3 peer review3 participe à l invention d une nouvelle manière de gouverner l action publique, les discours et les symboles construits et partagés autour de cette "machine de légitimation" peuvent paraître déterminant pour constituer une alternative à l impossibilité de la démocratie tant elle a eu la capacité de cristalliser un nouveau jeu politique régional. Cest donc un possible vecteur de changement politique.
Le plan de cette thèse se propose détayer successivement en trois grands fronts danalyse ces hypothèses. Une sociologie de la formulation des politiques de développement des institutions dans des structures formelles doit tenir compte des réseaux multiples de la société et des trajectoires réelles du politique inscrites elles-mêmes dans lhistoire et donc dans la durée. Cest donc plusieurs enjeux précis qui structurent la recherche. Les institutions étant aussi bien produites que productrices de pratiques et de sens selon Berger et Luckman, la première partie présente lévolution du Gabon en Afrique et le processus de construction historique du partenariat africain pour le développement. Cette double dimension, abordée dans deux chapitres différents, permet détablir des passerelles entre lhistoire du Gabon et celle du NEPAD. Ces deux histoires politiques sont compréhensibles à partir dune réalité commune aux deux entités : la variante exogène appliquée et son influence remarquable aussi bien dans lévolution du Gabon que du NEPAD. En effet, le facteur externe est celui qui contribue en partie sinon probablement le plus à la compréhension des trajectoires réelles du politique dans ces deux appareils. Ces structures extérieures qui sont des Etats ou des organisations internationales permettent de comprendre le Gabon et le NEPAD, à partir de trois temporalités successives structurant leur contexte économique, politique, régional et international marqué par des ambivalences. Il est possible à partir du premier chapitre de saisir ces paradoxes grâce aux discours, aux comportements politiques et aux stratégies des acteurs gabonais et africains du NEPAD sur le devenir de leurs Etats. La stratégie de développement de lAfrique repose sur un discours qui ne permet pas aux acteurs de revendiquer une quelconque autorité intellectuelle. Dans le deuxième chapitre, une étude sur le gouvernement des sociétés dans les deux cas est utile pour comprendre les conditions de reproduction oligarchique des systèmes dintérêt, lisibles par le jeu des acteurs et les mécanismes de pouvoir, doù lexamen des portrais des élites. Les modes dorganisation des individus, lexploration aussi bien de leurs trajectoires que de leurs comportements et discours contribuent à montrer que les usages dune dynamique de développement ont été fortement déterminés à la fois par une « idéologie sociale postcoloniale », et donc par une temporalité plus longue que celle de la période de la mondialisation, déterminant lavenir du continent africain puisquil en va dune tentative damélioration dune image chaotique.
La deuxième partie de ce travail sattache à souligner les éléments du positionnement de la diplomatie gabonaise à partir de la compréhension de ce phénomène transnational, dans le troisième chapitre, il est question donc dexpliquer comment le Gabon vient à entrer dans la dynamique du NEPAD. Et comment ce pays sefforce et avec quel succès de transformer une contrainte dinspection externe en ressource politique interne. A ce niveau, il ne nous paraît pas sans intérêt de dresser une analyse qui nest certes pas très originale pour avoir déjà été évoquée ailleurs, sur létat dun certain nombre de réformes engagées par lEtat gabonais pour la modernisation de son espace politique. Cette illustration comporte la vertu heuristique qui consiste à démontrer que les dynamiques locales sarriment sans doute aux contraintes et directives internationales. Ce qui permet de montrer par la suite que lentrée opportune du Gabon dans le programme régional est due avant tout à linspection externe et à la captation de laide des bailleurs de fonds. Ce rappel autour des réformes permet également dans le quatrième chapitre de comprendre la mise en forme effective du du NEPAD au Gabon.
Pour ne parler que du 3 peer review3 , dans la troisième partie nous tentons de comprendre comment la contrainte d inspection externe est transformée par des « collègues Présidents africains ». Ces derniers ne vont pas se montrer trop sévères dans l exercice de surveillance, et doù leur volonté sous-jacente dabsence de sanctions qui occulte celle de la punition. Dans le quatrième chapitre, une étude en termes de carrières, explore la trajectoire historique du « mécanisme africain dévaluation par les pairs » (MAEP), le parcours professionnel des experts africains ainsi que leurs « filiations » aux institutions financières internationales et un bilan critique des Etats ayant subi lévaluation par ces experts de la gouvernance extérieure. Pour comprendre comment le Gabon anticipe en devenant un modèle dapplication qui se place au centre de larène de décision du programme, nous essayons dans un cinquième chapitre de saisir le fonctionnement de lévaluation des pays dans le système international pour appréhender les conditions dinstitutionnalisation du MAEP au niveau local. Le sixième chapitre sarticule autour de lévaluation interne au Gabon et dune comparaison des processus à partir des terrains anglophones. Lintérêt du comparatisme est dinterroger la pertinence du programme africain au Gabon en tant quoutil de changement politique ou de continuité dun système au regard des logiques internes. Puis, nous envisageons de conclure sur les apports de ce travail en ce qui concerne la problématique du développement au Gabon et en Afrique en décryptant les évolutions et les permanences du devenir de lactivité gouvernementale dans les sociétés africaines.
Ière PARTIE
LETAT GABONAIS EN AFRIQUE ET LA NOUVELLE DYNAMIQUE CONTINENTALE DE PARTENARIAT
La problématique de linstitutionnalisation nécessite de porter un regard attentif sur le processus dinvention ou de création des institutions. Il est important parce quil permet de répondre à la critique de la défaillance des tenants de la démarche néo-institutionnelle à retracer les trajectoires. Se placer dans cette perspective a également lavantage de questionner les conditions démergence des dispositifs et mécanismes, qui permettent dexpliciter en partie selon Bratton et Van De Walle leur effectivité et leur capacité à encadrer les acteurs parce quils sont contraints par les institutions même si celles-ci ne sont pas respectées par ces derniers qui trichent en prenant beaucoup daise et souvent en raison de la faiblesse normative. Il nest pas possible de comprendre le NEPAD si lon ne creuse pas sur sa trajectoire qui doit bel et bien avoir un but précis. Cest pourquoi il paraît crucial de saisir à quoi il sert, à qui il est réellement destiné et comment sen sont saisis les acteurs. Le NEPAD étant un cadre daction, pour reprendre Adam Przeworski, où il y a incertitude quant aux effets attendus (résultats), mais certitude quant à la légalité (procédure de création), tout lenjeu de sa création dont lutilité est parfois contestée était, en notre sens, de réunir les conditions de transparence qui garantissent le nouveau jeu politique régional et susceptibles de garantir que les résultats (bénéfices matériels et symboliques) soient incertains pour tous au même niveau, doù son invention empruntée du "peer review", « nouvelle machine de légitimation » destinée à juger les « bons et mauvais élèves » en fonction du gouvernement.
Le Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique est un programme réalisé par quelques dirigeants africains pour atteindre les objectifs déradication de la pauvreté sur le continent. Ce projet a, depuis quelques années, connu un succès sans commune mesure en dépit des critiques les plus incisives. Ce projet dont la définition et la finalité sont parfois ignorées a été adopté par lAssemblée Générale des Nations Unies en juin 2002 comme cadre dappui au développement économique et institutionnel en Afrique en ce nouveau millénaire. En effet, sil est incontestable que lEtat gabonais na pas inventé le NEPAD, il y a, en revanche lieu dobserver que depuis les années 1990, ce pays a opéré de nombreuses mutations physiques et socio-économiques diversement interprétées certes, mais ayant le mérite déclairer la volonté des autorités locales de bâtir sur les bases saines une nation prospère. Il est donc impossible de traiter de ce sujet si lon ne remonte pas lhistoire pour comprendre le NEPAD et découvrir quil sagit dune initiative de lAfrique du Sud. Son idéologie sinspire de la « Renaissance Africaine ». Tracer la généalogie du NEPAD en la faisant communiquer avec lhistoire politique du Gabon revient à étudier leur parcours et à prêter une attention, aux innovations mises en place par cette institution panafricaine dune relative jeunesse mais dont les origines peuvent être lointaines.
Cette partie est consacrée à la présentation générale du processus dévolution historique du Gabon et du NEPAD. Il est hors de propos de consacrer une partie importante à lhistoire de ces entités. Mais, il est davantage question den rappeler les aspects fondamentaux susceptibles dexpliquer tel ou tel autre volet politique ou déclairer tel ou tel comportement propre à une région donnée. Il est reconnu comme un principe fondamental en sciences sociales, que lenvironnement est un facteur déterminant dans lapproche systémique des phénomènes sociologiques, à lexemple de la pratique des normes de gouvernement ou démocratiques quévoquait déjà Montesquieu au XVIIIème siècle. Nous allons rendre compte du contexte et des conditions qui ont présidé à la création du NEPAD, ce qua été le rôle de ses acteurs - notamment lAfrique du Sud -, afin déclairer sur le jeu, les enjeux et les débats générés par cette initiative. En premier lieu, nous présentons le Gabon et sa trajectoire de construction depuis son indépendance à nos jours en même temps que nous exposons par la suite les ambivalences du discours du NEPAD sur le devenir des Etats africains. En second lieu, nous examinons le gouvernement des sociétés africaines, identifiable dans les deux cas à une forme de reproduction oligarchique des systèmes dintérêt tant dans le fonctionnement des appareils que dans le comportement des acteurs.
CHAPITRE 1
LA CONSTRUCTION HISTORIQUE DU GABON ET DU NEPAD : UNE VARIANTE EXOGENE APPLIQUEE
Lhistoire des changements actuels que traverse le continent africain est connue. Lorganisation continentale pour la promotion du développement durable a été lun des événements politiques le plus important. Elle est créée par la volonté et le dynamisme de lAfrique et sinscrit dans la droite ligne de la politique économique sud-africaine largement inspirée de la politique post-apartheid dans sa version dafricanisation et de black empowerment. Il est question à travers ce chapitre de retracer dabord lhistoire de lévolution du Gabon afin de comprendre lEtat et sa trajectoire. Ensuite on tente de saisir ce que représente réellement le NEPAD à travers les conditions de son lancement, le contexte sociopolitique de sa création ainsi que laction de ses initiateurs et les enjeux et débats générés par les origines intellectuelles de la « renaissance africaine ». En effet, il paraît indispensable daborder celles-ci, pour comprendre les enjeux réels du NEPAD sur le plan africano-africain, le rôle des pays occidentaux dans sa confection, les tenants et les aboutissants ainsi que ses origines doctrinale et idéologique. La littérature à caractère plus politique ou engagé, officielle ou non, sera mobilisée pour analyser respectivement les réactions endogènes face au projet puis celles des bailleurs de fonds. Cette analyse devrait permettre - cest en tous cas son ambition - de trancher sur la question du caractère strictement - ou fallacieusement - africain de ce programme, caractéristique souvent présentée comme lune des forces de ce plan. Ainsi, il sagit de discuter de la dimension idéologique et professionnelle du gouvernement dans les sociétés africaines qui mêle diverses ressources sociales (relations personnelles, expertise), symboliques et matérielles permettant aux décideurs dagir et de paraître comme des dirigeants crédibles et légitimes.
Section 1 : Pour comprendre le Gabon et sa trajectoire
Le Gabon tient lieu de modèle d« autocratie libéralisée » en Afrique centrale depuis le retour à la démocratisation des années 1990. Sa présentation générale est nécessaire pour le lecteur. Elle permet de comprendre la géographie et lhistoire de cette ancienne colonie française qui nest souvent connue à lextérieur que par les maigres performances en termes de gouvernance quoffre son pouvoir politique. Ce dernier, retenu comme lacteur central des possibilités de création et de structuration de la société, joue un rôle majeur en matière de décision. Lenvironnement gabonais est actualisé par ses dirigeants et a donc selon Crozier et Friedberg des conséquences selon leurs représentations. Létude de lorganisation de son processus décisionnel est importante, linsuffisance des dispositifs oblige les acteurs internes à modifier leurs comportements en fonction des rapports avec lextérieur. Ce qui peut dans une large mesure expliquer ladhésion du Gabon au NEPAD qui relève de ce que Di Maggio et Powell nomment de processus « disomorphisme coercitif », provenant des injonctions internationales, et qui peut procurer une légitimité externe. Cest à partir de ces questions que le pouvoir des organisations internationales agit sur les acteurs internes. Pour mieux analyser le pouvoir, sa pratique et son exercice, il est important dinscrire celui-ci dans la trajectoire, et donc dans lévolution, cest-à-dire lhistoire.
Les trois temporalités successives marquantes de son histoire
Il sagit de rappeler les aspects fondamentaux qui à travers lhistoire, et bien dautres éléments peuvent être susceptibles dexpliquer les comportements et stratégies dacteurs depuis 1960 aux années 2000.
1.1.1. 1960-1989 : de lhéritage de lordre colonial à la fin de la guerre froide
Il nest pas utile ici de revenir sur lhistoire de la formation territoriale et des premiers habitants du Gabon qui remonte aux HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Pygm%C3%A9e" \o "Pygmée" Pygmées puis aux HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Bantou" \o "Bantou" peuples bantous, qui ne sont connus que par des légendes. Ce nest quavec larrivée des navigateurs portugais, au HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/XVe_si%C3%A8cle" \o "XVe siècle" XVème siècle, quon commence à disposer de témoignages écrits sur les populations côtières. Retracée ailleurs comme la narration linéaire et univoque dune trajectoire qui remonte au XIXème siècle, laccent est mis ici sur les modes de structuration internes. Les stratégies de lEtat depuis son indépendance ainsi que les les transformations progressives enregistrées ont une origine coloniale si lon en juge par la forme actuelle de lEtat gabonais - qui rappelle incontestablement deux piliers du pouvoir : violence et autorité - pour cerner explicitement le processus dacculturation imposé par le colonisateur, et qui sest progressivement cristallisé dans la mise place effective dun pouvoir autour dun mécanisme formel de gouvernement. Par la suite, la période de lindépendance du Gabon permet de comprendre que lunique homme qui dirige avec un partage marginal le pouvoir a été formé à lécole coloniale. Il est lhéritier de cette acculturation dont lévolution dans le cadre de la postcolonie et du retour au multipartisme est aujourdhui un échec.
Depuis larrivée au pouvoir du Président Omar Bongo Ondimba, le gouvernement gabonais a usé sans précédent, de manière variable, de la coercition comme lun des piliers dimplantation territoriale de son parti et donc de son pouvoir. Parallèlement, il a eu recours à lautoritarisme - désormais modéré - pour imposer sa vision du gouvernement ainsi que pour diffuser certains comportements sociaux et politiques et pour légitimer dautres pratiques indignes de la responsabilité politique. Ces deux ressorts fondés sur le processus dacculturation, violent et autoritaire, sont jusquà ce jour les outils majeurs face à ceux qui sécartent de la perspective néo-patrimoniale de la régulation de lEtat. Le système colonial sest à la base construit à partir de lexploitation des ressources au moyen dune violence exercée sur les peuples, la mise sous tutelle, et linvention des chefferies locales sont une bonne illustration. Les chefs locaux appartenaient à léchelle subalterne de lentreprise des colons. Le travail forcé était la règle.
A cette première étape, succédait une phase de mise en valeur économique des colonies, qui conduira par la suite à la structuration dune sociabilité urbaine au moyen dune dynamique populaire salariée et composée essentiellement douvriers, de domestiques et de clercs. Cette désertion du monde rural était contrôlée. Cette activité coloniale met en évidence les mécanismes pratiques de la domination de tout pouvoir et peut avaliser lidée selon laquelle le dispositif étatique formel postcolonial demeure largement tributaire des pratiques en vigueur sous la colonisation. A ce niveau, il est possible détablir un lien entre les mécanismes de gestion des colons qui ont joué un certain rôle dans le contrôle des peuples et cette forme de gouvernementalité de lactivité du dirigeant gabonais reposant sur la pratique machiavélique « de diviser pour mieux régner » et qui rencontre un grand écho grâce à lintériorisation de la domination par le peuple gabonais. Le Président Bongo Ondimba hérite manifestement de ces pratiques, sa manière de gouverner sinscrit dans la durée depuis la postcolonie, elle est la même aujourdhui et emprunte beaucoup à la conception de Machiavel sur lexercice du pouvoir. Celle-ci a permis au chef de lEtat gabonais de se construire un protocole symbolique propre à celui dun roi disposant dune suite personnelle, et hérité des mythes dorigine coloniale. Dailleurs, la création du PDG comme parti unique à cette période, relevait dune réalité propre à la postcolonie. Cette trajectoire de la formation de lEtat au Gabon peut également trouver son prolongement régional dans les conditions dinstitutionnalisation du NEPAD. La gestion coloniale reposait sur lobtention dappuis des chefs locaux disposés à collaborer à cette entreprise.
Le NEPAD nous semble porteur de cette réalité en ce sens que la nécessité de sa création et les discours layant alimenté peuvent être interprétés comme la « rançon du succès dun processus sélectif des colonisés dans la sphère formelle, qui avait provoqué au sein des populations africaines lémergence de classes sociales calquées sur le modèle occidental, lesquelles, à un moment donné, se retrouvent toutes - apparemment - unies pour exiger leur émancipation et la suppression du système de tutelle colonial ». Avec le NEPAD, on assiste bel et bien à une dynamique dunification qui affirme une nouvelle identité régionale dont les fondements sont tributaires de la réactivation de la pensée de Fanon et de lidéologie du panafricanisme. LAfrique tente de prendre en charge son destin. Cette nouvelle donne est portée par un groupe sélectif délites dont le projet politique est en partie emprunté aux modèles de lOccident. Cest dire que lhistoire politique gabonaise et du NEPAD néchappe pas à cette construction institutionnelle reposant sur des modèles hybrides ou intermédiaires avec des modifications internes marginales. Ici le recours à la lépoque coloniale permet de comprendre la structuration et lorganisation de lEtat depuis 1960.
En effet, pendant trois siècles, le Gabon fut rythmé par la traite des esclaves entre tribus côtières et marchands européens, notamment les Portugais et Hollandais. Les HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Portugal" \o "Portugal" Portugais furent les premiers Européens à accoster au Gabon, en 1472, sur les bords du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Komo&action=edit" \o "Komo" Komo. Lestuaire de ce fleuve en forme de caban, un manteau de marin, en portugais gabao, donna son nom au HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabon" \o "Gabon" Gabon. Lopez Gonzalvez, Fernan Vaz, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Diogo_C%C3%A3o" \o "Diogo Cão" Diego Cam reconnurent le rivage du Gabon. A leur suite, plusieurs autres nations européennes établirent des comptoirs sur les côtes. Des activités commerciales sy développaient et aussi bientôt, comme sur les autres côtes occidentales africaines, la HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Traite_des_noirs" \o "Traite des noirs" traite des Noirs mais aussi le commerce de l HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Ivoire" \o "Ivoire" ivoire ou du bois d HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89b%C3%A8ne" \o "Ébène" ébène. Les africains associèrent les techniques des blancs (fusil, écriture) à la sorcellerie. Les premiers esclaves capturés par les Portugais, dès le début du XVIème siècle, furent employés dans les plantations de canne à sucre de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Sao_Tom%C3%A9" \o "Sao Tomé" Sao Tomé avant que le commerce vers lAmérique ne devienne prépondérant. En raison de ces migrations internes en cours, le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabon" \o "Gabon" Gabon était à cette époque sur la voie d'un équilibrage démographique qui fut perturbé par les Européens. Ces derniers, pour alimenter la HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Traite_des_noirs" \o "Traite des noirs" traite des Noirs, capturèrent et achetèrent des esclaves à des chefs côtiers, lesquels asseyaient ainsi leur prédominance sur dautres ethnies de lintérieur du pays. Ce fut une période faste pour les ethnies côtières comme les Mpongwès et surtout les Oroungou qui se constituèrent un royaume dans les premières décennies du XIXème siècle.
Pendant cette période, les Européens ne cherchèrent pas à occuper le pays. Ils se contentaient davoir des comptoirs permettant à leurs navires de mouiller en sécurité, d'embarquer les esclaves et les marchandises. Quand un pays européen installait un fortin, cétait plus pour se protéger de ses concurrents que pour coloniser la région. A la fin du XVIe siècle, les Hollandais supplantèrent les Portugais. Mais ils eurent un grave différend avec les chefs mpongwès de lEstuaire qui détruisirent le fortin qu'ils avaient construit dans lîle de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Corisco" \o "Corisco" Corisco en 1601. En 1698, une nouvelle querelle poussa les Hollandais à détruire plusieurs villages mpongwès. Le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_de_Loango" \o "Royaume de Loango" royaume de Loango qui sétendait de la côte du Congo à la province de la HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Nyanga" \o "Nyanga" Nyanga fut un grand pourvoyeur desclaves. Une partie de ces infortunés était embarquée à bord des navires européens sur le site actuel de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Mayumba" \o "Mayumba" Mayumba.
Ensuite, au HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/XIXe_si%C3%A8cle" \o "XIXe siècle" XIXème siècle, la HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/France" \o "France" France va occuper progressivement le territoire gabonais, à partir de lEstuaire du Gabon et de lembouchure de l HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Ogoou%C3%A9" \o "Ogooué" Ogooué, grâce à laction dexplorateurs, à lexemple de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Savorgnan_de_Brazza" \o "Pierre Savorgnan de Brazza" Pierre Savorgnan de Brazza. Le Gabon, colonie de l HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/AEF" \o "AEF" Afrique équatoriale française (AEF), obtient par la suite son indépendance en HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1960" \o "1960" 1960. Cest à partir du traité signé entre HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Bouet-Willaumez&action=edit" \o "Bouet-Willaumez" Louis Edouard Bouët Willaumez et le souverain HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Mpongw%C3%A8" \o "Mpongwè" mpongwè nommé Rapontchombo le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/9_f%C3%A9vrier" \o "9 février" 9 février HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1839" \o "1839" 1839 que les Français étendent progressivement leur influence sur le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabon" \o "Gabon" Gabon en créant un poste militaire dans lestuaire du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Komo&action=edit" \o "Komo" Komo et la future capitale, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Libreville" \o "Libreville" Libreville, est fondée par danciens esclaves libérés dun HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9grier" \o "Négrier" navire négrier. Voici comment le Bulletin de la société de géographie envisageait la présence française au Gabon, en HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1889" \o "1889" 1889 : « Pour les Européens, il ne saurait être question dun long séjour dans la Gabonie. Les fatigues, les marches y sont dangereuses. Cette contrée ne peut donc pas devenir une colonie de peuplement ; tout au plus restera-t-elle une colonie de commerce. Actuellement le nombre de Français résidant au Gabon ne dépasse pas le chiffre de cinquante, abstraction faite, bien entendu, des marins et des fonctionnaires ».
En HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1961" \o "1961" 1961 HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Mba" \o "Léon Mba" Léon Mba est élu Président de la République indépendante. La monnaie nationale reste le franc des colonies françaises dAfrique (CFA). En HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1964" \o "1964" 1964, Léon Mba essaie darranger les élections pour se maintenir au pouvoir. Le 18 février 1964 il est déposé par larmée gabonaise. Le jour suivant, larmée française intervient pour le réhabiliter de son pouvoir. En HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1967" \o "1967" 1967 il meurt dun cancer en HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/France" \o "France" France et est remplacé par HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Omar_Bongo_Ondimba" \o "Omar Bongo Ondimba" Albert Bernard Bongo. Ce dernier avait fait son service militaire dans larmée française au temps des colonies. Il avait par la suite travaillé pour les services secrets français. Cest dans ces conditions quil est apprécié des autorités politiques françaises, comme celui qui était en situation et le plus apte à défendre les intérêts économiques de celles-ci.
Toutefois, il faut reconnaître dun point de vue formel que laccession au pouvoir du Président Albert Bernard Bongo est parfaitement constitutionnelle puisquil est élu sur le même ticket que le Président Léon Mba avant la mort de celui-ci. Le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/12_mars" \o "12 mars" 12 mars HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1968" \o "1968" 1968, le nouveau Président gabonais instaure le monopartisme avec la création du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_d%C3%A9mocratique_gabonais" \o "Parti démocratique gabonais" Parti démocratique gabonais (PDG). À partir de ce moment et pour une vingtaine dannées, les activités de lopposition étaient cantonnées à létranger. Léconomie sest développée autour de lexploitation forestière ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Okoum%C3%A9&action=edit" \o "Okoumé" okoumé), minière ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Mangan%C3%A8se" \o "Manganèse" manganèse et HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Uranium" \o "Uranium" uranium) et surtout pétrolière ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Total_S.A." \l "Elf" \o "Total S.A." Elf Gabon). En HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1973" \o "1973" 1973, après sa conversion à lislam, Bongo prend pour prénom HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Omar" \o "Omar" Omar. En HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1974" \o "1974" 1974 le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabon" \o "Gabon" Gabon adhère à lOrganisation des pays exportateurs du pétrole ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Opep" \o "Opep" Opep). Lexemple de développement dinfrastructures le plus marquant fut le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Transgabonais" \o "Transgabonais" Transgabonais. LÉtat fortement centralisé assurait, comme aujourdhui, lessentiel de lemploi national grâce à la rente pétrolière. A la fin des HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Ann%C3%A9es_1980" \o "Années 1980" années 1980, la chute du cours du pétrole plonge le Gabon dans une grave crise économique dont il nest toujours pas sorti. Les revendications sociales et politiques vont se multiplier.
1.1.2. 1989-1999 : la décennie charnière de la démocratisation
Une conférence nationale est convoquée en HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1990" \o "1990" 1990 pour refonder le pays. Cette grande conférence de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1990" \o "1990" 1990 adopte le multipartisme. Depuis lors, le pays na connu aucune alternance. Toutes les élections sont remportées par le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_d%C3%A9mocratique_gabonais" \o "Parti démocratique gabonais" Parti Démocratique Gabonais (PDG) et contestées par lopposition. Le changement le plus notable depuis cette démocratisation fut la multiplication des partis qui naccèdent que peu au pouvoir et la floraison de journaux dopposition difficilement viables. Le quotidien des HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabon" \o "Gabon" Gabonais na pas lui beaucoup évolué, la situation économique se dégrade à cause de la patrimonialisation des ressources de lEtat et sous la pression des bailleurs de fonds ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Fonds_mon%C3%A9taire_international" \o "Fonds monétaire international" FMI, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_mondiale" \o "Banque mondiale" Banque Mondiale) en même temps que le secteur privé peine à se développer.
Cest dire quon assiste à une simple continuité du système. La situation ne semble pas favorable pour le moment à une alternance en raison du maintien au pouvoir du Président HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Omar_Bongo_Ondimba" \o "Omar Bongo Ondimba" Omar Bongo. Mais comme le note Jérôme Lafargue, on assiste davantage à la persistance « des (
) mouvements de protestation, bien que relativement dispersés et manquant de cohésion ». Il y a aujourdhui une certitude pour que ceux-ci forment au fil des ans par accumulation un esprit de conflictualité susceptible de constituer un danger pour un système au pouvoir usé et affaibli par un échec en matière dorganisation structurelle et bureaucratique. Comme dans lorganisation dunités transnationales, le cas du NEPAD, lautoritarisme et le confinement du champ politique est porté par un ensemble dhommes politiques, agissant dans une arène ou par opposition formelle face à des peuples déçus et appauvris par les difficultés dun régime néo-patrimonial en quête de reconnaissance internationale mais dont le gouvernement consiste à (ré)-activer une pensée unique dun genre nouveau plutôt que de construire progressivement une légitimité au débat pour les nouvelles générations.
La transition sest amorcée au Gabon. Elle sétait ouverte avec la démocratisation consécutive à la fin de la guerre froide, en 1989. Elle sest refermée avec léchec, sur fond de marasme économique et de dégradation sociale, des politiques dajustement structurel des institutions financières internationales et leur remplacement par de nouveaux programmes au début des années 2000. Cest ainsi, qua émergé lentement avec les conséquences de ce tournant historique le Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD), ouvrant ainsi une nouvelle ère pour le continent africain. Les transformations en cours qui sopèrent en Afrique, souvent sous des formes diverses (mouvements sociaux, conflits ou guerres civiles, pauvreté, maladies, etc), donnent une impression de « chaologie » ou dun continent en crise, la réalité ny est pas moins compréhensible quailleurs. On ne peut évidement pas comprendre ces mutations que sous le prisme de simplifications médiatiques.
En effet, la décennie 1989-1999 a permis de remettre en cause la plupart des modèles économiques qui structuraient lAfrique. Le Gabon, ancien régime autoritaire sest converti à léconomie de marché en scellant la fin symbolique du monopartisme puisquun multipartisme formel sy est répandu dans tout le pays. La remise en question temporaire de lancien système a permis douvrir de nouvelles marges de manuvre au sein de lespace politique et social mais sans possibilité dun véritable changement positif. Dans le cas du Gabon, on peut à partir de trois lignes de fracture comprendre ces ambivalences. Dune part, sa trajectoire historique montre bien que les thérapies néolibérales et leur échec ont, fait éclater le contrat social issu des indépendances. Cet événement déstabilisateur a constitué un moteur des conflits sociaux. Dans le même temps, il provoque un débat, sur la nécessaire redéfinition des politiques économiques. Dautre part, la démocratisation a élargi lespace politique, mais de manière incomplète. En particulier, la tutelle des institutions financières internationales (IFI) laisse planer le doute sur la légitimité des autorités publiques. Enfin, lémergence de nouvelles puissances africaines redessine la géopolitique du continent, laissant entrevoir une redistribution des cartes. Cest à ce niveau quil est possible détablir un lien entre lévolution du Gabon et ses prolongements externes. Les organisations internationales représentent les structures qui agissent sur les mutations actuelles, notamment en ce qui concerne lévolution du gouvernement des sociétés en Afrique.
Loin daffirmations dépréciatives pouvant créer lincompréhension de la complexité du continent, on peut dire que cest en partie léchec des politiques dajustement structurel (PAS), devant lampleur des dégâts largement évoqués par le courant structuraliste, qui ont amené des pays comme le Gabon, à sengager sans doute, sous la tutelle de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) sur de nouveaux programmes économiques, quadopte également le NEPAD. Ces nouveaux plans ont des objectifs resserrés autour de la lutte contre la pauvreté et la corruption, le développement des ressources humaines, lessor des infrastructures. Ici, les documents stratégiques de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP) ainsi que les réformes que nous développons dans ce travail, trouvent toute leur expression. Ils doivent permettre à lEtat gabonais datteindre les objectifs du millénaire pour le développement fixés par les Nations unies pour intégrer la mondialisation.
1.1.3. Depuis 2000: le « post Washington Consensus » et les nouveaux remèdes
En Afrique, les PAS nont pas permis aux pays du continent de sortir des abysses de la pauvreté et de la marginalisation. La dégradation du tissu social a ouvert la voie à plusieurs critiques et donc à une redéfinition de nouvelles marges de manuvre. On peut lire à travers lensemble de ces critiques une évolution du discours sur lajustement qui a largement inspiré les mutations dans les sociétés africaines. Le contexte externe a considérablement influencé lévolution des capacités à gouverner dans les gouvernements africains. Cest donc lévolution de lenvironnement international et les résultats nuancés de lajustement qui conduiront au cours de la période post-ajustement a réorienté les intentions théoriques de la nouvelle économie du développement.
Cette mutation a emprunté trois directions dont une nous paraît pertinente pour lexplication de linfluence externe sur lévolution du Gabon contemporain : les institutions et les conventions. Sur le plan de lhistoire, on constate que lévolution de lajustement a abouti à des découvertes successives qui ont fini par gagner les territoires du Sud : la découverte de lorthodoxie économique, la (re)-découverte des institutions, la mondialisation et la (re)-découverte du sous-développement.
En effet, le Consensus de Washington dans sa version première se traduisait par un arrimage à la théorie libérale. Mais avec les évolutions, les déceptions dues à lincertitude des résultats économiques en matière de développement ont conduit à une réorientation du discours vers la nécessité de prendre en compte les institutions pour encadrer les structures. Ainsi, on est passé à la seconde phase des réformes du « post Washington consensus » qui sest caractérisée « par lintégration des institutions sous la forme de la résurgence du concept de (bonne) gouvernance » nécessaire à la mise en place des politiques orientées vers le marché.
De plus, « les réformes structurelles impliquant des modifications institutionnelles notables nécessitaient les compétences administratives importantes afin dassurer la planification des mesures ainsi que la coordination des administrations impliquées ». Cest dans cette perspective quil faut situer les réformes de la fonction publique initiées au Gabon au tournant du millénaire et dont les prolongements régionaux et internationaux trouvent toute leur intellection autour du NEPAD. Ce dautant plus que les IFI étaient accusées dimposer un ajustement par le « haut », largement inspiré des partenaires au développement. Ces institutions de la finance internationale, en réponse, vont passer du concept de développement (ou renforcement) des capacités à celui « dappropriation des réformes » ou ownership. Celui-ci postule que désormais les pays « doivent fixer eux-mêmes leurs priorités et définir leurs programmes par le biais des processus participatifs avec la pleine participation de la communauté internationale ». A partir de là, on peut aisément comprendre linfluence du facteur externe sur les dynamiques locales. Les réformes gabonaises ont été initiées à partir de ce nouvel environnement international qui a par ailleurs largement inspiré le NEPAD.
Par ailleurs, le développement des investissements directs étrangers (IDE) auquel fait tout aussi référence le NEPAD, « suppose une combinaison rentabilité-risque attrayante pour les investissements potentiels (
). Il sagit pour les pays africains dappliquer les recommandations du consensus de Washington nouvelle version ».
Cest donc incontestablement dans ce contexte quil faut également situer les Accords de partenariat économique (APE), mis en place dans le cadre de laccord de Cotonou, en 2000. Ce qui permettait à lUnion européenne de se mettre en phase avec ce nouveau concert des nations, de même que le NEPAD. Le Gabon ne pouvait être en marge de ces transformations dautant plus que ce pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure, souvent classé dans la catégorie des pays pauvres, comptait sur ces nouveaux programmes pour la captation des flux daide au moment où celle-ci devenait de plus en plus sélective avec la baisse de lintérêt géopolitique du continent africain et la concurrence parallèle des pays de lancien bloc soviétique depuis la chute du mur de Berlin. Or, durant cette période, pour le financement du développement, des réductions ou des annulations de dette sont aussi annoncées, notamment par le G8, telle linitiative des pays pauvres très endettés (PPTE) et différentes organisations multilatérales lancent des appels à laugmentation de laide internationale.
Tous ces programmes auparavant présentés comme tirant les enseignements des politiques antérieures, demeurent prisonniers des a priori idéologiques néolibéraux, et se gardent daborder les « débats interdits » sur les politiques macroéconomiques alternatives. Le rapport « Notre intérêt commun » est typique de ces impasses, qui nempêchent pas des pays comme le Gabon à sactiver sur la scène régionale et internationale malgré un contexte économique difficile et un champ politique renforçant les positions acquises par le chef de lEtat gabonais. Car le moins quon puisse dire, cest que le dirigeant gabonais na proposé aucune rupture fondamentale, seulement la perpétuation des orientations et des équipes antérieures moins renouvelées.
1.2. Le contexte économique, politique, régional et international
Le Gabon qui connaît des difficultés économiques dues à la diminution des ressources pétrolières tente désormais de diversifier son économie et de se fabriquer une image sur la scène internationale. Cest une manière pour les autorités gabonaises de se créer de nouvelles marges de manuvre afin de répondre à leur crise de légitimité interne et internationale.
1.2.1. La dimension économique
Le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabon" \o "Gabon" Gabon exporte du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Mangan%C3%A8se" \o "Manganèse" manganèse, du pétrole, du bois et bien dautres produits de son sol et sous-sol bien avant les années 1960, lexploitation des mines d' HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Uranium" \o "Uranium" uranium de Franceville est terminée depuis 1999. Le train reliant Franceville-Libreville transporte depuis lors le minerai des mines de manganèse situées à Moanda. Les gisements ferreux de Bélinga au nord-est de Makokou ne sont pas encore exploités. De nouveaux gisements de pétrole ont été trouvés dans les eaux profondes de la bordure littorale gabonaise et représentent un impressionnant potentiel économique. Un autre gisement dont le minerai serait du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Niobium" \o "Niobium" niobium pur à 96 % a été découvert près de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Lambar%C3%A9n%C3%A9" \o "Lambaréné" Lambaréné. Ces nouveaux gisements sont vitaux pour le pays, malheureusement, ils sont situés dans une zone très difficile daccès, et il ny a pas de route, de voie ferrée où de fleuve pour y accéder. Aujourdhui, l'Etat gabonais tente de faire construire une voie ferrée entre les villes de Kango, de Lambaréné et de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouila" \o "Mouila" Mouila, les travaux sont très difficiles et donc très longs. Malgré ses atouts économiques, le Gabon nest classé en 2003 quau 123ème rang sur 177 pour l HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_d%C3%A9veloppement_humain" \o "Indice de développement humain" indice de développement humain.
En matière dindustrie pétrolière le Gabon est le 37ème producteur de pétrole mondial, avec 234.000 barils par jour. Sa production pétrolière a entamé son déclin en 1997. Depuis les années 1970, le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9trole" \o "Pétrole" pétrole représente environ 80% des exportations, 60% des recettes de lEtat et 40% du Produit intérieur brut (PIB) du Gabon. Cest dire limportance fondamentale de ce secteur d'activité dans léconomie gabonaise. Les premiers puits de pétrole sont entrés en exploitation dans les années 1950, dans l HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Ogoou%C3%A9-Maritime" \o "Ogooué-Maritime" Ogooué-Maritime. Pendant longtemps, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Elf-Gabon" \o "Elf-Gabon" Elf-Gabon et Shell Gabon se sont partagés lessentiel des gisements. Ces dernières années, un nombre plus important de compagnies pétrolières a pu opérer au Gabon. Le pétrole est une richesse fondamentale, mais aussi une richesse aléatoire. Dune part, la production varie en fonction de lépuisement des nappes connues et des nouvelles découvertes. Dautre part, les cours du pétrole varient eux-mêmes. Les années 1970 ont apporté au Gabon dimportantes masses budgétaires avec lenvolée des cours comme de la production. Cela a permis une politique de grands travaux à Libreville, notamment. Mais la récession des années 1980 nen a été que plus durement ressentie. Comme d'autres pays, le Gabon sest endetté et la baisse des revenus pétroliers a compliqué le remboursement de cette dette.
La remontée des cours et de nouvelles découvertes (gisement de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Rabi-Kounga" \o "Rabi-Kounga" Rabi-Kounga) ont permis un renversement de la situation dans les années 1990. Néanmoins les découvertes se font plus rares. Il reste des gisements en eau profonde à exploiter, mais leur coût d'exploitation les rend moins rentables que les premiers puits. Des tensions apparaissent entre le Gabon et la HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Guin%C3%A9e_%C3%A9quatoriale" \o "Guinée équatoriale" Guinée équatoriale pour le contrôle dîlots sans intérêt par eux-mêmes mais dont les eaux sont potentiellement riches en pétrole ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Mbani%C3%A9" \o "Mbanié" Mbanié). Cest dire que léconomie gabonaise dépend étroitement des matières premières. La rente pétrolière a entamé son déclin en 1997 (18,7 millions de tonnes) pour atteindre 13 millions en 2005, soit 234 000 barils/jour. Même si la hausse du prix du pétrole permet aux recettes daugmenter, la mise en production de nouveaux champs pétroliers et les efforts pour maximiser la récupération des champs existants ne parviennent pas à compenser la baisse de production des champs principaux. Sauf découverte de nouveaux gisements dans les prochaines années, le Gabon pourrait bientôt sortir de lère pétrolière. Reste que le Gabon devra diversifier son économie pour faire face au déclin inévitable de la production pétrolière, le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Pic_p%C3%A9trolier" \o "Pic pétrolier" pic pétrolier ayant été atteint en 1996/1997.
Le Gabon est également un important producteur de manganèse, et devrait mettre en exploitation, dans les années à venir, le gisement de fer de Belinga, à travers un vaste projet dinvestissements (construction dun port en eau profonde et dune voie de chemin de fer pour évacuer le minerai) qui sera réalisé en partenariat avec des entreprises chinoises. Enfin, lexploitation forestière est une autre richesse du pays. Lindustrie et les services sont en revanche peu développés. Exploité depuis 1962 par la Comilog (compagnie minière de lOgooué), le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Mangan%C3%A8se" \o "Manganèse" manganèse du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Haut-Ogoou%C3%A9" \o "Haut-Ogooué" Haut-Ogooué est la deuxième source de richesse du Gabon, après le pétrole. Les roches manganésifères étant proches de la surface, lexploitation se fait à ciel ouvert. Un gros problème logistique sest posé pour l'évacuation du minerai. Il a fallu construire un téléphérique de 70 km de long pour le transporter jusquau Congo-Brazzaville où le chemin de fer permettait ensuite d'amener le manganèse au port de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Pointe-Noire_%28Congo%29" \o "Pointe-Noire (Congo)" Pointe-Noire. Cest en partie pour ne plus avoir à passer par un Etat voisin que le Gabon a construit sa propre ligne de chemin de fer dans les années 1980 : le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Transgabonais" \o "Transgabonais" Transgabonais. Désormais le minerai de manganèse rejoint le port dOwendo, au sud de Libreville. Dès 1964, la production annuelle approchait le million de tonnes pour atteindre « 2,5 millions de tonnes en 1989 et 2,8 millions de tonnes en 2005 ». Grâce aux mines de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Moanda_%28Gabon%29" \o "Moanda (Gabon)" Moanda, le Gabon est devenu le deuxième producteur mondial de manganèse, derrière l HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_du_Sud" \o "Afrique du Sud" Afrique du Sud. Le minerai de manganèse du Gabon possède une teneur en manganèse de 50% et les réserves sont estimées à 27% des réserves mondiales.
La HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/For%C3%AAt_%C3%A9quatoriale" \o "Forêt équatoriale" forêt équatoriale qui couvre près de 85% du territoire gabonais abrite une essence, l HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Okoum%C3%A9&action=edit" \o "Okoumé" okoumé, abondamment exploitée depuis un siècle, presque exclusivement pour l'exportation. L'exploitation forestière a occupé jusquà un tiers des emplois salariés au Gabon, avant lessor de lindustrie pétrolière dans les années 1970. En 1998, le bois représentait encore 14% des exportations du Gabon. Chaque année, 1,6 million de m3 sont exportés, principalement vers la Chine et vers la France. La SNBG, Société Nationale des Bois du Gabon, détenait le monopole de lexportation dokoumé et dozigo jusquà la fin de lannée 2005. Aujourdhui, sous la pression du FMI, lEtat Gabonais a dû procéder à la restructuration de cette entreprise et le 1er janvier 2006, la Société nationale des bois du Gabon (SNBG) est entrée dans lenvironnement concurrentiel du marché du bois.
Il existe trois zones dexploitation. La première se trouve à proximité des cours deau, principalement sur la côte, de manière à faciliter lévacuation des billes par HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Flottage_du_bois" \o "Flottage du bois" flottage vers les ports de Libreville et Port-Gentil. Puis sont apparus les camions grumiers et la mécanisation du transport a permis douvrir des chantiers forestiers à lintérieur des terres, on atteignait la seconde zone dexploitation. Depuis la mise en service du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Transgabonais" \o "Transgabonais" Transgabonais, dans les années 1980, une partie des HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Grume" \o "Grume" grumes est transportée par le chemin de fer: la troisième zone dexploitation a pu être atteinte ici grâce au chemin de fer qui a rendu laccès possible dans les zones beaucoup trop éloignées de la côte. La production dokoumé est partiellement transformée en HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Contreplaqu%C3%A9" \o "Contreplaqué" contreplaqué à Port-Gentil. Depuis les années 1970, les cours du bois connaissent des fluctuations qui rendent lexploitation plus ou moins rentable. Pour sefforcer dy remédier, les compagnies forestières diversifient les essences commercialisées. Dautres bois comme lozigo, le sipo, laielé, liomba, lapo, le niové, le bilinga ou encore le douka font leur apparition alors que dans les années 1970 lokoumé représentait à lui seul plus de 80% de la production totale. Une multitude dessences présentent un intérêt commercial. Contrairement à dautres pays dAfrique, le Gabon devrait pouvoir conjuguer lexploitation du bois et la préservation de la forêt, en raison de la faible population du pays. A condition de ne pas surexploiter la ressource, la forêt gabonaise devrait pouvoir se régénérer naturellement, la pression agricole étant peu importante. Il existe des accords pour la préservation de lenvironnement qui attribuent notamment 10% du territoire à des réserves naturelles. Mais dans ce domaine, comme dans dautres, les appétits financiers opposent la théorie à la réalité. Lagriculture gabonaise est peu développée, constituée essentiellement de cultures vivrières destinées à lauto-consommation ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Banane_plantain" \o "Banane plantain" banane plantain, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Manioc" \o "Manioc" manioc, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Taro_%28plante%29" \o "Taro (plante)" taro, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Igname" \o "Igname" igname). Les villageois vendent leurs quelques surplus au marché pour gagner un peu dargent.
En ce qui concerne le tissu économique, les grandes entreprises qui exploitent les richesses naturelles du Gabon occupent le devant de la scène, mais ce ne sont pas elles qui font vivre la majorité des habitants et qui satisfont leurs besoins quotidiens. Pour cela, il existe une foule de petits métiers exercés par des artisans ou petits commerçants gabonais mais aussi immigrés dAfrique de lOuest ou dAfrique centrale. Ils offrent leurs services à des prix modiques, adaptés aux ressources de leur clientèle. Si bien quau Gabon, il existe une double norme de consommation : celle, à leuropéenne, dont les prix sont comparables à ceux pratiqués en Europe, et celle, à lafricaine, qui permet aux plus pauvres de vivre.
Le Gabon, classé par le FMI pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, nest pas éligible à linitiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), et ne peut donc pas bénéficier dannulations de dette qui constitue lun des objectifs poursuivi par les autorités de ce pays dans leurs engagements régionaux et internationaux. Lun des buts du NEPAD à moyen terme, est de parvenir à obtenir des partenaires au développement lannulation de la dette africaine dans le cadre du partenariat. Après des relations difficiles avec les institutions financières régionales et internationales, le Gabon se fait passer en « bon élève » en initiant sans succès des réformes pour tenter de redynamiser son économie ruinée. Cest dailleurs dans ce sens, que le FMI a approuvé un programme pluriannuel de suivi qui a permis au Gabon dobtenir du Club de Paris, le 11 juin 2004, un accord de rééchelonnement de sa dette publique extérieure pour un montant de 717 millions deuros.
Le Gabon est lun des rares pays du continent africain qui regroupe autant de ressources naturelles sur le plan du sol et du sous-sol. Pays côtier, situé sur le littoral du golfe de Guinée, il est marqué par une stabilité politique qui en fait un « îlot de paix » et entretient, aussi bien dans la région quau delà, de bonne relations internationales.
1.2.2. La configuration politique
Lhistoire politique gabonaise nous enseigne quau moment de lindépendance en HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1960" \o "1960" 1960 cohabitent deux grandes formations politiques: le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Bloc_d%C3%A9mocratique_gabonais&action=edit" \o "Bloc démocratique gabonais" Bloc démocratique gabonais (BDG), présidé par HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_M%27Ba" \o "Léon M'Ba" Léon Mba, et l HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Union_d%C3%A9mocratique_et_sociale_gabonaise&action=edit" \o "Union démocratique et sociale gabonaise" Union démocratique et sociale gabonaise (UDSG), présidée par HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Jean-Hilaire_Aubame&action=edit" \o "Jean-Hilaire Aubame" Jean-Hilaire Aubame. Aucun des deux ne remporte la majorité au cours des premières élections post-indépendances, organisées alors dans le cadre dun régime parlementaire. Le BDG obtient le soutien de trois des quatre députés indépendants et Léon Mba est nommé premier ministre. Les deux partis décident ensuite de présenter une liste commune de candidats. Cest ainsi que Léon Mba devient président en 1961, sous le nouveau régime présidentiel. Jean-Hilaire-Aubame devient quant à lui ministre des Affaires étrangères. Ce système monopartite reste en vigueur jusquen 1963, lorsque les membres du BDG, majoritaires, forcent les membres de lUDSG à intégrer le BDG ou à démissionner. Ces derniers présentent leur démission et le Président Léon Mba organise des élections pour 1964 en réduisant par la même occasion le nombre de députés à lassemblée nationale, qui va passer de 67 à 47 membres. LUSDG ne parvient pas à réunir une liste de candidats susceptibles de remplir les critères du décret électoral. Le BDG est sur le point de remporter les élections faute dadversaires lorsque larmée dépose le Président Léon Mba au cours dun coup dEtat sans effusion de sang, le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/18_f%C3%A9vrier" \o "18 février" 18 février HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1964" \o "1964" 1964. Larmée française rétablit le gouvernement le lendemain. Les élections ont finalement lieu en avril. Le BDG remporte 31 sièges contre 16 pour lopposition.
A la fin de lannée HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1966" \o "1966" 1966, une révision de la constitution institue la succession du vice-président au cas où le Président décède en fonction. Au mois de mars de lannée suivante, Léon Mba et Omar Bongo (qui sappelait alors Albert Bernard Bongo) sont élus respectivement Président et vice-président. Le Président Mba décède au cours de lannée et Albert Bernard Bongo devient Président. En mars HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1968" \o "1968" 1968, le nouveau Président Bongo dissout le BDG et établit un parti unique, le PDG. Il est élu Président en février HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1975" \o "1975" 1975, puis réélu en décembre HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1979" \o "1979" 1979 et en novembre HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1986" \o "1986" 1986. En avril 1975, la charge de vice-président est supprimée et remplacée par celle de Premier ministre, qui na pas de prétention à la succession. La constitution du 26 mars 1991 dispose, depuis linstauration du Sénat quen cas de vacance du pouvoir par la maladie, la mort ou toute autre raison dûment constatée par la cour constitutionnelle sur demande du Premier ministre, du président de lassemblée nationale et du président du sénat, ce dernier assure lintérim pendant une période de 45 jours au plus au terme de laquelle il organise les élections auxquelles il ne peut lui-même être candidat. Et sil est empêché, cest son premier vice président qui assure cet intérim.
Le Président Bongo ne parvient pas à étouffer lopposition au PDG et deux coups dEtat sont évités de justesse en septembre HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1989" \o "1989" 1989. Cest ainsi que la légitimité du pouvoir est contestée par divers acteurs, dont la capacité de canalisation des revendications était identique. Le débat autour du suffrage universel et de la démocratisation est déclenché par de violentes grèves et manifestations chez les étudiants, ensuite relayées par des ouvriers et lentrée en « dissidence » danciens hommes politiques du pouvoir et amplifié par les plans de rigueur (conditionnalités politiques à laide publique au développement) des institutions financières internationales. Lentrée en scène de ces différents acteurs nest pas exempte dintérêts contradictoires ou concurrentiels, qui permet à ces personnalités de se construire une stature de leader et de participer au débat de la Conférence nationale. Leur participation au débat sur la réforme politique de lEtat est favorisée par les variables générationnelles et la convergence des parcours scolaires qui constituent la matrice de caractérisation de leur trajectoire de combat, de dénonciation et de socialisation politique.
Les conditions démergence et de structuration de ces transformations sociales peuvent être appréhendées selon une lecture politique en termes de « filiation » et demprunts retravaillés et re-fabriqués à partir des modèles extérieurs. Cette orientation de lanalyse est intéressante parce quelle permet de faire communiquer lhistoire politique gabonaise au processus dinstitutionnalisation du NEPAD qui, à observer de très près, nest pas originale mais trouve sa filiation malgré quelques réglages internes, au sein dinstitutions de la communauté internationale. On assiste manifestement à une juxtaposition des réseaux (IFI et ONU) et de générations politiques au sein de lorganisation panafricaine (cas de Blair/Mbeki et de Mbeki/Obasanjo). Le cas du "peer review" est révélateur de ces changements politiques, si lon en juge par le fait que le groupe dévaluateurs possède une trajectoire technocratique commune dont la légitimité sest construite grâce à leurs carrières au sein des organisations internationales des Nations Unies. Il sagit bien des « ONU boys et women », cest-à-dire dun groupe composé pour lessentiel dhommes et de femmes ayant fait carrière à lONU et dont la socialisation politique sinspire pour une large part de la tradition onusienne des valeurs du système international, si lon suit la manière dont sest structuré le pouvoir dEtat en Amérique latine avec larrivée des professionnels formés pour lessentiel à lécole de Chicago et connus sous le nom de « Chicago boys ». Ce mécanisme dévaluation assure indirectement la légitimation aux acteurs qui sinspirent des mécanismes des organisations internationales, notamment de lOCDE. Cette constance de la mondialisation des guerres de palais - limportation des techniques de la gouvernance de la comptabilité et des audits - représente une révolution normative majeure des transformations sociales en cours en Afrique puisque quelle permet de glisser de la légitimité électorale à la légitimité experte ou technocratique. On passe du pouvoir au comptable, cest-à-dire du public au privé, au principe de laccountability, cest-à-dire à lobligation des gouvernements de rendre des comptes.
Lenjeu est que la gouvernance des audits permet aux acteurs déchapper au contrôle de lopinion publique et donc à lévaluation des politiques par le peuple. Or, ces deux logiques contrastent dans les terrains africains et posent la question densemble de leur efficacité: la gestion technocratique liée à la performance peut savérer inefficace pour la conquête ou la conservation du pouvoir, et la logique redistributive savère généralement payante même au prix de limmobilisme (navigation à vue et insuffisance des réformes). Cette seconde logique fait partie intégrante de limaginaire ambiant du pouvoir en Afrique. Le NEPAD participe par ailleurs à la diffusion de lidéologie de léconomie de marché, il sagit dune réappropriation africaine du « consensus de Washington » qui seffectue à travers des réseaux et il est donc difficilement convainquant pour son promoteur Thabo Mbeki - formé en Grande Bretagne où il a connu Tony Blair durant son exil au moment de lapartheid -, daffirmer lautorité intellectuelle à tout jamais des Africains sur ce programme.
Pour revenir au cas gabonais, il sagit bien de la rencontre danciens opposants et de ceux quon a qualifié par la suite de « jeunes turcs » qui a permis le moins quon puisse dire, une mobilisation de diverses ressources et des points de vue stimulants au moment du retour au multipartisme. La rencontre de ces personnages nétait pas sans intérêt. Certains dentre eux se sont rencontrés principalement en France dans le cadre des mouvements de la Fédération des étudiants dAfrique noire en France (FEANF) et cest dans ces lieux quils ont consolidé les origines idéologiques et intellectuelles de leur contestation, relayée en interne par des opposants au système qui réussissaient à former autour deux une coalition dalliés et à faire adhérer à leur croyance la majeure partie de la population qui jugeait légitime leur combat pour les libertés individuelles. Cet entrecroisement et renforcement de coalition dintérêts autour des réseaux issus ou non du système au pouvoir, donnaient temporairement une dimension grande aux mouvements dopposition. Cette dynamique contestataire sans commune mesure au Gabon, conférait une portée consistante aux réseaux contestataires des élites ainsi que la justification de leurs revendications. Ce ralliement opportun dune coalition hétéroclite dacteurs et de partis politiques aux ambitions communes après « lassassinat supposé de Joseph Rendjambe », du nom dun des principaux leaders les plus critiques du pouvoir en place, ancien président du parti gabonais du progrès (PGP), mort considérée comme le fait du régime du Président Bongo et qui va déclencher, une vague de contestation territoriale après lincendie de lhôtel Dowé où son corps avait été retrouvé.
Cette rencontre va se construire et se cristalliser autour de la Coordination de lopposition démocratique (COD) puis par la suite du Haut conseil de la résistance (HCR) ; On y retrouvait à la tête les principaux leaders dalors de lopposition, parmi lesquels Paul Mba Abessole, leader principal et figure emblématique de cette période aujourdhui allié le plus remarquable de la majorité présidentielle regroupée autour de Bongo, Pierre Louis Agondjo Okawe, cousin et successeur de Rendjambe à la tête du PGP et par ailleurs frère aîné de Jean Ping, ancien gendre du chef de lEtat et lun de ses collaborateurs les plus influents, Simon Oyono Abaa du mouvement pour le redressement national (Morena), Pierre Claver Maganga Moussavou du parti social gabonais ayant suivi le même destin politique que Mba Abessole autour du renforcement du pouvoir du président, etc. On peut donc observer que les mouvements de revendications regroupaient des groupes sociaux aux intérêts convergents et aux profils divers, dont le passé contestataire a été en grande partie occasionnel à lexception de Mba Abessole, pendant que Oyono Abaa et Agondjo Okawe étaient en prison durant les années de parti unique.
En effet, dans le cadre de la transition amorcée au Gabon, la souffrance des institutions impliquées dans le processus na pas favorisé la multiplication des canaux de mobilisation, des lieux et des méthodes appropriées. Linitiative a été portée par des hommes politiques ayant peu de ressources même sil est vrai que Mba Abessole avait quelques contacts et soutiens informels avec le pouvoir, cette relation était instable ainsi que les ressources si lon en juge par le déséquilibre des rapports de force entre les acteurs de lopposition et le gouvernement. Cette situation a vite fait perdre de la consistance aux revendications ainsi que la reprise en main de la répression, des débats et des institutions par le régime. Ce qui a conduit, malgré une tentative de renaissance dune opposition structurée avec larrivée de Pierre Mamboundou, à léchec de lopposition dû en partie aux égoïsmes personnels des agents du champ politique, créant suspicions, éclatement des bases sociales et idéologiques. Linsuffisance des bases organisationnelles et des ressources peut expliquer en grande partie la faible tradition historique dopposition ou de combat à limage des « modèles béninois et sénégalais », qui a empêché la transition politique de parvenir à son terme en même temps que cette situation a préparé le « lit » à la continuité du système Bongo qui na pas su sadapter au changement politique par manque de travail politique et dune opposition inopérante stratégiquement dans les méthodes et errements de coordination et daction collective.
Sur le plan politique ni le Gabon ni le Président Bongo - souvent confondus - nont évolué véritablement depuis le retour officiel du pluralisme. Le régime en place agit de la même manière avant et après la démocratisation. La réalité est restée la même et atteste, dans les faits, dune continuité du système. Cest dans cette perspective que Grignon a souligné dans le cas kenyan la « capacité intégratrice » de la parole portée sur le multipartisme par les élites contestataires qui a réussi à fédérer réseaux sociaux et discours aux répertoires différents mais relevant daspirations communes. Cette affirmation valide lidée dune structuration par « filiation et emprunts » du NEPAD dont les ordres de discours des acteurs quoique différents temporairement - les plans MARP de Mbeki autour de son réseau anglophone et sa coalition de « pays réformateurs » et Omega de Wade autour de son réseau francophone - avaient des objectifs communs : le développement de lAfrique.
La logique dévolution historique de la construction institutionnelle du Gabon nest pas sans rapport avec les conditions de structuration du NEPAD. Le fait commun à ces deux entités est quil sagit des systèmes, de concert ou parallèlement, de partage de pouvoir dans certains cas, à travers des cadres hybrides ou intermédiaires mais avec des modifications marginales. Linteraction entre ces organisations et les acteurs conduisent à dire quil existe dans cette impression de chaos des capacités réelles dorganisation concurrentielles de résistance et de négociations, la persistance dun désordre apparent nocculte pas la survivance ou la constance de la mobilisation dinstitutions. Ces ajustements impliquent des perturbations des systèmes sociaux, mais ne semblent pas remettre en cause dans le contexte africain, certaines valeurs ancrées dans les imaginations locales et les consciences individuelles, toujours vivaces dans la survivance de la vitalité des liens interpersonnels qui révèlent lincapacité à articuler autour dune modernité lorganisation économico-politique et sociale des pays africains.
1.2.3. Les relations régionales et internationales
A léchelle régionale, le Gabon sinvestit activement. Il est membre de la Zone Franc, de la Communauté Economique et Monétaire de lAfrique centrale (CEMAC) et de la Communauté des Etats dAfrique Centrale (CEEAC). Le dirigeant de ce pays met en uvre une diplomatie active de réseaux, lui permettant dêtre au centre des problèmes que connaissent ses pays voisins, exerçant ainsi une influence notable dans la sous-région par le biais de nombreuses activités de médiation. « Parmi les dirigeants africains, Omar Bongo est lun de ceux qui apparaissent le plus souvent en position dite de « médiateur » dans les conflits qui secouent le continent. Dans ce rôle, lactivité de ce chef dEtat a pu sinscrire dans la durée puisquil a accédé à la présidence du Gabon en novembre 1967 ». Sa longévité politique lui vaut aujourdhui dêtre reconnu symboliquement comme le « sage » et doyen des chefs dEtat africains. Sous son impulsion, la Communauté économique et monétaire dAfrique Centrale (CEMAC) joue, depuis 1996, un rôle majeur dans la résolution des crises en Centrafrique. Médiateur dans la crise politico-militaire en Centrafrique pour la CEMAC, le chef de lEtat a reçu une délégation conduite par Mgr Paulin Pomodimo. Le dialogue centrafricain proposé en novembre 2002 par lancien Président de la République de Centrafrique, Ange-Félix Patassé, avait donné lieu à la désignation de deux coordonnateurs pour lorganiser, Mgr Paulin Pomodimo et lancien Premier ministre, Henri Maïdou. Ces derniers sétaient rendus au Gabon où ils avaient eu un entretien, dans le cadre de la première étape de leur périple, avec le président Omar Bongo, le médiateur pour la CEMAC dans la crise politico-militaire qui secoue la Centrafrique depuis longtemps. Outre les nombreuses initiatives diplomatiques du président Bongo dans ce sens, les Forces armées gabonaises assurent un rôle de leadership dans le cadre de la Force multinationale CEMAC de maintien de la paix en Centrafrique (FOMUC), force déployée par la CEMAC à Bangui, financée par la France puis, depuis novembre 2004, par la facilité de paix de lUE. 150 militaires gabonais étaient présents à Bangui, au sein de cette force. Le Gabon avait également fourni un contingent à la mission de sauvegarde des accords de Bangui (MISAB).
Le Gabon a aussi joué un rôle de médiateur dans les différentes crises qua connues le Congo Brazzaville. Le président gabonais Omar Bongo avait été officiellement désigné comme « médiateur » dans le conflit au Congo à loccasion de la signature à Brazzaville dun « accord de cessation des hostilités » entre l'armée et des miliciens rebelles. Le Président Bongo avait été choisi par les parties comme médiateur dans ce « dialogue national », avait indiqué le général Sassou Nguesso pendant que les chefs politiques concernés des milices ninjas et cocoyes, lex-président Pascal Lissouba et son dernier Premier ministre Bernard Kolélas, navaient pas été associés à la signature de laccord, qualifiant cet accord signé en novembre à Pointe-Noire (ouest) par larmée et un groupe dofficiers des milices de « machination ».
Le Président gabonais Omar Bongo Ondimba nen est pas moins un fervent acteur de la solidarité régionale. Au-delà du développement tant souhaité pour son pays, il rêve dune sous-région forte, unie et solidaire. Il sattache à convaincre les différents chefs dEtat de sunir au sein dune communauté facilitant le développement. Profondément gabonais, il défend aussi lidée d'une Afrique forte, unie. Il uvre activement dans ce sens, notamment en tant que médiateur lors de la résolution des conflits. Tout en consacrant des efforts à la politique intérieure, Omar Bongo sest attaché à développer la coopération entre le Gabon et le reste du Monde. Diplomate de réseaux, le Président reçoit régulièrement de nombreuses personnalités, contribuant ainsi au rayonnement international que connaît Libreville. De nombreux sommets y sont dailleurs organisés. Il use de la diplomatie comme lun des ressorts de son pouvoir, notamment dans son ambition de « superpacificateur » ou de « grand médiateur » doté de génie politique.
Ce pilier, la paix, est un outil majeur du pouvoir pour échapper aux critiques justes qui sinscrivent dans le registre de régulation néo-patrimonial ou clientéliste interne de lEtat. Se faisant, Omar Bongo effectue de nombreux voyages à la recherche de nouveaux cadres daction afin de saffirmer comme lun des dirigeants africains les plus écoutés, au sein de lONU, de lUnion africaine, du FMI ou de la Banque islamique de développement par exemple. Défenseur dune idéologie sociale d'une « Afrique unie », il ne ménage dailleurs pas ses efforts pour trouver des solutions aux nombreux conflits qui secouent régulièrement le continent. Grand admirateur de Félix Houphouët-Boigny, cest tout naturellement quil prend le relais de son action à sa disparition et il nest pas un conflit en Afrique qui nait requis ses actions de médiateur. On notera son implication dans la résolution des conflits angolais, tchadien, congolais, zaïrois (actuel République démocratique du Congo) entre autres, ou encore son implication au sein de lOUA lors du différend survenu en juillet 1977 entre les Etats membres. Le Président gabonais, est le moins quon puisse dire, lun des artisans de la nouvelle union africaine et du NEPAD. Le continent africain a besoin plus que jamais de démocratie, certes, pour répondre aux aspirations profondes de la population, mais la démocratie ne signifie rien si les peuples nont pas lessentiel, le minimum vital pour vivre.
Sur la scène internationale, le Gabon est présent de façon relativement active. M. Jean Ping, ministre des Affaires étrangères, a présidé, de septembre 2004 à septembre 2005, la 59ème Assemblée Générale des Nations unies ; il fut lun des quinze membres du Conseil de Paix et de Sécurité de lUnion africaine - institution quil dirige aujourdhui grâce au soutien des réseaux de son maître -, installé le 26 mai 2004 à Addis Abeba. Le Gabon entretient des relations bilatérales multiples. Un litige frontalier est apparu en mars 2003 avec la Guinée équatoriale au sujet de lîle de Mbanié, revendiquée par Malabo et potentiellement riche en pétrole. Une médiation a été confiée au diplomate et avocat canadien Yves Fortier, sous légide du Secrétaire général des Nations unies. Celle-ci nayant pas abouti, les deux gouvernements sembleraient vouloir se diriger vers un recours auprès de la Cour international de justice (CIJ). Par ailleurs, le Gabon a toujours entretenu des rapports très étroits avec la France, premier partenaire économique. Ces liens ne sont pas démentis avec larrivée du Président Bongo, malgré quelques moments difficiles. Le chef de lEtat gabonais a maintenu la coopération entre la France et le Gabon. Il a des rapports sympathiques avec des personnalités du monde politique et économique français avec lesquelles il a lié de nombreuses amitiés, sans distinction dappartenance politique. Cet homme considéré comme le vieux leader africain est respecté et apprécié, notamment des chefs dEtat de la Cinquième République, du Général de Gaulle à Nicolas Sarkozy en passant par Georges Pompidou, Valery Giscard dEstaing, François Mitterrand et Jacques Chirac. Nicolas Sarkozy ainsi que Jean Marie Bockel, puis Alain Joyandet, secrétaire dEtat à la coopération se sont rendus au Gabon après leurs prises respectives de fonction. Autant de gestes symboliques pour des premières visites qui sont une bonne illustration des intérêts financiers des grands groupes hexagonaux. Les relations du Gabon avec les Etats-Unis sétoffent, en raison de lintérêt de Washington pour le golfe de Guinée, susceptible de lui fournir des besoins en pétrole dans une dizaine dannées comme le remarque linternationaliste camerounais Jean-Emmanuel Pondi dans sa lecture africaine de la guerre en Irak. Le président Bongo sest rendu en visite officielle à Washington du 26 au 28 mai 2004. Les relations avec la Chine sont également importantes, notamment depuis la découverte dimportants gisements de fer dans la région de Bélinga dont lexploitation a été confiée à lEtat chinois depuis linstitutionnalisation de la compagnie minière de Bélinga (Comibel).
La géopolitique du continent, en mutation, ouvre des marges de manuvre aux Etats. Les anciennes dépendances sont remises en question dans certains pays. Dautres puissances externes vont pouvoir se positionner sur la scène africaine, cest notamment le cas de la Chine au Gabon. Limportante activité diplomatique gabonaise et la nécessaire biodiversification de son économie trouveront toute leur expression au sein du Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique même si ce programme na rien dune panacée. Il permet tout au moins à ce pays de se positionner davantage sur la scène régionale au moment où émergent sur le continent des parrains régionaux, tels lAfrique du Sud et le Nigeria.
Section 2 : Le NEPAD et les incertitudes du discours sur le devenir des Etats africains
Le nouveau programme africain de développement est généralement présenté comme un plan de « seconde indépendance » du continent. Mais il est plus exact de considérer le NEPAD comme une vision stratégique qui annonce de nombreuses vérités sur le besoin de changement. Il sagit globalement, dune avancée pour diverses raisons malgré ses carences. Le pouvoir devient ici un bien symbolique qui nest plus distribué équitablement entre acteurs mais en fonction du travail politique qui ne peut garantir des positions de pouvoir que lorsquon agit avec des résultats. Cest pourquoi les promoteurs nont pas souhaité rattacher au départ cette institution à lUnion africaine - reposant sur le principe de léquité, cest-à-dire, « un pays, une voix » et donc à chacun son tour même si les performances sont médiocres -, superstructure qui a traditionnellement la mainmise sur les organisations régionales afin de garantir son autonomisation.
Les lignes qui vont suivre portent un regard sur la façon dont ce programme qui doit se lire dans la durée et porté par Thabo Mbeki - alors vice président de lAfrican National Congress (ANC) puis président de lAfrique du Sud -, sest progressivement institutionnalisé et imposé, les contenus et les formes institutionnelles quil a revêtus et les expériences qui lont alimenté. Nous essayons de remonter lhistoire depuis la période des indépendances pour saisir les ambitions de lancien Président sud-africain Mbeki qui sétait appuyé sur le panafricanisme. Nous lévoquerons pour éviter la critique sur la défaillance de lhistoire en retenant les périodes durant lesquelles son projet politique a trouvé toute son expression, cest-à-dire autour des temps cycliques majeurs des années 1960-1989, 1989-1999 lorsquil accède aux plus hautes responsabilités de lEtat en tant que vice-président de Nelson Mandela et dauphin désigné, en 1999, une fois installé au pouvoir.
2.1. La mise en uvre du NEPAD : le rêve dune « nouvelle renaissance »
Le NEPAD peut provoquer des améliorations en termes de gouvernance et de bien-être social sil fonctionne comme lannonçaient ses promoteurs. Ensuite, il est susceptible, même sans atteindre ses objectifs, de transformer dans la tournure le discours en Afrique. Après une première vague dexpériences dans les années 1960 et 1970, les dirigeants africains sengagent désormais dans les problématiques contemporaines du développement et de la meilleure manière de gérer le gouvernement pour atteindre des objectifs. Enfin, le NEPAD a reçu plusieurs soutiens de la communauté internationale pour réexaminer les questions du développement, et pose donc des questions complexes sur les institutions. Ces trois motifs nous amène à présenter le programme dans sa trajectoire pour saisir ses racines intellectuelles.
2.1.1. 1960-1989 : les origines intellectuelles et idéologiques du NEPAD
Le processus de diffusion en Afrique autour du NEPAD sest fait grâce à la « renaissance africaine » à partir des temporalités cycliques importantes qui marquent le renouveau institutionnel actuel. Pour marquer laffirmation dun désir collectif dunité continentale, les leaders africains ont eu recours à lhistoire en vantant les mérites de lOrganisation de lUnité Africaine (OUA) et de linvestissement de ses leaders - Abdul Gamal Nasser, Nkwame Nkrumah, Patrice Lumumba, Julius Nyerere, Amilcar Cabral, Albert Luthuli et dautres - pour parvenir à rallier une coalition de pays. Le contexte de développement de son idée part de la volonté daffirmer une mémoire institutionnelle dune histoire politique.
En effet, « lAfrique a dépassé le stade où incriminer le passé pour ses problèmes. Cest à nous quil incombe de réparer ce passé, avec le soutien de ceux qui acceptent de participer avec nous à un renouveau continental. Nous avons une nouvelle génération de dirigeants conscients que nous devons assumer la responsabilité de notre propre destinée, que nous nous élèverons seulement par nos propres efforts menés en partenariat avec ceux qui nous souhaitent le succès » ;
- Nelson Mandela.
Le NEPAD est une conséquence dun ensemble didées émergentes et dinitiatives passées. Il est issu le plus directement de lidée dune « renaissance africaine », initialement évoquée par lancien chef de lEtat sud-africain, Nelson Mandela, puis développée et portée par son successeur, Thabo Mbeki. Si la promotion de la renaissance a été lobjectif, le NEPAD est le plan qui a été prévu pour latteindre. Ce programme africain trouve son inspiration intellectuelle dans lenthousiasme croissant témoigné pour les zones de libre-échange régionales, notamment lAccord de libre-échange nord-américain (ALENA) et lUnion européenne. Ce nouveau plan est lémanation dune importante tradition de pensée panafricaniste qui, dès le début du XXème siècle, a commencé à envisager lunité du continent africain. Malgré ce cachet intellectuel que possède le panafricanisme, le continent demeurait divisé sur la question de savoir à quel point elle devrait embrasser lunion depuis laube de la période postcoloniale. Ainsi, durant les années qui ont précédé la création de lancienne Organisation continentale (OUA) en 1963, lAfrique se divisait en trois groupes philosophiques : le bloc (radical) de Casablanca et les groupes (plus modérés) de Monrovie et de Brazzaville.
Toutefois, lalignement des pays dans ces différents blocs na pas permis au fil des temps dimprégner véritablement un débat unitaire au cours des quatre dernières décennies à cause des tensions importantes. Lorigine du NEPAD est à rechercher dabord dans les réalités post-guerre froide qui se sont traduites par des déséquilibres de pouvoir entre le continent africain et les pays industrialisés. Il tente donc de réagir au désengagement militaire et politique du monde occidental à légard de lAfrique. Ensuite, la fin des années 1980 voit se développer sur le continent un ensemble hétéroclite de contestation contre les régimes autoritaires. Le NEPAD intervient après au moins six autres initiatives régionales depuis 1980, parmi lesquelles, le Plan de Lagos (PAL, 1980-2000) avec la loi finale de Lagos de 1980, le Programme prioritaire pour le redressement de lAfrique (PPRA, 1986-1990) de lOUA converti en programme des nations unies pour le redressement et le développement de lAfrique (PANURDEA-1986), le Cadre alternatif africain dajustement structurel pour la transformation socio-économique (CAA-PAS, 1989), la Charte africaine pour la participation populaire au développement (1990) et le Nouveau programme des Nations Unies pour le développement (1990-1991). Cest dans cette perspective, que durant la décennie 1980 lOUA va se ranger dans le camp gradualiste. Ce bloc envisageait de constituer un ensemble économique africain uni, qui devrait senraciner autour des institutions communes, à savoir un régime douanier, un parlement et une monnaie.
Cependant, durant cette décennie peu de mesures fondamentales navaient été prises par les dirigeants africains. Tous ces plans ont échoué pour diverses raisons, à la fois internes et externes. Ce qui a donné lieu à des débats sur la démocratisation et lapartheid en Afrique du Sud. Il sagissait de promouvoir les conditions dune économie libérale mettant fin au monopole détenu traditionnellement par lEtat. En 1991, les dirigeants de lOUA officialisent le Plan de Lagos dans un traité qui met en place la Communauté économique africaine (CEA), et finalement ratifié par la majorité dEtats en 1994. Mieux, au niveau international on assiste à lentrée en scène de la thématique du développement avec la montée virulente de la démocratisation. Mais pour bien comprendre cela, il est intéressant de se placer dans lanalyse des institutions, pour saisir à la fois les silences et les fermetures. Les silences observés sur lhistoire dun peuple et les fermetures dun débat aux voies alternatives mettent en évidence la manière dont émerge un projet hégémonique qui saffirme comme incontournable. La compréhension du NEPAD ne peut porter que sur la seule pertinence de la validité de ses objectifs déclarés et du modèle de relation qui y est attaché. Dans les lignes qui suivent, nous faisons une critique de lidéologie des élites africaines, ainsi quune analyse des paramètres qui ont entravé le développement économique et politique du continent.
2.1.2. 1989-1999 : léchec des plans économiques et de la démocratisation
La « renaissance africaine », par delà ses origines panafricaines lointaines, trouve sa consécration dans les enjeux et débats portant sur la meilleure façon de faire face aux défis du développement et de la croissance économique, comme en témoigne lengagement des grandes organisations internationales, parmi lesquelles la Banque Mondiale, à la promotion dinstitutions susceptibles dimpulser cette dynamique. Ces enjeux du développement avaient conduit lancien Président Mbeki à faire renaître un continent sous-développé. A ce titre, on peut dire que lidéologie du NEPAD emprunte volontiers la direction de la « renaissance africaine » de Thabo Mbeki.
Il sagit dun des nombreux programmes de développement du continent africain. Il voit le jour après les premières élections démocratiques sud-africaines de 1994 qui vont relancer de grands débats sur les possibilités dune « renaissance africaine ». Dans un certain sens, ce programme est assez visionnaire en ce quil veut promouvoir un changement de modèle dans les relations internationales de lAfrique et dans les politiques intra-africaines.
Cest au cours de ces années 1990-1993 que Thabo Mbeki et un ensemble déconomistes des puissantes banques sud-africaines sattachent, selon le modèle anglosaxon à promouvoir le développement dinstitutions qui faciliteraient la croissance économique continentale. Au cours de cette période, lapproche des institutions connaissait un succès remarquable. Ce regain dintérêt pour les dispositifs institutionnels était dû au résultat defforts de quelques-uns de ses tenants les plus célèbres. Suivant cette dynamique irréversible des changements politiques mondiaux, Thabo Mbeki alors vice-président de lANC et de lEtat sud-africain, va sapproprier certaines thématiques délaissées après leur succès dans les pays africains durant les années des indépendances, parmi lesquelles, le nationalisme, le panafricanisme, lanticolonialisme et même la pensée de Fanon en combinant pragmatisme économique et libéralisme pour bâtir le NEPAD. Cette dynamique interne a été indéniablement liée aux évolutions externes pour quelle soit à la fois légitime mais aussi afin de prendre toute son importance dans ce contexte politique contemporain.
Cest dire que les origines sont moins récentes quon pouvait limaginer, elles réactivent tous les éléments qui font sens en Afrique et qui pouvaient susciter ladhésion à cette croyance, lidée dafricanisation des cadres faisant sens dans limaginaire continental, le destin personnel de Thabo Mbeki et de son pays ne pouvait échapper au destin du continent. Comme nous lenseigne lhistoire de la postcolonie, le porte-parole dun groupe - le leader - se rapproche du peuple pour le mobiliser et lorganiser autour de sa croyance, lenjeu autour de celle-ci étant de lutter contre le mauvais gouvernement, puis le développement. Voilà schématiquement le modèle de lidée de réinvention du continent, dont lancien Président sud-africain est devenu le leader incontournable.
En effet, les origines du NEPAD se dessinent autour du discours de la « renaissance africaine » en vogue dans les années 1994-1998. Car, avant de prendre ses anciennes fonctions de Président en juin 1999, Thabo Mbeki et ses collègues sud-africains du gouvernement de lANC ont travaillé à la présentation de leur « vision africaine », quils ont baptisé « renaissance africaine » et qui se veut comme un renouveau politique, économique et social. Pour Thabo Mbeki et ses collaborateurs, cette vision devait se traduire par lélaboration dun nouveau programme de redressement du continent. Une telle initiative, couplée à des politiques daction concrètes, devrait générer une nouvelle coopération. Le NEPAD est à ce titre, la manifestation concrète de ce plan daction.
Appréhender le NEPAD à partir de linteraction dynamique de la dichotomie entre politics et policies relève dune entreprise de lanalyse des politiques publiques qui par ailleurs est elle-même proche par les matériaux quelles interprètent des analyses néo-institutionnelles. Cette articulation permet de mettre en évidence un certain relativisme qui peut paraître salutaire en raison des grandes généralisations sur les terrains africains. Lémergence du NEPAD au tournant du millénaire ne doit être abordée de façon simpliste sous langle de loccidentalisation. Ce programme peut être considéré comme un processus général de structuration dune société africaine plus ouverte et dans laquelle la formulation dun référentiel des politiques publiques collectives de développement est désormais une construction sociale et non une donnée prescrite. Une sorte dadaptation des sociétés africaines à lheure de la mondialisation libérale sest imposée.
En effet, si une politique publique renvoie manifestement à une action menée par des autorités (dites) publiques, il va sans dire quaujourdhui les débats sur la capacité des structures nationales à conduire et à formuler des actions visant le bien-être des populations sont dactualité et imprègnent les problématiques sur le « bon gouvernement ». Il convient dapprécier le processus de construction institutionnelle du nouveau programme africain à partir dune recomposition de la démarcation du rapport politics et policies qui conduirait à désabuser les discours sur les éléments originaux ou demprunts du NEPAD. Le premier renvoie aux règles daccès et de maintien au gouvernement (qualification des systèmes) et le second aux formes de la production et de la distribution des biens collectifs (efficience de laction publique).
Le NEPAD est né de lidéologie de la « renaissance africaine ». Ce discours emprunte beaucoup à la mondialisation libérale, phénomène à travers lequel le continent africain prend en compte les mutations actuelles et tente de se transformer pour compter parmi les acteurs de la scène internationale. Ce discours idéologique a bien malheureusement une forte charge critique. Il met en évidence la minoration historique du continent africain dans le concert des nations. Il est également une critique de son accommodation et de sa marginalisation internationale ou de son assignation en position de spectateur (syndrome de la victimisation) par lAfrique. A travers le nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD), le continent africain fait un usage réaliste et pragmatique de sa position de vulnérabilité, en tentant ainsi de saisir les opportunités et les ressources internationales pour essayer denvisager une modification avantageuse du nouvel ordre de léconomie mondiale. Il semble quon peut tout aussi admettre, par-delà la logique demprunt des universaux de « bon gouvernement », que lAfrique adopte un comportement international qui peut paraître tactique par lequel le continent africain, en tant quacteur à part entière de la scène internationale, joue sur un échiquier dans lequel se déroule la redistribution de positionnement mondial. LAfrique est stratégiquement en quête dautonomie et de pouvoir et ne veut donc pas être à lécart des échiquiers majeurs dexpression de linfluence à « lère de la non-fongibilité des ressources de la puissance ».
Cest dire, dun point de vue critique, quil convient de relativiser la perception néolibérale du NEPAD qui emprunte aux institutions internationales. Les critiques les plus incisives font du programme africain « un enfant posthume du consensus de Washington ». Il est avant tout un choix politique et idéologique des dirigeants africains mus par une volonté affirmée de faire de lAfrique un des acteurs de la scène internationale. Les fondements philosophiques de lorientation néolibérale permettent de nuancer la critique. Le choix des promoteurs du programme, peut résider dans le principe de vision ou de conviction suivant lequel lAfrique ne peut inverser la situation tendancielle de la sociologie de la dynamique mondiale en cours, il est donc important pour ce continent de trouver des solutions possibles pour parvenir tout au moins à tempérer et à amoindrir ses effets et menaces à son encontre. Par ailleurs, si lon peut admettre que toute réappropriation contient une part de réinvention dans la société réceptrice, le NEPAD ne peut être considéré comme un simple modèle hybride.
Dans ces conditions, lidéologie de lopposition acharnée et ardue qui constitue pour une large part le cadre dexpression du NEPAD ne peut être ni fructueuse ni opérationnelle si lon élargit la compréhension des nouveaux rapports dans un contexte contemporain de lAfrique au monde. A ce propos, une sociologie du NEPAD dans sa dépendance aux normes internationales permet déviter une analyse hâtive et normative en relativisant la critique et en indiquant dans une certaine mesure que le continent africain sinscrit en cohérence dans la nouvelle politique internationale du NEPAD pour élargir confortablement sa position et sa marge de manuvre dans la nouvelle sociologie de la mondialisation. Cest dans cette perspective que le Président Abdoulaye Wade a envisagé sa vision africaine de la globalisation en proposant le Plan Omega. Les critiques de la récitation, de limportation ou de la réduplication néolibérale du NEPAD ne sont pas très pertinentes du fait que cest à lintérieur du « paradigme de Washington » que le continent africain, à travers le NEPAD, entend imposer et exiger le revirement de sa « situation anormale » dans le monde en transformant les relations qui la soutiennent. On doit appréhender la réappropriation africaine du partenariat comme une tentative de subversion de lordre international dans son organisation « polarisée et hiérarchisée » qui tend à nier la « capacité des pays en développement à contrôler leur propre développement » et à produire dans le « désordre » les voies de leur modernité.
Le jeu des acteurs africains ici consiste à arrimer les universaux de gouvernement à travers le prisme africain de léconomie libérale, le NEPAD cest linstitutionnalisation dun nouveau cadre dinteraction avec le monde, notamment avec les partenaires au développement et les institutions financières internationales. Ce nouveau mode de relations est fondé sur un ordre du jour que le peuple africain de sa propre initiative choisit de ne plus ressasser le passé en sinventant un avenir et en déterminant son destin. Au delà de ladoption des valeurs et des principes néolibéraux du NEPAD, il y a tout au moins une modification marginale : une tentative de construction de lalternative et de lautonomie.
Contrairement à lanalyse dominante des écrits sur le nouveau programme africain, la sociologie de la mobilisation africaine de lidéologie néolibérale est à la fois une critique et une rectification du consensus de Washington. Il ne sagit pas de sinscrire totalement dans la théorie de limportation (Bertrand Badie et Pierre Birnbaum notamment) où le NEPAD « chercherait à réaliser une aspiration universelle (
) par rapport au mode dinvention occidental ». Mais plutôt dadmettre avec la thèse de lhybridation institutionnelle (J-F. Bayart, E. Le Roy, D. Darbon,
) que « lextranéité du continent africain ne résiste pas aux acquis les plus récents de lhistoire ». Pour mieux le comprendre, il est important de ne pas se cantonner sur lobservation de simples correspondances entre les conditionnalités, les domaines daction et les secteurs prioritaires du NEPAD et ceux du consensus de Washington comme le fait J. Coussy en évoquant son succès posthume dans le discours des Etats africains mais daller au delà suivant la direction de J. O. Adesina et J. Ohiorhenaun pour comprendre que ce programme met en exergue la hiérarchisation de ces domaines et ces secteurs dans les deux agendas et fait ressortir le retournement africain du « consensus de Washington ». Le tableau qui suit met en évidence la hiérarchisation des domaines et secteurs indispensables pour le développement et tente de faire ressortir lidée de retournement africain du « consensus de Washington ». Il illustre que lalternative du NEPAD est la matérialisation effective des dirigeants africains dans la construction dun « espace de sens » selon la vision de Zaki Laïdi, qui le définit comme « un ensemble de valeurs et dintérêts communs, produits et partagés par des sociétés qui ne sont ni égales ni homogènes, mais qui aspirent à se projeter collectivement sur le champ international à des fins daffirmation politique et de pesée économique ».
Tableau n° 1 : Correspondances des conditionnalités au développement
Institutions internationales
« Consensus de Washington »Continent africain
« NEPAD »
*Réformes de lEtat au plan politique : bonne gouvernance, démocratisation, Etats de droit, droits de lhomme, société civile, lutte contre la corruption.
*Réformes économiques: (libéralisation des marchés, promotion du secteur privé et des investissements, valorisation des ressources humaines, intégration régionale).
*Réformes de lEtat au plan politique : paix et sécurité (prévention, gestion et règlement des conflits), démocratie et gouvernance politique, renforcement des capacités de lEtat, mécanisme de revue par les pairs.
*Réformes économiques : gestion économique bonne gestion des finances publiques, meilleure redistribution des richesses ; gouvernance des entreprises (sécurité juridique et lutte contre la criminalité et la fuite des capitaux), partenariat et intégration régionale.
Domaines de coopération au développement :
*réduction de la pauvreté, Etat de droit, droits de lhomme, démocratie ;
*gouvernance et réformes institutionnelles ;
*paix, sécurité et justice ; santé et ressources ;
*connaissance et information, décentralisation administrative.
Domaines de coopération au développement :
*infrastructures ;
* agriculture, promotion et diversification de la production et des exportations ;
*informatique et télématique ;
*mise en valeur des ressources humaines ;
*élimination de la pauvreté et environnement ;
*promotion de la jeunesse.
Source : Réalisation de lauteur
Laffirmation géopolitique et laugmentation de la valeur économique constituent les enjeux fondamentaux de la raison géostratégique qui légitime le NEPAD en rejetant lidée de la « perpétuation de la dépendance », en insistant sur la place de lAfrique au sein de la communauté internationale, continent qui sert de base aux ressources indispensables à lhumanité depuis des siècles. Le programme collectif africain sinscrit dans la formulation dune réponse commune à la réalité de la donne libérale qui accompagne le nouvel ordre mondial. Aussi loin que remonte lhistoire sur les pensées et les programmes africains de développement, le NEPAD saffirme aujourdhui comme le programme endogène de développement le plus important du millénaire qui a bénéficié dune légitimation internationale emblématique et denvergure incomparable. On peut citer entre autres le soutien qua reçu le cadre dappui au développement économique du NEPAD auprès « de grands ensembles économiques mondiaux que sont : le groupe des pays les plus industrialisés de la planète (G8), Union européenne (UE), Canada, Japon et France ». Plusieurs facteurs peuvent justifier ce succès international du NEPAD. Dabord, son élaboration dans le cadre global de la diffusion mondiale de léconomie de marché et la stratégie de la réappropriation des réformes.
Le programme du NEPAD est en cohérence parfaite avec la stratégie de lownership qui constitue sa dimension symbolique en même temps quun versant essentiel du « consensus de Washington ». Les leaders africains affirment lentière responsabilité du continent dans les processus de réformes de leurs économies et démergence des institutions en déchargeant dans le même temps la communauté internationale en cas déchec. Le NEPAD touche ainsi à la perspective de la « décharge » concernant la reproduction africaine des valeurs de léconomie libérale.
En suivant A. Appadurai, on peut parler dune part de la production locale/régionale de la mondialisation. Mieux, on peut suivre la direction de Dominique Darbon qui affirme « que la mondialisation nest pas aussi un facteur directif quon veut bien le dire. Elle saccompagne toujours dune réappropriation (
.) où se conjuguent stratégies dacteurs et effets des structures locales ». Les leaders africains font ainsi, selon la vision de Scharpf, preuve dune stratégie qui peut être interprétée comme la réactualisation africaine des jeux politiques nationaux (politics) et des « capacités à résoudre les problèmes » des gouvernements nationaux (policies) et à « structurer un champ politique » régional. Cest dire quil sagit dune formulation et dun traitement proprement africains des politiques de développent (policies) à travers des rapports de concurrence politique (politics) au sein du nouvel espace politique régional (polity). Dautre part, le NEPAD, en tant que cadre dinstitutionnalisation des économies africaines, sinscrit dans le processus du binôme création/développement de nouveaux marchés qui est la condition de survie de la mondialisation libérale. Ce nest quen « développant de nouveaux marchés à travers le monde » que les grands ensembles économiques du monde peuvent maintenir le leadership sur le commerce mondial.
Cest dire, que de ces comportements et du succès des élites est apparue une idéologie de marché proprement africaine qui est à lorigine des débats en cours sur le NEPAD. Dun côté, on peut remarquer que les responsables de ladministration et, plus nettement encore du secteur privé, augmentent le dynamisme des ambitions de leurs entités autour du NEPAD parce quils considèrent ce programme comme un cadre de rupture consommée avec lidéologie économique de la planification autocentrée.
Cependant, dun autre point de vue, résulte une critique sociopolitique des idées et des comportements des élites africaines qui ont initié le programme du NEPAD. Il semble quelles se sont détournées de lidéologie des débuts de lindépendance qui combinait nationalisme et solidarité au profit des défavorisés. Cette « trahison » va les conduire à adopter finalement une idéologie dont le jeu repose sur laffirmation qui joue sur lafricanité au profit des intérêts dune élite sisolant des groupes les plus vulnérables. A travers la renaissance africaine, Thabo Mbeki a tenté de donner une nouvelle jeunesse à des thèmes délaissés, après leur succès initial, dans les pays au moment des indépendances dans les années 1960 (nationalisme, panafricanisme, anticolonialisme, etc) en les associant avec un pragmatisme économique et un libéralisme, qui fondent le NEPAD. Ce versant néolibéral dans lexercice du pouvoir que privilégie Thabo Mbeki alors Président, accentue davantage une certaine dérive autoritaire du régime sud-africain qui certes conserve tous les dispositifs dinstitutionnalisation représentatifs de la démocratie - ne fut-ce que sous le regard de la communauté internationale et de la société civile, puissamment structurée grâce à son poids déterminant dans le secteur privé -, mais qui a tendance à vouloir tout contrôler et être au centre de tout dans le continent africain.
En effet, cette forte personnalisation de lexercice du pouvoir sur le continent de lancien chef dEtat sud-africain, avec lappui de son kitchen cabinet, est de nature à conforter cette critique sociopolitique. Ce dautant plus que la trajectoire de la République sud-africaine tend à se rapprocher des pays industrialisés, en raison des thématiques de la « renaissance africaine » et de « black empowerment », très chères à Thabo Mbeki, et qui doivent beaucoup, respectivement à lidéologie des « valeurs asiatiques » et à « la nouvelle politique économique de discrimination positive en faveur des milieux daffaires malais, prônés à Kuala Lampur par Mahathir Muhamad ». Cette critique politique sexplique davantage par lopposition initiale des dirigeants africains aux PAS et au consensus de Washington.
La dimension politique de la critique peut renvoyer au fait que les politiques des IFI étaient perçues comme une ingérence étrangère, une critique contre les jeunes Etats et une implication régulière dans la gestion de leurs économies. A cette opposition politique sest ajoutée une opposition économique. Cette critique est tout aussi indissociable dune critique économique des effets de la libéralisation des économies naguère protégées et organisées, notamment avec la libéralisation du commerce extérieur et louverture aux capitaux étrangers, qui aggravaient les inégalités. Il y a également une opposition aux échecs dajustements trop brutaux, une critique des échecs des PAS dans dautres continents, notamment avec lignorance des succès des pays asiatiques en développement qui avaient connu leur décollage économique sans larrimage au consensus de Washington.
En effet, la critique économique est devenue scientifiquement opératoire et légitime et politiquement correcte grâce à des analystes qui démissionnaient des IFI, à lexemple de Joseph Stiglitz. Ce qui permettait aux pays africains de disposer de largumentation contre la logique néolibérale de léconomie de marché qui ignorait totalement les institutions léguées par lhistoire des dynamiques internes, voire même des mesures imposées à des moments inappropriés, des rigueurs macroéconomiques excessives, mieux, les risques de promouvoir la défaillance des Etats. Ces arguments permettent de conforter lidée que les réformes de léconomie de marché sattaquent à leurs intérêts dEtats nouveaux. Ces réformes menacent les institutions traditionnelles et les modes de régulation hérités de lhistoire comme la zone franc. On est ainsi tenté de savoir si lAfrique libéralisée peut être véritablement compétitive au point dattirer les capitaux privés.
Le NEPAD est favorable à la libéralisation économique, au respect des équilibres macroéconomiques internes et externes, à la discipline classique des finances publiques, à lattraction des investissements étrangers, des dynamiques régionales ouvertes à la mondialisation et à toutes ses menaces ainsi quà la surveillance par les pairs, etc. Ce ralliement africain, brusque et total, à léconomie de marché contraste avec les valeurs asiatiques, qui ont développé des résistances à légard du « consensus de Washington » - même lorsque lAsie avait recours à certains aspects du libéralisme - et avec lAmérique latine en conflit permanent avec les IFI. Autrement dit, au moment où ce consensus perd sa légitimité scientifique et son poids international, grande est la surprise de lélite intellectuelle africaine qui constate que ses dirigeants lui confèrent paradoxalement pour reprendre Jean Coussy, « un succès posthume » avec la substitution du panafricanisme libéral du NEPAD au panafricanisme étatique et planificateur de lOUA des années 1960. Ce qui peut expliquer la marginalisation et les oppositions des Etats comme le Zimbabwe se réclamant des anciennes idéologies.
La réflexion sur le développement est engagée par les institutions de la communauté internationale (FMI et Banque mondiale) suite à la crise généralisée de la dette en Afrique. Ainsi, dans cette perspective, pour trouver des solutions aux crises des pays en développement (PVD), ces institutions vont instaurer une nouvelle approche fondée sur le paradigme de lajustement structurel, prônant la libéralisation économique, le désengagement de lEtat et louverture internationale pour une meilleure insertion dans léconomie mondiale.
Le continent africain a connu au cours des deux décennies passées, le consensus dit de Washington qui renvoyait à lensemble des politiques de réformes instituées par les bailleurs de fonds. Celles-ci ont été dominées dans la plupart des économies des pays africains des critiques et des résistances. Déjà, « dans les années 1980, existaient des critiques hétérodoxes des programmes dajustement structurel ainsi que des résistances partielles et circonstancielles. Aujourdhui, la critique des PAS est à la fois devenue banale et scientifiquement légitime » en raison de leur insuccès attesté par les évaluations ex post des IFI.
Imposés au continent africain au milieu des années 1980, les politiques ou plans dajustement structurel nont pas réussi à promouvoir le décollage des pays africains dont les économies étaient fragiles, provoquant ainsi une augmentation de la dette et de la pauvreté. Dans un cadre dencouragement et de sélection des bénéficiaires, les bailleurs de fonds ont soumis loctroi de laide internationale au respect des conditions politiques : la démocratie, lEtat de droit et les droits de lhomme sont devenus les règles de base de leurs politiques de coopération. Ces stratégies imposées de lextérieur ont maintenu le Sud sous dépendance économique et ont échoué dans lensemble par défaut de gestion interne et de coordination des bailleurs de fonds et, surtout, faute dadéquation aux réalités internes du continent et aux besoins des populations et dappropriation par les bénéficiaires. Aussi, dans un souci defficacité de laide, une nouvelle réflexion sur le développement est envisagée, à la fin des années 1990, pour permettre à tous les pays en développement de participer à la mondialisation.
En effet, les analyses en termes de gouvernance se sont imposées au cours des années 1990 en renouvelant de manière sensible lapproche des institutions publiques. La gouvernance a notamment permis une échappatoire à la notion de territoire dans tous ses multiples usages polysémiques. Puis, elle a été adoptée par les institutions financières internationales (IFI), notamment la Banque Mondiale, pour devenir une norme conditionnelle du développement social, économique et politique. Ce concept est apparu avec la conditionnalité de la Banque mondiale et a fait lobjet de divers travaux sur la connaissance de ses origines. En effet, forgés dans un contexte de perte du monopole étatique de la souveraineté, de crise de lEtat-providence, de libéralisation économique et de mesures de privatisations de tous genres, les problèmes de gouvernance ont tout dabord été utilisés comme une catégorie analytique pour penser les nouveaux modes de légitimité et de gouvernement. Ils sont ensuite devenus une catégorie politique et normative de la boîte à outil des institutions de la communauté internationale.
Depuis lors, la notion de gouvernance prend davantage au sérieux celle des institutions que la science politique avait tendance à délaisser. Les notions de gouvernance et dinstitutions sont indissociables, particulièrement dans le domaine du développement, où elles structurent les conceptions du cadre politique des sociétés et inspirent les projets de réformes de lEtat. En dautres termes, la gouvernance devient une réflexion sur lévolution des formes du pouvoir et de lexercice de lautorité.
La bonne gouvernance est un nouveau modèle de développement dont lélaboration sest faite lorsque les politiques dajustement structurel sont apparues insuffisantes pour restaurer la croissance sur le continent africain. Dabord présentée dun point de vue techniciste par la Banque mondiale, comme une meilleure gestion des ressources budgétaires afin de relancer les réformes de la Fonction publique et de lappareil étatique, elle a trouvé une extension particulière dans la gouvernance démocratique. Cette dernière insiste sur limportance de la légitimité du gouvernement et de son ouverture sur la société civile, afin que les leaders politiques répondent mieux aux besoins et aux attentes des populations. La bonne gouvernance est donc issue de la synthèse de la gouvernance techniciste et de la gouvernance démocratique. Elle préconise linstauration dun nouvel Etat, adaptant ses missions à ses capacités et palliant aux échecs du marché, notamment par lélaboration dun cadre institutionnel favorable au développement des entreprises et de la société civile. De plus, vu la globalité des réformes proposées, à savoir réforme de la fonction publique, lutte contre la corruption, décentralisation, participation accrue, elle révolutionne le domaine économique en lélargissant aux champs politiques et institutionnels.
Conçue comme instrument de développement, elle comprend un service public efficace, un système judiciaire indépendant et une législation garantissant les transactions, une administration rendant des comptes de lutilisation des fonds publics ; des organes de contrôle élus, le respect des droits de la personne et de lEtat de droit à tous les niveaux de gouvernement ; la séparation des pouvoirs et la liberté de la presse. De ce fait, elle implique la manière par laquelle le pouvoir sexerce dans la gestion des ressources économiques et sociales dun pays dans le cadre du développement. La bonne gouvernance est synonyme dune gestion saine pour le développement. De nos jours, les problématiques de gouvernement et de gouvernance sont au centre de la science politique contemporaine. La bonne gouvernance en tant quinstrument de contrôle de la dépense publique suppose la régulation financière afin déviter des systèmes clientélistes et donc évite de favoriser les solidarités sociopolitiques (familiales ou amicales) entre les tenants du pouvoir politique. De ce point de vue, la bonne gouvernance est nécessaire à la mise en uvre de politiques « orientées vers le marché ». Cest dans cette perspective, quavec la création du NEPAD, les courants théoriques de Washington ont inspiré implicitement les discours officiels des leaders du programme africain. Cet alignement à lidéologie de Washington représente une indication vers un cheminement du continent africain contradictoire à lévolution mondiale.
Durant la décennie écoulée, les Etats africains ont connu en grande partie une transformation importante de leurs systèmes politiques. Cette mutation, aux retombées appréciables dans certains cas, a favorisé un glissement de mode de légitimité. De régimes à parti unique, ils se sont engagés dans un processus de retour vers des régimes démocratiques ou à ce qui sy apparente. Limpératif démocratique, avec ses défis, sest superposé sur celui, ancien mais toujours dactualité, de lautoritarisme. Le suffrage universel - entendu comme « un espace institutionnel de reconnaissance mutuelle des idées et des intérêts » - a été reconnu par tous les acteurs. La démocratisation a ainsi été adoptée avec lorganisation délections pluralistes comme matrice de base et gage de légitimité. Le besoin de mettre en place et de renforcer les institutions démocratiques avait pour objectif de faire concurrence à celui de lautoritarisme, y compris dans sa version autocratique.
La démocratie est un conflit institutionnalisé et modulé par des procédures intériorisées et acceptées par tous. Elle nest en fait quune méthode ou une technique de décision et non une valeur suprême de la légitimité. De ce fait, elle permet en réalité à la société qui ladopte de délibérer sur des meilleures solutions qui organisent la vie de tous et pour que chaque citoyen puisse sépanouir dans la liberté la plus grande. De ce point de vue, nul ne doute que lécroulement des régimes autoritaires survenu en Afrique subsaharienne depuis les années 1990 a suscité lespoir des populations et de nombreux pays, autant quil a engagé ceux-ci dans un processus de libéralisation et de transition vers des systèmes ouverts aux paramètres démocratiques. Certains Etats, notamment le Bénin, le Sénégal ou le Mali, se sont dotés dun système de démocratisation progressive où lon peut observer le multipartisme, lalternance électorale, la progression des libertés individuelles et civiles, de même que lémergence et la consolidation des sociétés civiles puissamment structurées autour du secteur privé, des organisations non gouvernementales (ONGs), des organismes communautaires, des associations professionnelles et autres groupes, etc. Désormais, ces structures agissent en interaction avec lEtat comme des groupes de pressions et jouent un rôle majeur dans lexpression des aspirations du peuple.
En revanche, dautres pays comme le Togo, la République Démocratique du Congo (RDC), le Cameroun, le Gabon, etc, ont fait le choix de continuer avec les anciens systèmes. Malgré une libéralisation apparente de lautoritarisme, les dirigeants au pouvoir nont toujours pas intériorisé une acceptation minimale des règles du jeu partagées. Cest ainsi que la stratégie du bras de fer avec le pouvoir est la norme dusage. Et toute crise politique devient une crise du champ politique opposant ceux qui sont aux commandes de lEtat aux acteurs des oppositions souvent désunies et en conflit permanent. Plusieurs facteurs, parmi lesquels le blocage, lessoufflement, les tentatives de restauration des régimes autoritaires observés dans ces pays après leuphorie de la transition amorcée puis bloquée de 1990-1991, ont révélé à la fois lindétermination, lincertitude et les difficultés des démocratisations. Dautres pays tels que la Côte dIvoire, le Congo-Brazzaville, la Centrafrique, le Burundi ou la Guinée sillustrent dans un processus instable, caractérisé par des conflits armés avérés ou latents, des coups dEtat, labsence dEtat de droit qui menacent davantage la stabilité. Tous ces cas de figure peuvent justifier que le suffrage universel demeure encore en Afrique un idéal à atteindre en raison de linsuffisance des dispositifs dinstitutionnalisation.
En effet, cet idéal a eu un sens dans dautres pays qualifiés aujourdhui de modèles démocratiques, à lexemple de lAfrique du Sud et dun de ses alliés, le Sénégal ainsi que le Ghana, lOuganda ou le Botswana qui ont pu convertir leurs Etats, chacun a sa manière, en un espace public reposant sur le débat pluraliste, sur les institutions garantissant le succès de ce débat dans le jeu serein des pouvoirs et des contre-pouvoirs. Ces pays, malgré la persistance de la corruption des processus dans certains cas, ont pu se doter dune démocratie fondée sur la force de la rationalité dont le but est de trouver les solutions les plus appropriées aux problèmes des populations, et sur léthique de la responsabilité collective de la recherche de visibilité dune justice sociale du plus grand nombre et donc pour lefficacité des choix politiques, économiques, sociaux et culturels.
Il sagit là dune avancée significative dans la manière de gouverner un pays. Mais le « bon gouvernement » nécessite de rendre vivable toutes ces virtualités. Dans cette perspective, le suffrage universel interpelle sur les pratiques politiques de lespace public, les questions et les situations complexes que traverse encore le continent africain dans ce contexte contemporain. La mutation que doit imposer linstauration achevée de la démocratisation invite à penser ce processus comme une nécessité pour des minorités ethniques, des catégories sociales, la civilité des murs politiques, la production des services, qui en plus de leurs faiblesses, est gangrenée par des formes africaines de corruption et des pratiques néo-patrimoniales tant au sommet de lEtat quau niveau des appareils administratifs censés assurer le service public. Pour bien saisir tout cela, il est important de tenir compte des dynamiques internes et de faire un détour sommaire par lhistoire pour apporter une explication non normative à cette insuffisance du suffrage universel en Afrique - souvent justifiée assez hâtivement par « certains spécialistes » - et qui est par ailleurs liée à la menace du développement continental.
En effet, pendant longtemps lespoir placé dans le développement économique et politique a été réduit aux facteurs économiques de croissance. On a ainsi assisté au délaissement de toutes les autres composantes qui contribuent à faire du développement « un projet global de transformation de la société dun point de vue politique, économique, sociologique, culturel, mais aussi juridique ». Lintérêt porté à laspect institutionnel du développement en Afrique nest apparu que récemment, avec la vague des démocratisations. Cette formation des institutions démocratiques sest accommodée avec les mauvaises pratiques liées à labsence dune bonne gouvernance. Une analyse de léchec de la démocratisation peut être menée sommairement dans le cadre de ce travail à partir dun certain nombre de variables explicatives de cette insuffisance et dont il serait impossible de dresser un répertoire.
Dans tous les cas, pour des besoins de démonstration, nous en retenons quelques-unes qui se réfèrent à la fois au politique, à léconomique et au social. Sur le plan politique, le suffrage universel, avec ses attributs - du pluralisme idéologique et de la représentativité, de la primauté du droit, du respect des droits de lhomme, de la justice sociale
etc -, na pas permis au continent africain de saisir cette opportunité pour promouvoir des conditions optimales qui auraient pu accompagner les objectifs de développement. Essentiellement définies comme des réalités concrètes, ces virtualités sont désormais des éléments constitutifs du processus de développement tel que lenvisage aujourdhui de manière renouvelée le NEPAD. Dès lors que ce postulat na pas été réellement accepté par certains dirigeants africains, notamment ceux de lAfrique francophone, il était impossible denvisager la promotion et la protection de ces valeurs indispensables à la satisfaction des besoins liés à la vie et à lépanouissement de la condition humaine. Doù lintérêt de la responsabilité des élites qui demeurent incontournables, car sur elles reposent les attentes si souvent déçues, délaissées et sans cesse renouvelées, telles celles liées au NEPAD. A ce postulat sajoute celui du gouvernement qui pose la question du renouvellement des modalités de décision et interpelle les fondements de la rationalité des comportements de ceux qui sont aux commandes du pouvoir politique. Ce dernier renvoie manifestement à lEtat et à son équivalent, la société civile.
En effet, dans les pays qui gouvernent les deux entités restent le domaine privilégié des dirigeants dans la mesure où ces dernières créent des valeurs susceptibles de promouvoir les capacités de tous les membres et de rendre possible limplication des citoyens dans la définition et les choix de leurs initiatives. Or, dans ce cadre, le pouvoir, si lon suit la direction de Aron, doit être partagé entre un grand nombre de groupes, parmi lesquels les intellectuels, syndicats, armées, administration, secteur privé, etc
Nul doute que les pays africains ont du mal à être gouvernés ou tout au moins continuent dêtre dirigés depuis leur indépendance, voire même bien avant. Ce qui traduit limpossibilité de respecter les paramètres de la démocratie et doù la difficulté de voir émerger une véritable société civile qui jouerait le rôle de contre-pouvoir selon les règles du jeu partagées du suffrage universel. En Afrique, notamment dans les pays francophones, la prise de « décision politique », qui renvoie au gouvernement, est le résultat dun groupe aux commandes de lappareil dEtat et non de lexistence permanente dun rapport de force momentanée entre différents groupes structurés au sein la société civile telle quen Afrique du Sud. Cest en partie labsence de ces rapports de force dans laction gouvernementale ou de direction qui rend impossible lachèvement de la démocratisation et lexistence des institutions. Pire encore, en dépit de la rupture paradigmatique des années 1990, les pays africains francophones nont pas réussi, par manque de volonté politique ou par volonté de continuité avec lancien système, à transformer les revendications populaires daffirmation de bonne gouvernance en accomplissant un certain nombre de valeurs dont entre autres, la démocratie, les droits de lhomme et lEtat de droit.
Cest pourquoi, plus dune décennie après, dans la quasi-totalité des pays africains, lévaluation que lon peut faire ne semble pas positive. Le NEPAD apparaît comme une structure virtuelle daffirmation et dappropriation des politiques de gouvernement pour ne plus revenir à des situations antérieures fondées sur des solidarités sociopolitiques de tout genre, désarticulant les appareils étatiques à travers des inégalités de redistribution du revenu national et des ressources de lEtat.
Par ailleurs, on a remarqué que les partis politiques et leurs dirigeants aux commandes ne veulent généralement pas laisser le pouvoir en dépit du suffrage universel qui instaure lélection comme mode de légitimité tout simplement parce que le pouvoir politique est lié au pouvoir économique et donc rend quasi-impossible la démocratie. En effet, le contrôle par le suffrage universel fonctionne mal en Afrique en dépit de quelques exceptions. Cest dans ce contexte de démocratisation des régimes politiques africains quil faut situer également le NEPAD. Pendant longtemps, dans la plupart des Etats africains, une confusion très grave a subsisté dans lesprit des dirigeants et des peuples entre la recherche du « bon gouvernement » et lune des formes possibles de gouverner quest la démocratie. Cette dernière nest en fait, quune technique de décision, une forme de gouvernement qui ne suffit pas à elle seule, à définir ou à rendre compte de légitimité et des conditions dacquisition de celle-ci (la légitimation) qui est à la base du lien social et de lorganisation politique.
Cest dire que le déficit de participation politique constitue un obstacle à laboutissement de la libéralisation. Le gouvernement, tout comme le pouvoir, est dabord le cadre de rencontre de pressions diverses qui doivent émaner de plusieurs catégories délites concurrentielles et complémentaires, liées par des interactions dialogiques et consensuelles telles que doit limprégner la démocratie. Les populations doivent se sentir impliquées dans toute décision qui engage lEtat et elles ont un mot à dire. Autrement dit, la démocratie, dans certaines parties du continent africain, na pas pris véritablement en compte les impératifs déquité et de justice sociale qui permettent de créer des espaces de dialogue, pour renforcer le respect et les droits des catégories sociales les plus vulnérables.
La démocratisation est impossible ou inachevée aujourdhui en Afrique francophone parce que les élites au pouvoir ont fait avant tout du pouvoir, du gouvernement comme de lEtat un outil en faveur dun groupe social plutôt que dériger ces mécanismes en espace de rencontres et de compétition. Cest cette prise de conscience de ces mêmes élites qui, à travers le NEPAD, fait de la bonne gouvernance une des solutions possibles aux divers problèmes socio-économiques dun continent pauvre, indicateurs macro-économiques à lappui. Et cela, à cause des échecs économiques enregistrés au cours des deux dernières décennies, de limportance de la corruption qui favorise les détournements dans la gestion des ressources domestiques et externes, du phénomène de la globalisation et de ses impératifs. En dépit de cette mutation nouvelle, disons-le, il nest point besoin de rappeler, que lorsque les gouvernants sont incompétents et quils nassument pas leurs responsabilités dans la direction des populations, les économies nationales se délitent parce quils ne gouvernent pas. On ne peut pas envisager la démocratisation sans la capacité à gouverner parce que la démocratie, tout comme le gouvernement, repose sur des institutions et des contre-institutions qui garantissent le fonctionnement de lEtat et la compétition politique des groupes délites.
En effet, le « bon gouvernement » qui rend possible le suffrage universel, nécessite de convoquer une saine gestion publique, en amplifiant la transparence et la responsabilisation des institutions démocratiques et implique lobligation de rendre des comptes. De ce point de vue, il consolide les avancées en matière de démocratie politique et fait du peuple lacteur et le bénéficiaire de la stabilité dans le respect de la justice sociale.
Par ailleurs cest une offensive contre les impunités et la corruption conçus comme des facteurs de désintégration sociale et de distorsion du système économique qui sapent la légitimité des institutions politiques. Depuis plus de deux décennies, le néo-patrimonialisme et/ou la politique du ventre sont devenus les fondamentaux de gouvernement des systèmes politiques africains. Ainsi, les problèmes du gouvernement des sociétés en Afrique ont été fortement influencés par les analyses dérivées de la typologie wébérienne des idéaux-types (J-F. Médard, 1982, 1992) et ou reformulés par la théorie bayartienne (J-F. Bayart, 1989, 1992). Cette manière de concevoir le pouvoir politique et lattitude des agents politiques qui en découlent justifient en partie la souffrance ou le blocage des logiques dinstitutionnalisation de lEtat. Cest dans cette perspective que la démocratisation a été présentée en Afrique comme la solution de sortie appropriée aux pratiques néo-patrimoniales et à la construction de lEtat, cest-à-dire au développement des institutions et à une nouvelle manière de diriger. Cest dire, suivant Ohlson, « quen labsence dEtats forts avec des normes dautonomie bureaucratiques, la démocratie multipartite semble assurer des régimes corrompus et clientélistes dans lesquels les partis politiques pillent lEtat et profitent du butin de la victoire ».
Ce mode de raisonnement normativement chargé certes, permet tout de même de déduire que labsence du « bon gouvernement », cest-à-dire la mauvaise gouvernance, est pour lessentiel à lorigine de linsuffisance de démocratie dans certains pays africains. Le relativisme a tout son sens ici si on privilégie le comparatisme entre Etats à lintérieur du continent (pluralité des situations qui amène convoquer les analyses néo-institutionnelles ou comparatives) au profit des généralisations (inductives ou hâtives sur un diagnostic normatif sur linstitutionnalisation du politique) qui alimentent souvent lafro-pessimisme. Ce dautant plus quil y a des pays qui ne pouvaient plus espérer au tournant du millénaire voir leurs efforts de développement aboutir à long terme et ont fait le choix dun nouveau mode de légitimité issu du « peer review mechanism ».
Linsuffisance de la démocratisation sest traduite au sommet de certains pays africains par des stratégies de conservation de pouvoir sur la forme des « démocratures », par la restauration autoritaire par opposition à la décompression autoritaire, voire même à lautocratie libéralisée.
Les lignes qui vont suivre aborderont ce nouveau programme africain dunification qui apparaît aujourdhui comme une alternative africaine à la souffrance de la démocratie et des institutions. Ainsi, la compréhension du NEPAD dans le contexte africain contemporain ne peut pas faire léconomie de lanalyse dune dynamique de puissance entre les élites africaines.
2.1.3. Depuis 2000 : la « renaissance africaine » et lémergence dune idéologie de tutelle géopolitique régionale
Lancien dirigeant africain Thabo Mbeki a joué un rôle majeur dans la promotion du NEPAD sur la scène internationale. Le NEPAD voit le jour à un moment où le concept de « renaissance africaine » alimente les débats. Thabo Mbeki a commencé à lévoquer en 1994 alors quil était encore vice-président. Cétait là, pour lui, le moment approprié pour amorcer ce débat, lAfrique du Sud étant enfin débarrassée de lApartheid. Et sans lengagement de son pays, il nest pas certain que ce projet qui a généré des débats contradictoires aurait pu aboutir. A ce titre, lon peut dire quil en a pris linitiative et le leadership grâce au dynamisme économique, militaire et diplomatique de son pays.
Le lancement de ce programme répondait aux orientations de positionnement du continent africain dans le partenariat international au tournant du nouveau millénaire. Les enjeux daffirmation de puissance et les impératifs de tutelle géopolitique étaient les maîtres mots des ambitions et du dynamisme des promoteurs du NEPAD. A lépoque, Présidente du Mouvement des non-alignés (MNA), LAfrique du Sud, par le biais de Thabo Mbeki, représentait lorganisation continentale dans une multitude de négociations internationales avec les partenaires au développement membres du G8. Ce pays avait pour ambition de convaincre les pays industrialisés de la nécessité de faire du continent un acteur plutôt quun spectateur du système international, et partant, daméliorer les conditions dinsertion de lAfrique dans léconomie mondiale. Thabo Mbeki est ainsi apparu comme « la voix la plus importante des pays en voie de développement dans léconomie mondiale ».
La politique économique sud-africaine était le référentiel que devrait emprunter la politique du NEPAD. Ainsi, la « déclaration du sommet UE-Afrique » prononcée par Pretoria lors de cette grande joute diplomatique en avril 2000 indiquait clairement la volonté de mettre fin à la marginalisation du continent. Bien avant, lors de la 54ème session de lAssemblée générale de lorganisation des Nations Unies (ONU) en septembre 1999, le Président sud-africain avait consacré le temps de parole de son intervention au titre de Président du MNA, à développer lidéologie « dune société globale attentive ». Ces actions nétaient pas sans lien avec lidée de ce quil proposait de la « renaissance africaine » et qui demeurait le substrat de la politique étrangère sud-africaine post-apartheid, particulièrement depuis le départ de Nelson Mandela de la Présidence. Thabo Mbeki cherchait de lespace pour saffirmer sur la scène internationale en tant que puissance modératrice et capable de construire un nouvel espace de sens dans le continent. Sa stratégie politique à lépreuve de lexercice du pouvoir reposait sur le continent africain et son mode dinsertion dans le concert international des nations. Cest dire que « larrivée de Mbeki au pouvoir a impulsé une nouvelle dynamique à la politique étrangère sud-africaine, notamment à travers un positionnement marqué sur le continent africain. Le rôle de lAfrique du Sud dans lélaboration du NEPAD et la création de lUnion africaine en fait un acteur davant-garde de la promotion dun nouvel ordre africain ».
A lécart du reste du continent africain durant des décennies denfermement dans lapartheid, lAfrique du Sud était à la recherche dune visibilité de son « africanité ». Ce qui traduit le recentrage de sa politique extérieure actuelle tracée par la voie dune « renaissance » et dont le rôle de chef de file et de porte-parole est désormais dévolu à ce pays. Il sagit en réalité de ce que prédisait Nelson Mandela lorsquil affirmait que « lAfrique du Sud ne peut pas échapper à son destin ».
En effet, cest dans le but de retrouver sa place au sein de la communauté africaine et darrimer lAfrique dans le partenariat international que Thabo Mbeki avait fait le choix douvrir une nouvelle page de lhistoire dun continent en retrait des dynamiques de la mondialisation et marginalisé par la communauté internationale en raison dune régionalisation incessante de la conflictualité et de la corruption des processus qui caractérisent certains régimes politiques. Il sagit donc manifestement de la réactualisation par Thabo Mbeki dun rêve récurrent sur la dignité africaine retrouvée, se situant ainsi dans la lignée des idéologies du panafricanisme et de la négritude. Il met fin dans le même temps à lafro-pessimisme en faisant des Africains des acteurs de leur modernité. Il sagit également de rompre avec les expériences marxisantes autarciques postcoloniales.
Désormais, les transformations en cours imposent au continent africain de sinscrire dans la doctrine libérale pour parvenir à ne plus sassigner une place de victime. Pour ce faire, lAfrique du Sud doit être capable de demeurer puissante, de compter sur une région solidaire, stable, pacifiée et donc favorable aux investissements étrangers. Lenjeu ici, cest que lAfrique du Sud trouve son compte. Elle concentre tous les atouts pour devenir le modèle de réussite de cette nouvelle Afrique : transition politique réussie, puissance démo-économique et militaire, position de médiatrice avec les grandes puissances occidentales. A travers ce repositionnement continental, lEtat sud-africain devient à lavant-garde dune dynamique nouvelle de démarginalisation de lAfrique sur léchiquier international.
Lidéologie du NEPAD est véritablement révélatrice des actions de lAfrique du Sud. Expression institutionnelle du discours de la renaissance africaine, ce programme est avant tout une émanation de Thabo Mbeki. Cest dailleurs ce qui peut expliquer que le secrétariat soit basé à Pretoria. Mieux encore, cette structure et le comité de pilotage (steering committee) sont dirigés par le Sud-africain Wiseman Nkuhlu, proche de Thabo Mbeki dont il était le conseiller économique et également Président de la Development Bank of Southern Africain, banque qui a vu limplication de certains économistes dans la rédaction des textes fondateurs du NEPAD.
La présence des proches collaborateurs de Thabo Mbeki dans les instances de décision du programme illustre parfaitement le leadership de lAfrique du Sud sur cette initiative africaine qui tente de promouvoir un nouvel ordre politique sur le continent. Ce qui fait dire à Jean François Bayart sur les tendances autoritaires de Thabo Mbeki, que ce dernier dont la compétence et la qualité de ses conseillers, notamment économiques sont incontestables, a une propension « à sappuyer sur son kitchen cabinet et à dédoubler les structures institutionnelles de pouvoir par des réseaux personnels et informels » en raison de son autoritarisme et son extrême susceptibilité à lencontre de la critique des opposants.
Le discours de la « renaissance africaine » à lépreuve de la Realpolitik tend à masquer une entreprise impérialiste. En effet, si lAfrique sest tant investie dans ce programme pour soccuper désormais du continent, il va sen dire que lAfrique du Sud est consciente de pouvoir se faire une position forte dans la région. Déjà superpuissance économique et militaire du continent noir, ce pays cherche à se positionner dorénavant comme lautorité morale de lAfrique. En sassurant la tutelle géopolitique du continent, lAfrique du Sud sassure une certaine hégémonie en Afrique. Pour y parvenir, Mbeki a du faire preuve de grande habileté pour parvenir à concilier les intérêts géopolitiques et lidéal dune renaissance africaine. La rhétorique sur la renaissance africaine est bel et bien un instrument de légitimation de la politique extérieure de Thabo Mbeki. Cest ce qui fait dire à Ivan Crouzel que « le discours de la renaissance africaine permet à lAfrique dêtre perçue comme productrice de son propre sens ». Malgré des contradictions, Thabo Mbeki avait redonné espoir aux Africains en proposant cette initiative. Dans le même temps, il a réussi le rapprochement avec les autres grandes puissances régionales (Nigeria pour lAfrique occidentale et Egypte pour lAfrique du Nord).
Cest ainsi quau fil des ans, lidée dune renaissance africaine a pris de la consistance et a inspiré lidéologie du NEPAD. LAfrique du Sud a dailleurs tenu à ce que toutes les mesures précises de la renaissance africaine soient inscrites dans le NEPAD. Il sagit de la construction dinfrastructures lourdes, de réseaux de communications ambitieux, partenariat du public et du privé dans leur financement, coopération entre investissements africains, investissements directs extérieurs et aide étrangère (le corridor de Maputo), positions de combat dans certaines négociations commerciales avec les pays occidentaux, exigences dafricanisation et de black empowerment, etc. De même, les Sud-africains ont précédé le NEPAD dans lacceptation des contraintes de la mondialisation libérale. LAfrique du Sud a rompu aujourdhui avec une 3 autarcie subie3 qui avait en grande partie été à l origine de son succès. Ce projet symbolise une nouvelle dynamique africaine. Il renforce la coopération inter-étatique avec l instauration possible d une communauté économique et d une cour de justice qui se chargera de juger les cas de violations de droit de lhomme.
Le NEPAD, qui doit également parvenir à drainer des fonds publics et privés de lordre de 64 milliards de dollars, entend jouer un rôle de plan Marshall pour lAfrique. Et là, lAfrique du Sud demeure naturellement linterlocuteur de poids le plus légitime auprès des institutions financières internationales. Afin de consolider un nouvel ordre continental dessiné par le NEPAD, lAfrique du Sud a mis en place une stratégie de construction et de regroupement autour delle dune coalition de pays réformateurs. Pour ce faire, elle sest appuyée sur la stratégie dintégration régionale de lAfrique australe pour proposée celle du NEPAD, cest-à-dire un système dintégration régional polarisé, inégal et hiérarchisé. Ce qui conforte lidée dune Afrique nouvelle comme un ensemble dynamisé par les économies africaines puissantes et dominantes. Cette vision contemporaine dun continent guidé et représenté par des leaders est emblématique dun changement paradigmatique radical de la sociologie des relations internationales africaines, jusqualors très soucieuse du respect de la règle « un Etat, une voix » aussi bien dans le continent que sur la scène internationale. La genèse de ce changement est connue. Elle trouve ses origines dans lidéologie de la renaissance africaine et son prolongement dans le NEPAD.
LAfrique du Sud a utilisé les effets dentraînement économique (discours de la renaissance africaine) comme ressource politique pour ladhésion des partenaires à sa croyance, et partant se tailler la place de leader. Cette évolution a manifestement conduit une organisation moins en termes de pôles économiques quen puissances géopolitiques et stratégiques. Cette structuration est orientée par son initiateur Thabo Mbeki et par ses appuis (africains et britanniques) vers le jeu de la représentation symbolique des petits pays pour des besoins de légitimité et de légitimation des promoteurs. Cette idéologie du NEPAD qui emprunte largement à la renaissance africaine est marquée par le poids des grands pays et lémergence de la logique de puissance et de tutelle géopolitique.
Cest dire que la « renaissance africaine » dont les origines intellectuelles sont à rechercher dans la mondialisation libérale a été le cadre de la transformation des relations entre pays africains tant dans leurs principes dordonnancement que dans leurs dynamiques concrètes. Il sagissait dun phénomène géopolitique total qui comportait un sens en tant que principe de vision et de division de lAfrique dans le contexte contemporain. Elle a permis de structurer à travers le NEPAD une configuration de positions inégales entre acteurs en jeu pour lappropriation des gains symboliques et matériels liés au programme. Cette idéologie reposait sur deux éléments essentiels : éthique et intérêts. Léthique en interaction permanente avec les intérêts, renvoie au respect de certaines virtualités comme les droits de lhomme, la démocratisation de la vie politique, la libéralisation des économies, etc. Ces éléments assimilés à des contraintes axiologiques ou à des valeurs politiques sont à la base de la modernisation des Etats. Dans le discours de la « renaissance africaine », la mobilisation de léthique comme ressource politique a un enjeu. Elle est mise au service de la légitimation des acteurs.
Par ailleurs, la renaissance africaine a permis de réactualiser les valeurs de responsabilité et de solidarité des Etats africains. Ce projet de Mbeki emprunte beaucoup aux courants théoriques du « Consensus de Washington » dont le but consiste à réformer les économies en développement autour de la discipline et de la réforme fiscales, la rationalisation des dépenses publiques, la libération des échanges et du commerce, la compétitivité des économies, louverture aux investissements étrangers et la promotion des droits de lhomme, comme dailleurs en atteste la mise en place dinstitutions telles que Transparency international qui entend combattre dorénavant la corruption des processus sur le modèle de la défense des droits de lhomme des années 1970 et 1980. De ce fait, la « renaissance » africaine peut apparaître comme un enfant posthume du « Consensus de Washington » sinon un élément issu de la mondialisation, un canal approprié de promotion et de diffusion de linternationalisme libéral obéissant aux changements de vision des institutions financières internationales.
La « renaissance africaine » peut aussi se lire comme un cadre où sest défini clairement le jeu de linfluence. Ce projet conforte la réintroduction de la dimension de la puissance. Dans un contexte où, comme laffirme Marie-Claude Smouts, « le discours de la coopération internationale a dabord été celui de la puissance et du droit », il convient donc de prendre en compte les dynamiques de puissance qui accompagnent le NEPAD. Ce faisant, lAfrique sintègre inévitablement dans le discours de la puissance en tant que cadre sociopolitique de son expression.
La conviction de démarginaliser lensemble continental africain par le biais du NEPAD grâce à son ouverture à léconomie de marché, a été portée par la renaissance africaine. En promouvant sur la scène africaine des actions où seuls les principaux promoteurs, tout en gardant leur autonomie, prennent leur part de responsabilité, exercent le pouvoir et décident, la « renaissance africaine » avait clairement dessiné un changement profond dans la société politique africaine. Et lon sait quil ne peut y avoir de changement qui soit de lordre de la spontanéité de lagir ou une émanation ex-nihilo.
En effet, tout changement social est historique, cest-à-dire une mutation de la continuité, « une transformation profonde assurant une continuité par dautres moyens ». Le NEPAD ne peut donc répondre quà un processus qui a été progressivement construit et mis en uvre par des acteurs et forces sociopolitiques. Dans la perspective de lanalyse de la renaissance africaine comme un cadre de vision géopolitique du continent africain, ce projet se déclinait sous le mode dune manifestation du sens et de la puissance des grandes nations africaines qui élaborent ou influencent le champ et le jeu politique régional au tournant du millénaire.
2.2. La mondialisation et la résurgence dune dynamique panafricaine
Le continent africain a pendant longtemps mis en place plusieurs plans de développement qui, malheureusement, ont échoué tout au long des quatre décennies passées. Plusieurs initiatives déjà existantes ont conduit différentes institutions à adopter de nombreux instruments de coopération : les PAS, le Plan de Lagos, le sommet du Caire (UE/Afrique en 1999), laccord de Cotonou (Pays ACP juin 2000), programme MEDA (UE/Afrique du Nord) et linitiative « Tout sauf les armes » avec les PMA, lAGOA (Etats-Unis), plan daction de Tokyo (TICAD), etc. Cest dans ce cadre que les dirigeants africains ont fait le choix au tournant du millénaire de se projeter collectivement sur la scène de la coopération internationale en tentant daugmenter sa valeur économique et son poids politico-stratégique pour faire face à la mondialisation.
2.2.1. La mobilisation néolibérale, un enjeu face à la « glocalisation »
La « renaissance africaine » tire ses origines dans la mondialisation libérale et renvoie de ce fait à lexpression dun espace de sens dont les éléments majeurs reposent sur léthique et les intérêts des acteurs en présence dun jeu dont la finalité a été la hiérarchisation et la polarisation du concert régional des nations. Appréhendée à partir du contexte de son émergence sud-africaine et de sa diffusion continentale, la « renaissance africaine » na été quun canal de promotion des transformations en cours en Afrique, et Mbeki a fait le choix demprunter volontiers lidéal de la trajectoire doccidentalisation du monde.
En effet, la mondialisation a bel et bien un ou des centres tout comme la régionalisation actuelle de lAfrique ; cest-à-dire des lieux dimpulsion et une ou des périphéries qui sont des espaces de réception. Ces lieux centraux de la mondialisation se situent dans le monde occidental qui domine toutes les autres parties du monde : Etats-Unis, Union européenne et Asie. Labsence des pays en développement et plus particulièrement du continent africain dans ces lieux centraux est donc constatable demblée. La « renaissance africaine » dans ses principes dordonnancement et le NEPAD dans sa dynamique concrète sinspirent de ce schéma.
Les centres ou les lieux dimpulsion et de décision sont les pays promoteurs en tête desquels lAfrique du Sud et le reste des pays du continent apparaissent comme des périphéries, cest-à-dire, des espaces de réception plus ou moins passifs. Cest bel et bien ce schéma que la renaissance africaine a dicté à linitiative du NEPAD que les principaux acteurs ont mis progressivement en ordre sans associer véritablement tous les autres pays qui, pour lessentiel, ne parviennent pas encore à remplir les conditions politiques et institutionnelles (souffrance des dispositifs dinstitutionnalisation, rejet des paramètres de la démocratisation) daccès à la stabilité sociopolitique. A ce titre, la renaissance africaine a été un projet politique dintégration de lAfrique dans la mondialisation et apparaît de ce point de vue comme un réceptacle du sens néolibéral.
Pour légitimer dans tout le monde le binôme capitalisme/libéralisme, il faut nécessairement que son processus sinscrive dans la diversité des cultures dont regorge lhumanité, par son incorporation dans les problématiques politiques légitimes qui sont spécifiques aux différentes composantes sociales de la planète.
Ce que Thabo Mbeki a compris avec son idéal de la « renaissance africaine », cest chercher à regrouper autour de lAfrique du Sud une coalition de pays réformateurs et à accepter ladhésion des autres Etats africains même les plus corrompus. Cest dans cette perspective que prend véritablement sens le nouveau phénomène de la « glocalisation ». Elle renvoie à la fois à la capacité des « temps locaux » à éroder et à phagocyter le temps mondial néolibéral et à laptitude de celui-ci à pouvoir sinfiltrer et sincorporer dans les patrimoines culturels locaux. Dans ce cadre, le programme régional proposé renferme une dimension stratégique qui est celle de lintégration du continent noir dans la nouvelle dynamique de constitution ou plutôt dimposition à léchelon universel dun « patrimoine politico-institutionnel commun des sociétés politiques » à savoir la démocratie libérale. De même que cette renaissance africaine apparaît comme une universalisation de l« Homo oeconomicus » occidental.
Par ailleurs, lidée dune renaissance africaine sinscrivait avant tout dans la conception ruffinienne de la réinvention du Sud par lOccident. Mieux, il sagit de valider le paradigme de l"Orientalisme", évoqué par Edouard Saïd, pour caractériser « linvention de lOrient par lOccident ; le premier en tant que double du second, son contraire mais aussi lincarnation de ses craintes et de son sentiment de supériorité ».
Lintérêt de lOccident pour lOrient consiste à faire émerger une civilisation dans cette partie du monde. Et il semble que cest cette civilisation des murs évoquées par Norbert Elias - dont lautorité intellectuelle est reconnue -, que lOccident, de concert ou parallèlement avec les acteurs, tente de faire naître en Afrique. Le contexte de la mondialisation marqué par le transfert de pouvoirs et les transformations de puissance nécessite une Afrique civilisée. Jean Christophe Ruffin suggère, en guise de prévention, de réinventer le Sud au travers du moule politico-idéologique occidental. Pour cet auteur, réinventer le Sud cest lorganiser à partir des manières qui fondent la légitimité, cest-à-dire des valeurs propres au monde occidental. Il sagit là de la perspective de la recolonisation de lAfrique par lOccident. Cette finalité néo-colonisatrice par lappropriation africaine peut être considérée comme la charge symbolique du NEPAD au même titre que linstitution de lévaluation par les pairs. En effet, le continent africain, à travers la mondialisation et son programme, na jamais bénéficié de cette attention particulière dans les préoccupations internationales comme aujourdhui au point où les partenaires au développement membres du G8 en ont fait une préoccupation personnelle grâce à lancien Président français Jacques Chirac qui se faisait lavocat de lAfrique en inscrivant sur leur agenda lors du sommet de Kananaskis en 2001 le point sur le NEPAD.
Cest dire que la renaissance africaine emprunte beaucoup une dynamique de replacement du continent à cette réserve que celle-ci se fait dans une situation dinfériorité idéologique et matérielle. Le NEPAD en tant que nouvel instrument dexpression ou de relance de laide publique au développement (APD), la « renaissance africaine » a été le lieu de la diffusion du « principe de vision » du monde des donateurs occidentaux. Doù la possibilité de décrypter les symptômes des succès de la greffe libérale lorsquon regarde de près ce programme panafricain. Ce dernier « reflète et accentue lappropriation de la pensée libérale (
) il le fait en utilisant mot à mot les textes des institutions internationales ». Cest dailleurs pourquoi le Financial Times, en sinterrogeant sur loriginalité du NEPAD, notait avec humour que sa seule innovation était la signature par des Africains.
Cest dire véritablement que cette appropriation est ostentatoire. Elle sert bien à quelque chose, cest-à-dire au profit des intérêts personnels des élites tenant les commandes en légitimant leur rente charismatique. Elle est dabord une simulation pour se concilier les bailleurs de fonds. De la renaissance africaine, les Africains ont intériorisé lidée de lefficacité microéconomique du marché. Cest ainsi quest née, à travers le NEPAD, une idéologie libérale africaine qui imprègne les débats politiques et macroéconomiques sur le NEPAD. La finalité stratégique semble être finalement celle de larrimage de lAfrique au monde occidental. Cest dailleurs ce quaffirmait lavocat de lAfrique lancien Président Jacques Chirac, « être donneur daide aujourdhui, cest en règle générale appartenir à la grande famille des nations industrialisées et démocratiques. Une famille qui a sa culture, ses solidarités et ses réflexes, notamment la bonne gouvernance, la transparence, le dialogue, la rigueur, lefficacité. Et les sommets franco-africains demeurent un canal important de « marketing international » de la France qui prend en charge lAfrique.
La France « sest faite partout votre avocat. Deuxième donneur daide publique dans le monde, après le Japon, elle sest fermement engagée en faveur des pays pauvres, notamment des pays africains, et souhaite construire un véritable partenariat avec lensemble du continent ». On peut comprendre clairement que le NEPAD est le canal de diffusion du projet idéologico-politique de luniformisation occidentalo-centriste du monde. Et laide publique au développement en crise de légitimité à cause de la fongibilité des ressources publics et des détournements des aides non affectées devient une ressource politique dimportance majeure pour laffirmation des Africains sur la scène internationale.
De plus, lidéologie de la renaissance africaine semble tout aussi indissociable dun effort de reproduction de la mondialisation dans les sociétés non libérales et désordonnées africaines. Aujourdhui, les partenaires au développement qui financent sont devenus les centres de diffusion de formulation et de diffusion de son discours. Les pays développés et démocratiques, qui exercent une « puissance structurelle » sur le monde grâce à leur mainmise sur lagenda politique international, font désormais du NEPAD le moyen efficace premier du développement économico-politique des pays africains en voie de développement. La renaissance africaine sinscrivait donc en premier lieu dans lidéologie autorisée des institutions internationales de délibération et de légitimation collective.
A ce propos, le NEPAD apparaît comme une politique publique internationale de puissance qui renvoie à une prise en compte des valeurs occidentales pour laccélération du développement et la maîtrise des catégories universelles dinstitutionnalisation de la modernisation économique et politique dans le contexte contemporain des Etats en développement. Lalignement des Occidentaux derrière la dynamique du NEPAD est emblématique des grandes transformations en cours qui affectent les relations internationales en ce siècle. Dans cette perspective, les programmes actuels des grandes organisations de la gouvernance extérieure, à lexemple du Document Stratégique de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP) ou linitiative des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), cherchent à promouvoir des efforts de développement économique et de progrès en Afrique. Lheure est donc au changement social qui peut garantir « une transformation profonde assurant la continuité par dautres moyens ».
Dorénavant, les politiques africaines et lensemble des grands organismes internationaux, en loccurrence le FMI, la BM, lOCDE et bien dautres pays de la triade (le Japon et la Chine), sorganisent autour de lidéologie du NEPAD. Cest le cas du Programme des nations unies pour le développement (PNUD) ou de lOrganisation mondiale du commerce (OMC) qui salignent derrière la dynamique du programme africain. De ce point de vue, le NEPAD fait sens en Afrique et au sein de la communauté internationale. Cest dire que la renaissance africaine qui a inspiré le NEPAD était surtout le véhicule dun discours à destination du continent et Thabo Mbeki sétait fait le porte-étendard vis-à-vis de la communauté internationale. Au demeurant, une mise en uvre de la doctrine libérale.
La « renaissance africaine » confirme également une hégémonie qui renvoie à une réappropriation africaine relativement peu critique et largement empruntée de la tradition occidentale du monde démocratique et libéral. Se faisant, la renaissance africaine emprunte beaucoup à ce qui peut ressembler à la « larrimage institutionnel ou gouvernemental » qui peut correspondre à ce que Luc Sindjoun note comme la loyauté démocratique dans les relations internationales, cest-à-dire « la conformité à la démocratie comme norme dorganisation et de fonctionnement de la vie politique des Etats ».
Le NEPAD devient aujourdhui la référence obligée des discours africains sur la scène internationale et partant, les principaux acteurs en tirent des gains symboliques liés à la confortation de leur aura de respectabilité et donc de leur rente charismatique. La multiplication des références au NEPAD est révélatrice de cette affirmation. Ce dautant plus que malgré ses ambiguïtés, défauts et contradictions le NEPAD ne relève plus dun discours de dénégation. Il souligne plus quil ne cache la mainmise extérieure. Les raisons des acteurs en sont multiples : sinsérer dans une action collective, se légitimer, respecter la volonté du continent africain, reformuler le discours des bailleurs de fonds
Ce qui indique clairement que le discours idéologique de la renaissance africaine était principalement chargé de la rhétorique de la ruse, ruse dans laquelle Mbeki a cherché à faire admettre son projet en adoptant un langage nouveau, simultanément libéral et panafricain.
Cette loyauté aux murs universelles de gouvernement sinscrit dans la « Déclaration de Libreville au Gabon à lissue du sommet des chefs dEtats et de gouvernement africains sur lagenda économique et social pour le continent africain au tournant du nouveau millénaire » du 19 janvier 2000 qui appelle les Etats africains à un nouveau partenariat avec les institutions internationales. Il y a ici comme un alignement de sens parce que la Déclaration confirme le cadre politique articulé sur lEtat de droit, le respect des droits de lhomme, la bonne gouvernance, etc. Cest ce qui explique « la construction dun espace de sens » autour du NEPAD où se jouent des ambitions hégémoniques et de puissance liées au monopole du profit politique, éthique, symbolique et géostratégique de la relance de lAPD. Le tableau ci-dessous illustre bien lalignement ou lemprunt du continent africain au modèle occidental.
Tableau n° 2 : Récapitulatif des universaux de gouvernement entre lAfrique et le système international
Organisations et EtatsCritères de gouvernementInstruments de mise en uvreFMI et Banque mondialeBonne gouvernance (gouvernance économique, politique, des entreprises), Etat de droit, droits de lhomme, démocratie, société civile, paix et sécurité, réformes de lEtat, etc.Document stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP), Initiatives Pays pauvres très endettés (PPTE), Aide publique au développement (APD), etc.OCDERéduire de moitié la pauvreté dici 2015, Assurer la scolarisation de tous les enfants en âge de fréquenter dici 2015, progression vers légalité des sexes et habiliter les femmes en supprimant les disparités, Réduire les taux de mortalité infantile et post infantile et liés à la maternité des trois quarts, accès de tous à des services de santé, stratégies régionales de développement durable pour la préservation des ressources écologiques.Objectifs de Développement international (ODI), Comité daide au développement (CAD), Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), etc.ONU (PNUD)Gouvernance, paix, stabilité, développement, sécurité alimentaire, Etat de droit, droits de lhomme, réformes institutionnelles de lEtat, etc.Appropriation des réformes, ouvertures des économies africaines, intégration à la mondialisation, intégration régionale et coopération entre les pays du Sud.Accord de partenariatCoopération politique (Etat de droit, droits de lhomme, reformes institutionnelles, etc.), lutte contre la corruption, approches participatives, société civile, réduction de la pauvreté, développement durable, échanges commerciaux et investissements,
développement du secteur privé, etc.Coopération pour la croissance durable, reformes institutionnelles, développement social et économique, humain, culturel, sectoriel, intégration régionale.Etats-UnisBonne gouvernance, Etat de droit, droits de lhomme, démocratie, société civile, paix et sécurité, croissance régionale, intégration de lAfrique à la mondialisation, etc.Accords de libre-échange et coopération économique et commerciale, commerce et non-aide.FranceEtat fort, droits fondamentaux de lhomme, liberté dexpression, principes démocratiques, bonne gouvernance, justice équitable, réduction de la dette, aide au développement, paix et sécurité, résolution des conflits, intégration et coopération régionales, etc.Aide publique au développement, défense et soutien à lAfrique au sein des grandes instances internationales (OMC, G8, ONU, UE, Francophonie, etc).JaponRéduction de la pauvreté, gestion de lenvironnement, développement humain, éducation, santé et population, promotion du secteur privé, développement industriel et agricole, dette extérieure, bonne gouvernance et gestion des conflits.Intégration à léconomie mondiale, coopération et intégration régionales, appropriation (ownership), coopération Sud-Sud, ouverture des économies africaines.SuèdeDroits de lhomme, bonne gouvernance, démocratie, annulation de la dette, mobilisation des ressources, développement économique, commerce et investissements.Commerce, allègement de la dette et appui aux organisations de base.NEPAD/UAInitiative pour la paix et la sécurité (prévention des conflits, organes de règlement des conflits), bonne gouvernance politique et économique (peer review mechanism), régionalisation du développement (UEMOA, CEEAC, CEDEAO, COMESA, SADC, EAC).Transformation structurelle des économies africaines, coopération et intégration régionales, mobilisation des ressources, développement humain, institutionnel, économique et politique, coopération internationale, annulation de la dette.
Source : Réalisation de lauteur
Ce tableau illustre la logique dimportation des fondamentaux universels de « gouvernement » que lAfrique tente de mobiliser pour redéfinir un « nouvel espace géopolitique institutionnalisé » par le NEPAD. On voit que les domaines daction du gouvernement sont identiques malgré quelques réglages légers et relèvent en grande partie de lagenda du « consensus de Washington ». Cette uniformité des critères ne saccompagne néanmoins pas de celle des instruments de mise en uvre effective. Et cest à ce niveau que peut se situer la modification marginale des systèmes hybrides africains. Les objectifs stratégiques des différents Etats tendent à influencer la détermination des critères prioritaires et les stratégies de partenariat.
Cest dire que le paradigme géopolitique dunification à travers le partenariat transforme profondément les relations internationales en Afrique aussi bien dans leurs principes dordonnancement que dans leurs dynamiques concrètes. La dynamique de la « renaissance africaine » apparaît ainsi comme un champ de repositionnement international et de repositionnement interne du continent. De ce point de vue, la réappropriation africaine des universaux de gouvernement est une stratégie daffirmation de puissance sur la scène internationale. Cette nouvelle politique internationale du NEPAD correspond avec la formulation dun nouveau discours sur la « renaissance » du continent comme un cadre moderne de transformation qui ne peut constituer quun champ attractif. Ce discours idéologique et politique masquerait en toile de fond le principe tout aussi éminemment politique de la responsabilité du continent africain face à lui-même et face au reste de la planète. : « (
) le développement est un processus de responsabilisation et dautosuffisance (
). Nous déterminerons notre propre destinée et nous ferons appel au reste du monde pour compléter nos efforts ».
2.2.2. Le Plan Omega, réponse de Wade à la « renaissance africaine »
Le MARP est une légère déformation de la réalité, qui est souvent perçu comme une initiative strictement sud-africaine, voire comme le « bébé » de Thabo Mbeki. Il faut concéder que lancien Président sud-africain y avait puisé une visibilité internationale non négligeable.
Certains analystes soulèvent également que la diffusion de l« African Renaissance » ne sest pas faite sans tentative de positionner lAfrique du Sud en tant que leader, au moins sur le plan économique, du continent africain. Cest dans ce contexte que le président sénégalais Abdoulaye Wade, présenta à son tour un plan économique global à vocation continentale : le « Plan Omega », quelques mois seulement après la première présentation du MARP. Outre la volonté doffrir de nouvelles perspectives à lAfrique, il sagissait là manifestement pour le Président Wade de ne pas laisser le monopole du leadership continental à son homologue sud-africain. Plus axé sur la théorie orthodoxe du rattrapage issue de lhéritage doctrinal de Rostow, il est également plus technique voire « technocratiquement orienté » que le MARP.
En effet, le « Plan Omega » visait principalement à combler les retards de lAfrique sur les pays plus avancés par lintégration économique et à partir de la mobilisation du capital physique et humain selon les prescriptions de la théorie de la croissance endogène. La Commission économique des Nations Unies pour lAfrique (UNECA) accoucha elle aussi d'une initiative comparable intitulée « Compact for African Recovery (CAR) » qui fut présentée lors de la même Conférence que le plan de Wade. Cest toujours au cours du même sommet de lOUA, à Alger, quil fut décidé que ces documents devraient être intégrés ou fondus avec le MARP dans une version unique et consensuelle, un compromis diplomatique qui permettrait daplanir les conflits dintérêts que laissaient apparaître ces plans concurrents, mais ce ne fut pas sans efforts que lon parvint à éviter la rupture.
Les luttes de prestige interpersonnelles sétaient mêlées aux négociations, comme lont soulevé Taylor et Nel : « only hard bargaining managed to prevent Wades Omega Plan from sabotaging African unity before it had even begun, particularly when Wade began claiming that his plan was a practical initiative for overcoming Africa's economic difficulties, while MARP was « more of a manifesto ». Yet Wades plan was extremely problematic and did not deserve the status that it was given (though no doubt satisfying the ego of its author) ».
La dynamique de partenariat du NEPAD est un champ politico-stratégique si lon sappuie sur la tradition bourdieusienne du terme. Pour Bourdieu la notion de champ renvoie à un espace sociopolitique où des acteurs aux positions et ressources inégales se battent pour lamélioration de leur position respective, pour la modification ou la conservation des rapports de force au sein du champ. Ce qui est vrai pour les plans proposés par les acteurs du programme africain de développement. En règle générale, les enjeux, qui renvoient à des produits faisant lobjet de la compétition entre acteurs du NEPAD, sont pour partie symboliques.
Le champ du programme africain ressemble de plus en plus à un cadre sociopolitique reposant sur des rapports concurrentiels et complémentaires entre les différents promoteurs symboliquement mus par lidéologie philanthropique de laide au développement, mais visiblement préoccupés et déterminés par la construction institutionnelle dun nouvel ordre politique régional. Cest dans ces conditions que le plan Omega a été conçu parallèlement et simultanément, avec lappui de la France, en concurrence avec celui de la renaissance africaine (dinspiration anglophone) de Thabo Mbeki. Partant dune application de la théorie du rattrapage, le Président sénégalais a émis lidée que le mal développement du continent africain réside dans les disparités hémisphériques de capital accumulé dans les différents pays. Ainsi, il a défini son plan au tournant du millénaire comme une « stratégie africaine de la mondialisation » visant à rompre avec la logique du pacte colonial et du binôme crédit/aide considéré comme la cause première de la marginalisation continentale.
Le plan Omega est donc présenté par son promoteur comme la nouvelle panacée du continent africain. Pour son auteur, le Plan Omega permet à lAfrique dentrer sereinement dans la mondialisation en construisant sa propre modernité en sattachant à combler les retards de lAfrique dans les principaux domaines que sont les infrastructures, la santé, léducation et lagriculture tout en chargeant lOccident de la maîtrise douvrages à bâtir. Ce qui apparaît comme un hiatus à lobjectif de rupture entre lobjectif poursuivi et les moyens de son exécution, que le promoteur tente de faire assumer sans contrepartie au monde occidental.
Le scénario politique de la renaissance africaine avait été défini non pas par lanalyse des dynamiques politiques mais par linversion de celles-ci pour se conformer aux vux de la communauté internationale. Cette vision sous-tendait celle du Millenium Partnership for the African Recovery Program (MARP) élaboré par Thabo Mbeki, Olusegun Obasanjo, Hosni Moubarak et Abdelaziz Bouteflika. Elle a été atténuée dans la conception du NEPAD du fait que celui-ci a fusionné pour donner une synthèse du MARP et du plan Omega, qui envisageait une union égale entre tous les pays, même très petits, du continent contrairement à la vision de Thabo Mbeki fondée sur un ensemble guidé et représenté par des leaders. Le plan Omega a fait le choix de la dynamique libérale (pilotage des projets à réaliser confié aux multinationales dont les actions ont pour fondement véritable la recherche du plus grand profit) tout en respectant la règle des pays africains relative à « un Etat, une voix » tant au sein du concert régional quinternational des nations.
La « renaissance africaine » se présentait nettement comme une coalition de grandes puissances régionales sauto-désignant, avec lappui du Royaume Uni et du Commonwealth, comme les représentants les plus légitimes du continent dans les négociations avec les IFI et les grandes puissances des autres continents, membres ou non du G 8. Les fondements de ce changement social résidaient dans la volonté de lAfrique du Sud dutiliser les effets dentraînement économique. Lalliance sud-africaine, nigériane et du Commonwealth a associé le Nigeria en évoquant sa dimension démo-économique qui lui fait exercer une influence majeure sur sa région. Les autres pays sans effets économiques notables (Algérie et Egypte) sur les pays voisins ont été associés pour des besoins de représentation symbolique de toute lAfrique par des géants régionaux. Ce que suggéraient les grands donneurs daide asiatiques (Japon et Chine) qui exigeaient de discuter avec des interlocuteurs précis.
Présenté pour la première fois au sommet France-Afrique de Yaoundé en 2001, le plan Omega se fonde sur les enseignements des deux échecs en matière de développement. Pour Wade, la politique daide et de crédit a abouti à limpasse de la dette et à la lassitude des pays occidentaux. Par ailleurs, létroitesse des marchés nationaux depuis les indépendances favorisait la quasi-impossibilité du développement. De ce point de vue, relancer laide publique au développement (APD) était une mauvaise orientation pour le continent. Rien doriginal, puisquen définitive ce dernier proposait que les fonds proviennent de lextérieur. En réalité, en proposant ce schéma, Wade marquait clairement sa contradiction avec ses alliés du NEPAD. En effet, mandatés, pour négocier la dette du continent auprès des partenaires au développement, le promoteur de la « renaissance africaine » et ses alliés du MARP avaient saisi lopportunité pour diffuser leur initiative. Ce faisant, les trois dirigeants de pays africains importants (Mbeki, Bouteflika et Obasanjo) pour les intérêts américains et anglais sur le continent, ont présenté leur plan au sommet économique de Davos auquel prenait part leur ancien concurrent Wade qui avait déjà soumis son plan à lappréciation des Africains et du reste du monde.
Le MARP a été présenté par Thabo Mbeki lors ses voyages officiels en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Il a bénéficié du soutien de ces Etats tout comme la France a soutenu le Sénégal. Cest ce qui faisait insister Jacques Chirac qui rappelait que la France était le deuxième donneur daide publique au développement après le Japon, une manière dinfliger un « coup » aux Américains et Anglais qui prétendent à des places de choix dans les économies africaines sans fournir pour autant un effort soutenu dappui aux pays africains. En instrumentalisant Abdoulaye Wade pour concurrencer les leaders pro-anglophones, « la France (
) entend rester fidèle à ses partenaires traditionnels, notamment francophones, et souvre plus que jamais sur lensemble de lAfrique ». Il sagit là dune politique de louverture de la fidélité. Et Wade a amené ses pairs à composer avec lui. Laboutissement a été la fusion des plans Omega et MARP à la nouvelle initiative africaine (NIA) rebaptisée par la suite de manière consensuelle en NEPAD.
2.2.3. Le NEPAD, une alternative contemporaine au blocage des institutions
Le Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) apparaît désormais comme une espèce dauto-institution de la société africaine en ce début de siècle, sans se fonder sur un ordre donné selon les acteurs, mais selon un modèle que les Africains ont défini. Cest donc la société africaine elle-même, issue du contrat entre les Etats membres du NEPAD, qui fonde dorénavant la légitimité. Cest dire que laffirmation de la bonne gouvernance sarticule aujourdhui autour du mécanisme africain dévaluation par les pairs du NEPAD.
Le NEPAD est devenu le lieu qui offre aux dirigeants qui gouvernent mal, la possibilité de renouveler les capacités des entités nationales à conduire des politiques visant au bien-être de tous, et susceptibles dapporter des solutions cohérentes et appropriées aux populations. Cest là tout le sens du débat sur le « bon gouvernement ». Il nous situe au cur des problématiques plus générales de la science politique contemporaine en matière de regroupements régionaux, regroupements qui représentent des gages dinsertion des Etats dans la dynamique de la mondialisation. Ce programme fait partie intégrante des différentes stratégies de regroupements des entités étatiques au niveau des régions et des continents face aux processus de globalisation et au « nouveau » régionalisme.
En effet, cela fait maintenant plusieurs décennies que la question de développement du continent est inscrite à lagenda mondial et pourtant cette partie de la planète aux potentialités infinies demeure de loin la plus pauvre du monde. Pire encore, sa situation économique et sociale tend à se dégrader davantage depuis une vingtaine dannées. Ainsi, si 10% de la population mondiale vit au Sud du Sahara, cette région représente à peine 1% du produit intérieur brut global. Si lon sen tient aux indicateurs de développement issus de la Banque Mondiale (BM), la proportion de la population africaine vivant avec moins dun dollar par jour aurait crû de 47% en 1990 à 49% en 1999, ce qui concrètement veut dire que 74 millions de personnes (des hommes des femmes et des enfants avant d'être des statistiques) de plus quil y a 15 ans vivent dans lextrême pauvreté matérielle alors que sa réduction est sensée être une priorité depuis plus de vingt ans.
Les constats alarmants (toujours dans la perspective dune prise en compte des habituels indicateurs macro-économiques comme outils destinés à jauger la situation - on ne refera pas ici le débat sur la relativité de ces indicateurs et sur leurs limites, le tout étant de rappeler que les objectifs visant le redressement de ces indicateurs sont loin davoir été atteints) semblent pouvoir se décliner à linfini comme lillustre cet extrait d'une conférence de M. Amath Soumare : « lAfrique est la région la plus pauvre du monde, avec des revenus réels qui sont en moyenne inférieurs du tiers à ceux de lAsie du Sud, avant-dernière au classement des plus pauvres.
Dans les années 1990, lAfrique subsaharienne, qui abritait déjà « 25 % des victimes de la pauvreté absolue dans le monde, a vu ce chiffre passer à 30 %, et lAfrique est le seul continent où la pauvreté continue d'augmenter aujourdhui. Plus de 340 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population africaine, vivent avec moins de 1 euro par jour. Ces cinq dernières années, les pays africains ont enregistré des taux de croissance moyens de 3,5%, comparé aux 7% nécessaires pour atteindre les objectifs de développement du millénaire
LAfrique représente moins de 1% des flux mondiaux de linvestissement, alors quon estime à 40% la part de lépargne africaine qui est investie en dehors de lAfrique. LAfrique est la seule grande région où linvestissement et lépargne par habitant ont diminué après 1970 ».
Depuis 1980, le Plan de Lagos, lAfricas Priority Programme for Economic Recovery (APPER) reconverti en Programme of Action for Africas Economic Recovery and Development (PAAERD), le Cadre African de Référence pour les programmes dAjustement Structurel (CARPAS), «The African Charter for Popular Participation for Development» ou encore «The United Nations New Agenda for the Development of Africa in the 1990 » pour ne citer que ceux-là, ont fourni autant dinitiatives recélant lambition dinverser la tendance. Le Nouveau Partenariat pour le Développement de lAfrique (NEPAD) » est lancé comme grand projet à vocation continentale. Il est censé permettre une réelle « renaissance africaine », comme le texte le proclame, et ne se présente pas comme un plan de plus à ajouter dans la liste des échecs.
Dès la création du NEPAD, lidéal qui prévalait était dune part de redynamiser la coopération inter-africaine, dautre part dinscrire sur lagenda politique le développement économique, social et politique du continent africain. Il sagissait dun désir de renforcement du lien de causalité directe entre développement institutionnel en Afrique et souveraineté continentale des choix de ses modalités daction. Cest dire que lambition de départ sinscrit dans les tentatives dunification continentale.
Aujourdhui, la lutte pour le développement est devenue une priorité mondiale et le NEPAD est désormais, « le cadre de référence dans lequel la communauté internationale, et notamment le système des Nations unies, doit concentrer ses efforts pour le développement de lAfrique ». Le nouveau partenariat pour le développement de lAfrique na donc pas été mis en place ex-nihilo même si son lancement date du sommet de lorganisation de lunité africaine (OUA) du 23 à octobre 2001 à Abuja. Cette initiative est née grâce au résultat dune longue réflexion engagée à lissue de la Déclaration de Syrte du 9 septembre 1999 en réaction à léchec des programmes antérieurs de développement entrepris par les gouvernants africains et les partenaires au développement. Cette constatation qui relève dune étrangeté quasi-banale mais accablante de la situation du continent africain sert « lafro-pessimisme ambiant et donne une image peu crédible des nombreuses tentatives de développement. LAfrique veut aujourdhui reprendre en main son propre destin et linitiative de la réflexion sur son développement après avoir été longtemps une consommatrice didées importées de létranger ». Ainsi, dans le cadre de la réforme de lOUA, le NEPAD est alors envisagé pour faire face aux défis de la globalisation. Ce détour par lhistoire permet de comprendre lévolution de la doctrine internationale centrée sur le continent africain.
En effet, le NEPAD est à situer dans les problématiques globales et contemporaines liées aux phénomènes complexes et complexifiés qui accompagnent la dynamique de la mondialisation depuis la fin du monde bipolaire. Léconomie politique du phénomène de mondialisation fait ressortir, parmi ses enjeux, les déterminants politiques dune rationalité économique conjuguée à une cohabitation dangereuse entre la logique politique et la suprématie du marché dont linfluence a été ressentie dans lorganisation des sociétés. Elle envisage la caducité de toute référence à lEtat dont le rôle est de plus en plus sous-estimé et minimal. Aujourdhui, les entités étatiques tendent à seffacer et à se fondre dans des entités supérieures de type supranational, présumées plus efficaces pour surmonter un certain nombre de défis. Cette tradition africaine dinstitutionnalisation des stratégies de renforcement des instruments de coopération sous-régionaux est illustrée par Josepha Laroche dans le paradigme « convergence post-guerre froide » qui illustre la complexification et la diversification de la notion de partenariat. Mieux, on peut lire à travers P. Muller, cette tendance à vouloir imposer une vision du monde, par-delà les intérêts des acteurs, à travers laquelle les situations concrètes sont pensées et laction élaborée.
Depuis les années 1960, les Etats africains nouvellement indépendants décident de façon autonome de mettre fin à la dépendance économique de lépoque coloniale et de sorganiser pour leur développement. Dans ce cadre, ils adoptent un schéma autocentré, reposant sur le paradigme de la « modernisation nationale », qui privilégie lintervention de lEtat dans le domaine socio-économique, lindustrialisation par substitution aux importations et le recours au binôme aide-crédit. Malgré la période de gloire des années 1970 caractérisée par une forte croissance, celle-ci ne sest malheureusement pas prolongée au cours de la décennie suivante, laquelle a été marquée par la crise généralisée de la dette et par des déséquilibres macro-économiques. Ces années des indépendances ont aussi favorisé lessor de lintégration régionale et de la coopération continentale, grâce à un besoin de regroupement continental et de présence sur la scène mondiale. Peu dEtats étant prêts à fonder les « Etats-Unis dAfrique », lOUA est créée en 1963 à Addis-Abeba, en Ethiopie, sur les principes du respect de la souveraineté, de lintégrité territoriale et de lindépendance des Etats et de la non-ingérence dans les affaires intérieures. Ces tentatives africaines dorganisation du développement continental ont échoué à cause des divergences internes et aux égoïsmes nationaux des leaders, comportements des dirigeants africains ponctués par une carence en matière de capacité de direction et de gouvernement, le défaut de volonté politique, le manque de pouvoirs et de moyens de lOUA et le soutien insuffisant des donateurs.
Cest dire que la nouvelle initiative de développement du continent africain initiée à travers le nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) mérite à plusieurs titres la qualification de nouveau programme. En premier lieu, son caractère innovant semble résulter de lorigine ou de la signature interne (continent africain) de la démarche. En deuxième lieu, le NEPAD représente un programme nécessaire à létablissement de nouveaux rapports entre lAfrique et les partenaires au développement. Par ailleurs, cest un processus qui a été initié par des chefs dEtat de la nouvelle élite politique du contient africain. Le dernier caractère novateur de ce partenariat découle de la mise en place dun mécanisme de surveillance entre les pairs comme cadre dauto-contrôle de la société africaine.
Dans le texte du NEPAD, il est prévu à travers la déclaration des chefs dEtat et de gouvernement, « la détermination des Africains de sextirper eux-mêmes, ainsi que leur continent du sous-développement et de lexclusion dune planète en cours de mondialisation ». Ce programme est la traduction dans les faits de la volonté politique du continent de sarrimer sur « la voie de la croissance et du développement durable, tout en participant activement à léconomie et à la vie politique mondiale ». Cest donc dans cet esprit de mise en uvre de nouvelles solutions que lAfrique reprend en charge son développement. Dans le cadre de cette réforme, le NEPAD est parallèlement promu et fondé sur lidée daffranchir le continent du sous-développement. Il sagit dune réflexion sur les différents instruments qui peuvent être mis en uvre de façon à permettre le décollage du continent et sa participation sur la scène internationale.
Le NEPAD est à ce titre différent des initiatives classiques qui consistaient à insister sur la dimension externe des stratégies de développement qui privilégiait le binôme aide-crédit comme fondement de la croissance. Mais il est identique aux plans précédents parce quil privilégie la dimension économique en tentant de placer les Africains au centre des stratégies de développement. Cest donc aux dirigeants et peuples africains de devenir les acteurs de lhistoire africaine. Limpulsion et linspiration sont entièrement africaines : ce programme est défini dans sa Déclaration « une promesse faite par des dirigeants africains, fondée sur une vision commune, ainsi quune conviction ferme et partagée quil leur incombe durgence déradiquer la pauvreté, de placer leurs pays, individuellement et collectivement, sur la voie dune croissance et dun développement durables, tout en participant activement à léconomie et à la vie politique mondiale ». Par ailleurs, replacés au centre des préoccupations de développement, les Africains ont la responsabilité de la mise en uvre du NEPAD. Ainsi, il consacre lappropriation, par lAfrique, des normes de libéralisation et de bonne gouvernance prônées par les bailleurs de fonds. On peut parler à cet effet dune révolution normative dans les relations internationales africaines. Ce dautant plus que le NEPAD privilégie une démarche dappropriation par lAfrique et les Africains du développement continental. Manifestement, il y a la une volonté de changement dans la manière de considérer et de résoudre les problèmes grâce à la prise en charge directe du développement socio-économique par le biais dune définition interne et autonome des stratégies par rapport aux partenaires au développement et aux IBW.
Le NEPAD est une initiative holistique et intégrée du développement qui doit permettre le rétablissement économique et social de lAfrique et nécessite un partenariat avec le monde développé. Ce programme traduit lengagement des leaders africains à travers une vision commune, une conviction ferme et partagée partant du postulat quil y a aujourdhui un devoir urgent déradiquer la pauvreté, en ayant conscience du déficit de crédibilité que revêt cette initiative ; déficit qui peut sexpliquer par les programmes antérieurs qui se sont avérés infructueux, à lexemple de la non réalisation du Plan de Lagos ou du blocage du traité dAbuja de 1991. Il émane de la détermination des Africains de saffranchir du malaise du mal développement et de lexclusion dans un monde en mutation. Ce partenariat est fondé sur la réalisation dobjectifs communs et dune égalité commune. Par ailleurs, ce programme nécessite des ressources importantes nécessaires pour répondre au défi du développement dans les secteurs cruciaux comme linfrastructure, léducation, la santé, lagriculture et les nouvelles technologies de linformation et de la communication. Laccent est mis sur la meilleure gestion de la dépense publique. Le document fondateur du NEPAD se compose dune structure politique stratégique et dun programme daction.
En outre, le NEPAD constitue certes un programme dinspiration africaine mais sa stratégie a une dimension supra-continentale grâce à la place que cette initiative accorde aux relations internationales avec les autres parties du monde. Ces nouveaux rapports sont fondés sur une coopération qui repose sur le principe de responsabilité mutuelle (accountability) à légard des objectifs du développement durable. Laccountability repose sur deux faits majeurs. Dune part, les principaux initiateurs du programme reconnaissent labsence de leadership des Africains face aux enjeux du développement, à cet effet, ils invitent les pays industrialisés à reconnaître leur responsabilité qui découle de leur participation historique dans lappauvrissement du continent africain. Les chefs dEtat initiateurs du NEPAD insistent sur lhéritage de la période coloniale qui a été à lorigine de lexploitation abusive des ressources du continent sans pour autant faciliter son développement. Dautre part, il ne fait aucun doute que le colonialisme sest traduit après les indépendances par un manque de professionnels outillés. Tout aussi indissociables sont les PAS et leurs conditionnalités au cours des années 1980 qui constituent une donnée non négligeable dans lexplication de la marginalisation du continent africain au plan économique. Nul ne doute aussi que lobligation de solidarité avec la communauté internationale est due aux ressources dont regorge lAfrique et qui servent lhumanité entière.
Le NEPAD offre donc une occasion historique aux pays industrialisés du monde denvisager un partenariat véritable avec lAfrique, partenariat basé sur les intérêts et les profits mutuels. En proposant ce partenariat, lAfrique se rend compte quelle est la clé de son propre développement. Ladoption dune stratégie de développement avec un programme daction détaillé marque le début dune nouvelle phase de coopération entre lAfrique et le monde développé, y compris les organisations multilatérales.
En réalité, si lon remonte lhistoire, il convient de rappeler que la logique du NEPAD est inspirée, pour lessentiel, de lidée de promouvoir un programme pour le rétablissement de lAfrique. Cest en septembre 1999 que le programme a été présenté pour la première fois au Sommet extraordinaire de lOUA qui sest déroulé à Syrte en Libye. Les dirigeants africains sétaient retrouvés afin de présenter le cas de lAfrique à la communauté internationale. Le Sommet avait mandaté lancien dirigeant Thabo Mbeki et le Président algérien Abdelaziz Bouteflika à engager des discussions avec les créanciers de lAfrique pour parvenir à lannulation totale de la dette extérieure de lAfrique. Par la suite, le Sommet du Sud du Mouvement des Non-alignés et le G77, qui sest déroulé à Havane au Cuba en avril 2000, avait mandaté les anciens Présidents Mbeki et Obasanjo pour rendre compte des difficultés des pays du Sud aux partenaires au développement (institutions du G8 et de Bretton woods). Réalisant la corrélation entre les deux mandats et le fait que lannulation de la dette fait partie dun aspect important du programme du développement pour lAfrique, le Sommet de lOUA qui a eu lieu au Togo en juillet 2000 a mandaté trois des Présidents leaders afin de proposer aux pays industrialisés un partenariat constructif pour le développement du continent.
La question du partenariat avait été soulevée par les trois Présidents lors dun Sommet organisé au Japon en juillet 2000 avec les partenaires au développement du G8. Cest ainsi que le travail concernant le développement du MARP a commencé sérieusement, lequel a été suivi dun processus dengagement au niveau bilatéral et multilatéral. A titre dexemple, on peut citer la présentation du MARP faite au Forum de léconomie mondiale à Davos en Suisse en juin 2001.
Le MARP avait été approuvé par les autres chefs dEtat en septembre 2000. Un comité de direction (Steering Committee) a ainsi été désigné pour développer une proposition plus détaillée et concrète. Chaque président initiateur a mandaté deux membres pour prendre part aux travaux Steering Committee en octobre 2000. Après plusieurs consultations avec les initiateurs du NEPAD suite à lévaluation des programmes précédents et actuels de développement de lAfrique, le comité de direction a présenté larchitecture de la structure politique en février 2001. Ce document définissait pour le rétablissement politique, social et économique du continent africain, les obligations et responsabilités des leaders africains, dune part, et les obligations et responsabilités des pays industrialisés, dautre part. Les quatre mois qui ont suivi ont été consacrés à la préparation du programme daction détaillé.
Le plan Omega a été présenté pour la première fois au Sommet France-Afrique qui a eu lieu à Yaoundé au Cameroun en janvier 2001. Par la suite, il a été soumis au Sommet extraordinaire de lOUA, qui sest déroulé à Syrte en mars 2001. Les autres leaders africains ont pris acte du plan Omega pour la première fois au Forum de léconomie mondiale de Davos le 30 janvier 2001. Ce plan était fondé sur quatre aspects : la construction des infrastructures, les nouvelles technologies de linformation et de la communication, léducation, le développement des ressources humaines, la santé et lagriculture.
Cest ainsi quà la 8ème Session des Ministres africains des Finances qui a eu lieu à Addis-Abeba en Ethiopie en novembre 2000, le Secrétaire exécutif de la CEA, Mr Yoko sest vu confier la lourde charge de proposer des programmes de développement de lAfrique. Le document quil a produit a été présenté et discuté à la conférence des ministres africains des finances à Alger, du 8 au 10 mai 2001. Le processus de développement final du programme a été concrétisé par la fusion des différents plans dans la Nouvelle initiative africaine (NIA) qui, adoptée par le Sommet de lOUA à Lusaka en juillet 2001, est devenue officiellement le nouveau cadre commun de développement de lAfrique en octobre 2001, à Abuja, au Nigeria, et a été renommée NEPAD. Ces dirigeants sétaient rendus compte que pendant très longtemps, lAfrique a paresseusement accepté les idées et offres de soutien du monde entier, sans développer et articuler sa propre vision et son programme daction. Par le passé, lAfrique a produit une série dinitiatives et programmes dactions et particulièrement le Programme daction de Lagos et le Traité établissant la CEA. Néanmoins, diverses raisons parmi lesquelles, lopportunité, le manque de capacités et de ressources, le manque de volonté politique et lingérence des intérêts étrangers pendant la Guerre froide, ont contribué à lexécution sans succès des programmes. Il sagit dun état desprit nouveau par rapport aux initiatives antérieures, en cela que le programme affirme la volonté politique de lAfrique de se réapproprier le règlement de ses problèmes et son aspiration à ne plus être marginalisée.
Aujourdhui, une convergence de circonstances favorables au sein du continent et au niveau international offre loccasion idéale de revisiter les programmes existants, à lexemple de lintégration économique, dans le contexte dune nouvelle initiative développée par les Africains pour lAfrique. Face au défi déradication de la pauvreté et du sous-développement dans leurs pays respectifs et dans le continent, et face à limportance des questions africaines dans les forums mondiaux, les Présidents ont demandé à lOUA de leur permettre de préparer un programme de développement compréhensible qui servirait de fondement à la régénération du continent et à la création dun nouveau partenariat avec le monde entier et plus spécifiquement avec les pays industrialisés et les organisations multilatérales. Ce programme africain ambitieux de réponse aux demandes internationales sest transformé en un véritable « club fermé » des chefs dEtat, traduisant ainsi une forme oligarchique dexercice du pouvoir aux finalités diverses.
CHAPITRE 2
LA REPRODUCTION DES SYSTEMES DINTERET : UNE MATRICE COMMUNE DE GOUVERNEMENT DES ACTEURS GABONAIS ET DU NEPAD
Ce chapitre est consacré à la présentation des milieux décisionnels au Gabon et au sein du NEPAD. Nous décrivons les appareils et les portrais des systèmes au pouvoir selon un registre de fonctionnement oligarchique. La stratégie dafricanisation mise en uvre par lAfrique du Sud et impulsée par son ancien dirigeant Thabo Mbeki a permis de reconfigurer la politique étrangère continentale. Cette nouvelle structuration du champ politique régional sest produite autour de ce qui peut ressembler à une « mise en scène » ou à un jeu entre dirigeants aux positions et ressources inégales. En plus de la recherche de visibilité du continent sur la scène internationale, se dessine autour du programme africain lexpression dun système dintérêt dont larrière-fond cache une dynamique de « leadership hiérarchique régionalisé » à lintérieur duquel on y retrouve les pays « initiateurs » et les nations dites « participantes ». Ces luttes de pouvoir fournissent la réalité de lactivité gouvernementale dans les sociétés africaines.
La sociologie des principaux décideurs au Gabon est identique au fonctionnement des appareils du NEPAD. Elle se lit comme la chronique dune société bourgeoise instituée depuis larrivée au pouvoir du dirigeant gabonais. Conçue comme une mise en scène de lélite politique dirigeante, cette sociologie du pouvoir nous fait découvrir lenvironnement réel, les hommes et les représentations à partir dun double site dobservation : le jardin, où laction se déroule dans la transparence, et la cour, réservée aux initiés. Le recours à ces sites est stimulant pour la recherche, en ce quil permet dappréhender la complexité du politique dans la société gabonaise. Les luttes factionnelles entre les différents collaborateurs en-dessous du leader principal Omar Bongo Ondimba fournissent un portrait sur lart dadministrer la société gabonaise. Les lignes qui vont suivre abordent la sociologie des gouvernants du Gabon et du NEPAD.
Section 1 : Sociologie du milieu décisionnel : portrait dun système au pouvoir
Le processus de décision au Gabon est organisé autour de la sphère politique. Cette dernière renvoie à linstance du pouvoir des dirigeants politiques installés aux leviers de lEtat, cest-à-dire de celui qui décide en dernier ressort, notamment le Président Bongo qui est au dessus de tout et de ses collaborateurs, mais en-dessous on assiste à une institutionnalisation des luttes de pouvoir entre courtisans. Il sagit donc dun registre exclusivement consacré au gouvernement qui sinspire du « côté jardin et côté cour ».
1.1. Linstitution présidentielle : instance politique unique de régulation
Indépendant depuis 1960, le Gabon a connu une vie politique stable en dépit de quelques moments de légères perturbations. Installé aux leviers de lEtat au moment des indépendances, le premier président gabonais Léon Mba avait fait de lactuel chef de lEtat, son directeur de cabinet puis son vice-président. Cest donc autour du premier président gabonais, quOmar Bongo Ondimba va à prendre à gérer et à contrôler la « machine étatique ».
1.1.1. Omar Bongo, parcours politique et arène dévolution
En 1967, lorsquil accède à la magistrature suprême, il met en place un instrument de gouvernement : le Parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir jusquà ce jour. Véritable ressource politique, cest autour de ce parti politique que devait se constituer un facteur dunité nationale au lendemain des indépendances. Lobjectif du chef de lEtat était donc celui de gommer toute référence à lethnie en favorisant la nation. Ainsi, il fera évoluer son pays dans un système de parti unique avec le PDG comme parti politique investi de tous les pouvoirs de lEtat.
Ce parti est devenu depuis lors le véritable appareil de gouvernement et a souvent été qualifié de Parti-Etat. Et cest à lintérieur de cet instrument politique que va se construire le « système Bongo »; régime réticulaire, cest-à-dire de réseaux personnels et informels, considéré comme un « petit club » de pouvoir dans un double cercle dont il est quasiment impossible de se dégager.
La description des mécanismes quil implique, des imaginaires ou encore des registres mystico-religieux mobilisés est utile pour cerner la prédation de lEtat, qui assure un avantage certain au président en place depuis plusieurs décennies, dautant plus que la redistribution ne concerne que les partisans ou les clients du « palais du bord de mer » au détriment des autres membres du grand monde social.
Le gouvernement de la société gabonaise depuis cette époque et même à jusquà ce jour nest pas loin de se résumer à des pratiques particularistes où la décision est lapanage du chef. Ce qui fait naître incontestablement de sérieuses rivalités autour de « lhéritage politique et spirituel » de son chef actuel Omar Bongo. La pratique politique au niveau du palais est indissociable de celle concernant les courants pour le contrôle de lEtat. Ce qui est vrai, cest que laffrontement constant entre les différentes factions en dessous de Bongo semble toujours trouver une issue de réconciliation, comme il est tout aussi admis, à linverse, que lentente nest jamais définitive. Cette manière de diriger préfigure, ce que Sylvie Froideveaux qualifie de sociabilité subversive dans la mesure où elle peut déboucher sur « une contestation symbolique de lautorité de lEtat ».
La charge de chef est désormais un instrument de pouvoir à partir duquel se construisent la légitimité et le prestige des personnages politiques. Linstitution présidentielle se donne à voir comme un microcosme articulé au macrocosme qui lentoure, la société et lEtat.
En effet, le système de direction gabonais est vertical en ce sens que, cest le président qui a toujours décidé avec parfois à ses côtés, lancien vrai numéro 2 gabonais, Georges Rawiri, tous deux soutenus et installés au pouvoir par Jacques Foccart et les milieux daffaires français qui voyaient en eux une garantie des intérêts commerciaux et militaires de la France. Labsence de véritables contre-pouvoirs ainsi que la médiocrité du travail politique parlementaire et la vassalisation de son personnel, font que les autres membres du gouvernement ne font quappliquer les directives du chef de lEtat. Et ce dautant plus que la plupart des demandes importantes sont filtrées au niveau de son cabinet et remontent vers lui.
1.1.2. La patrimonialisation de lappareil dEtat
Cest dire que lappareil de décision est constitué autour dun réseau de solidarités de toutes sortes même si avec la fin de règne du régime qui pointe à lhorizon, les collaborateurs du président ne le lâchent plus et servent davantage tous ceux qui prétendent assumer une position privilégiée dans lavenir, où la théâtralisation du pouvoir et la mise en mouvement permanente constituent désormais des gages de succès dans la concurrence politique factionnelle. En réalité, les personnages les plus influents qui composent le microcosme politique gabonais ne sont pas nombreux. Ils se connaissent pour la plupart, se cooptent, se nomment ou sélisent les uns les autres. En fait, cest le président Bongo qui prend toutes les décisions les plus importantes qui engagent lEtat gabonais. Dans les grandes démocraties, ministres, directeurs généraux, présidents de conseils dadministration, secrétaires dEtat, députés, ambassadeurs et hauts fonctionnaires gabonais gravitent tous autour du chef de lEtat. Mais à la différence des dirigeants des pays réformistes (gouvernés) démocrates, la séparation des pouvoirs nexiste pas. Il y a comme un dédoublement des structures institutionnelles de pouvoir par des réseaux personnels, à travers des personnages qui sinstituent en leaders sociaux à cause du capital social dont ils disposent. Lidéologie de lostentation est au centre des pratiques et valeurs qui fondent les rapports entre la société et lEtat.
Les personnels politiques semblent de plus en plus attirés par la charge de « donneur daide » dans leurs régions dorigine au nom du chef de lEtat. Ici, le don nest plus un « simple » cadeau public, mais bien plus un instrument de pouvoir, car lart de donner - lorsquil est réalisé sous le sceau de la magnanimité du chef - devient une force même si dans le cas gabonais il « dépublicise laction publique », il justifie tout au moins les carences de cet Etat néo-patrimonial à assumer ses fonctions régaliennes, cest-à-dire à concevoir des politiques publiques.
En effet, cette élite dirigeante qui se met en mouvement dans la conduite des dossiers et des décisions appartient à un cercle relativement fermé composé des cadres du Parti démocratique gabonais (PDG) et des partis de la majorité présidentielle qui gravitent autour du parti au pouvoir, cercle au sein duquel il est impossible daccéder par effraction. Toute nomination à un poste stratégique ne peut se faire sans lonction de la présidence de la République. Car cest dans ce premier cercle de pouvoir que se prennent les décisions les plus sensibles.
Lagencement institutionnel et le principe de la séparation des pouvoirs réalisés par la constitution de 1991, ainsi que la plupart des organes de la IVème République, nont pas permis de rompre avec la tradition gouvernementale issue de la IIIème République (sous le parti unique). Ce sont juste de nouvelles institutions formelles, gages de la vitrine du « renouveau démocratique », qui ont été créées : le conseil national de la communication (CNC), le conseil économique et social (CES) et la cour constitutionnelle. Nous sommes ici en présence du côté jardin de direction, mais à y regarder côté cour, le gouvernement se construit au moyen des solidarités de tous genres. Sagit-il là dune gouvernabilité « à lenvers » ou négative ? Nous préférons lépithète de gouvernabilité à tout jamais « continue » puisquon assiste à une simple continuité dans lorganisation du système plutôt « quune rupture (
), dautant plus que le président de la République conserve son statut dacteur institutionnel unique du système politique gabonais.
La constitution qui fut adoptée restaure le multipartisme certes mais tout en confirmant le caractère présidentialiste du régime, avec un président de la République aux pouvoirs vastes et multiformes, qui renforcent sa prépondérance déjà suffisamment marquée dans lesprit des populations gabonaises. Parallèlement, cette Constitution va créer et restaurer de nombreux contre-pouvoirs organiques mais qui ne constituent guère de vrais pouvoirs - seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir - et donc des gages defficacité pour la concurrence et la compétition politique. La nature et limportance de quelques prérogatives qui leur sont reconnues ne contribuent pas pour lheure à atténuer, tout de même, lomnipotence et lomniprésence présidentielle dans la gestion médiocre des affaires publiques. Le chef de lEtat est à la fois gardien, arbitre et garant du fonctionnement régulier des institutions républicaines. De ce point de vue, il est linstance suprême de décision publique malgré la matrimonialisation de son pouvoir et sa propension à la patrimonialisation des ressources et de la souveraineté territoriale de lEtat. Elu au suffrage universel direct pour un mandat de sept ans, il est le garant de lindépendance nationale, de lintégrité du territoire et du respect des accords et traités en même temps quil veille au respect de la constitution et assure par son arbitrage le fonctionnement des pouvoirs publics. En concertation avec le gouvernement, il détermine la politique générale de la nation.
1.1.3. Le cabinet présidentiel
Les mouvements au cabinet présidentiel sont particulièrement commentés. Et nombreux sont ceux qui, après avoir passé lessentiel de leur parcours professionnel dans lombre du chef et une fois investis de la confiance de ce dernier, héritent dune fonction prestigieuse. Cest bien ce que certains analystes qualifient de « méthode Bongo ». En tout état de cause, on peut globalement retenir que la première échelle du système dacteurs de décision publique est donc représentée par le chef de lEtat, assisté dans son cabinet par des collaborateurs proches, polyvalents avec qui il administre au quotidien laction publique. A cette première échelle, se greffe un deuxième niveau dacteurs qui, comme les premiers, font partie intégrante du milieu décisionnel central.
Toutefois, aujourdhui, de plus en plus, le chef de lEtat en raison des injonctions internationales, dont la nécessité est reconnue et pour se construire une légitimité externe, intègre formellement et temporairement dautres niveaux dintervention avec divers acteurs dans la gestion de la chose publique. Cette réaction gouvernementale marque le début dune inflexion sous les directives internationales, et va donner des indications aux acteurs sur les stratégies et les discours possibles, sur la tolérance du régime, sur ses capacités de coercition et de négociation. Cest dire que le régime réagit très malicieusement à sa mise en cause sans modification majeure dans la manière de gouverner. Lautocratie, quand bien même libéralisée, constitue toujours le nouveau cadre daction à travers lequel la tentative de réformes semble senraciner dans ce régime de régulation clientéliste. La vitrine démocratique ou le côté jardin permet au pouvoir de mettre en scène lapplication des réformes et lexistence formelle des institutions, dont le but de leur création est généralement de contrôler tout changement politique.
Les institutions gabonaises du NEPAD sont une bonne illustration en ce quelles constituent des dispositifs en réelle souffrance, dont lenjeu interne est le contrôle systématique de nouvelles transformations et mutations politiques et sociales en cours en Afrique. Ce qui dailleurs peut expliquer en partie que les rapports dévaluation dans le cadre du "peer review" nont toujours pas été rendus publics, les résultats ne peuvent être appréciés quau regard dune gouvernance qui a toujours déçu les attentes populaires, cest-à-dire, sans résultat. Aujourdhui encore, cest le président qui gouverne, mais avec une expansion de fait du processus de décision à une pluralité dacteurs comme pour faire passer lidée quil ne serait plus le seul dépositaire de laction publique des institutions. Cest à ces acteurs de son échelon subalterne quon va maintenant sintéresser.
1.2. La curialisation des acteurs en dessous de Bongo : les luttes de palais
Le système Bongo est intéressant à étudier si lon veut comprendre ce qui fonde sa manière de gouverner. Le président sinscrit avant tout dans un registre symbolique de la royauté sacrée et la cour implique lappartenance à un même ensemble de valeurs.
1.2.1. Le palais du « bord de mer »
Au niveau de la cour, lEtat cest dabord le Président, la trajectoire curiale sinsère dans un jeu factionnel interne de conquête de pouvoir. Ce pouvoir a une valeur et une méthode. La première cest la loyauté envers le chef et la seconde renvoie à la confiscation permanente et excessive du pouvoir qui dévoie la survivance des institutions constamment menacées par la léthargie des mécanismes et dispositifs. Tout ceci résume lidée de courtoisie quévoque Norbert Elias dans la « société de cour ». Le palais du « bord mer », cest-à-dire présidentiel gabonais prend ici tout son sens, il désigne un lieu de sociabilité transformé en entreprise curiale, où interagissent des personnages, de statuts divers, tous héritiers dun habitus curial. En recourant à la métaphore de palais, le but visé par ce travail est de distinguer une unité spatiale où des acteurs visibles sont observables à partir des relations sociales selon les critères de parenté et de classes dâge - mais dont la variable générationnelle est la plus déterminante dans la structuration des courants - qui sarticulent aux normes, aux croyances, aux discours, et où des pratiques sociales spécifiques et particulières sont identifiables. Ce palais met en lumière des activités individuelles dauto-promotion, de survie sociale, il se rapporte à lart dadministrer un environnement et met en question la relation entre pouvoir et valeurs. Qui gouverne ? Selon quels critères, modalités et pratiques ? Ce qui met en évidence différents espaces et champs sociaux dans la « société gabonaise de cour ».
En effet, pour gagner la confiance du patron, les courtisans doivent faire naître chez ce dernier lidée quils le servent de bonne grâce pour bénéficier des avantages symboliques. Cest le cas au palais du « bord de mer » ou de « marbre » où la devise reste la suivante : « toujours servir pour se servir ». Cest donc un lieu où tout les « Bongo boys et girls » veulent faire fortune. La fortune renferme une dimension symbolique qui sinscrit dans une stratégie de construction dun capital social jugé nécessaire pour linstitutionnalisation informelle des « leaders sociaux ».
Cependant, Bourdieu affirme quil ny a pas que largent qui compte dans la vie ; le capital culturel (diplômes, connaissances acquises, codes culturels, façons de parler, « bonnes manières »
) et le capital social (relations et réseaux de relations) sont des ressources tout aussi utiles que le capital économique (biens financiers, patrimoine) pour déterminer et reproduire les positions sociales des courtisans. Le capital social est situé ainsi dans un réseau relationnel où chaque acteur effectue des investissements différenciés. Cest donc à partir de la cour quon peut cerner la complexité du politique et des institutions au Gabon quil ne convient pas de décrire que par leur côté jardin, cest-à-dire tout ce qui est abordé de manière plus ou moins publique, mais il faut ouvrir la « boîte noire », cest-à-dire, pénétrer dans lintériorité du « palais gabonais » pour avoir une idée des chuchotements échangés de nuit, côté cour.
Cette curialisation conduit les plus hauts placés de ce système à ne pas favoriser le renouvellement des élites mais bien plus sa régénérescence au sein de larène dans laquelle ils évoluent autour du maître de la cour. De cette caractérisation de la cour, il découle une réalité : le déclin et la pauvreté des Gabonais. Cest ainsi quen dessous du Président gabonais, régulateur au dessus de la pyramide gouvernementale, il existe dautres décideurs à un échelon subalterne qui ne détiennent pas toujours des fonctions à la tête dun ministère ou du gouvernement.
1.2.2. Les courtisans
Le vrai cercle des dirigeants politiques au Gabon est structuré autour du chef. En République gabonaise, il sagit du président de la république et de son entourage jardinier et curial. Son entourage côté jardin (visible) est constitué de ses collaborateurs les plus proches ou immédiats et les plus polyvalents. Son entourage côté cour (invisible) est composé de ceux quils considèrent comme les « fidèles parmi les fidèles » et qui sont très discrets, cest-à-dire dans lombre. Parmi les collaborateurs les plus proches du président, nous pouvons citer tout dabord Edith Lucie Bongo épouse du chef de lEtat. Influente auprès de son époux, elle a multiplié les activités sociales à Libreville où elle dirige la « Fondation Horizons Nouveaux » dont la vocation est daider les enfants en difficulté.
Cet engagement personnel de lépouse du chef est dû au fait que, comme en France, il nexiste pas constitutionnellement un rôle défini pour la première dame. Nayant donc aucune fonction, elle sest dirigée vers la conduite des actions humanitaires pour accompagner leffort interne de développement. De fait, de concert avec le chef, une place de choix lui est généralement déléguée dans le cadre du partage des tâches symboliques de lexercice du pouvoir politique. Cest ainsi quon la vue très active dans le champ social comme nombre dépouses de chefs dEtat, notamment dans la bataille contre le VIH/Sida, où il a fallu faire contrepoids à lépouse du rival sous-régional supposé de son mari, Chantal Biya du Cameroun. Par un concours de circonstance, son mari la érigée en leader social symbolique de cette nouvelle organisation des premières dames dAfrique pour le VIH/Sida dont elle fut la première présidente. Le but de cette délégation de responsabilités était pour Bongo de faire bénéficier sa femme des avantages symboliques pouvant résulter de la communauté internationale, et partant diffuser par le canal de son épouse, limage dun « pays modèle » au moment où le sida en Afrique était devenu le sujet politiquement parlant qui polarisait lactualité internationale.
En sérigeant en figure incontestablement bien taillée pour ce rôle, lépouse du chef de lEtat court-circuitait à la fois les actions des ONGs locales en confinant lobjet politique du sida à son arène dévolution en même temps quelle constituait un contrepoids à Mme Biya sur le champ politique régional de la lutte contre le sida. Cette stratégie impliquait donc linvention dun rituel théâtralisé - jeu consistant à ne pas dévoiler lessentiel du côté cour - de la femme du chef comme la voix africaine autorisée de la défense de la lutte contre le sida, par une reconstruction dun protocole symbolique similaire aux leaders sociaux locaux des régions gabonaises. Il sagissait dun enjeu où « la parole est dune importance capitale » comme le reconnaît à juste titre le Camerounais Fred Eboko.
En effet, le porte-parolat constitue une force surtout lorsque cette parole est portée au nom de la région africaine par une première dame, son époux en tire les avantages politiques évidents de leader et lépouse en devient temporairement une « big woman » ou une « grande femme ». Parallèlement, elle sintéresse à son activité professionnelle de médecine, puisquelle a fondé en 2001 la polyclinique El-Rapha, unité médicale moderne de haute technologie. En fait, au delà de son rôle crucial auprès de son mari, Edith Lucie Bongo Ondimba, fille du président de la République congolaise Denis Sassou NGuesso, sest relativement investie dans lamélioration interne des conditions de vie des Gabonais. Médecin de formation, elle a été par ailleurs présidente dhonneur et membre de la société gabonaise de pédiatrie et membre de la société française de médecine. Elle a consacré par le passé une partie de son temps à lassociation « Médecins du Monde » dont elle a assuré la présidence de lantenne gabonaise durant les années de son ascension au sein de larène des premières dames quelle a présidé, à partir de juillet 2002, avant de connaître des difficultés médicales en 2005 depuis la réélection de son époux « aux sommets de lEtat ».
Somme toute, son engagement a relativement participé à lamélioration du bien-être des enfants handicapés gabonais. A partir de cette distribution matrimoniale du pouvoir et de son exercice, lobjectif est de faire comprendre les dynamiques concrètes du politique au Gabon qui ne se donnent pas à voir lors des mises en scène des personnages politiques, car à côté des personnalités qui exercent des fonctions officielles du côté jardin, cette dernière joue un rôle informel du côté cour, mais influent auprès du chef de lEtat. En effet, particulièrement attaché à la famille comme Mobutu - dont le but était dassurer le bonheur de sa tribu, ce qui lui a permis dinscrire le pouvoir dans la durée et de laccaparer à vie au profit exclusif de sa clique, ce qui est dautant remarquable chez Bongo -, le chef de lEtat est proche de sa descendance pour lexercice de ses fonctions. Cest le cas de Pascaline Bongo, sa fille aînée. En tant que directrice de cabinet de son père, elle est une pièce maîtresse de la cour du président. Pour le chef de lEtat, « cest un poste important qui nécessite de sa part une totale confiance » et de la discrétion. Elle a donc la haute main sur le cabinet présidentiel. Elle est beaucoup plus une confidente du chef quune coordinatrice du cabinet présidentiel. Ce qui justifie que le pouvoir au Gabon ne repose pas véritablement sur les seules actions du gouvernement, mais se lit à laune des capacités redistributives et matrimoniales.
Cette manière de gouverner fondée sur le modèle du partage dans certains cas, permet de constater une temporalité rotative des mêmes acteurs qui monopolisent les positions de pouvoir et daccumulation grâce au fait du prince. Parmi ces personnalités de lentourage présidentiel qui occupent des fonctions très officielles, on peut citer tout dabord les remarquables membres de son microcosme politique (cabinet du président). Laure Gondjout, ancienne secrétaire particulière du président de la République désormais chef de la diplomatie gabonaise depuis lélection de Jean Ping à la tête de lUA a vu passer tous les visiteurs du chef de lEtat côté jardin et côté cour. Ce qui lui a procuré inéluctablement une influence non négligeable. Ensuite, il y a au sein du système présidentiel, des proches du chef de lEtat qui occupent une place de choix. Cest le cas de Patrice Otha qui bénéficie de la confiance du président et assure la gestion quotidienne du cabinet économique ainsi que du dossier NEPAD dont il a été le principal promoteur et à qui Pascaline Bongo a délégué lessentiel des compétences en tant que son adjoint le plus influent dans lappareil dEtat, notamment. Cette personnalité remarquable de la « galaxie omarienne » dispose également dun pouvoir considérable au niveau du « pôle politique », sa sphère dinfluence est vaste. Son intériorisation des valeurs domerta (instrument de pouvoir, dobéissance et de loyauté se résumant essentiellement au secret et au culte des principes informels du jeu politique) lui assure un « bon comportement » et une longévité exceptionnelle auprès du chef. Sur le dossier NEPAD par exemple, il est celui qui dit au président Bongo : Voilà ce quon pense de vous sur cette question, voilà ce que vous devriez faire, voilà comment il faudrait évoquer ce sujet dans les rencontres internationales, nous confie une personnalité très proche du ministre en charge du NEPAD. Il est « important pour le ministre de le convaincre sil veut gagner la confiance du Président ». Incarnant une institution, ce personnage politique se superpose au mécanisme formel et institutionnel du NEPAD en lieu et place de lautorité de tutelle, le ministre.
Cest dire quil occupe une place prépondérante auprès du président, il est lun des rares collaborateurs à disposer dun accès direct au bureau du président, quil connaît depuis plusieurs années, décrypte cet habitué du pouvoir. La confiance quil inspire au personnel universitaire est un autre atout majeur. A ses côtés, Germain Ngoyo Moussavou, beau-frère de la première dame et ancien ministre délégué aux travaux publics, soccupait du cabinet politique, poste confié à Félicité Ngoubili en charge également du « pôle administratif » avant sa promotion comme ambassadrice haut représentant du Gabon en France en remplacement de M. Jean Marie Adzé. Vincent Bouyou Mavoungou ancien directeur du quotidien LUnion est chargé du « secteur communication ». En plus de ces derniers, Samuel Dossou Aworet marié à lancienne ambassadrice du Gabon en France Honorine Dossou, qui a une grande capacité découte est un personnage extrêmement discret. Il est le conseiller pétrolier du Président de la République. Jean-Marie Adzé ancien ambassadeur haut représentant du Gabon en France et qui avait juridiction dans plusieurs pays, notamment au Royaume-Uni et dans lIrlande, nest pas en reste même sil est aujourdhui simple maire dAkieni. Ils font partie du premier cercle présidentiel.
Toutes ces personnalités appartiennent à lappareil de décision central et au premier cercle du chef de lEtat. Au nombre des collaborateurs les plus proches ou visibles, existe des collaborateurs polyvalents à lexemple du Secrétaire général de la présidence Mamadou Diop, de Jean-Pierre Lemboumba Lepandou actuel coordonnateur général des affaires présidentielles, ancien directeur de cabinet du président et ancien grand argentier de lEtat.
A côté de ses collaborateurs les plus proches, au nombre des collaborateurs invisibles, nous pouvons citer entre autres, les hauts représentants personnels du chef de lEtat, à lexemple de Martin Bongo, de Michel Essonghe et des personnalités politiques à la tête des institutions les plus importantes de lEtat, notamment, le vice-président de la République Didjob Divungi Di Ndinge qui fait partie de lappareil de gouvernement mais qui, en réalité ne dispose daucun pouvoir effectif à la différence de lancien président du Sénat Georges Rawiri, qui occupait le rang de deuxième personnage de lEtat dans lordre protocolaire. Ce dernier a été aux côtés du président Bongo depuis le début de sa carrière. Fidèle en amitié, le président la toujours considéré comme le plus proche sinon celui qui la toujours épaulé et soutenu dans sa lourde tâche. Il a été un personnage très secret et joué un rôle majeur sur le terrain politique. Le président de lAssemblée nationale Guy Nzouba-Ndama, dignitaire du régime constitue également une pièce maîtresse dans léquilibre ethno-régional à la tête de lEtat et Marie-Madeleine Mbourantsouo présidente de la cour constitutionnelle, haute institution républicaine nouvellement rénovée.
Le gouvernement conduit la politique de la nation en concertation avec le président de la République et sous son autorité. Il lui rend compte de son action. De ce point de vue, les membres du gouvernement qui sont politiquement solidaires et pénalement responsables des crimes et délits commis dans lexercice de leurs fonctions, exercent une influence dans lappareil de direction. Ils déterminent et conduisent la politique générale de la nation. Ils disposent, à cet effet, des services publics de lEtat. Au Gabon, il sagit principalement du Premier ministre, assisté du secrétaire général du gouvernement, du cabinet présidentiel et de certains membres stratégiques du gouvernement. Le premier ministre, chef du gouvernement a la mission de conduire la politique générale du gouvernement. Il dirige laction gouvernementale, assure lexécution des lois et exerce, dans certaines circonstances, le pouvoir réglementaire. Dans certaines circonstances aussi, la proclamation de « létat de mise en garde » ou de « létat dalerte » lui revient et il peut déléguer ses pouvoirs aux autres membres du gouvernement. Cette fonction a toujours été assurée depuis le parti unique par les collaborateurs du président natifs de la même province ou du clan de lancien président Léon Mba, cest le cas, de Léon Mébiame, Casimir Oyé Mba, Paulin Obame Nguema, Jean-François Ntoutoume-Emane et de Jean Eyeghe Ndong qui ont uvré pour le maintien au pouvoir du président Bongo Ondimba. Cest lexemple de Jean François Ntoutoume Emane qui a été directeur de campagne. Actuel maire de la commune de Libreville, il reste une personnalité puissante du PDG depuis le retour du multipartisme, auteur de la base idéologique du parti au pouvoir, connue sous le « progressisme démocratique et concerté » des années 1970 et toujours en vigueur après 1990, avec entre autres, le « Nouvel élan » et les « Actes pour le Gabon ».
Dans le gouvernement, les natifs du Haut-Ogooué (province du sud-est du Gabon dont est originaire le chef de lEtat) sont plus représentés que les autres. Les ministères stratégiques sont la Défense, lIntérieur, les Finances et les Affaires étrangères. Tous ces départements ministériels sont trustés par des hommes du président de la République. Tout dabord, Ali Ben Bongo fils aîné du chef de lEtat, occupe le portefeuille stratégique de la défense nationale. Autre membre influent du gouvernement, Idriss Ngari, ancien ministre de lIntérieur, de la Sécurité publique et de la Décentralisation, a occupé ce poste hautement stratégique avant de se voir confier le dossier des travaux publics. Il est natif de la province du chef de lEtat. Par ailleurs, toute mesure importante ayant des incidences budgétaires, le ministre des Finances est sans doute la personne indiquée de lappareil de décision centrale. Ce poste a été confié pendant longtemps à Paul Toungui, gendre du chef de lEtat, marié à Pascaline Bongo, fille aînée du Président et directrice de son cabinet. Le grand argentier est en effet, un homme du président par excellence. Enfin, parmi les ministères stratégiques, figure celui des Affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie. Ce poste occupé autrefois par Jean Ping, ancien chef de la diplomatie gabonaise puis temporairement à Laure Olga Gondjout qui bénéficie de la totale confiance du chef de lEtat dans un domaine traditionnellement réservé au président lui-même : la diplomatie. Pour le président gabonais, doyen du village africain francophone, la diplomatie constitue un domaine réservé, mieux, une chasse gardée.
Cest dire que la supervision des relations extérieures gabonaises ne peut être confiée quentre les mains dun collaborateur appartenant au premier cercle de lautorité suprême de lEtat. Cest dire que les questions dune très haute technicité sont tranchées généralement par ces différents acteurs et les autres ministres sont parfois court-circuités même quand le dossier engage leur secteur, et ce, à cause de linfluence exercée par leurs collègues dans lensemble de la structure décisionnelle.
Toutefois, selon les enjeux identifiés ou la sensibilité du dossier à traiter et du secteur concerné, la configuration des décideurs peut varier et prendre en compte les autres ministres avec leurs experts et conseillers.
Au Gabon, en matière de sécurité, lappareil gouvernemental est verrouillé par des hommes proches du président nappartenant pas nécessairement à un de ces trois camps mais apparentés au patron à la tête de lun des courants. Tékés, Nzébis, Obambas ou Bahumbus, toutes ces ethnies sont pour la plupart originaires ou proches de la même province que le chef de lEtat. Quil sagisse dHilaire Ndjoye à la direction générale de la Sécurité militaire, Jean Ekouah à la direction générale des recherches, des généraux André Oyini et Nérée Odja à la Garde républicaine. Autres fils du Haut-Ogooué, Jean-Pierre Doumbeneny et Olery dirigent la gendarmerie nationale et Jean Ntori Longho est chef dEtat-major des armées. Pendant longtemps, le général Laurent Nguetsara officiait au poste de commissaire général de la Documentation et de lImmigration. Le Général Samuel Mbaye, secrétaire général du conseil national de sécurité, joue aussi un rôle de diplomate de réseaux au service du Président.
Bien que les hautes responsabilités au sein de larmée sont distribuées avec beaucoup de discernement comme cela se fait partout ailleurs, il convient tout de même de reconnaître que le chef de lEtat, conscient des intérêts supérieurs de la nation et de la participation de toutes les sensibilités ethniques et des formations politiques, a ouvert la nomination aux fonctions civiles. Convergence dintérêts, liens personnels, solidarités sociopolitiques et origine ethno-régionale sont autant des facteurs des titulaires des fonctions les plus élevées dans la hiérarchie administrative. Ainsi, il convient dapprécier la place des hauts fonctionnaires dans les sphères dirigeantes en fonction de trois points de vue différents. Le premier les considère en tant que titulaires des emplois les plus élevés dans ladministration, à lexemple de directeur général du budget, de trésorier payeur général ou des recteurs des Universités. Leur inclusion au système décisionnel central est fonction de la sensibilité des dossiers quils ont à traiter. Cest pourquoi, ils sont consultés à chaque fois que leur administration est concernée par une production de politiques densemble ou par des décisions à prendre. Un deuxième point de vue assimile les courtisans aux fonctionnaires de la haute administration en termes de conseillers surtout lorsque ces derniers sont détachés au cabinet du chef de lEtat ou dans les ministères les plus stratégiques. Ils deviennent les collaborateurs immédiats des ministres et des directeurs généraux où ils sont clairement prépondérants. Ils ont la haute main sur les dossiers sensibles et se trouvent généralement placés hors hiérarchie en bénéficiant du statut particulier comme celui dinspecteur général des finances au Gabon. Leur intégration dans le processus de décision dépend de la confiance tutélaire. Un autre point de vue envisage les hauts fonctionnaires détachés à la tête des grandes entreprises publiques et dans les instances de la haute technocratie internationale. Cest le cas la Banque Gabonaise de Développement (BGD), de la Société nationale des bois du Gabon (SNBG) et des institutions financières comme la Banque Economique des Etats de lAfrique Centrale (BEAC) dont le Gabon à travers Jean-Félix Mamalepot occupait la tête (le gouvernorat), ou des organismes internationaux tels que le groupe des Etats Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) qui avaient pour Secrétariat général un haut fonctionnaire gabonais Jean-Robert Goulongana, et certains cadres du secteur privé.
En outre, comme nous le mentionnons plus haut, la variable ethno-régionale joue un rôle décisif dans laccès aux hautes fonctions de ladministration publique. Chaque province est placée sous lautorité dun patron qui affecte les hauts fonctionnaires ou intervient pour les faire progresser dans leur carrière politique et administrative. Car la « géopolitique » comme stratégie de prise en compte des équilibres sociopolitiques et linguistiques est gouvernée par une doctrine de représentativité des différentes ethnies du Gabon à quelques exceptions près. Parmi ces parrains politiques, on peut citer, entre autres, lancien président du Sénat Georges Rawiri dans le Moyen-Ogooué, les anciens vices-premiers ministres Emmanuel Ondo Methogo dans le Woleu Ntem et Antoine De Padoue Mboumbou Miyakou dans la Nyanga. Il sinstitue autour de ces courants un leadership provincial autour des « grandes figures politiques gabonaises ».
Cest dire que ces hauts fonctionnaires ne constituent pas un ensemble homogène, si lon examine ne serait-ce que le caractère plus ou moins distendu des critères qui les rattache à ladministration publique. Parmi ces critères, on peut inventorier ceux liés aux liens fondés sur les réseaux dinterconnaissance dans chaque province et des solidarités transversales reposant sur la formation dans un même environnement (le cas de lélite dirigeante actuelle formée pour lessentiel en Europe et principalement en France, ENA du Gabon
) ou créées par des parentés idéologiques, notamment au sein de la Fédération des Etudiants dAfrique Noire en France (FEANF). La permanence de cette situation peut davantage se comprendre par létablissement des soutiens entre les collaborateurs des ministres, entre administrations de lEtat et secteur public et privé, voire - en cas de changement - entre collaborateurs des ministres sortants et les collaborateurs des ministres en place. Mais plus largement, la cohérence du milieu décisionnel central y trouve un puissant aliment, car ces hauts fonctionnaires (en poste ou détachés) ont en commun « une capacité à aborder de manière technique les problèmes politiques et de manière politique les problèmes techniques ».
Par ailleurs, si les nominations ministérielles et administratives passent par le Président, la présidence suit également de très près les mouvements économiques et financiers. Tout dabord, dans le secteur public les postes de directeurs généraux (DG) et de présidents de conseils dadministration (PCA) ne se distribuent pas toujours sur les seuls critères de compétence ou de méritocratie. Certains de ces postes ont tendance à servir à la consolation du lot des ministrables déçus ou à faire espérer ceux qui rêvent dun destin national plus brillant. Il est davantage prouvé que les domaines porteurs vers les instances du pouvoir au Gabon sont ceux de la finance et des banques. A cet, effet, on peut citer quelques exemples qui permettent davaliser cette idée. En 1990, Casimir Oyé Mba quitta la BEAC pour la primature. Lancien DG de BICIG, Emile Doumba est devenu ministre des Finances en janvier 1999 puis ministre de léconomie forestière. Et il semblerait que lactuel DG de la Banque Gabonaise et Française Internationale (BGFI) est souvent pressenti au poste de premier ministre.
Le secteur privé nest pas épargné par linfluence du politique et ce nonobstant le fait que nombre dentreprises implantées au Gabon sont des filiales des firmes multinationales. Ainsi, Pascaline Bongo est vice-présidente dElf Gabon (TotalFinaElf) cumulativement avec ses fonctions multiples, Christian Bongo était PCA du chemin de fer Transgabonais et Marcel Abeke, DG de la Comilog (groupe Eramet). La société civile et certains acteurs de lopposition ne sont plus à lécart des jeux de pouvoir et du processus délaboration des politiques publiques. Tous ces personnages agissent comme des serviteurs patrimoniaux. Leur action est contraire à la rationalité et à la division des tâches. Ces comportements politiques ne peuvent traduire une quelconque forme dimpersonnalité ou toute idée sous-jacente dégalité au sens wébérien ; égalité à la fois des conditions et des chances, déjà évoquée par Alexis De Tocqueville.
Enfin, comme acteur influent de lappareil de direction au Gabon, il ya les « réseaux francophones ». En effet, le Gabon a toujours entretenu des relations très particulières et étroites avec la France, premier partenaire économique. Le président Omar Bongo Ondimba a maintenu la coopération entre les deux pays, même si la presse française et quelques ouvrages, notamment Affaires africaines du journaliste Pierre Péan, et des reportages sur France 2 lont malmené, notamment en 1981 et en 2008. La France continue a exercé une influence considérable au Gabon. Premier client et premier fournisseur, elle constitue le principal partenaire économique dun pays où vivent 10 000 de ses ressortissants, les entreprises françaises tirant pleinement profit de la zone franc. Le président gabonais est dailleurs un « connaisseur » du monde politique français avec lequel il a lié des liens damitié, sans distinction dappartenance. Cette situation pose le problème densemble de la nature de lEtat au Gabon ; Etat qui ressemble encore aujourdhui à une simple invention française. Autrement dit, le Gabon, traditionnelle filière des relations franco-africaines et du traitement gaulliste de la politique française des réseaux Foccart, serait comme laffirme Douglas Yates une simple extension de la France, mieux, lun de ses départements et donc « un Etat hybride internationalisé ».
Finalement, lEtat gabonais est un prolongement des capacités daction de certains réseaux francophones, parmi lesquels, les lobbies industriels et politico-affairistes. De ce point de vue, ce pays est à juste titre sous contrôle de lEtat français mais en dehors de toute légalité comme dans les territoires dOutre-mer où la France investirait. Les ressources des rentes énormes dexportation du pétrole et des matières premières ne vont ni dans le budget de la France ni dans le budget de lEtat gabonais. Ce qui contribue à accentuer lendettement de lEtat gabonais. Lalignement néo-colonial du Gabon à la France est un facteur indispensable pour le régime. Lenrichissement énorme du chef de lEtat et dune toute petite classe qui gravite autour de lui nest possible que par Elf-Gabon (entreprise pétrolière gérée par lentreprise parapublique française Elf-Aquitaine). Cest ce qui peut expliquer quune grande partie de la classe politique française soit encore impliquée dans les intérêts divers au Gabon. Dans un livre dentretiens publié il y a quelques années, Foccart dit avoir soumis à la fin des années 1960 le président Omar Bongo Ondimba à un test de personnalité en le présentant au Général De Gaulle. Les appréciations du président français ayant été favorables, on peut aisément comprendre les conditions dans lesquelles Bongo est arrivé au pouvoir. Il doit son arrivée au pouvoir à la France.
Cette gestion de lEtat située aux antipodes des exigences de souveraineté territoriale assure essentiellement la satisfaction des besoins illimités du pouvoir et de son responsable, ainsi que de quelques partenaires extérieurs, comme lEtat français, associés aux retombées de lexploitation de lor noir. Il faut dire que depuis, le pétrole gabonais est définitivement acquis à la France grâce à Elf Gabon, dont la direction est désignée par lElysée. Linstallation au pouvoir du Président Bongo était un heureux placement qui, aujourdhui révèle des retombées insolites. Et derrière la façade dune coopération institutionnelle, les relations franco-gabonaises sont devenues de plus en plus une affaire réservée à des intérêts du clan des Gabonais. Il nest dailleurs plus à présent notoire de dire que le président gabonais est devenu un des bailleurs de fonds, le plus courtisé ou sollicité peut-être, de grands hommes et partis politiques français.
1.2.3. Guerre de palais et course vers le pouvoir
De cette dimension curiale du gouvernement, sinstitue à léchelle en dessous du Président une lutte de pouvoir entre différents courants. La notion de courants est assez complexe parce quelle peut renvoyer à un large éventail de réalités de la société. On peut les repérer au sein de linstitution politique présidentielle parce quils sont bien implantés et leur trajectoire sinscrit dans la durée. Il sagit donc des phénomènes en mouvement, des groupes constitués au sein dune partie de la société qui ne sont saisissables quà partir du contexte de leur structuration. La configuration actuelle du processus de régulation au sein du groupe au pouvoir peut autoriser une lecture en trois pôles de « leaders sociaux »: les caciques, les appelistes et les rénovateurs. Le fonctionnement actuel favorise la prédation de lEtat autour dun clivage générationnel.
La formation de ces courants a indiscutablement une temporalité cyclique qui trouve toute son expression dans la variable générationnelle. Partant de cette affirmation, on peut définir les courants comme des groupes fondés à partir de lexpression dun système générationnel, chevauchant entre succession et guerre des générations et dont ses deux formes de diachronie reposent sur la scissiparité, en interne, et la compétition pour la conquête du pouvoir, en externe, dans ses rapports dalliance. Les rénovateurs, membres de la jeune génération qui prétendent changer le système sans accepter de changer eux-mêmes, se comportent en rivaux dominés, pleins de considérations négatives et de ressentiments à légard des aînés dominants des deux premiers courants, quils critiquent au motif quils ont éconduit le président alors même que la vraie raison cest quils ne possèdent pas toujours le même capital social et symbolique même sils disposent à limage de leurs proches dun capital culturel et financier tout aussi important. Ils se réclament de la classe des « intellectuels ou idéologues du pouvoir » disposant de la légitimité technocratique, cest-à-dire de la connaissance et imaginent refonder lEtat, clarifier ne serait-ce quen partie, les règles de jeu de la concurrence politique et des déterminants susceptibles de faire face aux problèmes développement et du « mauvais gouvernement » dont ils sont pour partie co-responsables.
Notre analyse de cette classe politique qui permet de distinguer les différents clans à léchelon inférieur de lorganisation du pouvoir ne sera pas exhaustive en raison de lignorance des effets du « nomadisme politique » et priverait de lire la multiplicité des clans qui atomisent aujourdhui le pouvoir, au delà de la cour, cest-à-dire dans la majorité présidentielle (les alliés politiques du chef).
Ici, lenjeu spirituel joue un rôle majeur éminemment symbolique qui assure de la confiance auprès du chef et de lautorité sociale. La cour du président est hantée par des « frères », sur fond de violentes querelles. Appartement à plusieurs rites locaux tels le Bwiti et Ndjobi, ils ont contribué après la création du grand rite équatorial (GRE) sous lautorité de leur chef à la diffusion des idéaux rosicruciens et maçonniques. Canaux inconnus des profanes et vecteurs discrets dinfluences, les premiers autour desquels gravitent lessentiel des leaders du régime sont moins respectées et perçus comme les plus dangereux à cause de leurs pratiques proches de la sorcellerie alors que les seconds, réseau des réseaux, fascinent, notamment le désir daccéder à ce sanctuaire laïc de lélite blanche.
Au Gabon plus quailleurs dans les palais présidentiels africains, les « frères trois points » ont trouvé un terreau fertile, tant « ses codes et ses usages à la magie des rites initiatiques ou du bois sacré et à la force ancestrale du clan ». Il sagit des « frères » au grand jour, par opposition aux « frères de lombre », ceux-là qui sabstiennent de confirmer leur allégeance, voire la démentent, et les « demi-frères », ceux-là qui ont été approchés et qui envisagent de rallier la « tribu ».
En effet, au sein du régime au pouvoir, il existe en dessous du chef, une lutte permanente aux relents successoraux. Le bloc des caciques du système au pouvoir est constitué des « jeunes turcs et de certains membres de la génération intermédiaire ». Ce qui pouvait caractériser les premiers cétait la jeunesse avec laquelle ils sont arrivés aux responsabilités les plus importantes de lEtat. Il sagit donc des personnalités politiques de première heure qui occupent des fonctions importantes dans des cercles de souveraineté et qui restent fidèles au chef. Cest donc le groupe social dont le noyau se réduit à la proximité démi-séculaire avec le président Bongo. Ils ont pour la plupart fait leur début de carrière à « lécole du président Bongo », cest-à-dire au cabinet du chef de lEtat qui jouait un rôle capital dans la socialisation politique et professionnelle des caciques.
En effet, cest généralement au cabinet présidentiel que chaque cacique a eu la possibilité dapprendre des conseils du chef tout en témoignant de sa loyauté et fidélité à ce dernier. Ce groupe est incarné aujourdhui par des fidèles du chef de lEtat tels que Jean François Ntoutoume Emane, Divungi Di Nding, Jean Ping, Antoine De Padoue Mboumbou Miyakou, Louis Gaston Mayila, etc. Ils ont pour lessentiel été formés dans la cour du « palais de bord mer » en occupant un poste de directeur de cabinet ou de conseiller. Dans tous les cas, ils se sont toujours réclamés de lautorité directe et unique du patron. Les caciques du régime sont considérés symboliquement comme « les fidèles parmi les fidèles ». Ils ont toujours été aux côtés du chef tout au long de sa trajectoire politique personnelle malgré les péripéties. Ce qui leur garantissait manifestement une visibilité sociale et politique. La recherche de visibilité par la loyauté au patron a toujours été le maître-mot de leur inclinaison sélective au Président Bongo qui leur a tout donné et à qui ils doivent tout mais qui leur doit tant également.
Le groupe des « appelistes » est dirigé par un proche et gendre du chef de lEtat. Il sagit de Paul Toungui, compagnon de Pascaline Bongo Ondimba qui a fait son entrée au sein des instances de décision du pouvoir autour des années 1990. Cette faction doit son existence politique et sa reconnaissance implicite par les autres groupes autour des années de retour à la démocratisation. Cest un groupe intermédiaire entre celui des caciques et des rénovateurs qui existent bien avant celui-ci. Ce groupe a bénéficié dune attention particulièrement soutenue de la part du président si lon en juge par le poids des responsabilités et des fonctions occupées par ses dirigeants à la tête du parti au pouvoir.
Le bloc des rénovateurs a été celui qui a impulsé la dynamique vers le retour au multipartisme. Ces dirigeants ont été impliqués dans le processus de libéralisation politique des années 1990 suite au conflit avec les caciques. Ennemi des caciques, ce noyau est constitué de ceux quon considère comme les « enfants du président ».
Ce bloc sest « historiquement structuré autour dAli Ben Bongo, fils aîné du chef et actuel ministre de la défense. A ses débuts, il regroupait les acteurs politiques gabonais nés à la fin des années cinquante. Ses représentants les plus importants appartiennent à lentreprise curiale du Président gabonais et ont évolué pendant longtemps dans linformel à ses côtés ou à lextérieur : André Mba Obame, Jean Remy Pendy Bouyiki, Germain Ngoyo Moussavou, Alfred Mabicka Mouyama, Adrien Nkoghé Essingone, Jean Marie Adze et François Engogah Owono. Avant la « transhumance politique » de certains de ces membres vers le camp modéré des « appelistes », tous les rénovateurs sont passés par le cabinet du président et à lunion des jeunes du PDG (UJPDG).
Dans ce jeu de théâtre factionnel, finalement, lenjeu est que tous ces groupes se disputent la succession du pouvoir qui se profile à lhorizon à travers ces voies paradoxales et une temporalité cyclique interne de tension/apaisement. Chaque courant mettant à son avantage tous les moyens nécessaires pour mériter la confiance aussi bien du patron que de lépouse du chef de lEtat qui exerce une influence considérable auprès de son mari. La première dame représente la partie non négociable du Président Bongo. Elle est beaucoup plus proche du bloc des rénovateurs « enfants du palais de marbre » avec qui elle entretient des relations personnelles et familiales. Cest dans ce cadre que ce groupe a pu intégrer les instances dirigeantes du PDG et de lUJPDG avec notamment Ali ben Bongo Ondimba désigné par son père comme lun de ses cinq adjoints de vice-présidents aux côtés des caciques du parti. Cette lutte se manifeste dans le partage institutionnel du pouvoir.
Les services publics de lEtat rassemblés au sein de ladministration publique gabonaise sont partagés entre ces différents courants dont les « grands hommes » pour emprunter lexpression de Patrick Quantin dans le cas congolais, veillent aux nominations des membres. Outils indispensables du pouvoir politique, lensemble des ministères constitue à la fois des lieux daction et des cadres de préparation, délaboration, voire de conception ou de production des politiques publiques densemble et des instruments de mise à exécution des décisions prises conformément à la politique générale du gouvernement. La cooptation de hauts fonctionnaires qui exercent les responsabilités de premier plan et associés à la conduite du processus décisionnel ne se limite pas à la distribution des portefeuilles les plus convoités par les caciques, appelistes et rénovateurs. En effet, au Gabon comme dans bon nombre de pays, les militaires et les hauts fonctionnaires dans les sphères dirigeantes des régies financières bénéficient dun statut particulier, parce que les premiers gèrent les questions de défense, de sécurité et dintégrité territoriale. Ils sont donc considérés comme ayant la lourde charge de la protection du système constitutionnel et politique. Les seconds composés pour lessentiel des administrateurs des services économiques et financiers et des magistrats ont la responsabilité particulière de la gestion des finances publiques et donc du budget de lEtat. Tous ces acteurs, quils soient « caciques », « rénovateurs » ou « appelistes » représentent ceux qui se mettent en mouvement lorsquil sagit dévoquer les questions diplomatiques qui engagent lEtat aussi bien sur la scène régionale quinternationale. Cest donc à lintérieur de ces groupes de la cour présidentielle du « palais du bord de mer » quon retrouve les artisans de lentrée du Gabon au sein du Nouveau Partenariat pour le Développement de lAfrique (NEPAD) dont lélaboration sest faite ailleurs par dautres acteurs de la diplomatie africaine. Les lignes qui vont suivre retracent le processus de construction du NEPAD ainsi que de sa diffusion, le jeu dacteurs et de la dynamique dinstitutionnalisation.
Section 2 : La mobilisation africaine autour du NEPAD
Lélaboration du NEPAD permet de comprendre les enjeux qui structurent le gouvernement en Afrique. La sociologie des acteurs, des idées et de laction participe de la compréhension des logiques du politique en Afrique contemporaine autour de lopposition constante entre la vitrine démocratique du système et les réalités du pouvoir et de leur exercice.
2.1. Jeu dacteurs et dynamique dinstitutionnalisation
Le choix de la problématique de linstitutionnalisation est utile pour appréhender les conditions de création et les transformations sociales au sein des organisations. Il est en effet crucial de tourner un regard attentif sur ses promoteurs afin de saisir leurs origines sociales, professionnelles ou politiques, ne serait-ce que pour rendre compte des orientations et des stratégies du programme que ces initiateurs du NEPAD animent. Cette préoccupation tient à la compréhension des acteurs dans les ressources quils mobilisent pour produire une action collective.
2.1.1. Une sociologie des acteurs : linvestissement dune génération hétéroclite de leaders « réformistes »
Pour ce qui est du NEPAD, nous souhaitons montrer que, pour ses membres, en adoptant une attitude opportune pour diffuser et légitimer leur projet, il a fallu au départ, que le principal porte-parole, Thabo Mbeki, rallie autour de lui, une coalition d« Etats réformistes », dont les dirigeants sont pour lessentiel des hommes de culture formés dans les universités occidentales et dont les racines sociales sont à rechercher dans des mouvements dopposition dans leurs pays respectifs avant leur accès aux commandes de lEtat. En plus de leur trajectoire contestataire, il sagit des dirigeants qui, une fois arrivés au pouvoir, ont fait un réel travail politique en agissant avec des projets dont les résultats ont été entre autres, la conduite de leurs pays vers des transitions réussies, même sil est possible démettre un bémol autour de leurs pairs dAfrique du Nord dont lenjeu de la cooptation a été traduite dans les faits lunification africaine au risque de voir se développer une dynamique parallèle de « panarabisme ». Les changements liés à lélargissement des « Etats voyous » permettent dexpliciter par la suite les déplacements de stratégies et le jeu des acteurs : alliance entre deux types de génération dEtats ou de leaders.
Le continent africain a une longue histoire dinterventions externes : traite des esclaves, entreprise coloniale, interventions militaires directes et indirectes de la guerre froide, dette, PAS du FMI et Banque mondiale. Trouver une issue de sortie de ce malaise du sous-développement et des intervenions externes représente le défi que ces promoteurs ont décidé de porter devant la communauté internationale. Par ailleurs, lAfrique a une longue histoire de mauvaise gouvernance datant de la période post-indépendance et qui sest poursuivie même après les années 1990, dune apparence de démocratisation. Durant ces moments, on assiste à une défiance publique face aux régimes autoritaires à travers la structuration des groupes sociaux contestataires dont les artisans de NEPAD seront pour la plupart dans leurs pays respectifs des personnages remarquables, quil sagisse de Thabo Mbeki, Olusegun Obasanjo et Abdoulaye Wade malgré lentrée temporaire de ces deux derniers aux responsabilités gouvernementales dans les années 1970 et 1980. Soutenus par des organisations internationales, leur engagement ferme et continu a permis un retour vers le multipartisme et labolition de lapartheid en utilisant pour lessentiel les registres du sous-développement et du « mauvais gouvernement ».
La médiocrité des performances démontrée par certains dirigeants qui se préoccupent de leur pouvoir et de leur fortune, constituent lun des facteurs qui, par-delà les interventions extérieures, justifient lalliance entre ses membres fondateurs. « Presque tous les leaders africains, civils ou militaires, ont fait couler lAfrique en simaginant que leurs noms étaient synonymes des noms des pays quils avaient libérés ». Seuls quelques acteurs libérateurs de notoriété remarquable ont quitté volontairement le pouvoir : Julius Mwalimu Nyerere de la Tanzanie, Nelson Mandela de lAfrique du Sud, et Sir Ketumile Masire du Botswana. La majorité des leaders africains, Kamuzu Banda du Malawi, Idi Amin Dada de lOuganda, Daniel Arap Moi du Kenya, Bongo du Gabon, Kadhafi de Lybie, Mugabe du Zimbabwe, et bien dautres ne peuvent imaginer leurs pays sans eux aux commandes. Ce nest donc pas un hasard si les Présidents Mbeki de lAfrique du Sud, Obasanjo du Nigeria, Abdoulaye Wade du Sénégal, Bouteflika de lAlgérie et Hosni Moubarak dEgypte ont joué un rôle majeur dans la promotion du NEPAD, dont Mbeki reste la référence incontournable. Durant les moments de cristallisation de ce programme panafricain entre 1994 et 2001, ces membres fondateurs du NEPAD occupaient des positions stratégiques. Ce qui leur a permis de présenter et de lancer un programme de développement de lAfrique. Lacteur de première vue, Thabo Mbeki, était à la fois président du MNA et de la SADC. Obasanjo a accueilli le Sommet du G 77 pendant que Bouteflika était Président de lOUA. Ces trois leaders ont profité de leur situation économique et politique interne pour donner à leur programme une légitimité internationale. Se posant en bureaucrates dEtats mondialisants, professionnels et politiciens dinspiration capitaliste, ils établissent des liens transfrontaliers et utilisent stratégiquement linfluence des organisations internationales pour faire avancer leur cause, leur positionnement international.
Par ailleurs, cette dynamique avait été facilitée par létroitesse des liens personnels tissés entre Thabo Mbeki et Olusegun Obasanjo depuis la fin des années 1970 ainsi que par la mise en place dune commission bilatérale en octobre 1999. Celle-ci a également renforcé le développement des échanges commerciaux et des investissements entre les deux pays. Ces relations demeurent étroitement liées aux objectifs des deux leaders respectifs. Cette synergie sest matérialisée par un rapprochement diplomatique entre Pretoria et Abuja, doù limplication conjointe sur la scène internationale. Cest cette coalition qui assure dorénavant un rôle de leadership dans la région et impose un processus de réforme des institutions. Face au rôle de lAfrique du Sud et de ses alliés qui tentaient artificiellement de dessiner un nouvel ordre africain, les oppositions de certains pays se confortaient. Elles étaient susceptibles daccentuer les divisions internes. Cette tentative impérialiste sud-africaine a conduit, dans ce contexte incertain, à une logique de compétition marquée par la démarcation sénégalaise du Président Wade grâce à son projet Omega. Linvestissement personnel, ici du chef de lEtat sénégalais et de ses soutiens francophones, était censé contrebalancer la montée en puissance des deux géants anglophones, lAfrique du Sud et le Nigeria. Cest ce qui justifie le remodelage structurel de lorganisation qui a été adaptée à cette nouvelle donne. Le Président Wade disposant dune marge de manuvre - les instruments de son action et la mobilisation dalliés possibles, en particulier francophone - a initié grâce à ses ressources un projet crédible qui lui a conféré une certaine notoriété dans lespace public régional et international.
Le Président sénégalais a voulu faire face aux ambitions hégémoniques de ses partenaires actuels du NEPAD en proposant sa propre idéologie dintégration du continent dans la dynamique de léconomie mondiale. Pour ce faire, il sest situé un peu en marge du discours convenu par ses pairs. Dans tous les cas, ce retournement mineur na pas empêché les cinq leaders, dont les idées étaient proches, de trouver des compromis, malgré la concurrence politique sur la scène publique, lenjeu étant de parvenir à disposer du monopole de la parole légitime continentale.
Lhistoire commune de ces leaders a été souvent celle des oppositions, et, « incorporée » par cette génération des dirigeants, elle a été matérialisée dans leur engagement. Cette sociologie du parcours des acteurs valide la thèse de Michel Offerlé qui suggère limportance de lanalyse des trajectoires antérieures, en ce que les « fondateurs ont rarement cette virginité dans laction collective que laisse supposer la création dune organisation ». Il remarque par la suite que les « ressources collectives dune organisation ne sont certainement pas la simple somme des ressources individuelles mais à linverse les ressources personnelles des acteurs avant leur engagement dans lorganisation (études suivies, organisations fréquentés, réseaux de relations mobilisables) ne sont ni égales pour tous ni indifférentes à lanalyste ».
Cette temporalité concerne à la fois lengagement individuel et le groupe en tant quorganisation collective, et correspond, en effet, à ce que Fillieule nomme « une multiplicité de temps biographiques (
), générationnels et historiques (effets de période) quil importe de démêler. Cette affirmation avalise notre hypothèse selon laquelle le NEPAD sert bien à quelque chose. Mais à qui ? Manifestement, cest aux acteurs que reviennent les avantages politiques évidents.
En sattachant à appréhender les figures du pouvoir dans leur banalité, on peut se rendre compte que les acteurs du NEPAD procèdent de la même façon que le dirigeant à intégrer leur programme, combinant situation interne et contexte international. Ils essaient de sarrimer au nouveau « temps mondial », en se donnant des marges de manuvre, faisant ainsi preuve de créativité avec des jeux de ruse, mais également de contournement. Dans cette mise en scène, lénonciation du politique se nourrit, en effet, de cet imaginaire particulier fondé sur la dérision et dont le résultat est laboutissement à des régimes hybrides et inédits où les dynamiques formelles et informelles sagencent pour donner sens à la durée et à la légitimité de laction. Ladaptation africaine aux valeurs du système international est une tentative de subversion de lordre mondial par les acteurs du NEPAD qui transforment les injonctions internationales en ressource politique interne.
Lobservation des procédures de fonctionnement du comité de mise en uvre du NEPAD, chargé de la régulation et de la décision à tous les niveaux, autorise à penser quil sagit dune sorte de Groupe des cinq (G5) qui fonctionne sur le modèle des pays les plus industrialisés de la planète (G8) et ressemble ainsi à « un conseil de sécurité économique et politique » du continent africain, dont lAfrique du Sud, le Nigeria, lAlgérie et lEgypte contrôlent en quelque sorte les droits dentrée des membres du NEPAD ou qui souhaiteront y adhérer. Ces quatre premiers Etats promoteurs représentant les aires anglophones et arabophones sont des puissances militaires et diplomatiques du continent tandis que le dernier qui représente les aires francophones et les petits pays, cest-à-dire le Sénégal, fonde son leadership et sa légitimité sur sa rente charismatique politico-idéologique sans commune mesure pour ce qui est de sa longue tradition africaine de démocratie et le leadership intellectuel du panafricanisme des années 1960 quand la négritude de Senghor constituait lexpression de la liberté des peuples noirs. Ce qui conforte « lexpression de linfluence et de la puissance au sein du continent » autour des variantes géopolitiques et géostratégiques.
Ce groupe des gouvernants du NEPAD ne se matérialise pas seulement par la distinction et la démarcation dun groupe restreint dEtats par rapport à la majorité. Par ailleurs, cet exécutif restreint piloté par lAfrique du Sud sinstitue également en instance légitime dexercice du pouvoir politique et donc du leadership et de linfluence au moyen du contrôle et de la manipulation des avantages liés à la mission de porte-parole continental qui lui a été confiée par la majorité de ses pairs. Il est donc clair dun point de vue de lanalyse, quau travers du comité de mise en uvre (steering ou implementation comittee), expression institutionnelle de lorgane décisionnel, le continent africain a fait le choix dêtre « porté ou représenté » à travers le monde par un groupe restreint de pays qui doit agir et parler dorénavant en lieu et place du continent tout entier.
Nous sommes ici en présence dun jeu dacteurs qui met « en scène » une ligne de hiérarchisation dans la mesure où le « porte-parolat », dimension importante du « coup de force symbolique de la représentation » quévoque Bourdieu, devient une institution ou tout au moins une ressource politique dexpression et de légitimation de la puissance. La parole ou la représentation continentale autorisée est aujourdhui portée sur la scène internationale par des pays qui, du fait de leur monopole de la représentation en Afrique, jouissent dun charisme continental distinctif et transcendant. Il sensuit que la parole africaine portée par les quelques dirigeants initiateurs du NEPAD réduit considérablement lécho et la force des autres paroles africaines tout aussi légitimes.
En effet, avec la mise en uvre du NEPAD, il existe dorénavant sur le continent africain comme « une propension à dédoubler » la parole autorisée et représentative. Entre la parole commune de tous les Etats du continent en situation dégalité et qui autrefois respectaient le principe dun « Etat, une voix », à travers les discours, déclarations, décisions et autres résolutions des joutes internationales des chefs dEtat et de gouvernement de lUA, il y a désormais, à travers le NEPAD, une parole commune portée et prononcée exclusivement par quelques dirigeants : les « producteurs » se différencient des « consommateurs ». Les premiers disposent du monopole de lélaboration des programmes appropriés pour éradiquer la marginalisation continentale et les seconds, « nont dautre alternative que de (
) sen remettre au choix des Etats dirigeants et leaders ».
Parler au nom dun groupe constitue pour un acteur, un capital important dans laffirmation de la transcendance. Le discours de Thabo Mbeki est un indicateur, il « porte » non simplement en raison de sa qualité sur ses seules pertinences et cohérences - ceux de Sekou Toure, Houphouët Boigny, Nkwame Nkrumah, Almicar Cabral, Samora Machel létaient aussi lorsquils affirmaient que « lindépendance de leurs pays navait pas de sens si elle nétait pas liée à la libération totale du continent » - mais surtout « parce que sa parole concentre le capital symbolique accumulé par le groupe qui la mandaté et dont il est le fondé de pouvoir ». Ce jeu de puissance autour duquel sorganise le NEPAD ne divise pas seulement le continent entre Etats « producteurs et consommateurs » des stratégies et programmes de démarginalisation continentale. A lintérieur même du G5, se passent des dynamiques individuelles et concurrentielles dacquisition du monopole de la jouissance légitime des avantages de la domination du collège du comité de mise en uvre. Cest dailleurs pourquoi, plutôt que de renoncer à la dynamique de solidarité des Africains, le rôle de lAfrique du Sud et de ses alliés est susceptible au contraire de diviser à lavenir le continent.
Cest dire que lorgane de décision du NEPAD constitue un champ à part entière des luttes de puissance. En dépit de la transformation de la donne régionale, il existe au sommet de la pyramide de direction des tensions entre les promoteurs du NEPAD. Cette situation témoigne de la crispation des relations quentretenait le Sénégalais Abdoulaye Wade avec Thabo Mbeki ou Olusegun Obasanjo. Or, leur projection sur la scène régionale africaine dépend de leur capacité à gouverner leurs territoires. Il semble que les promoteurs Obasanjo et Wade ont consacré beaucoup de temps et une grande partie des finances publiques au tournant de la création du NEPAD à résoudre les questions internationales au détriment de la gouvernance de leurs pays respectifs. Cette contradiction conforte lAfrique du Sud qui a réussi à entretenir ses relations avec le Nigeria et dautres Etats, notamment ceux dAfrique australe à lexemple du Mozambique, du Botswana, de la Tanzanie et du Zimbabwe. Ces soutiens ont permis au Président Mbeki dimprimer sa marque politique aussi bien au sein des institutions du NEPAD que de celles de la SADC même si le paradoxe quil doit renforcer pour éviter dêtre délégitimé, cest sa présence sur le continent africain tout en maintenant son encrage stratégique dans les grands ensembles économiques du monde qui lui vaut en sus le soutien crucial des pays occidentaux. Suivant un raisonnement bourdieusien, il ressort de cette analyse que le comité de direction du NEPAD constitue le cadre où « sengendre dans la concurrence entre agents (chefs dEtats promoteurs) qui sy trouvent engagés », lenjeu de la compétence légitime de lélaboration des programmes et décisions pour le développement endogène du continent.
En se positionnant aux commandes de lappareil de décision du NEPAD et en tentant de se poser en principal interlocuteur ou porte-voix de lAfrique auprès de la communauté dirigeante du monde, le président sud-africain sinscrit inéluctablement dans une stratégie daffirmation de la destinée continentale sud-africaine. Ce rôle fait de Thabo Mbeki aujourdhui le leader africain le plus influent du continent au delà de ses frontières et grâce à sa recherche de nouvelles convergences qui assureraient davantage sa recherche de visibilité au sein du NEPAD par ladhésion de plus en plus de pays, il a capitalisé ainsi une diversité datouts dinfluence et de leadership : président du Mouvement des non-alignés, président du comité de pilotage du NEPAD, Secrétariat de lorganisation basé à Pretoria, président en exercice de lUnion Africaine. Contrairement à la thèse de Bayart qui prétendait que « la succession de Mandela annonce une possible crispation du pouvoir, des tendances autoritaires de Thabo Mbeki (
) la RSA pourrait devenir un trickster comme un autre, profitant des intérêts criminels de la mondialisation », on peut dire que la stratégie politique de Mbeki est très contraire, avec une possible dérive autoritaire. Malgré ses liens avec des réseaux économiques dont la réputation laisse à désirer, cela ne la pas conduit à participer au processus général de « criminalisation de lEtat » puisquil na pas entaché la régularité de fonctionnement des fondamentaux du système démocratique sud-africain.
Cest dire quà lépreuve de lexercice du pouvoir, malgré des contradictions idéologiques formulées (selon les règles et dans les circonstances autorisées) envers son prédécesseur Nelson Mandela en matière de politique étrangère, Mbeki a réussi à maintenir, sur le plan intérieur, limage de puissance démocratique et responsable, même si, au contraire, il na pas suivi la direction de Mandela en composant avec le colonel Kadhafi sur la scène régionale, qui attendait vraisemblablement de lui la création des « Etats-Unis dAfrique » dont il pouvait être le dirigeant. Comme quoi, il nest pas possible pour deux « sorciers » aux mêmes ambitions de saventurer sur un jeu de « cache-cache » comme il en va de même pour des « loups » de ne jamais se manger entre eux, même lorsquils sont en situation de rivalité. En fait, la philosophie de lun comme de lautre dirigeant étant celle dêtre à lavant-garde, et chaque acteur « professionnel du marketing » politique est un publicitaire responsable dune unique marque ou dun seul produit sur le marché international de la société globale, lui-même met en scène son Etat en jouant sur lidéologie de lafricanité comme ressource politique. Cest pourquoi, sans nul doute, le Président Mbeki a fait preuve de tactique et de finesse politique suivant parfois la voie de son prédécesseur en se posant en médiateur dans certaines crises au sein du continent et en défendant la souveraineté continentale auprès des institutions internationales.
Par ailleurs, le Président Olusegun Obasanjo a essayé pour sa part de jouer sur la conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique (CSSDCA) dont il avait proposé la création et dont le Nigeria assurait conjointement avec lAfrique du Sud le financement pour faire face à la très forte tutelle sud-africaine sur le NEPAD. En ce qui concerne le Président Abdoulaye Wade, il a tenté de capitaliser sa position de vice-président du comité de mise en uvre du NEPAD pour faire accepter et reconnaître par ses pairs son aura de respectabilité personnelle et le poids charismatique distinctif de son pays dans le champ de la réforme des relations internationales africaines. Pour cela, il sappuie sur sa relation avec lEtat français dont le secteur privé sest largement mobilisé pour la réussite de la conférence sur le financement du programme par les partenaires privés et organisé par son pays contre lavis de ses pairs du comité de mise en uvre qui sétaient abstenus dy participer, reprochant au Président Wade de vouloir « tirer la couverture de son côté ». Cest donc autour de ce jeu entre différents acteurs aux positions et ressources inégales à la recherche davantages symboliques, que sest construit le processus dinstitutionnalisation du NEPAD. Ces promoteurs ont eu recours pour des raisons de solidarité, à la cooptation dautres Etats. Ceux-ci - acteurs tout aussi puissants sur la scène régionale et dans dautres circonstances - ont adhéré pour des considérations tout aussi diverses. Ces adhésions se dressaient sur un arrière fond de relation déchange.
Lenjeu principal était la recherche de visibilité autour du programme et auprès des institutions internationales. Face aux enjeux géocivilisationels et géostratégiques, la légitimation des Etats leaders (initiateurs) nécessitait la formation dune coalition importante dEtats. De fait, à lépreuve de la Realpolitik, il fallait nécessairement que les « pays producteurs » composent parfois avec les pays les plus corrompus du continent. La représentation de certains Etats nétait que symbolique. En contrepartie les « pays consommateurs » attendaient de leurs pairs « initiateurs » du programme une consécration internationale. Le jeu à travers ces usages obéissait à la politique africaine du bricolage régionalisé le plus négocié entre la coalition des acteurs qui ont mis en uvre le NEPAD. Cest autant dire quil nexiste aucune uniformité entre le pouvoir et lexercice de celui-ci. Gouverner, cest le lieu de rencontres de pressions diverses dun grand nombre de groupes rivaux. Et la décision politique constitue en dernier ressort le résultat du rapport de forces momentané entre les agents et qui débouche généralement sur une espèce de modus vivendi.
Ces changements vont évidemment avoir des conséquences majeures sur le champ politique régional. Désormais, le NEPAD - extension et concrétisation de la « renaissance africaine » - devient le véhicule par lequel cette renaissance doit naître, le nouveau cadre de coopération avec la communauté internationale. En conséquence, ce programme va soumettre les pays membres à une évaluation mutuelle afin de susciter un dévouement conditionnel pour de nouvelles pratiques de gouvernement. La réalité de la nouvelle stratégie africaine est quil sagit véritablement dun appel aux dirigeants africains pour quils sengagent dans une forme de gouvernement honnête, responsable et quils acceptent la démocratie et les droits fondamentaux de lhomme. Ce qui est nouveau, cest le glissement des responsabilités vers un comité dexperts africains irréprochables pour juger les gouvernements africains. Cest donc à ces réglages délicats, idéologiques et pratiques, que nous allons consacrer la suite de lanalyse sur les ajustements portés au discours énonçant la cause défendue, et dont la nécessité est reconnue. Ces dynamiques ont été inspirées en partie par les relations et les réseaux de ces acteurs avec des partenaires extérieurs.
2.1.2. Une sociologie des idées : « africaniser » le développement
Le NEPAD, projet ambitieux, dune incontestable connotation politique, est perçu comme une structure nouvelle empreinte dinnovations qui sinscrit dans lagenda des débats sur les dynamiques de développement. En Afrique, « un espoir est né et cette vision originale (
), peut être le moteur dun renouveau ». Le développement est une problématique essentielle à vocation universelle qui est diffusée par les bailleurs de fonds, donneurs daide auprès des gouvernants locaux. Sur cette base, la pertinence de cette virtualité a largement été débattue au cours de la période de démocratisation par différents économistes, politologues et transitologues qui ont mis laccent sur les dynamiques du dedans et du dehors.
Ce débat sur le développement, cependant, est loin dêtre figé, et les discours ont beaucoup évolué. Les Etats de toutes les parties du monde doivent pouvoir sadapter à ces changements. Parallèlement, les acteurs de ces pays doivent avoir la capacité dassurer leur appareil gouvernemental de la légitimité du discours sur le développement sans emprise occidentale, et trouver toutes les voies possibles pour faire adhérer le public à ce discours afin de tirer partie au final, de la légitimité du porte-parolat. Pour exister sur la scène internationale, les leaders africains ont dû combiner deux préalables : être en cohérence avec le discours politiquement correct des institutions internationales et avoir la capacité dacquérir une confiance en interne. Ce qui ne veut pas dire que ces réglages délicats dadaptation sont évanescents dans la mesure où ils ont fait preuve de leurs capacités à adapter les contraintes internationales à leurs propres visions, qui sinspirent pour une large part de leurs trajectoires intellectuelles et politiques.
Le NEPAD est donc lexpression et la concrétisation palpable de la volonté de ces fondateurs darrimer les directives externes aux dynamiques et représentations internes. Cest donc à la lumière de léconomie de marché que nous comptons appréhender ces mécanismes dappropriation du discours des organisations internationales.
Le NEPAD est, de plusieurs manières, un reflet de son temps. Le continent africain se trouve sur la trajectoire de léconomie de marché. La conception du NEPAD doit une bonne partie de son analyse au Rapport Berg et aux thèses de la nouvelle économie politique internationale. En voulant se conformer aux aspirations du groupe des pays les plus industrialisés de la planète (G 8), ce nouveau leadership africain perpétue une interprétation de la crise continentale qui ignore dimportants nouveaux développements admis par certains vieux adeptes de lorthodoxie néolibérale, et ce nest pas une variante de Joseph Stiglitz.
Dans un travail antérieur, William Easterly et quatre de ses collègues de la puissante institution de la Banque Mondiale, y compris Lawrence Summers, admettaient que la performance économique varie avec le temps même quand les gouvernements poursuivent les mêmes politiques. Lidée des acteurs du NEPAD est quil faut impulser une dynamique détatisation susceptible de conduire au développement national et, partant, régional. Par cet Etat « fort », il ne sagit pas de système autoritaire qui gouverne sans beaucoup prêter attention aux résultats et aux aspirations populaires. Ce type dEtats se révèlent ingouvernables et vulnérables à la saisie du pouvoir par des dictateurs. « Africaniser » le développement ne peut supposer que la constitution dEtats forts qui renvoient à la capacité à diriger et à jouer un rôle dans la promotion du développement. Ce discours visait donc bien la mobilisation de la communauté internationale. Au-delà de cette orientation internationale, le discours sur le développement trouvait une résonance locale, dans la mesure où les positions intellectuelles des acteurs réactualisaient le vieux discours du nationalisme économique africain et du combat contre le néo-impérialisme. Lobjectif de ce discours était de souligner le fort lien historique qui existe entre le sous-développement et la structure autoritaire et autocratique des Etats.
En effet, ces évocations faisaient sens pour la société africaine et correspondaient aux trajectoires intellectuelles des fondateurs, largement influencés par le modèle démocratique occidental, qui était adéquat pour diffuser lidée de léconomie de marché. Au delà de cette dimension idéologique, les acteurs du NEPAD ont inscrit leur discours dans limaginaire politique local par lutilisation des symboles, des chantres du panafricanisme, de la postcolonie et du héros de la lutte contre lapartheid et de linstauration de la démocratisation et des droits de lhomme. Ces références à la lutte anticoloniale menée par des dirigeants libérateurs comme Nyerere, Nkrumah ou Mandela ont contribué à la légitimation de leur projet actuel par linstrumentalisation du discours panafricain passé, qui fait sens sur le continent et qui conserve une résonance remarquable dans les discours politiques contemporains des appareils dEtat africains. Ces libérateurs africains ont montré par le passé une dimension symbolique très forte pour lindépendance totale du continent, doù leur utilisation par les acteurs pour la conquête du pouvoir. La mémoire de ces anciens leaders devient un passé « utilisable » pour affirmer l« africanisation » dune volonté collective de responsabilisation des Africains, et peut constituer ce que le continent africain a de plus proche dune histoire coloniale et dune culture politique. Les questions soulevées par le NEPAD autour du développement par le « bon gouvernement » sont comprises par les Africains et ont servi au discours de la nouvelle sociologie des relations interafricaines et du partenariat avec la communauté internationale. Cette utilisation du langage de la mémoire combiné à celui de la civilisation fait du NEPAD une continuation des projets politiques passés, et ces acteurs se posent comme les héritiers du travail entamé par leurs prédécesseurs de la postcolonie.
Faire usage des « bonnes vieilles recettes » panafricaines en les instrumentalisant était un bon moyen pour les acteurs de parvenir à légitimer leur cause, et de se légitimer. Cest une stratégie qui consistait à donner une résonance locale aux contraintes internationales du gouvernement et permettait dafricaniser cette cause à vocation universelle autour du développement, problématique essentielle de la mondialisation et objet politique des bailleurs de fonds. En adoptant cette posture, les acteurs du NEPAD ont réussi, à travers ce projet, à intégrer les normes internationales en les modifiant marginalement, reformulations qui ont permis de contourner ou de dépasser les contraintes des IFI et des Etats.
Cette stratégie a impliqué linvention par ces initiateurs du NEPAD dun rituel théâtralisé de lunification africaine comme moyen de libération totale, en reconstruisant très habilement un protocole symboliquement chargé, emprunté à la fois aux mythes postcoloniaux du panafricanisme et la pensée de Fanon ainsi quà la communauté internationale. Il sagit bien dune diachronie qui sexprime au moyen dun rituel spécifique - ce qui correspond à une palabre - qui sinscrit dans la matrice de la succession générationnelle. Cette mise en commun du patrimoine culturel africain a conduit les leaders à la concertation pour parvenir à un consensus par le ralliement des oppositions, de manière à faire du pouvoir au sein de lorganisation un bien symbolique qui doit être redistribué entre les leaders qui représentent le corps de « lunité africaine » retrouvée.
Limage du NEPAD traduit ainsi le rite de la circulation des chefs à des positions de pouvoir et se réfère à la notion de partage. Son discours est donc associé à une conception cyclique du temps, celui dune génération sociale.
Cest ainsi dire quà partir dune analyse de la sociologie du discours des acteurs, on assiste à une institutionnalisation dun nouveau champ politique régional : la hiérarchisation des Etats avec la constitution des « pays locomotives » tirant vers le haut les autres Etats en manque de puissance. Les idées ont permis aux acteurs de se distinguer, de se démarquer et renvoient à la transcendance de ceux-ci grâce à la reconnaissance et à la consécration internationale d« une nouvelle génération de dirigeants africains (
), déterminés à réaliser lautonomie, léradication de la pauvreté (
), une bonne gestion gouvernementale, létablissement de structures durables et lélaboration des solutions africaines à des problèmes africains ».
2.1.3. Une sociologie de laction : soumettre les gouvernants aux experts
Le NEPAD a connu un succès sans précédent auprès des organismes internationaux. Celui-ci est dû en partie à ces ajustements du discours aux injonctions internationales et à la recherche de sa légitimité interne. Cependant la nouvelle contrainte imposée aux pairs (gouvernants) paraît davantage délicate à contourner. Dans lanalyse néo-institutionnelle, on ne peut pas dissocier les jeux dacteurs des institutions.
Les néo-institutionnalistes insistent sur le fait quil y a des acteurs et des institutions. Les acteurs sont contraints par les institutions et celles-ci ne sont pas toujours respectées par les acteurs qui prennent parfois beaucoup daise en trichant et en les contournant. Cest le cas du NEPAD dans la mesure où cette contrainte dinspection par les experts des « collègues Présidents », qui ne vont pas se montrer trop sévères, est possible de transgression. Toutefois, il est certain que les contraintes placées sur les activités des gouvernants constituent un indicateur des temps nouveaux. Dune part, lensemble des pairs dEtats membres NEPAD suggèrent que les activités relevant du domaine transnational soient réalisées par les différentes sous-régions, que les pays améliorent leurs appareils et capacités à diriger pour le bien-être des populations et pour amorcer le chemin vers le développement. Dautre part, la « société civile » africaine est moins rassurée par lefficacité du "peer review", qui peut parfois être remis en question par les mauvais gouvernants qui voient en cette "machine de légitimation" un véritable dispositif de contraintes : labsence de sanctions dun côté, et donc limpossibilité de déclarer inéligible à lexercice un Etat qui naurait pas respecté les normes, et de lautre, le manque de participation populaire en tant que défaut majeur. Les modifications internes autour du NEPAD, sous linfluence des organisations externes, peuvent conduire parfois à des débats contradictoires.
Nous illustrons ce point à partir de lévolution du glissement des responsabilités, pour ce qui est du contrôle des politiques densemble de développement, de Washington vers la communauté africaine. Un travail remarquable a été entrepris au sein du NEPAD concernant le « contrôle par les pairs », mécanisme par lequel un groupe danciens irréprochables juge laction des dirigeants en matière de politiques et pouvant constituer lextension politique (dun genre nouveau) des organisations financières internationales. Le choix des membres de ce comité est révélateur de linnovation institutionnelle et tributaire des directives internationales, Chris Stals et Graça Machel, deux irréprochables, pour ne citer queux, sont deux exemples des influences externes de lexpertise de la gouvernance extérieure.
Depuis quelques années, le NEPAD a soumis certains Etats membres aux évaluations de leurs pratiques gouvernementales par lintermédiaire dune revue des pairs organisée par les experts africains désignés. Ces évaluations ne sont pas en réalité un fait nouveau puisquil existe plusieurs mécanismes dans le cadre des institutions bancaires régionales et des ensembles sous-régionaux, notamment en Afrique de lOuest, qui permettent dapprécier le développement des capacités des gouvernants ; ce type dexercice est aussi évoqué par les donneurs daide publique au développement. Afin de rompre avec les traditions africaines dexercice de pouvoir et de gouvernement qui ont marqué les années 1990, et ces dernières années, en raison de léchec de la démocratisation dans certains cas, les fondateurs du NEPAD, sous des influences externes, ont décidé duser dun mécanisme original et controversé, en organisant des évaluations nationales au cours desquelles les Etats membres participent à travers une auto-évaluation. Sil suscite indignation et critiques de la part des populations, cet outil dévaluation a conduit les autorités internes des pays à sengager sur le dossier NEPAD. Cest dans cette perspective que les experts se sont progressivement livrés à lévaluation de la gouvernance de chaque pays. Les relations entre Etat et gouvernement ont sensiblement évolué ces dernières années, surtout depuis que le NEPAD a mis en place le "peer review mechanism", ce mécanisme qui vise à promouvoir un réel travail politique des gouvernants : le fait pour les dirigeants dagir désormais avec des résultats. Cette approche, inspirée des techniques managériales des organisations internationales, se traduit approximativement par un accountability, cest-à-dire par une obligation des gouvernants à rendre des comptes. Et ces comptes-rendus se font désormais au moyen dexpertise, ce qui tranche radicalement avec lévaluation des politiques par le peuple, cest-à-dire au moyen du suffrage universel. A ce niveau, on souhaite montrer que lexpertise est un élément dimportation de la « technologie comptable », qui constitue une alternative au poids des représentations locales du suffrage universel qui ne fonctionne pas.
Ce changement de direction vers les experts tient, de la part des acteurs, à un besoin de construire une légitimité, au-delà du continent noir. Cette stratégie consiste à promouvoir les universaux de gouvernement, en y espérant des résultats visibles qui permettraient de légitimer auprès des bailleurs de fonds le discours des acteurs du NEPAD sur le développement et la bonne gouvernance, souvent peu concrétisé en terrains africains. Cela convient bien au moment où le suffrage universel est un échec dans la construction dun jeu politique transparent. Cependant, la difficulté qui réside dans la capacité des acteurs à contrôler et à manipuler les résultats provient de la nature de ce dispositif dévaluation dinspiration libérale ; il peut souffrir dune « politisation » en raison de labsence de contre-pouvoirs locaux, pire encore, il ne sagit pas dune instance de décision mais de régulation. En effet, ce concept de "peer review" est inspiré des instruments et processus dévaluation de lOCDE qui la importé elle-même des Etats-Unis, avec le concept de good governance, les techniques daudit et comptables du secteur privé. Ce qui, dans le cadre de laction, permet de passer du pouvoir au comptable, du public au privé et du peuple aux experts. A travers cette approche, la gouvernance des audits échappe au contrôle de lopinion publique. Il sagit de nouvelles techniques de gouvernance des organisations qui consistent à rationaliser et à moderniser les appareils étatiques africains. Dans sa conception exportée, le "peer review", alternative à la démocratisation et donc à une légitimité électorale vacillante, vise à aider les gouvernants africains membres du NEPAD à améliorer leur piètre gouvernance, à laide de nouveaux moyens, et en faisant participer le peuple africain à travers des experts « irréprochables ». La justification morale de cette nouvelle « machine de légitimation » est la nécessité de voir émerger sur le continent une responsabilité de lEtat face aux populations. Le moins quon puisse dire, cest que cette mutation autour de la perspective technologique, comptable et gestionnaire des problèmes de gouvernement est tributaire de la rencontre entre une directive internationale et des acteurs réceptifs qui assurent la diffusion de ces nouvelles techniques et des standards du gouvernement des sociétés.
2.2. Linstitution dEtats « producteurs » et « consommateurs »
Le steering committee (structure de gouvernance et de direction) du NEPAD est composé des cinq chefs dEtat initiateurs du programme qui contrôlent le processus de décision et de dix autres de leurs pairs cooptés sur la base de trois membres par région. Il sagit donc dun comité qui regroupe au total quinze membres.
2.2.1. La légitimation des « initiateurs » dans la société globale
Les cinq premiers acteurs sont des puissances régionales qui fondent leur charisme sur la paternité du programme grâce aux dynamiques dexpression de puissance et des processus de diffusion à léchelle continentale de léconomie de marché. La cooptation des dix autres membres repose sur des considérations stratégiques. On les qualifie de « nations dites participantes » par opposition aux pays « initiateurs ». En effet, loin dêtre nécessairement des puissances militaires, économiques et/ou diplomatiques, les Etats « consommateurs », qui sapparentent à une sorte de « pays alignés » sur le modèle dun « conseil de sécurité économique » du continent africain piloté par le groupe des cinq (G5), constituent également des agents légitimateurs qui garantissent la place des acteurs à la recherche de visibilité dans la société globale.
Ces pays « tirés », situés à la périphérie du processus décisionnel, ne peuvent disposer des mêmes avantages comparatifs liés aux gains symboliques de la compétence légitime des décisions, de lélaboration et de lorientation des programmes de développement continental. Ce comité de mise en uvre du NEPAD matérialise à la fois la distinction et la démarcation des initiateurs mais aussi la construction dalliances avec des Etats dont la réputation laisse à désirer, mettant ainsi de côté la croisade lancée à lendroit des dirigeants corrompus. Le NEPAD est donc tout aussi le cadre où se concrétisent la conciliation entre intérêts géopolitiques et compétence légitime dun idéal de l« africanisation retrouvée ». Ce qui traduit toute la charge symbolique dans la part de réinvention du champ du partenariat à travers la persistance des dynamiques internes. Les analyses en termes de relations internationales ainsi que les travaux de Keohane, Milner sur linteraction entre internationalization et domestic politics, permettent de situer cette reconfiguration du champ politique africain à travers le nouveau positionnement des acteurs dans cet enchevêtrement dinteractions à géométrie plurielle et à multi-niveaux comme le suggèrent certains analystes Loughlin et Hassentaufel, Hennion-Moreau mais aussi le bricolage régionalisé des politiques de développement régies par les niveaux internationaux et/ou régionaux.
Tableau n° 3 : Structure de direction du NEPAD
Niveau 1 : Union africaine
Niveau 2 : Comité de mise en uvre
15 membres, 3 par région
Niveau 3 : Comité directeur des pays « initiateurs »
5 membres
Niveau 4 : Secrétariat de lOrganisation en Afrique du Sud
5 membres du personnel
Niveau 5 : Equipes détude
Gouvernance économique et des entreprises-CEA
Agriculture et accès aux marchés-UA
Infrastructure-BAD
Banque centrale et normes financières-BAD
Renforcement des capacités en matière de paix et de sécurité-UA
Sous-comité des conflits-Thabo Mbeki
Source : Réalisation de lauteur
Le tableau ci-dessus présente la structure de gouvernement du NEPAD adopté par les dirigeants des Etats-parties au programme. Comme on peut le remarquer, il sagit dune organisation à quatre paliers. Car au sommet le NEPAD se trouve sous la tutelle de lUnion africaine qui en fait son principal programme économique. Juste en dessous, on trouve le comité de mise en uvre des chefs dEtat, qui comprend trois représentants de chacune de ces cinq sous-régions. Ce comité se réunit tous les quatre mois. Comme il a été largement indiqué, lAfrique du Sud, lAlgérie et le Nigeria sont à lorigine du plan qui a permis lélaboration du NEPAD. Par la suite, le Sénégal a proposé le plan Omega, la partie francophone du continent craignant dêtre tenue à lécart du processus de décision malgré le rôle joué par la France et lAlgérie. Cest ainsi que le Sénégal a été intégré au sein de la structure. LEgypte, lautre grande puissance continentale, a été également cooptée au risque de susciter une marginalisation.
Cest dire que dans ce comité, on retrouve les pays initiateurs du projet (modèles de grands pays), à lexemple de lAfrique du Sud et du Sénégal et bien entendu, les nations dites participantes (mixité de petits Etats mous ou corrompus et de pays gouvernés), à lexemple du Gabon et Cameroun (transition démocratique non réussie et bloquée en raison de la continuité des systèmes anciens, ressources économiques en dégradation, position de « consommateurs et dassistés » ), du Botswana et du Mozambique (pays réformistes, membres de la SADC et représentants légitimes de cette institution aux instances du NEPAD), du Mali et de lIle Maurice, etc. Ces deux groupes de pays, constitués de quelques démocraties et dautocraties libéralisées, font partie du comité de direction du NEPAD, et les différents agents (chefs dEtats mandatés) tendent à jouir dune reconnaissance internationale dans leurs régions respectives où le rôle de représentant et la parole autorisée leur sont dévolus, accumulant ainsi un capital symbolique qui leur confère la légitimité dêtre au centre des problèmes internes en dehors de leurs frontières territoriales.
Ce comité, bâti sur le modèle du Conseil de sécurité des Nations unies, est linstance suprême de régulation et de légitimité du NEPAD. Il est présidé par un chef de dEtat « initiateur » (lexemple du Nigeria) assisté à la vice-présidence par deux autres Présidents fondateurs (cas du Sénégal et Algérie), tandis que les Présidents des deux autres pays promoteurs (Afrique du Sud et Egypte) en sont membres, les autres assurent la coordination du programme dans les cinq sous-régions retenues. Ce comité, grâce à sa compétence légitime, veille tout dabord à la mise en uvre effective des projets intégrateurs à travers la détermination des questions stratégiques faisant lobjet de recherche, de planification et de direction au niveau continental ; ensuite, à la mise en place des mécanismes dévaluation rétrospective en matière des progrès accomplis dans la réalisation des programmes de développement convenus et dans le respect des normes acceptées par tous les Etats membres au NEPAD ; et enfin il sattache à lexamen des progrès accomplis dans lexécution des décisions.
En dessous de la pyramide de direction, on retrouve une autre structuration tout aussi importante et qui est une sorte de prolongement des membres du kitchen cabinet des dirigeants du steering comittee. Ici, on assiste à un dédoublement des structures institutionnelles nationales de pouvoir par des collaborateurs personnels et informels des principaux acteurs. Le comité de pilotage basé à Pretoria est composé des représentants personnels des cinq chefs dEtat initiateurs, de représentants des autres chefs dEtat participants, des représentants des institutions économiques et financières africaines. Lun des enjeux de représentants, cest quils agissent comme des « fondés de pouvoir » des leaders, ils portent le poids charismatique de leur mandant et continuent donc à peser aussi insidieusement sur les institutions du NEPAD. Cest lexemple de cette structure qui est présidée par le Sud-africain Wiseman Nkuhlu, conseiller économique de Thabo Mbeki, patron de lexécutif au secrétariat du NEPAD et également président de la Development Bank of Southern African - dont certains économistes ont participé activement à la rédaction du programme économique du NEPAD - et sa présence dans les institutions dirigeantes du programme illustre manifestement le leadership de son pays sur linitiative en même temps quil conforte davantage sa stature internationale. Ce comité, qui prépare les termes de références des projets, supervise le secrétariat de lorganisation continentale.
Il existe par ailleurs, dans la hiérarchie des instances décisionnelles, un autre organe : le comité de paix et de sécurité, présidé par lAfrique du Sud et comprenant cinq membres. Cette organisation se pose, en temps de crise ou dans un climat social dégradé, en médiatrice dans le règlement et la prévention des conflits sur le continent. Ainsi, dans le domaine de politique étrangère, les « Etats consommateurs » ou tirés impuissamment structurés au plan militaire bénéficient du soutien et des bons offices de la diplomatie préventive des « Etats producteurs » dont le rôle est aussi de contribuer, fût-ce à leur corps défendant, à prévenir la reproduction, lextension ou lexpansion de la contagion régionale de la guerre.
Pour les théoriciens de la polémologie, assurer la continuité de la paix - permanence de la guerre par dautres moyens - en temps de crises constitue vraisemblablement un mode de régulation politique dans la nouvelle donne sociologique des rapports régionaux africains où la régionalisation des conflits a constitué une ressource politique de puissance (accès au pouvoir politique) et de pillage (accès aux dividendes des opportunités frontalières issues de léconomie criminelle internationale) dans la ligne droite des deux dernières décennies, notamment la guerre civile des Grands Lacs dans les années 1990 (entre Tutsis et Hutus avec extension territoriale en RDC), les cas de lUnita en Angola ou de la Renamo au Mozambique dans les années 1980, etc. La représentation symbolique des « Etats tirés » est plus remarquable au niveau du Secrétariat du NEPAD. Les collaborateurs sud-africains de Thabo Mbeki sont chargés de discuter avec ce groupe de pays cooptés des questions relatives à ladministration de lensemble des programmes ainsi que de la coordination entre les différentes structures régionales. Cest cette structure qui fait appel à lexpertise de la gouvernance extérieure pour lévaluation, voire même lexécution des missions.
En effet, cette situation témoigne de ce que Bratton et Van de Walle notent lorsquils affirment que les « institutions réelles du politique en Afrique sont des relations informelles de loyauté et de patronage établies entre les big men (acteurs producteurs) et leur suite personnelle (Etats tirés ou consommateurs) ». Cette configuration de la structuration du champ politique régional fournit une analyse particulièrement intéressante quand il sagit de discuter du fonctionnement au concret non pas du politique (politics) renvoyant à la qualification des systèmes politiques comme cela est souvent fait par les analystes, mais de la production politique et du politique (policy) renvoyant à la capacité gouvernementale ou à lefficacité de laction publique. Cest pour cette raison que nous accordons une importance significative aux institutions, aux jeux dacteurs et à leur capacité à entrer en coalition - même dans la « chaologie » quévoquait G. Balandier sur le pouvoir sur scènes ; désordre (expression dune ressource politique) situé - côté jardin et non côté cour- à partir duquel on interprète les terrains africains en raison de la faiblesse des performances, indicateurs sociopolitiques et économiques à lappui, et à la capacité à mettre en ordre le monde à travers cette production importante didées, de croyances, de représentations et de savoirs.
Tableau n° 4 : Le Comité de mise en Suvre des Chefs d Etat du NEPAD
% Président : L ancien Chef d Etat Nigerian Olusegun Obasanjo du Nigéria
% Vice-présidents : Les présidents Wade du Sénégal et Bouteflika de l Algérie
% Trois Etats par région, dont les cinq Etats initiateurs : Afrique du Sud, Algérie, Egypte, Nigeria et Sénégal
Représentants sous-régionaux
% Afrique du Nord : Algérie, Egypte, et Tunisie
% Afrique de l Ouest : Mali, Nigeria et Sénégal
% Afrique de l Est : Ethiopie, Ile Maurice et Rwanda
% Afrique centrale : Cameroun, Gabon et Sao Tome-et-Principe
% Afrique australe : Afrique du Sud, Botswana et Mozambique
Source: Jakkie Cilliers, Peace and Security through Good Governance, Institute for Security Studies, Paper n° 70, avril 2003.
Le tableau ci-dessus illustre que cette structure à fondement sous-régional est le résultat dun compromis autour des systèmes dintérêts. Il permet de comprendre la question du gouvernement dans les sociétés africaines. A lorigine de la notion de gouvernance, il y avait lidée que des pays refuseront dadopter les normes de bonne conduite ou pourraient les violer. Le débat sétait alors ouvert pour savoir si le NEPAD devrait être un programme étroit, rassemblant uniquement et exclusivement les Etats réformistes qui respectent les critères, ou alors fallait-il élargir le groupe pour que tous les pays - dont beaucoup ne satisfont pas aux conditions du NEPAD - participent au processus. Le principe dun « club plus large » conduisait à un plus grand soutien politique, mais dans le même temps se posait la question de labaissement des normes de gouvernement pour les adapter aux Etats mal gouvernés, et doù tous les enjeux de la formation de coalitions.
2.2.2. Formation de coalitions étatiques et realpolitik : les enjeux
Cette dynamique des acteurs et des institutions sinscrit au cur des problématiques contemporaines soulevées par lanalyse néo-institutionnelle ou par létude des politiques publiques. Les logiques qui animent les acteurs et leurs rapports mutuels sont débattues ainsi que linstitutionnalisation de laction publique collective du NEPAD sur le politique en Afrique. En prenant en compte la spécificité des terrains africains, il résulte de laction publique du NEPAD, de ses mécanismes et modes de fonctionnement, que la production de laction politique a été marquée par la capacité des dirigeants à parvenir à un consensus par-delà les conflits dintérêts et didées. Par le maniement dialogique de la ruse comme expression de la logique machiavélienne du pouvoir, de différents niveaux de discours et lutilisation des institutions (comme expression de ce qui renvoie à lEtat), les dirigeants politiques africains sont parvenus à rallier des coalitions de pays en mobilisant des ressources diverses et une politique de réseaux, plus apparente que réelle. Cette mobilisation témoigne tout au moins dune capacité de gestion politique de la question du développement de lAfrique malgré la révélation des rapports complexes et des contradictions entre les leaders qui éclairent désormais le politique dans ce continent. La gestion et la prise en charge des problématiques de développement dans cette logique d« unification », permettent de reconsidérer le rôle et la position des acteurs leaders et du continent au regard des autres acteurs et Etats de la communauté internationale. Cette sociologie des acteurs dans la perspective néo-institutionnelle participe à une compréhension des dynamiques du politique en Afrique, le discute dans sa dynamique concrète (imaginaire et imaginations locales des représentations), cest-à-dire dans sa réalité complexe et paradoxale, loin dêtre « banale ou vide de sens ».
Lenjeu majeur est que ce programme offre au cas gabonais, qui nous intéresse dans cette étude, loccasion de faire fonctionner véritablement sa machine étatique. Car, en tant que membre de toutes ces structures, le Gabon a lardente obligation de respecter les engagements du programme dans le cadre de la bonne gouvernance économique et politique, notamment en promouvant laboutissement des réformes de modernisation de lEtat engagées et le processus de transition démocratique bloqué.
En effet, lensemble des réformes économiques initiées depuis lors, semble ne pas avoir produit des effets, elles naboutissent pas. Le cas de la réforme sur la réduction du train de vie de lEtat a amené les autorités de lappareil de direction gabonais à réduire relativement le nombre de conseillers. Cette mesure aurait pu être intéressante si elle avait été objective, cest-à-dire en prenant en compte sa motivation originelle, motivation qui visait tout dabord la suppression de certains postes administratifs et la réduction du nombre des membres du gouvernement.
Par son engagement au NEPAD et dans tous ces organes, lEtat gabonais reconnaît à travers son discours lémergence de nouveaux acteurs sur la scène politique, sociale et économique du pays dont la participation est vitale pour réduire la pauvreté, promouvoir le développement durable et renforcer la bonne gouvernance. Dans cette perspective, il revient plus que jamais à lEtat gabonais de passer du simple discours au « partenariat en acte » en favorisant plus que jamais lédification dun véritable échiquier politique national selon des normes et des règles du jeu acceptées par tous les acteurs de la vie politique, en encourageant lapplication effective de la loi sur la décentralisation et en encourageant linstitutionnalisation de nouveaux pouvoirs locaux, tels que le secteur associatif et les organisations non gouvernementales (ONGs).
Au plan sous-régional, un autre enjeu réside dans lapproche de ce partenariat. En effet, si un projet initié par lEtat gabonais a la certitude dintégrer les pays voisins, notamment le Congo Brazzaville ou le Cameroun (
), celui-ci aura autant de chances ou de possibilités dêtre financé non seulement par le NEPAD mais également par les pays membres du G8. Pour les personnalités politiques gabonaises en charge de ce dossier avec au premier plan le Directeur de cabinet du président gabonais et par ailleurs représentant du chef de lEtat pour le NEPAD, il semble qu« une réelle volonté pour lEtat gabonais existe autour du programme. Le NEPAD cest une grande volonté » qui devrait permettre de rompre avec le paradigme machiavélien de lexercice du pouvoir (conservation du pouvoir politique). Gouverner cest aussi céder le pouvoir.
Les considérations géostratégiques sont aujourdhui inséparables du leadership idéologique et symbolique qui se dresse autour du NEPAD. En effet, la recherche de la rente charismatique est en partie modelée par des raisons dordre militaire. Ce nest donc pas le fait du hasard si cette nouvelle synergie est facilitée par létroitesse des liens personnels mais surtout du fait que les porte-étendards du NEPAD sont des Etats militairement importants dans le continent. La force militaire sud-africaine est presque deux fois plus importante que celle de lensemble cumulé des armées de lAfrique australe aussi bien en armement quen dépenses militaires. Lallié sud-africain immédiat quest le Nigeria jouit dun leadership militaire presque hégémonique au sein de la communauté ouest africaine et saffirme à léchelle internationale comme un acteur important et incontournable en Afrique pour les opérations de maintien de la paix initiées par des organisations internationales. LEgypte est aussi une puissance militaire, stratégique et diplomatique aussi bien en Afrique du Nord quau Moyen-Orient. LAlgérie est également un pouvoir militaire influent dans le Maghreb. Dans tous les cas, les Etats promoteurs du NEPAD ont de véritables capacités militaires et démographiques bénéficiant chacun datouts stratégiques et dimportantes potentialités économiques. Ces Etats sont devenus les pôles régionaux de puissance. Les pays tels que lAfrique du Sud, lAlgérie, lEgypte sont considérés comme des « Etats pivots » du continent africain dans les théorisations géostratégiques post-bipolaires de la superpuissance américaine. Cette structuration est le miroir de ce qui doit se faire au sein du conseil de paix et de sécurité de lUnion africaine.
Cest donc, parallèlement, dans un contexte où les puissances régionales du continent africain manquent de principes idéologiques et symboliques de base sur lesquels il est possible de fonder une projection communautaire du continent sur la scène internationale, que le lancement du NEPAD trouve tout son sens dans la construction collective des puissances régionales. Ce faisant, cette construction du « sens » peut renvoyer dune part à la monopolisation libérale du marché axiologique mondial avec son effet de rétrécissement de léventail des choix politiques et économiques et, dautre part, à la redécouverte de lidéologie du panafricanisme qui porte lAfrique sur la scène internationale sous la figure de luniformité régionale du continent.
Somme toute, le NEPAD représente, de ce point de vue, un champ de restructuration de la puissance africaine autour dun leadership idéologique, économique et politique qui trouve son édification sur dimportantes traditions militaires, stratégiques et géostratégiques.
2.2.3. Lappropriation des réformes comme enjeu interne des ajustements du discours sur les conditionnalités
Cest au cours du sommet de lOUA de juillet 2001 à Lusaka que fut adoptée une initiative compilée des trois plans appelée « New African Initiative » (NAI) qui faisait en réalité surtout la part belle aux plans de Mbeki et de Wade et ignorait pratiquement le CAR comme lindique sans ambiguïté le sous-titre dudit document : « Merger of The Millennium Partnership for the African Recovery Program (MAP) and Omega Plan ». En Octobre, après que la NIA a été présentée au G8 lors du sommet de Gênes, un nouveau nom sera donné à une version du texte revue et recorrigée à laune des exigences des bailleurs de fonds: « The New Economic Partnership for African Development » qui en constituera la version finale.
En résumant le parcours de ce texte, on constate donc quil sagit dun compromis entre deux textes principaux issus de chefs dEtat africains, se disputant le leadership continental et ayant chacun leurs soutiens respectifs, compromis lui-même élaboré entre chefs dEtat avant dêtre soumis aux représentants du G8 pour parvenir à la version définitive. Ce quon qualifie, par défaut, la « société civile » na pas été associée dans le processus de rédaction de ce plan. En outre, bien quil apparaisse comme un texte authentiquement issu de la volonté de responsables africains, linfluence des bailleurs de fonds (G8, OCDE, UE, FMI, BM,...), directe et/ou indirecte, ne doit pas être sous-estimée dans la teneur du texte final comme on le verra par la suite. On sen tient dans le cadre de ce travail à relever limportance que peut recouvrir le dernier changement de nom du document, étape ultime de sa gestation qui est manifestement issue de demandes et pressions externes. Pour ce faire, linterprétation des textes et du discours est nécessaire pour la clarté sociologique de lanalyse et sa démonstration. Le NEPAD, est à ce titre, un programme largement emprunté.
En effet, le label « New African Initiative » revêtait un projet strictement africain qui semblait se suffire à lui-même tandis que « New Economic Partnership for African Development » rappelle la dimension « partenariat » et donc inévitablement limportance des partenaires. Dès 1998, Jeffrey Sachs recommandait dailleurs que soit mis en place un « Nouveau partenariat pour la croissance en Afrique » qui a donné les grandes lignes dans lesquelles allaient s'inscrire les politiques de coopération américaines dans les années qui suivaient. Il apparaîtrait donc que ces idées venues doutre-Atlantique ont influencé en partie les promoteurs du NEPAD jusquà la détermination de la dénomination adéquate à attribuer à leur plan. Bien quil sagisse dun des arguments principaux de ses défenseurs, le caractère proprement africain du NEPAD semble ainsi pouvoir être démenti par sa seule labellisation, mais il va de soi que nous donnerons dans la suite de ce travail des arguments plus étayés appuyant lidée que ce plan, bien qua priori formellement conçu par des leaders Africains, nest pas (perçu comme) un programme authentiquement africain.
Le NEPAD constitue daprès ses promoteurs « une promesse faite par des dirigeants africains, fondée sur une vision commune ainsi qu'une conviction ferme et partagée qu'il leur incombe durgence déradiquer la pauvreté, de placer leurs pays, individuellement et collectivement, sur la voie d'une croissance et d'un développement durables, tout en participant activement à léconomie et à la vie politique mondiales. Il est ancré dans la détermination des Africains à s'extirper eux-mêmes, ainsi que leur continent, du malaise du sous-développement et de lexclusion dune planète en cours de mondialisation ».
Le ton général du document est très vite donné puisquil sagit là du premier paragraphe de celui-ci. On y apprend dentrée quil sagit dun engagement pris par des « dirigeants » et non par les peuples aux destinées desquelles ils président car ceux-ci ont été mis à l'écart de son élaboration. La lutte contre la pauvreté est le premier objectif nommément cité, suivi par « la croissance », le « développement durable » et lintégration dans la vie politique et économique « mondiale », une hiérarchie des priorités qui, entre parenthèses, conforte lidée dun alignement sur les injonctions et lagenda des bailleurs de fond.
On peut lire ensuite que les « Africains ont commencé à manifester leur refus daccepter un leadership économique et politique médiocre », autrement dit que la « bonne gouvernance » fera désormais partie des objectifs poursuivis par leurs dirigeants. Ce faisant, et gardant en mémoire les leçons dun « passé douloureux », les rédacteurs affirment que « les Africains ne doivent pas être les pupilles de gardiens bienveillants, mais plutôt les architectes dune amélioration soutenue de leurs conditions de vie », ainsi ce programme constituerait-il « un nouveau cadre dinteraction avec le reste du monde, notamment avec les pays industrialisés et les organisations multilatérales. Il est fondé sur un ordre du jour dont ont décidé les Africains de leur propre initiative et de leur propre gré, afin de déterminer eux-mêmes leur destin ». Ces dernières assertions relèvent indubitablement du courant de la « renaissance africaine». Notons cependant que ces velléités autonomistes cadrent mal avec les nombreux appels du pied à destination des bailleurs de fonds comme celui contenu dans larticle 66 qui vise à lancer « un appel à nos partenaires de développement pour quils nous apportent une assistance dans nos efforts ». Afin de parvenir à réaliser le développement durable de lAfrique, les initiateurs du projet ont identifié les conditions requises.
Elles sont de trois ordres selon eux : tout dabord « la paix, la sécurité et la bonne gouvernance », étant entendu quil « est maintenant généralement accepté que le développement ne peut se réaliser en labsence dune démocratie véritable, du respect des droits de lhomme, de la paix et de la bonne gouvernance. Avec le NEPAD, le continent prend lengagement de respecter les normes mondiales en matière de démocratie ». Ce sont donc bien des critères exogènes de démocratie qui serviront de repères à lévaluation des progrès politiques des parties prenantes à laccord, renforçant potentiellement la perception du NEPAD comme une « dictature négociée ou déguisée » ou du moins comme le résultat dune intériorisation par les élites africaines des conditionnalités imposées par lOccident à lAfrique dautant que les deux pré-requis suivants, à savoir lallégeance déclarée à « la gouvernance économique et la gouvernance des entreprises » et enfin la nécessité dentreprendre des « approches sous-régionales et régionales au développement » relèvent en réalité de lagenda et surtout de la terminologie des institutions de Bretton Woods et des autres principaux partenaires au développement.
Ces conditions énoncées, le NEPAD se penche alors sur les priorités sectorielles dont on retiendra la volonté de combler lécart dans le domaine des infrastructures et notamment en investissant dans les technologies de linformation et de la communication tandis quici encore appel est fait à lassistance du G8 et aux bailleurs de fonds bilatéraux. La mise en valeur des ressources humaines qui concerne surtout les efforts afin déviter la fuite des cerveaux, la protection de lenvironnement, le développement de lagriculture et de la culture, des sciences et de la technologie sont autant dobjectifs contenus dans ce vaste programme. On verra dans la suite de ce travail que plusieurs analystes appréhendent dailleurs cette extrême diversité des desseins à poursuivre comme une faiblesse potentielle. Dautant que les ambitions du plan ne sarrêtent pas là.
Le Nouveau Partenariat sattaque en effet encore à la mobilisation des ressources à travers une initiative en faveur des flux de capitaux, qui comporte à nouveau un élément qui a laccent du fatalisme de la dépendance puisquil concède que le NEPAD vise à obtenir une augmentation des apports de lAPD à moyen terme. Il contient également une initiative pour laccès aux marchés notamment à travers la promotion des exportations et du secteur privé.
Enfin, cest somme toute logiquement que le NEPAD se soucie détablir un « nouveau partenariat mondial » où il est notamment question d« instaurer de nouvelles relations avec les pays industrialisés et les organisations multilatérales ». Qui dit « nouvelles relations » implique a priori une remise en cause ou une réorganisation desdites relations. Cependant, les concepteurs du NEPAD se sont empressés de préciser dès larticle 184 que les « divers partenariats entre lAfrique et les pays industrialisés dune part et les institutions multilatérales dautre part devront être maintenus », offrant ensuite une liste des partenariats en question. Sous cet angle, il semble que cet article soit au moins partiellement antithétique par rapport au titre de la section dans laquelle il sinsère.
Le voile du NEPAD levé, on va à présent tenter de réaliser une brève évaluation en sappuyant sur la littérature, dorénavant assez consistante, disponible sur le sujet. Il ne sagit pas ici de procéder dans une perspective normative, le but nétant pas de condamner ou dencenser le NEPAD mais bien de mettre en avant les éventuelles forces et faiblesses de ce document. Le fait est que si lon se réfère aux publications à prétention scientifique, une compilation du matériel disponible concernant ce plan livre une balance avec un plateau plus garni du côté « faiblesses » que du côté « forces » - un constat qui ne vaut pas par contre pour la littérature « officielle » comme on le verra par la suite -. Ce nest donc pas une position idéologiquement marquée de notre part mais bien une tentative de refléter la tendance générale des considérations académiques sur le NEPAD dont nous avons pris connaissance.
Dans un article consacré aux liens entre NEPAD et développement durable, dailleurs assez critique vis-à-vis de ce dernier, Ji Kang Kim, chercheuse au CIPS (Centre for International Political Studies de lUniversité de Pretoria), dégage néanmoins des grandes lignes de force de ce « Nouveau Partenariat » : tout dabord, elle relève le fait quil y soit formellement reconnu que lAfrique a désormais besoin de prendre son destin en main, de compter sur elle-même pour réaliser son développement et quà ces fins, le texte se concentre sur les moyens de renforcer les facultés des peuples africains à peser sur les décisions et de construire une Afrique autonome ; ensuite, elle évalue le fait que soit reconnue l'importance prégnante des priorités établies au niveau national pour mettre en place des plans de développement dans plusieurs domaines (lutte contre le HIV/SIDA, développement des technologies de la communication, accès aux marchés, etc.) comme un des principaux aspects positifs du document ; enfin, le fait que la plupart des objectifs du NEPAD soient calqués sur l'agenda des organisations multilatérales constitue potentiellement un « plus » puisque cela devrait logiquement faciliter la coopération en vue datteindre ceux-ci. Ainsi de nombreux analystes saccordent à dire que « one of NEPADs strengths is its timeliness with respect to key donors in the OECD and G8 ».
Lintérêt de cet extrait de larticle de Kim est quil offre une vision synthétique de la plupart des éléments généralement évalués comme les points forts du NEPAD qui fait lobjet de la présente étude. Et si les aspects mentionnés ci-dessus ne semblent pas se distinguer par leur caractère innovateur, Alex De Waal juge quil sagit là dun élément qui renforce le NEPAD plus quil ne le dessert : « Whats new about NEPAD ? In many respects, not much - and this is one of its strengths. Africa doesn't need new paradigms; what it needs is a proper application of lessons already learned, and a replication and broader application of existing best practices. NEPADs leaders like to say that whats new is the political will' behind the initiative ».
Cet engagement à fournir un volontarisme politique se concrétise dailleurs dans le document par les innombrables références et promesses de soumission aux impératifs de la bonne gouvernance que ce soit sur le plan politique ou économique. Et cest ici que se situe ce que la plupart des analystes décrivent comme le principal atout du NEPAD, son innovation la plus marquante, à linstar de Jephthah Gathaka et Smokin Wanjala, par exemple, pour qui « the only way in which NEPAD can be said different from other initiatives is that, for the first time, it acknowledges the fact that poor political leadership characterised by human rights violations, economic mismanagement, and corruption is the cause of the African problem », ou encore de Ross Herbert qui considère que « the aspect of NEPAD with the greatest potential to change Africas image and the dynamics of development is its promise to deliver good governance ». Il faut dire que ce dernier concept imprègne les débats actuels sur le politique en Afrique.
En effet, non seulement des auteurs comme Kempe Ronald Hope, Feng ou Tavares et Wacziarg se sont attelés récemment à démontrer lexistence dune corrélation entre pratiques démocratiques et de bonne gouvernance dune part, et ce quils désignent comme des performances économiques synonymes de développement (taux de croissance positif, hausse des revenus, libéralisation économique,...) dautre part mais plus fondamentalement, il est généralement admis, dans le sillon dAlfred Zack-Williams, que la bonne gouvernance (et plus précisément la consolidation démocratique) est une condition sine qua non du développement : « no democracy, no development ». Ce courant académique est à la fois la source et le reflet dun contexte idéologique international fortement marqué par cette idée de corrélation bonne gouvernance/développement. Dans son rapport annuel, Kofi Annan, alors Secrétaire général des Nations Unies, écrivait-il : « good governance is perhaps the single most important factor in eradicating poverty and promoting development », suivi dans cette voie par le Secrétaire exécutif de lUNECA, M. Amoako daprès qui « good governance is essential for the political and economic transformation of Africa ». Comme on le voit, lallégeance aux impératifs de la bonne gouvernance exprimée dans le NEPAD apparaissait comme inévitable à tout plan de développement digne de ce nom sous peine dobsolescence vis-à-vis de la communauté internationale. Lune des critiques les plus récurrentes adressée à lencontre du NEPAD est dêtre beaucoup trop ambitieux pour être réalisable. On a brièvement vu en effet lensemble des gageures auxquelles ce programme prétend sattaquer et il est un fait acquis que tous ses desseins ne pourront être réalisés. Un « programme trop ambitieux », cest le point de vue développé, entre autres, par léconomiste Philippe Hugon qui sinterroge dès lors sur lavenir de ce projet. Il souligne également que ce trop plein dambitions entraîne des « lacunes stratégiques » en ce que les « propositions ne sont ni hiérarchisées, ni rationalisées ». Hugon est rejoint dans ce constat par Ross Herbert qui pointe lui aussi le manque de hiérarchisation des priorités comme une des principales lacunes du plan. Ce dernier note également que lextrême diversité des défis auxquels le NEPAD ambitionne de sattaquer a souvent entraîné lutilisation dun langage vague et très général car il eut été matériellement impossible dapprofondir chaque section avec le degré de technicité requis.
Toutefois, si les prescriptions du NEPAD sont décrites comme manquant de clarté et de précision, il nen va pas de même pour certains des objectifs quil sest fixé. Ainsi, des buts chiffrés de manière stricte sont-ils énoncés comme parvenir à une croissance annuelle du PIB de plus de 7% et sy maintenir pendant les quinze prochaines années ; réduire de moitié le taux de pauvreté dici 2015 ; assurer la scolarisation élémentaire de tous les enfants dici 2015 ; etc. Face à ces vux, un qualificatif revient de façon récurrente : « irréalistes », comme sous la plume de Melber qui commente ces desseins de la manière suivante : « this would appear to be an unrealistic shopping list dictated by wishful thinking ». Dans le même ordre didées, Thomas Mosch avait été encore plus radical, qualifiant ces mêmes objectifs (alors contenus dans le MARP) de totalement irréalistes et inaccessibles. Il est vrai que dans une perspective purement pratique, et sans verser dans lafro-pessimisme pour autant, il paraît clair aujourdhui que les souhaits chiffrés exprimés dans le NEPAD sapparentent effectivement plus à des vux pieux quà des objectifs concrètement réalisables. Les rédacteurs du projet eux-mêmes reconnaissent « quà moins que ne soient prises des mesures novatrices et radicales », lAfrique ne réalisera pas ces objectifs et Henning Melber de remuer le couteau dans la plaie en relevant que, malgré ces considérations, « the document (le NEPAD) fails to spell out clearly what it considers as new and radical essentials in its approach ».
En effet, si les spécialistes consacrent les critiques les plus incisives à la nature chimérique des buts chiffrés fixés par le NEPAD, lhonnêteté intellectuelle oblige toutefois à rendre lirréalisme aux irréalistes. Car ces points de mire que tout le monde s'accorde à décrire comme inaccessibles ne sont rien dautre que lexacte réplique des objectifs fixés par les institutions de Bretton Woods (FMI, BM) dont la majeure partie fut dailleurs répercutée telle quelle par Kofi Annan dans son rapport intitulé « We The peoples : the role of the United Nations in the 21st century » avant dêtre reprise dans la déclaration du millénaire des Nations Unies. Sil est nécessaire de soulever lincongruité de certaines prétentions du NEPAD, il est indispensable den expliquer la source. Or, dans ce cas-ci on remarquera une nouvelle fois que les rédacteurs du plan ont été plus quinfluencés par des sources exogènes puisquils ont tout simplement endossé les objectifs qui leur avaient été précédemment imposés par des organismes internationaux. Quand bien même eurent-ils voulu fixer des horizons plus accessibles, ils se seraient placés en porte-à-faux avec lesdits organismes.
Ce nest donc pas une initiative africaine qui est critiquée à travers les attaques contre lextravagance des objectifs du partenariat mais bien lintériorisation par des élites africaines dun agenda inconséquent issu des institutions de Bretton Woods et de lONU.
Leffondrement des Etats consécutif à lajustement structurel a été reconnu par les institutions de Bretton Woods (IBW). Ce dautant plus quen septembre 1999, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont annoncé que la lutte contre la pauvreté allait devenir une partie intégrante des PAS. Cest suite à cette reconnaissance officielle déchec ou dinefficacité et des effets négatifs des PAS, que va émerger le problème du renforcement des capacités (Capacity building) au niveau organisationnel, de la formation et de léducation. Pour le PNUD, « le renforcement des capacités est le processus par lequel les particuliers, les organisations, les institutions et les sociétés développent leurs aptitudes (individuellement et collectivement) à exercer des fonctions, résoudre des problèmes, fixer et atteindre des objectifs
Il souligne limportance dune meilleure utilisation et lhabilitation des individus et des organisations ». Il sagit ici, de lapplication dapproches systématiques aux fins de conception de stratégies et de programmes de renforcement des capacités. Dans cette perspective, le NEPAD, structure virtuelle daffirmation de lappropriation des politiques de gouvernance, est avant tout une réponse au concept dappropriation de réformes proposé par les institutions de la communauté internationale accusées dimposer un ajustement par le « haut » largement inspiré par lextérieur.
Il réside dans lappropriation dune charge symbolique et idéologique qui amène de manière simpliste à assimiler le NEPAD comme « une nouvelle forme de consensus de Washington ». Cest pourquoi les altermondialistes attendent de ce programme quil se démarque du modèle néolibéral, qui représente « une des causes principales de lappauvrissement de lAfrique ». Ainsi, les partenaires au développement fondent alors leurs stratégies dénommées de lutte contre la pauvreté sur linstauration dun nouveau partenariat reposant sur « lappropriation » de leur développement par les pays en voie de développement (PVD) et le partage des responsabilités entre ceux-ci, les pays industrialisés et les institutions internationales. En 2000, la communauté internationale fixe huit objectifs au Millénaire pour le développement (OMD) à atteindre pour réduire la pauvreté de moitié dici 2015 et sengage à prendre en compte les besoins spéciaux de lAfrique et à soutenir ses efforts pour relever les défis du développement et partant, sortir de son sous-développement.
De plus, pour réagir face à un ensemble de critiques, les IBW ont proposé que les pays sous ajustement proposent désormais leurs propres réformes. Cest dire que lajustement des discours sur la réalité des politiques nationales est fondamentalement le rôle du nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD), qui sinspire largement du concept dappropriation des réformes, selon lequel les pays « doivent fixer eux-mêmes leurs priorités et définir leurs programmes par le biais de processus participatifs (moyen de se passer des rouages de lEtat), avec la pleine participation de la communauté internationale ». De ce point de vue, le NEPAD est lexpression palpable de lappropriation des réformes avec des évaluations initiées par les Africains eux-mêmes. Cest un schéma hémisphérique reposant sur une approche planifiée de la promotion du développement autocentré dans les pays africains.
IIème PARTIE
LENTREE DU GABON DANS LA DYNAMIQUE DU NEPAD
La coopération régionale entre pays africains est, aujourdhui, dominée par la politique du NEPAD. Ce programme intégrateur est ainsi devenu un des ensembles majeurs des relations internationales et interafricains à lère de léconomie mondiale. Cette partie aborde par conséquent lentrée du Gabon au sein du NEPAD comme un fait régional qui, sur le plan théorique, renouvelle et enrichit lanalyse du politique et de linternational en combinant réalisme interétatique, flux transnationaux et éléments éthiques et, sur le plan pratique, cest-à-dire de sa mise en uvre, véhicule toute une vision du continent et redéfinit le jeu de linfluence régionale. A lépreuve du NEPAD, le Gabon non seulement sintègre dans la dynamique continentale mais aussi tente de modifier sa position d « Etat mal dirigé » à léchelon international. Le NEPAD, comme il a déjà été indiqué dans la partie précédente, est également un cadre dexpression de la mise en uvre pratique du leadership africain. Il revient donc ici dexaminer les conditions dentrée du Gabon dans cette nouvelle dynamique selon une double hypothèse. Premièrement, elle tente de montrer quà travers la nouvelle politique régionale se joue lintégration des pays dans le concert régional des nations. Cest le cas du Gabon, dont il est question de rendre compte de linsertion au centre même de cet appareil de gouvernement.
En effet, lEtat gabonais a mobilisé un ensemble de ressources tant politiques - telle la rente charismatique accumulée par son dirigeant devenu le « doyen » grâce à sa longévité politique au pouvoir - quéconomiques, à en juger par les potentialités naturelles que regorge ce pays et dont le positionnement géostratégique en fait un espace de stabilité politique en Afrique centrale. Ce faisant, ce pays se retrouve aujourdhui au centre de la dynamique panafricaine au sein du processus décisionnel alors même quil sagit dun Etat « consommateur » ou participant qui a été coopté par les Etats « producteurs » ou initiateurs. Dans le même temps, face à la contrainte dinspection interne initiée dans le cadre du "peer review", voire même des conditionnalités des institutions financières internationales, ce pays essaie de passer en modèle dapplication des réformes de « bon gouvernement » - malgré la souffrance des dispositifs dinstitutionnalisation et linsuffisance dapplication de la démocratisation - au point dinstitutionnaliser les mécanismes du NEPAD en créant opportunément une structure institutionnelle de pouvoir, cest-à-dire un département ministériel en charge du programme africain et des réseaux informels et personnels de la cour présidentielle et dautres départements ministériels. Deuxièmement, elle analyse limplication de la diplomatie gabonaise comme lexpression dune nouvelle sociologie des relations internationales africaines dans sa dynamique concrète. Le nouveau partenariat pour le développement de lAfrique doit être perçu avant tout comme une réalité géopolitique et géostratégique, ce nest pas une donnée mais un construit de la société qui fait manifestement sens dans le contexte africain. Cest un principe de vision et de division du continent en même temps quun cadre de moralisation des comportements politiques des dirigeants qui dessine une nomenclature de positionnement déséquilibré entre les différents acteurs en jeu pour lappropriation des gains symboliques (charismatiques) et matériels (plus-value des projets intégrateurs) liés à la stature des leaders dans la région et au plan international.
Examiner linsertion de lEtat gabonais dans la nouvelle donne continentale revient à comprendre un tant soit peu la logique du politique en Afrique qui se lie dans ce renversement danalyses et de débats en science politique globalement orientés vers la recherche de luniversalisation des procédures avec les tenants de la sociologie de limportation et des conditions de la nature de lEtat dans un continent avec des pays au développement inégal et aux dynamiques internes variables. Le discours sur luniversalisation de lordre politique mondial est légion et sa recherche de lauthenticité occidentalo-centriste conduit ses auteurs à aborder les problématiques internationales dans un contexte contemporain à partir des valeurs et postures éthiques qui peuvent sappuyer sur la tradition idéale-typique de lEtat selon le modèle wébérien. Il est certes vrai que lobjectif dun idéal entre les nations est recherché dans le cadre des relations internationales, mais il est tout aussi important de nuancer ou de relativiser lanalyse en tenant compte des constructions sociales qui permettent de lire le politique dans lévolution ou les trajectoires et donc dans la mise en contexte historique. Les transformations contemporaines en Afrique mettent en jeu plusieurs acteurs. Les analyses en termes duniformisation se privent fondamentalement de lire le politique en « acte » en Afrique et ne peuvent de ce point de vue mettre en lumière les nouvelles formes dexpression du politique quil induit. Doù le recours aux approches en termes néo-institutionnels qui renvoient à appréhender les institutions comme le produit dune construction sociale dont la finalité est dictée par un compromis entre les acteurs. Elles permettent douvrir la « boîte noire » que constituent les institutions en consacrant une analyse de leurs dynamiques concrètes ou pratiques et surtout la manière dont celles-ci mettent à lépreuve le jeu et la sociologie des acteurs dans les relations internationales en Afrique.
CHAPITRE 3
LES AUTORITES GABONAISES FACE A LA CONTRAINTE DINSPECTION EXTERNE : LES ENJEUX
Il ne fait aucun doute quaujourdhui, le programme africain dunification reflète dans une large mesure le cadre dexpression du déficit de légitimité des dirigeants quant à lusage de laide publique au développement des pays africains. Laide financière des institutions internationales connaît depuis léchec des politiques dajustement structurel une crise due aux détournements des sommes allouées aux destinataires (autorités au pouvoir) et non affectées pour les objectifs retenus et à la fongibilité des finances publiques qui favorisent des malversations financières des aides affectées grâce à la corruption des processus et à lindistinction entre les domaines qui relèvent des biens privés et publics. De 1985 à 2005, vingt ans se sont écoulés depuis la première signature, entre le Gabon et les IFI de laccord instituant lajustement de léconomie gabonaise. Toutes ces initiatives vont connaître un échec. Lexemple le plus marquant est celui des privatisations des entreprises du secteur public, le cas de la Société dénergie et deau du Gabon (SEEG), qui, pourtant sous gestion privée affiche de maigres prestations en termes de gestion commerciale. Parallèlement, avec le paradigme de léconomie de marché les bailleurs de fonds démantèlent au « cas par cas » dans le contexte des économies africaines toutes les aides qui peuvent rendre possibles des distorsions sur le marché. Dans ce cadre, pour donner de la vigueur à léconomie gabonaise, la mutation structurelle de lEtat sest imposée face aux nouvelles évolutions mondiales et lémergence dun nouvel environnement régional et international.
En effet, on peut constater quà léchelle du continent les dirigeants africains tentent de concevoir pour une bonne part des stratégies susceptibles de mettre fin aux détournements et connues sous le vocable de bonne gouvernance. Dans cette perspective, ils envisagent à travers un ensemble de mesures de relancer les investissements et la croissance. Les mécanismes mis en place doivent dès lors rentrer en résonance avec les conditionnalités des IFI, ou tout au moins constituer une simulation dont la finalité stratégique est de se faire « bon élève » ou modèle dapplication pour bénéficier des faveurs des donateurs. Lapplication des réformes obéit à une logique de transformation dune contrainte dinspection externe en ressource politico-stratégique interne. Il sagit là dune tentative de conformité à la loyauté des IFI. En sattachant à appréhender les figures du pouvoir dans leur banalité, on peut se rendre compte que les hommes politiques gabonais essaient de sadapter au « temps mondial » quévoque Zaki Laïdi, en se donnant des marges de manuvre, en se posant en modèle, faisant ainsi preuve dinventivité avec des jeux tantôt desquive, de ruse, mais également de contournement. Lénonciation du politique se nourrit, en effet, de cet imaginaire particulier fondé sur la dérision et dont le résultat est laboutissement à des régimes hybrides et inédits où les dynamiques formelles et informelles sagencent pour donner sens à la durée du système. A travers ladaptation gabonaise aux réformes, les autorités de ce pays transforment les injonctions régionales et internationales en ressource politique locale. La section qui va suivre, même si elle peut ne pas paraître très originale - un travail sur les privatisations ayant été consacré au Gabon - dresse une analyse des réalisations engagées au Gabon et permet de comprendre le Gabon contemporain à partir des jeux autour desquelles sorganisent lEtat gabonais et la façon dont il réagit face aux injonctions, sadapte et participe à celles-ci dans sa mutation structurelle.
Section 1 : La tentative des réformes, la transformation dune contrainte en ressource politique
Confrontés aux échecs répétés des programmes économiques dinspiration néolibérale mis en place par les institutions financières internationales dans un ensemble de pays en voie de développement, les experts incriminent le cadre politico-institutionnel défaillant de ces pays et recommandent dagir en amont sur leur manière de gouverner. Les distorsions dordre politique sont en partie à lorigine de la plupart des problèmes économiques rencontrés en Afrique, notamment au Gabon. Le politique a bien vite été perçu comme un obstacle au bon fonctionnement des marchés, et dune manière générale à la progression du libéralisme dans ces pays. Cest ainsi quun volet « bonne gouvernance » a donc été introduit par les autorités gabonaises sur le modèle des programmes des organismes internationaux de financement. Après le doute sur les PAS en 1996, les autorités gabonaises vont sinscrire dans une logique de mimétisme international. En ce qui concerne la politique de privatisation des entreprises du secteur public, celle-ci sest inspirée du mouvement euphorique des dix-huit années de privatisation qui ont transformé le Royaume-Uni en 1979 avec larrivée de Margaret Thatcher dont les politiques sinspirent en partie du libéralisme, notamment la politique des privatisations. Ces privatisations vont à la fois changer lAngleterre et « servir de laboratoire dexpérimentation de la réussite des politiques libérales, elles vont servir de leitmotiv pour de nombreuses économies à travers le monde », et cest le cas du Gabon.
Les enjeux économiques et sociaux de la réforme
Les réformes économiques, commencées en Afrique subsaharienne au milieu des années 1980, avaient pour objectif essentiel de mieux intégrer les pays africains « à léconomie mondiale par le commerce et les flux de capitaux, pour assurer une croissance soutenue et réduire la pauvreté ». Cependant, les pays dAfrique subsaharienne ont progressivement affiché de médiocres performances sociales et économiques que les dirigeants des pays développés et les spécialistes des institutions financières internationales justifient par « les faiblesses structurelles de lAfrique subsaharienne et la rigidité des systèmes politiques et économiques dominés par lEtat ». Face aux mauvais résultats des politiques dajustement structurel initiées dans les pays dAfrique subsaharienne, la Banque mondiale et les bailleurs de fonds ont pris la résolution de réorienter leurs interventions dans les pays en voie de développement en transposant la responsabilité de léchec du modèle de développement libre-échangiste sur les dirigeants africains qualifiés dinefficaces et de corrompus.
Le débat sur linteraction entre la démocratie et léconomie de marché, et linfluence que la première exerce sur la seconde, fait aujourdhui lobjet de plusieurs réflexions parmi les nombreux acteurs du développement. Lidée maîtresse qui sous-tend ce vaste sujet traitant de la corrélation entre le bon gouvernement et le processus de développement institutionnel, postule que la transparence, la responsabilité et la participation dans la prise de décision politique ont un effet direct positif, non seulement sur le développement, mais aussi sur le climat dinvestissement des pays. Richesse et liberté étant deux éléments essentiels du bon gouvernement.
Cependant, il semble que la bonne gouvernance est perçue par les acteurs internationaux comme une simple étape nécessaire à ladaptation des économies des pays pauvres au nouvel environnement international néolibéral, dans lequel disparaît le rôle de redistribution de lEtat au profit des acteurs économiques privés. Cette recherche de la bonne gouvernance en vue de promouvoir le modèle économique libéral devient finalement un leitmotiv pour les bailleurs de fonds des pays développés qui en font une conditionnalité politique à leurs programmes daide et dinvestissements en faveur des Etats africains.
Cest dans cette perspective que lEtat gabonais a engagé un ensemble de réformes visant à assainir au mieux ses finances publiques. Et simultanément, cest pour se faire passer en modèle dapplication des réformes que le Gabon sest approprié insidieusement la conditionnalité externe pour maquiller le caractère carenciel de son mode de gouvernement. Il est question ici dexaminer les perceptions de la diplomatie gabonaise et de son appareil dEtat autour de ce nouveau programme africain qui se veut une initiative inspirée par le souci du long terme et comme un immense défi pour les acteurs étatiques. Cette analyse sarticule autour des réformes de lEtat dans le cadre de la bonne gouvernance. Selon les experts, ce sont les distorsions dordre politique qui sont à lorigine de la plupart des problèmes économiques rencontrés en Afrique, en Amérique latine et en Europe orientale. Le politique a donc bien vite été perçu comme un obstacle au bon fonctionnement des institutions. Cest ainsi quen septembre 1999, lassemblée générale du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale débouche sur une nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté, dans la foulée du sommet du G 7 de Cologne ayant lancé en juin 1999 une initiative renforcée dallègement de la dette dune quarantaine de pays pauvres considérés comme très endettés (PPTE). Avec cette nouvelle stratégie, un tournant est opéré : les termes des conditionnalités et des prêts du FMI sont modifiés. On passe des programmes dajustement structurel aux documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP) rebaptisé au Gabon document stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP).
Loriginalité des DSCRP réside dans leur intégration du concept de « bonne gouvernance » ; ils doivent être rédigés non plus par les experts du FMI et de la Banque mondiale, mais par les gouvernements des pays pauvres en collaboration avec leur « société civile », à charge pour les experts de Washington de donner ensuite leur aval. La notion de « bonne gouvernance » reconnaît désormais limportance des Etats dans lefficacité des programmes financés. Suivant la logique dAmartya Sen, lobjectif est de faire du renforcement de la démocratie un moyen et une fin du processus de développement et de placer les pays en développement « sur le siège du conducteur ». De fait, la démocratie aurait un lien de causalité avec le bien-être social. La Banque Mondiale arrive alors à définir la gouvernance comme étant la manière dont le politique « est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales dun pays ». La Banque mondiale sest ainsi départie de ses statuts lui interdisant de traiter des questions politiques, et elle a commencé à fustiger le comportement des élites politiques des pays africains dont lenrichissement avide et la corruption ont miné lefficacité de leurs Etats.
Ainsi, comme partout ailleurs en Afrique, le Gabon se voit désormais imposer non seulement des conditionnalités économiques, mais aussi des conditionnalités politiques. La démocratie pluraliste apparaît aux yeux des bailleurs de fonds étatiques et institutionnels comme une condition du développement. Lensemble de ces réformes vise à rendre plus efficace et performant son appareil bureaucratique, et ce, dans le souci de promouvoir un environnement propice à la bonne gouvernance et essentiel à laccès aux « bons offices » de la communauté des bailleurs de fonds, notamment dans loctroi des aides au développement ou dans lannulation de la dette publique.
1.1.1. Assainir les finances publiques et décentraliser les pouvoirs
La République gabonaise constitue une monographie synthétique intéressante pour illustrer la difficile intégration des pays de lAfrique subsaharienne dans la mondialisation. Le Gabon, pays relativement riche en ressources minérales est reconnu, selon plusieurs spécialistes, comme un havre de paix qui tend à jouer un rôle de plaque tournante dans le processus dintégration économique sous-régional par une mise en valeur des ressources régionales au moyen dinstitutions transfrontalières focalisées sur les trois bassins naturels dactivité économique quil partage avec ses voisins, notamment par le développement dinfrastructures rétablissant les liaisons entre les régions Nord, Est et Sud et leurs partenaires naturels au-delà de ses frontières (Cameroun, Congo-Brazzaville et Guinée Equatoriale).
Pourtant, léconomie gabonaise a connu une période de gloire avant que narrive son déclin sans précédent. En effet, entre 1960 et 1993, sa population a légèrement augmenté, passant de 800.000 à un peu plus dun million dhabitants. Les difficultés dintégration à léconomie mondiale, la désorganisation de loffre et lérosion presque continue de la demande ont entraîné le Gabon depuis les années 1970 dans une spirale négative, provoquant linformalisation de secteurs entiers, voire leur « criminalisation », jusquà ce que le pays sinstalle depuis le retour au multipartisme dans une continuité des mécanismes du système au pouvoir depuis le parti unique. Le cas gabonais doit pouvoir illustrer de manière dramatique, les effets dévastateurs de la mauvaise gouvernance sur la croissance et le développement. Le phénomène de la mondialisation fait lobjet dun débat théorique très controversé et se présente comme « le prolongement des divisions philosophiques traditionnelles en matière de systèmes socio-économiques » que sont le libéralisme, le conservatisme et le marxisme. Les tenants du libéralisme économique ont toujours soutenu que la mondialisation « serait lexpression même de la modernité, notamment en ce quelle marquerait la victoire des forces du marché enfin libérées au moins partiellement des entraves nocives mises en place pendant un demi-siècle autour de lEtat ». Ce qui conduit les gouvernants à faire reculer les frontières de lEtat afin de céder la place à une véritable économie de marché, qui encourage les opérations économiques, favorise le profit et libère les énergies créatrices.
De fait, la politique gouvernementale dassainissement des finances publiques sinscrit dans la perspective dinsertion de lEtat dans le concert des nations. Et avec léconomie mondialisée, ces réformes se résument essentiellement à lintégration des stratégies de lutte contre lenrichissement illicite, la corruption et la pauvreté. Aujourdhui plus que par le passé, les mutations institutionnelles et politiques nées de la réflexion décisive des bailleurs de fonds sur la gouvernance démocratique comme conditionnalité politique, ont conduit lEtat gabonais à entreprendre un ensemble de réformes au sein de son système bureaucratique. « La réforme est devenue lune des principales ambitions dun Etat qui en fait la proclamation (
) au point quun département ministériel (la Fonction publique) sest vu confier, dans son intitulé même, la Réforme administrative et la modernisation de lEtat ».
Le sens de la réforme renvoie à la transformation de lEtat afin de le rendre efficace, de remettre en marche lascenseur social, de soutenir et de protéger les plus faibles et les plus défavorisés. Cest dire que lintroduction de la gouvernance - depuis les mesures de privatisation sans conviction ni stratégie comme le modèle anglais - dans lagenda politique gabonais nest pas fortuite. Elle est étroitement liée aux phénomènes politiques qui marquent le début du renouveau démocratique.
Toutefois, lengouement de cette ambition modernisatrice sest accentué plus récemment encore, en ce début de millénaire, avec la prolifération de conditionnalités dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique. Tout dabord, au Gabon, le système de redistribution de lEtat patrimonial mis à mal par les programmes dajustement structurel, ainsi que par leurs conséquences socio-économiques de ces dernières années, avait nourri des contestations politiques et des revendications populaires. Cest ainsi que le Gabon a amorcé la transition politique afin de répondre aux revendications damoindrissement du contrôle étatique sur les activités politiques. De plus, la légitimité du système de décision sest érodée. Car, dans la tripartition citoyen-Etat-administration, laction publique a du mal à trouver une certaine lisibilité et à produire les résultats attendus. Ce déficit de crédibilité sera aggravé par le développement des initiatives locales.
En effet, lambition modernisatrice est donc à situer dans la volonté de changer les modes dorganisation tant administrative que territoriale de lEtat. Elle naît du constat dun mauvais fonctionnement de lEtat caractérisé par un contrôle de son administration mal organisée, mais aussi de son rapport au territoire trop dominé par le triomphe du dogme centralisateur issu dun nationalisme jacobin hérité de lEtat colonial et des années de monolithisme politique. Ladministration gabonaise présente un certain nombre de déficiences qui devraient disparaître pour permettre aux pouvoirs publics de disposer dune infrastructure administrative efficace, de qualité, performante et capable daméliorer constamment le niveau et la qualité des services rendus au public. Cest pourquoi, depuis quelques années, les réformes de lappareil bureaucratique gabonais polarisent lactualité et participent de lensemble des débats au sein de la classe politique.
Ressenties comme une nécessité incontournable, les réformes de ladministration publique ont amené le gouvernement gabonais à envisager depuis 1999 des actions devant permettre un assainissement des finances publiques et une gestion plus saine des ressources de lEtat. Pour ce faire, ce gouvernement a initié les audits de la dette intérieure de lEtat. Une commission technique denquête supervisée par le ministère des finances et confiée à des cabinets nationaux et internationaux a été créée. Les experts de ladite commission avaient pour mission de rendre publiquement compte des différentes réalisations. En 2000, les initiateurs seront officiellement informés de la gabegie financière orchestrée par certaines entreprises avec la « bénédiction » de hautes personnalités de lélite dirigeante. Là encore, bien malheureusement, la population ne sera pas informée puisque ces résultats nont jamais fait lobjet dune publication au quotidien national LUnion Plus. Et cest souvent le cas au Gabon. Leffort de transparence et de bonne gouvernance déployé par les gouvernants sur des questions dimportance majeure, tarde à se mettre en place lorsquil sagit de décliner les effets induits des mesures dassainissement des finances publiques. Doù les fortes interrogations, les doutes qui pèsent sur leur pertinence et leur impact. Ceci est dautant plus vrai que nombreux sont ceux qui sinterrogent encore aujourdhui sur les économies générées par exemple par la diminution conséquente des frais de communications téléphoniques au sein des administrations, les fonds de souveraineté, les fonds politiques et autres mesures imposées pour sortir ce pays du marasme économique et financier.
Par ailleurs, sest posé le problème du recensement des agents de lEtat ou de ce quon a appelé les fonctionnaires fantômes. Quil sagisse de cette opération ou de celle qui a suivi, et relative à la réduction du train de vie de lEtat - au caractère hypertrophié - par la suppression de certains postes politiques fantaisistes de consolation ou de « garage », du cumul des fonctions et de la baisse du nombre des membres du gouvernement. En dépit de toutes ces mesures, les résultats naboutissent presque jamais.
Toutefois, la réduction du nombre de conseillers par administration au sein de lappareil de lEtat a été rendue possible depuis peu à la faveur des dernières nominations intervenues dans certains départements ministériels. Cest dire que les actes administratifs posés par certains ministres en appliquant à la lettre les termes du décret présidentiel initié dans ce vaste programme dassainissement des finances publiques, témoignent que la bureaucratie gabonaise était inutilement pléthorique à ce niveau de la hiérarchie administrative et truffée de hauts fonctionnaires avides de pouvoir ou encore sous-employés et toujours absents des lieux de travail dans leurs administrations respectives : doù lexpression bien formulée de « fonctionnaires fantômes ».
Par ailleurs, au nombre des mesures, le désengagement de lEtat sest traduit notamment par ladoption depuis février 1996 dune loi - cadre n° 1/96 relative à la privatisation, loi qui encadre lensemble du processus afin de lui garantir la transparence voulue pour atteindre les résultats escomptés. Dans cette perspective, des mesures de privatisation des principales entreprises gabonaises ont été engagées dès 1996, du fait des succès vulgarisés par le Royaume Uni, mais sans conviction. Il sagissait pour le Gabon, à limage de la Grande Bretagne, de sortir du marasme économique afin de retrouver le chemin du développement. Des opérations de grande envergure ont concerné les secteurs de leau et de lélectricité, des transports, des postes et télécommunications, de lindustrie et du commerce et se sont déroulées avec succès. Ainsi, la société concessionnaire de la production et de la distribution de leau et de lélectricité la Société dénergie et deau du Gabon (SEEG) a été reprise par le groupe français Vivendi ; la mise en concession du chemin de fer de lOctra sest faite au bénéfice dun consortium forestier et minier le « Transgabonais » ; la privatisation et la libéralisation du secteur des postes et télécommunications vont bon train et arrivent à leur terme ; lOffice des postes et télécommunications (OPT) a été scindé en deux entités autonomes nouvelles Gabon Postes et Gabon Télécoms et la téléphonie mobile privée est en pleine expansion autour de trois concurrents principaux : Libertis Gabon, Celtel Gabon et Telecel Gabon renommé désormais « moove no limit ».
La privatisation des principales entreprises industrielles et commerciales est également presque achevée. Les « Ciments du Gabon » ont été repris par le groupe norvégien « Scancem International ». La société sucrière du Haut-Ogooué (Sosuho), la Compagnie forestière du Gabon (CFG), la Ceca-Gadis et Agro-Gabon ont été également privatisées. Cependant, le dénominateur commun de toutes ces réformes apparemment conscientes, est de ne pas atteindre généralement les buts recherchés. Pire encore, les résultats sont scandaleux. Ainsi, au lieu datténuer les situations danomies, lourdeurs et dysfonctionnements de tous genres, elles tendent au contraire à devenir elles-mêmes insupportables, voire même un poids supplémentaire, qui sajoute aux différentes dérives à corriger.
En effet, cette situation commune à la majorité des pays africains semble être liée à un caractère ingouvernable, irréformable ou à lincapacité de ceux-ci à diriger leurs entités complexes, à en juger par la carence ou la souffrance des dispositifs de gouvernement qui renvoie à la faiblesse de travail politique des gouvernants, cest-à-dire le fait dagir avec une finalité sans résultat, sans conviction ni stratégie. Le gouvernement se rapporte « à la règle de la loi efficace, la responsabilité, la participation publique et la transparence dans la gestion de la chose publique ». Limportance des cadres institutionnels sains pour la croissance économique est bien la norme de toute capacité à gouverner en raison de la gêne occasionné par le « gouvernement pauvre » qui empêche léclosion de linvestissement, de lesprit dentreprise et toute innovation à valeur ajoutée qualitative.
Cette analyse est soutenue par Dalmazzo et de Blasio qui affirment dans leur étude économétrique que linvestissement est le canal central par lequel la corruption et autres facteurs entravant les dispositifs institutionnels empêchent la croissance économique. Les bonnes structures de gouvernement sont une nécessité cruciale pour le succès de la réforme économique dans tout pays. Ce qui est particulièrement difficile dans les pays en développement parce quils nexistent pas de cadres institutionnels dans lesquels sexercerait un examen minutieux des choix politiques formulés selon les règles de concurrence entre lEtat et la société.
Cet ensemble de réformes a conduit le gouvernement gabonais, engagé récemment dans la logique du développement comme tous les Etats membres du NEPAD, à mettre en place un ensemble de dispositifs constitutionnels puisque désormais les pratiques des gouvernements vont être évaluées par une sorte dagence supranationale de contrôle mutuel instituée par les pairs. Sur le plan économique, le NEPAD entend promouvoir des programmes concrets, assortis dun échéancier, visant à améliorer la qualité de la gestion économique et des finances publiques. Le texte du NEPAD conditionne le respect des objectifs de bonne gouvernance au renforcement du cadre politique et administratif des pays participants. Ce projet ne peut être réalisé sans lamélioration des capacités de gestion. La consolidation des capacités passe donc par ladoption dune série de réformes institutionnelles. Celles-ci devraient viser le renforcement du contrôle parlementaire, la lutte contre la corruption et la réforme de la fonction publique et de ladministration.
En réalité, au Gabon, lanalyse des résultats des réformes montrait que la corruption publique est devenue un élément de régulation de laction publique et en même temps un terreau fertile à lémergence dune pauvreté galopante.
Le Bilan commun fait ressortir pour le Gabon un niveau de PIB par habitant relativement élevé, de lordre de 4575 dollars US en 2005. Ce qui en fait un pays à revenu intermédiaire (PRI). Mais ces indicateurs sociaux, macro-économiques et politiques sont dun niveau modeste et se rapprochent parfois de ceux des pays pauvres. Aujourdhui, le développement humain est dun niveau moyen avec un IDH de 0,617 en progression depuis 1960. La différence entre le PIB et lIDH se réduit depuis 2000, mais reste encore largement négative. Elle indique que le potentiel économique du Gabon ne contribue pas à améliorer de façon significative les conditions de vie des populations. La lutte contre la pauvreté semble cependant figurer aujourdhui dans lagenda des grandes préoccupations du gouvernement gabonais. Les institutions supranationales retiennent la lutte contre la pauvreté comme un objectif principal visant à mettre en uvre des actions prioritaires dans les domaines de la gouvernance.
La lutte contre la pauvreté en tant que donnée essentielle nouvelle et immédiate de la bonne gouvernance nécessite que soient renforcées les capacités à gouverner, notamment le système de gestion du développement, la réforme administrative, etc. Cest donc dans ces conditions et prenant en compte lengagement de la revue par les pairs, que des réformes visant à assouplir les règles de laction collective, cest-à-dire les moyens de bien gérer ou de gérer de façon optimale par la lutte contre le laxisme, le détournement et la corruption, ont été mises en place. A cette fin, ces mécanismes devraient permettre déviter les maux qui ont été décelés par les audits de lEtat et qui sont de deux ordres, à savoir : les détournements de crédits, matériels et biens dutilité publique et les commissions sur marchés. Dans ce cadre, plusieurs instruments de régulation ont été adoptés en République gabonaise, à savoir la loi organique n° 2/2003 du 2 juin 2003 portant création, organisation et fonctionnement de la commission nationale de la lutte contre lenrichissement illicite et les mécanismes de lutte contre la corruption. Il sagit, ce faisant, et de lavis général, de permettre à lEtat de prévenir et de constater des faits denrichissement illicite. Lobjet de cette loi, tel quénoncé dans son article 2, est de procéder à la moralisation des murs politico-administratives et financières afin de pouvoir réprimer et exproprier tous ceux qui ont été ou qui sont responsables des détournements des fonds publics et des biens mal acquis sur le dos de la majorité des Gabonais.
Depuis les années 1980, les principaux bailleurs de fonds de la République gabonaise ont connaissance des pratiques frauduleuses des plus hauts dirigeants de ce pays et du risque quils encourent en continuant à prêter au pouvoir autocratique en place. Malgré les nombreux avertissements dont celui rendu public dans un rapport de Transparency international en collaboration avec le personnel dirigeant de ce qui reste de lopposition gabonaise, les pays occidentaux poursuivent sans discontinuité leur politique de prêt. Ce qui fait dire à certains observateurs que les bailleurs de fonds trouvent au Gabon un bénéfice personnel ou partisan, par le fait que le système de corruption mis en place par les élites politiques gabonaises nécessite une ingénierie financière qui ne peut fonctionner sans lassistance technique des puissances financières internationales. Et pourtant, le fondement doctrinal relatif à la bonne gouvernance se trouve résumé dans le rapport de la Banque mondiale qui soutient que « les causes profondes de la faiblesse de la performance passée sont à rechercher, entre autres, dans la carence des institutions. Linitiative du secteur privé et les mécanismes du marché sont importants, mais ils doivent aller de pair avec une bonne administration comptable de ses actes (...). Ce qui revient à dire quun meilleur gouvernement exige un renouveau politique, ce qui signifie une lutte implacable contre la corruption à tous les niveaux. Il faut pour cela donner lexemple en renforçant la responsabilisation, en encourageant un débat public et ouvert, et en soutenant une presse libre ». Le rapport poursuit : « la longue liste des problèmes de développement des pays africains dénote une crise du pouvoir, le pouvoir étant entendu ici comme le pouvoir politique de diriger les affaires dune nation.
En effet, faute dun secteur privé suffisamment influent pour mettre un frein à leurs excès, les serviteurs de lEtat (...) se sont dabord servis eux-mêmes sans crainte dêtre inquiétés. Les simples particuliers ont réagi en se protégeant par des réseaux de relations personnelles plutôt quen mettant lEtat tout puissant devant la responsabilité de ses échecs. Il en résulte une personnalisation de la vie politique qui contraint les politiciens à cultiver une clientèle sils veulent rester au pouvoir. Les dirigeants sarrogent de vastes pouvoirs discrétionnaires et nont cure de légitimité (...). Dans le pire des cas, lEtat verse dans la tyrannie et larbitraire ». Quoique la Banque mondiale ait clairement affirmé que « la forme du régime politique ne relevait pas de son mandat », plusieurs pays occidentaux dont les Etats-Unis, La France, les Pays-Bas, lAllemagne, la Suisse et le Royaume-Uni, ajoutent à la nouvelle doctrine sur la gouvernance une dimension plus spécifique. Ils en ont fait une conditionnalité politique dans leurs relations avec les pays africains, notamment dans loctroi de laide au développement.
Cependant, malgré cette nouvelle approche, on constate que la Banque Mondiale est restée dans la logique du consensus de Washington, élaboré dans le contexte et suivant lidéologie du libéralisme, et par lequel la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International ont reçu des créanciers le pouvoir de gérer leurs intérêts vis-à-vis des pays pauvres surendettés. La logique du paradigme de Washington qui « proclame la suprématie du marché dans lallocation des ressources, de favoriser les échanges privés seuls créateurs de richesses, et de supprimer toute intervention en limitant le rôle de lEtat », domine toujours les relations entre les institutions financières internationales et les pays africains. Il semble que la nouvelle approche de la Banque Mondiale relative à la bonne gouvernance ne cherche quà définir suivant ses propres intérêts et ceux de ses protégés, le rôle qui devrait être dévolu à lEtat africain. Le concept de bonne gouvernance ne sert finalement quà « promouvoir une forme de société susceptible de sinsérer dans léconomie mondiale, cest-à-dire une société qui laisse la part belle aux acteurs privés, même si cela doit se traduire par une dégradation des conditions sociales de certains groupes défavorisés ».
Les mécanismes de lutte contre la corruption, visent la passation des marchés publics, le contrôle de laction de lexécutif et la répression des contrevenants. Ils définissent la corruption comme laction dinciter les agents publics à concéder des avantages à des tiers pour tirer profit dactes ou de situations données moyennant contrepartie. Sagissant de la passation des marchés publics, il faut noter que lopacité observée au niveau de lattribution des marchés publics dans les administrations et labsence de contrôle à ce niveau favorisent les coûts prohibitifs des marchés publics traités généralement de gré à gré. Cette procédure moins lisible est le terrain de prédilection des fossoyeurs de la République par le versement des commissions qui génèrent des surfacturations, à lorigine dun surcoût des investissements qui, à leur tour augmentent le service de la dette. De même, cette procédure a contribué au détournement des deniers publics et à lapparition « déléphants blancs » caractérisés par le non-achèvement des infrastructures.
Cest dire que les mécanismes mis en place par le gouvernement témoignent dune volonté banale darrimer le principe névralgique de la bonne gouvernance comme condition du développement. En effet, quatre décennies de « Bongocrature » et trente-deux années de parti unique, suivies par un peu plus dune décennie de gestion dune transition bloquée entre les élites politiques autour dune « démocratie conviviale bâtarde », ont plongé le Gabon dans une crise économique, sociale, politique et humanitaire souvent étouffée par une paix larvée autour des discours politiques de lillusion de la propagande officielle. Une grande partie de léchec économique du Gabon peut être attribuée à la mauvaise gouvernance et à la corruption des processus dans la classe politico-administrative de ce pays aux importantes richesses minières.
Louvrage de Douglas Yates sur « lEtat rentier gabonais » fournit une excellente base pour analyser les pratiques de gouvernance en République gabonaise. Dentrée de jeu, lauteur affirme que le processus de mauvaise gestion de lEtat au Gabon, deffondrement de son économie et de paupérisation de ses populations amorcé sous le règne du Président Bongo et du « clan des Gabonais », sest accéléré au fil des ans au point où lon était tenté de considérer ce pays comme une excroissance de lEtat français.
Le principal problème du Gabon cest que le tissu économique est quasiment monopolisé par la France et comme le dit D. Yates après avoir remarqué cette situation, lindépendance de lEtat gabonais nexisterait que sur le plan formel par linscription du Gabon comme membre de lONU. Au-delà de toute la littérature qui est développée dans cet ouvrage et qui peut renseigner sur lincapacité de lEtat à diriger, aussi bien sur le plan politique, social, culturel quéconomique, nous avons trouvé utile de mettre en évidence un aspect extrêmement important qui cadre avec notre hypothèse sur limpossibilité de la démocratie et la souffrance des dispositifs dinstitutionnalisation.
Cette situation est dautant plus vraie lorsquon regarde de près linteraction entre le gouvernement gabonais et la Banque mondiale qui sest dévoilée dans un processus de privatisation anarchique et opaque dans plusieurs secteurs économiques de lEtat. A titre dexemple, il a été noté quau cours de la dernière décennie, les principales sociétés du Gabon ont été la cible defforts de réformes intensifs, pour lesquels ce pays a reçu une ample assistance de la Banque mondiale depuis 2000. Ces sociétés à lexemple de la Société dénergie et deau du Gabon (SEEG), de Gabon Télécom, de la Société nationale des bois du Gabon (SNBG) ou de lOffice de chemins de fer Transgabonais (Octra), sont désormais liées à dinnombrables contrats avec des partenaires privés, souvent douteux, qui ne contribuent pas au Trésor national mais à des réseaux personnels et informels. Malgré la supervision de la politique minière du gouvernement gabonais, les IFI ferment les yeux devant la mauvaise gouvernance, se préoccupant seulement des rentrées et retombées financières dans le règlement et le paiement de la dette extérieure.
Lhistoire du Gabon, comme celle des tous les autres pays de lAfrique subsaharienne, est faite de cette duplicité des Etats du Nord à donner lillusion dune volonté sincère de vouloir aider le pays à sortir du sous-développement. Lintention manifestée et les actions menées semblent être de bonne foi et à but humanitaire. Cest là quest lié le risque derreur, car dans les relations entre nations, il ny a que les intérêts qui comptent. Cette batterie de mesures mises en uvre par le gouvernement gabonais concernant lassainissement des finances publiques sétend particulièrement à lémergence des nouveaux pouvoirs locaux et au contrôle parlementaire de lexécution budgétaire. Limpunité des actes répréhensibles na que trop perduré. Le manque de culture de la sanction suscite assurément lincompréhension du bien-fondé des mesures prises par le passé. Ce nest quà ce prix que le Gabon pourra respecter ces engagements auprès du NEPAD et remplir les critères de la bonne gouvernance. Aujourdhui, il ne fait pas de doute, que « les sociétés modernes seraient devenues ingouvernables du fait de la différenciation et de lautonomisation de plus en plus poussée de sous-systèmes dans la société, et de la prolifération de réseaux de toutes sortes, les uns et les autres étant capables de résister aux injonctions de lEtat ».
En effet, si la bonne gouvernance sentend par la gestion claire et transparente de la chose publique et des deniers publics au niveau de lEtat central, des institutions constitutionnelles, des collectivités locales et des sociétés publiques et parapubliques, il y a lieu de sassurer que, dans la pratique quotidienne, lEtat gabonais se donne les moyens dune bonne gouvernance. Car le texte du NEPAD conditionne le respect des objectifs de bonne gouvernance au renforcement du cadre politique et administratif des pays participants. La consolidation des capacités passe aussi par ladoption dune série de réformes institutionnelles. Celles-ci devraient viser le renforcement du contrôle parlementaire, la promotion de la démocratie directe et participative, une lutte contre la corruption et la réforme de la fonction publique et de ladministration. Cest dans ce sens quil faut percevoir lémergence des réformes de décentralisation et de contrôle parlementaire engagées depuis quelques années et sinscrivant dans un environnement politique et économique radicalement nouveau, tant à lintérieur quà lextérieur de lEtat gabonais.
Les politiques de décentralisation sont concomitantes dans le temps et dans lespace avec la déqualification des régimes autoritaires anciens et la crise de lEtat-providence en Afrique subsaharienne. Dans cette perspective, la décentralisation est perçue comme un des axes de la reconstruction constitutionnelle des Etats africains et comme la solution politique aux problèmes inhérents à la nature de lEtat postcolonial autoritaire : déficit de légitimité, lourdeur bureaucratique, dirigisme économique, mauvaise gouvernance, etc. Ces réformes ont pour but de conjurer la mauvaise gouvernance qui gangrène les administrations gabonaises. Elles constituent un passage obligé du gouvernement à la gouvernance, de façon à rendre plus consciencieux et performants les agents publics mus par lintérêt général.
Cest dans ce cadre qua été adoptée la loi organique n° 15/96 du 6 juin 1996 relative à la décentralisation en République gabonaise. Cette loi définit la décentralisation comme « le transfert des compétences et des moyens de lEtat à une collectivité locale placée sous sa tutelle ». Dans ces conditions, la décentralisation des pouvoirs exécutifs suppose le transfert effectif des pouvoirs de compétences, de moyens et de ressources de lEtat central aux collectivités locales en tant quentités territoriales autonomes et donc décentralisées. Cette loi na pas permis de résoudre les problèmes divers comme ceux liés aux ressources propres et aux ressources extraordinaires des collectivités locales, des rôles respectifs de lEtat et de ces dernières. Ainsi, lEtat « détermine la conduite de la politique générale de la nation, assure la préservation des grands équilibres économiques, sociaux et culturels et veille au fonctionnement régulier des institutions républicaines », alors que les collectivités locales « règlent par leurs délibérations les matières de leurs compétences et concourent avec lEtat au développement économique, culturel, scientifique et sanitaire, à ladministration et à laménagement du territoire, à la protection de lenvironnement et à lamélioration du cadre de vie ».
Il sagit pour le processus de décentralisation engagé, ce faisant, de permettre aux citoyens de participer aux décisions des communautés de base par le renforcement des structures de concertation au niveau provincial et en assurant leur participation aux mécanismes décisionnels au niveau local. Le programme rural décentralisé actuellement en cours délaboration sinscrit tout à fait dans ce cadre. Cependant, cette ambition noble na pas encore abouti à cause des résistances des administrations centrales et de leurs réticences à relâcher les mécanismes de redistribution et les compétences qui sont elles-mêmes réciproquement méconnues par les acteurs. Cette situation engendre les conflits de compétences entre les autorités municipales et certains ministères, conflits liés généralement à une méconnaissance des compétences (les blocs de compétences semblent mal définis et les financements ne suivent pas), mais aussi à un mauvais découpage de la carte administrative dont les frontières urbaines sont poreuses entre elles. Aujourdhui, la décentralisation fait lobjet dune instrumentalisation politico-politicienne, aucune étape décisive de la décentralisation na été mise en acte et le processus reste inachevé alors quavec tous les défis à relever dans le cadre de la bonne gouvernance, celle-ci gagnerait beaucoup plus à servir de solution institutionnelle à lharmonisation du développement économique, social et culturel afin de mettre un terme aux questions liées à lhypercentralisation de ladministration publique et aux disparités intra et inter-régionales au Gabon. Ce qui permettrait aux communautés de base de gérer leurs propres affaires en facilitant le contact entre les autorités centrales et les autorités locales. Le sens originel de la décentralisation est tout dabord de permettre de mieux répondre aux préoccupations du Gabon den « bas » tout en rendant le processus de développement endogène.
Outre les mesures décentralisatrices, le parlement gabonais a initié le 28 mai 2003 les questions du parlement à lexécutif, un moyen de contrôle de laction du gouvernement qui a suscité de gros espoirs chez les populations en quête dinformations, surtout que cette séance publique est retransmise en direct sur lensemble du réseau national de radio et télévision. Ce même parlement a mis en place une commission de suivi de lexécution des lois de finances et une commission de suivi de lapplication des lois. Cest dire que la bonne gouvernance, en tant que principale exigence du NEPAD, nécessite la capacité des Etats africains à pouvoir mobiliser, sécuriser et gérer de façon optimale les ressources humaines, financières et autres, nécessaires à assurer le développement. Au regard de cette situation au plan national, les parlementaires gabonais entendent agir. « Les élus du peuple ont des voix qui portent très loin et en cette qualité, ils peuvent promouvoir la paix, la sécurité et contribuer grandement à la consolidation et à la promotion de la bonne gouvernance à travers leur mission de contrôle de laction du gouvernement ».
Cette modernisation de lEtat sinscrit dans le contexte des changements des années 1990 au moment où émerge la notion de "gouvernance" dans le monde anglo-américain, alimantant les débats intellectuels et universitaires avec lidée de "gouvernance moderne" ou de "gouvernance démocratique". La modernisation est donc à situer dans la quête permanente dun meilleur système de gestion des ressources humaines et naturelles. Dans cette perspective, la décision, au lieu dêtre la propriété et le pouvoir de quelquun ou dun groupe, doit plutôt résulter dune négociation permanente entre les acteurs sociaux constitués en partenaires dun vaste jeu, le terrain de jeu pouvant être une entreprise, un Etat, une organisation, un problème à résoudre. A ce titre, elle est un processus dorganisation et dadministration des sociétés humaines dans le respect et lépanouissement des diversités. Ainsi, la modernisation de lappareil dEtat peut renvoyer à la la façon dont le pouvoir doit être exercé dans la gestion pour le développement des ressources économiques et sociales. Cette manière de gouverner va avoir deux dimensions distinctes mais étroitement liées : lune est politique et a trait à lengagement dans la bonne gouvernance et lautre est technique et en rapport avec les problèmes defficience et de management public. La réforme de lEtat nest bonne que lorsquelle allie les principes de la gouvernance démocratique avec ceux de bonne gestion technocratique des ressources économiques, financières et naturelles. Il sagit là des normes éthiques qui constituent la nouvelle pierre angulaire de luniversalisation de lesprit démocratique. Désormais, lamélioration de lefficacité de production et de gestion va se définir comme lexercice de lautorité politique, économique et administrative pour une gestion efficace à tous les niveaux des affaires du pays. Elle va recouvrir les mécanismes, les processus et institutions au travers desquels les individus et les groupes vont articuler leurs intérêts, médiatiser leurs différences et exercer leurs droits et obligations légales.
En effet, ses points dentrée consistent de manière globale en la réforme de lEtat autour de la déconcentration et décentralisation, de la lutte implacable contre la corruption, de lémergence dune démocratie libérale, participative et multipartite, du renforcement de lEtat de droit (respect des droits de l'homme, indépendance de la justice, liberté d'expression...).
Dès lors, seul dans ce contexte, le "bon gouvernement" est en mesure dinstaurer un Etat idéal, catalyseur des transformations du secteur privé et de la société civile, promoteur de la création des richesses et défenseur de la justice sociale et de lintérêt général. Seul dans ce cadre, en insistant sur la nécessité de libéraliser la vie politique et économique, il va soutenir le développement, car cest fondamentalement un puissant stimulus du développement au sens où il va fournir un cadre favorable à la croissance économique du pays. Seul dans ce contexte, le "bon gouvernement", efficace, non autocratique ni corrompu ou kleptocrate serait susceptible doffrir des services de qualité, de gérer les problèmes réels de la société gabonaise (emploi, bien-être, Etat de droit, démocratie libérale et participative, justice sociale, partage des pouvoirs, harmonie sociale entre les différentes ethnies, intégration du pays à léconomie régionale ou mondiale...). Seul dans ce cadre, la logique de rente et de lEtat patrimonial qui conduit à lenrichissement illicite des "Big men et women" et aux détournements des deniers de lEtat, serait progressivement annihilée. De même, les crises didentité, de légitimité, de pénétration, de participation, de distribution et les conflits ethniques latents seraient progressivement éliminés. Somme toute, la hiérarchisation des réformes (démocratie libérale, participative et multipartite, émergence d'une véritable société civile, renforcement de l'Etat de droit, lutte contre la corruption, décentralisation et déconcentration...) à entreprendre repose sur lidée que seul un gouvernement ayant ces caractéristiques est en mesure de diriger véritablement le Gabon suivant une vision consensuelle.
La réforme de lEtat gabonais à travers la décentralisation et la déconcentration devrait permettre dinstaurer un Etat plus proche des citoyens. Ce faisant, une vraie réforme de lEtat devrait conduire à une plus grande décentralisation et déconcentration de ce dernier. Elle simpose au Gabon. Ladoption dune loi sur la décentralisation aurait dû consister à un vrai transférer des pouvoirs et des moyens préalablement définis par le législateur aux collectivités locales en vertu du principe de libre administration. De cette décentralisation de lEtat, les ambitions poursuivies sont la promotion de lefficacité, de la responsabilité, de lautonomie de gestion et le développement harmonieux des collectivités locales. Par ces aspects positifs, elle va insuffler au Gabon une démocratie dynamique et participative. La déconcentration consisterait à transférer lexercice du pouvoir des autorités centrales de lEtat vers dautres autorités centrales qui demeurent, hiérarchiquement, à des échelons inférieurs, traduisant une vraie redistribution des pouvoirs au sein de lEtat. Elle va permettre un transfert des attributions au profit des services territoriaux (extérieurs) de ladministration de lEtat. Elle permet à lEtat de conserver, par le biais du pouvoir hiérarchique, ses compétences tout en évitant un engorgement des instances centrales de décision. Les principales autorités territoriales bénéficiaires de ce transfert de pouvoir devront être le préfet et les services déconcentrés (extérieurs) avec soumission de ces derniers au représentant local de lEtat (préfet).
La déconcentration de lEtat à mettre en uvre au Gabon devrait consister en un transfert effectif des pouvoirs des administrations centrales vers les services extérieurs mais, ces derniers ainsi que les mairies seraient contraints de rendre compte de leurs actes au préfet de région (département) et lui seraient subordonnés. Elle devra essentiellement viser deux objectifs à savoir dune part, une plus grande compétence et modernisation des services publics déconcentrés et de lautre, le renforcement du pouvoir du préfet. Dans le cadre du premier objectif, les grands axes seront de développer les responsabilités des services publics déconcentrés, dintroduire les procédures dévaluation des politiques publiques et daméliorer laccueil et le service vis-à-vis des usagers. Cette politique va permettre aux unités administratives (services déconcentrés, directions extérieures, préfectures...) de se fixer des objectifs propres et de planifier le déroulement de lopération y compris sur le plan financier.
Ainsi, érigées en véritables centres de responsabilité, à linstar des cercles de qualité dans les entreprises privées, ces unités administratives extérieures vont jouir dune certaine autonomie de gestion et établir leur propre budget. Leurs règles de fonctionnement seraient déterminées par voie de convention entre le ministère de rattachement (tutelle), le ministère de la fonction publique et celui de léconomie et des finances. Dans le cadre du second objectif, le préfet de région (département) devra désormais être chargé de mettre en uvre les politiques nationales concernant le développement économique et social et laménagement du territoire. Il aura, dans ces domaines, un pouvoir de direction sur les maires et les chefs des services déconcentrés. Ces derniers prendront des décisions conformes à ses orientations et lui en rendre compte. En cas, par exemple, de conflit de compétences entre lEtat et les collectivités territoriales dans un même échelon géographique, il sera lélément unificateur permettant de mieux coordonner (articuler) ladministration de lEtat et des exécutifs locaux dans un objectif de cohérence de laction publique. Ce sera désormais au préfet quil reviendra de fédérer les multiples services déconcentrés et en cela, cette déconcentration renforcera son pouvoir selon une logique plus fonctionnelle quhiérarchique.
Toutefois, pour réussir, cette déconcentration de lEtat doit saccompagner dune déconcentration financière et de celle de gestion des ressources humaines. La déconcentration financière va consister en la répartition, par chaque ministère, des lignes budgétaires dinvestissements et de fonctionnement entre leurs différents services extérieurs. Ces derniers devront recevoir, chacun, de leur ministère de tutelle et à chaque nouvel exercice budgétaire, une enveloppe globale qui prendra en compte leurs besoins de fonctionnement et dinvestissements. La déconcentration de la gestion des ressources humaines doit obéir à une logique, celle de permettre aux responsables locaux de gérer directement lensemble du déroulement de la carrière de leur personnel. Ainsi, ces derniers auraient désormais le pouvoir de décider et dorganiser, au niveau local, la politique de recrutement, de gestion et de formation des ressources humaines.
Par ailleurs, les changements techniques à y mettre en uvre doivent conduire à la réforme dune fonction publique dont la taille, les qualifications, les motivations, le comportement et le sens de responsabilité lui permettront de fournir un service public de qualité et de remplir, de manière optimale, les fonctions de lEtat. Pour parvenir à une telle fonction publique responsable, transparente, honnête, efficace et légaliste, ces réformes doivent porter sur une meilleure gestion des profils de carrière des agents de lEtat, la formation continue des fonctionnaires, linstauration dune politique de développement des responsabilités et dévaluation des politiques publiques, la mise en place dune nouvelle politique (grille) salariale et la lutte contre la corruption. Dans le cadre de la nouvelle politique salariale, une nouvelle grille salariale, qui serait fonction du capital humain, de la productivité et de lexpérience de chacun, devra être concrétisée dans le cadre des conventions collectives. Seule lapplication dune telle grille salariale devrait redonner une importance et reconnaissance à léducation (formation) ou aux qualifications et permettre à lEtat de faire des économies substantielles de masse salariale par la réduction drastique des salaires et autres traitements faramineux observés çà et là sans réelle contrepartie productive.
1.1.2. Structurer et organiser les contre-pouvoirs
Le NEPAD présente plusieurs enjeux dans le cas du Gabon. La bonne gouvernance est un modèle né à la suite des conditionnalités politiques imposées par les IFI. Elle nécessite lexistence et la structuration de contre-pouvoirs afin de rompre avec le caractère néo-patrimonial, qui conduit souvent à une confusion très grave entre les décisions dun seul homme et lautorité de lEtat. Cest le cas du président gabonais où cette situation « accrédite la thèse dune fusion entre lEtat et la personne ». Le « bon gouvernement » ne peut saccommoder dune marge de manuvre illimitée des tenants du pouvoir politique, doù la nécessité dorganiser de véritables contrôles internes pour pouvoir atteindre cette virtualité et donner de la force à lappareil dEtat.
Le terme de gouvernance omniprésente notamment dans les discours des autorités politiques gabonaises fait rarement référence à celui de contre-pouvoirs et tend à entretenir une confusion autour de cette virtualité à partir de la notion « fourre-tout » de société civile renvoyant aux organisations syndicales et autres acteurs non-étatiques. En effet, lexistence des contre-pouvoirs participe de la capacité dun gouvernement à concevoir, à formuler et à mettre en uvre des politiques et la façon générale de mener les fonctions du gouvernement. Les courants néo-institutionnels, dont la perspective est intéressante, tentent dappréhender les relations entre les institutions et le niveau du compromis politique entre les élites comme fondement dune éthique et de la politique. Le constat général durant cette dernière décennie est que le Gabon vit une phase capitale dans son évolution politique, sociale et économique.
Le processus de démocratisation engagé a permis dinstaller un régime présidentiel à exécutif bicéphale. La loi n° 3/91 du 26 mars 1991 portant constitution de la République gabonaise et votée à lunanimité par les députés de l'Assemblée nationale consacre une forte prépondérance du Président de la République et donc envisage implicitement une présidentialisation du régime en place. Celle-ci a été révisée en 1994 par la loi n° 01/94 du 18 mars 1994 qui prévoit la mise en place dune haute chambre du parlement: le sénat. En 1995, la loi 18/95 du 29 septembre 1995 adoptée par référendum dans le cadre des accords de Paris a réorganisé la Cour constitutionnelle ainsi que la révision du code électoral et linstitution d'une commission électorale indépendante. Cependant, ce processus na pas permis dassainir les valeurs politiques et de moraliser la vie dans la société gabonaise. Ce faisant, le NEPAD soffre ainsi comme une alternative de « bon gouvernement » qui doit aller jusquau bout de la logique quimpose cet idéal. Il doit permettre alors dinstaurer de véritables contre-pouvoirs dont le pluralisme de la presse. Lorganisation juridique et institutionnelle ne peut avoir déquilibre que dans le jeu complexe des pouvoirs et lexistence des contre-pouvoirs comme forces de critique et contestation fondées sur lobjectivité et la transparence.
En effet, dans tous les systèmes démocratiques, la désaffection des populations à légard de la politique fait lobjet de débats en Afrique: défiance envers le pouvoir, montée de labstention, profond désenchantement qui peut sexpliquer dans le contexte gabonais par limpossibilité de lalternance. On assiste à un blocage de la démocratie ou à ce quon qualifie « daffaiblissement du système représentatif. La légitimité que confère lélection se confond de moins en moins avec la confiance à légard des élus : la première nest pas contestée, la seconde ne cesse de séroder » parce quil nexiste pas aux marges de lappareil gouvernemental gabonais de véritables contre-pouvoirs qui apparaissent comme des formes de résistance d'une société civile structurée, organisée et forte. Cette situation valide lidée du « règne personnel » ou personal rule soutenue par des auteurs comme Jackson et Rosberg qui décrivent le régime du président gabonais comme un Etat absolutiste doté de pouvoirs de décision autonomes et ne peut renvoyer à la « contre-démocratie » qui, selon Rosanvallon, fait partie de la définition même de la démocratie, régime « qui ne peut sétablir quà travers une interrogation permanente sur lui-même ». Elle « fait système » avec les pouvoirs institutionnels. Elle les affaiblit, mais en même temps les préserve : ne prétendant ni les renverser, ni les remplacer, elle leur accorde une reconnaissance implicite.
En effet, les contre-pouvoirs constituent une force nécessaire et positive qui permet une « repolitisation de la société ». Le pouvoir de lEtat gabonais est faible en raison de la médiocrité des performances en matière de bonne gouvernance et de limpossible limitation des marges de manuvre du président par labsence de véritables contre-pouvoirs. Les transformations en cours dans les sociétés africaines visent la formation des institutions et soulèvent dans le cas gabonais la question de la démocratisation. En effet, la démocratisation na pas été loccasion datténuer la concentration de tous les pouvoirs de lEtat par le système en place malgré la révision de loi fondamentale en 1991 qui avait consacré la mise en place de nouvelles institutions comme le conseil économique et social (CES) censé garantir limpact, déjà limité, de ce qui ressemble aux contre-pouvoirs existants dans le champ politique gabonais. Cette institution est aujourdhui confiée à Antoine Mboumbou Miyakou « un fidèle parmi les fidèles » du Président récompensé pour sa loyauté, fidélité et dynamisme auprès de son chef et du camp présidentiel. La particularité gabonaise résume le jeu politique à la « convivialité » ou à la « démocratie conviviale » qui conforte une culture politique fondée sur le consensus entre les élites au pouvoir comme cadre de compréhension dune voie gabonaise de la démocratie.
La démocratie suppose avant tout de donner du pouvoir au peuple. Le NEPAD pose donc la question fondamentale du contrôle des gouvernants. Ce débat dépasse largement celui des mécanismes institutionnels existants et renvoie à lexpression de la complexité sociale face à la tentation archaïque et artificielle du monopole du pouvoir par un système. Aujourdhui, le degré de démocratie des dispositifs dinstitutionnalisation se mesure dans la rencontre entre un pouvoir rationalisé et lexpression effective de la représentativité sociale par les contre-pouvoirs. Dans cette perspective, la bonne gouvernance voulue par la diplomatie gabonaise dans son engagement au "peer review" du NEPAD nécessite le besoin de rétablir la capacité, déjà défaillante, de ses institutions à exprimer les antagonismes sociaux pour bâtir des contre-pouvoirs efficaces. Il convient de rappeler tout de même quavant larrivée du Président Bongo au pouvoir, il a existé une opposition structurée, dynamique et forte autour des organes de presse.
En effet, sil est établi que le premier journal « Lécho gabonais » a vu le jour, le 22 juillet 1922, à Dakar au Sénégal, luvre du pionnier de la presse gabonaise Laurent Antchouey na pas connu sa plénitude à cause de ses prises de position anti-coloniales. Ce journal fut interdit deux ans après sur une décision du gouverneur de lAfrique équatoriale française (AEF). Il a fallu attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour assister au véritable essor de la presse gabonaise. Le contexte international était favorable en raison des évolutions de la période daprès guerre. Obligée de reconnaître leffort de lAfrique pendant la guerre, soumise aux pressions soviético-américaines prônant lautodétermination de peuples encore sous le joug colonial, la France, par décret du 7 août 1944, institue les syndicats dans les colonies africaines. Cest dans ces conditions quon a abouti à la mise en place des associations corporatistes au Gabon ainsi quà la création des partis politiques. Pour diffuser leur philosophie et leurs idéologies, ils vont se servir entre autres des médias.
Les actes les plus prestigieux se résumaient entres autres, à LUnion gabonaise organe de presse du bloc démocratique gabonais formation politique créée par Léon Mba ; Le Pilote et Renaissance journaux de lUnion Démocratique et Sociale Gabonaise (UDSG) parti de Jean Hilaire Aubame ; La cognée bulletin du Mouvement National pour la Révolution du Gabon (MNRG) de Germain Mba ; LEffort gabonais journal catholique ; Réalités gabonaises revue des enseignants et Gabon Matin, quotidien appartenant à Michel Breteuil, repris par lAgence Gabonaise de Presse (AGP). Ce qui peut caractériser tous ces journaux, cest la liberté dexpression utilisée par les auteurs. Il sagissait de véritables organes de combat. Les uns réclamaient ouvertement lindépendance pendant que dautres sintéressaient à lémancipation de lhomme noir. Parmi les précurseurs de la presse gabonaise, on peut citer notamment Louis Bigman, François Meye, Jean Rémy Ayoune, Tsira Ndong Ntoutoume, Vincent de Paul Nyonda, Léon Mba, etc. Ce nétaient pas des journalistes mais des hommes politiques.
Tous ces journaux vont disparaître dès le retour au parti unique en 1967 avec lavènement du « Bongoïsme ». Il a fallu attendre vingt trois ans, avec la conférence nationale en mars et avril 1990, pour assister de nouveau à la tentative de structuration de nouveaux contre-pouvoirs locaux issus dune nouvelle presse plurielle. Les partis politiques naissants vont ouvrir des colonnes dans lespace médiatique : la Clé, le Misamu, la Griffe, Mibana, le Bûcheron, le Combat, lEffort
vont sortir le Gabon de sa longue nuit de parti unique. Dans ces deux contextes historiques, le principal acquis dans les activités de la promotion de la liberté de la presse a été la liberté décrire des systèmes multipartites consacrant la multiplicité dopinions dans une concurrence formulée selon les règles de jeu partagées de la démocratie. Cependant, aujourdhui encore, le système au pouvoir tend à continuer avec lancien régime monolithique en plaçant sous surveillance la presse audio-visuelle et la presse écrite.
En effet, un peu partout en Afrique francophone, le premier et le principal acquis après les conférences nationales successives à été la libéralisation des médias. Et pourtant, les autorités gabonaises semblaient avoir conscience du rôle important à jouer par les médias dans linformation du peuple sur les enjeux socioculturels et économiques. Ce dautant plus que jusquen 1990, le Gabon, ne disposait pas de loi sur la presse. Il va recourir à une institutionnalisation du secteur des médias par lArrêté 00/756/PM/MATCLD/ MCIRS du Premier Ministre du 9 septembre 1993. Par ce texte, lEtat remettait en application les dispositions de lArticle 5 de la loi 85/59 du 5 janvier 1960 promulguée 8 mois avant lindépendance du Gabon. Cette loi instituait la censure. Pourtant, en son article 3, cette même loi se contredisait en stipulant « tout journal écrit ou périodique peut être publié sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement ». Pendant longtemps, la presse était sous contrôle du ministre de lInformation qui donnait son avis sur le contenu du journal. Cest dans ce cadre que les bouleversements survenus en Afrique après la chute du mur de Berlin ont donné naissance à des formations politiques et une floraison de journaux au Gabon. La conférence nationale au Gabon avait dénoncé « la fragilité de la presse dEtat » inféodée au pouvoir. Ce nest quaprès la Conférence nationale de mars 1990 que la liberté de la presse a été clairement affichée, lespace radiophonique ainsi que télévisuel a été libéralisé puis ouvert au privé et un Conseil national de la communication a été crée conformément aux articles 94 et suivants de la Constitution.
Lévolution démocratique dans dautres pays de la région africaine comme lAfrique du Sud, le Botswana ou le Sénégal tend à démontrer, depuis le retour au multipartisme, le besoin pour des pays tels que le Gabon de replacer le pouvoir politique dans un environnement institutionnel susceptible de limiter son expression, et de garantir une démocratie effective. Doù la nécessité de mettre en évidence limpuissance parlementaire qui est pour partie acquise à la cause du parti au pouvoir et dont le personnel parfois médiocre ne peut défendre les intérêts du peuple.
Cest dire quau Gabon, encore plus aujourdhui que durant le parti unique, il faut commencer par traiter la question de la vassalisation du personnel parlementaire. Dans les prescriptions de la loi fondamentale, le pouvoir législatif appartient au Parlement qui comprend deux chambres depuis la révision de la Constitution en 1994. LAssemblée nationale est composée de 120 députés élus au suffrage universel direct à la majorité simple pour un mandat de 5 ans. Lobjectif du Parlement est de voter la loi, consentir limpôt et contrôler laction gouvernementale du pouvoir politique. Il peut renverser le gouvernement par le vote dune motion de censure ou en lui refusant sa confiance. Ce qui na jamais été le cas depuis le retour au multipartisme dominé par la majorité absolue du parti au pouvoir à la chambre des députés. Le Sénat compte 91 membres élus au suffrage indirect pour un mandat de six ans. Les sénateurs censés assurer la représentation des collectivités territoriales sillustrent par un alignement total sur les décisions des députés. Les sénateurs gabonais ne sont pas totalement de véritables « béni-oui-oui ». Cette haute chambre du parlement ressemble en réalité à une institution de retraite pour les anciens collaborateurs de première heure du Président de la République.
Les deux chambres du parlement gabonais souffrent dun évident manque de pouvoirs, certes, mais aussi dune incapacité à représenter la réalité sociale. Le nouveau mode des processus électoraux reposant sur lélection à un tour et à majorité non pas absolue ou relative mais simple rend presque impossible leffectivité du rôle de certains parlementaires dont le choix nest pas significatif de lexpression de formations politiques reconnues.
La question du retour au suffrage universel majoritaire à deux tours et dune dose de proportionnelle paraît ainsi consubstantielle à la problématique densemble des réformes envisagées sur la modification du fichier électoral et des prescriptions de lancienne Commission Nationale Electorale (CNE) dans son organisation, la prééminence du parti au pouvoir dont le chef détient tous les leviers de lEtat par sa dynamique majoritaire doit nécessiter la mise en place de chambres parlementaires pouvant refléter la diversité dopinions délecteurs. Il serait préférable dans le cas du Gabon où le régime sest davantage présidentialisé dans sa dynamique concrète, denvisager la partition des chambres parlementaires en groupes égaux des principales formations politiques, élus au suffrage universel majoritaire et proportionnel qui assurerait la majorité au pouvoir tout en permettant la représentation réelle de lopposition. Dans ces conditions, le parlement gabonais pourrait assurer son rôle face à lomnipotence du président Bongo Ondimba, et deviendrait un véritable lieu de débat démocratique et républicain, exerçant ainsi sa véritable mission de contre-pouvoir.
Par ailleurs, la très forte personnalisation du pouvoir au Gabon accentue également le besoin de réformer les institutions judiciaires pour quexiste enfin un pouvoir judiciaire fort et indépendant. Bien que la Cour constitutionnelle créée en 1991 ait su gagner au départ le respect de la classe politique, sa mutation simpose. En effet, cette juridiction est, aux termes de larticle 83, la plus importante institution judiciaire de lEtat en matière constitutionnelle. Elle comprend 9 membres nommés par le Président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Cette disposition est déjà violée par linstitution censée être le modèle en matière constitutionnel. Son personnel, proche du pouvoir, est en exercice depuis 3 mandats. Ce qui suppose un premier niveau dinconstitutionnalité. Le deuxième handicap de la présidente Marie-Madeleine Mbourantsouo, se rapporte à sa relation personnelle avec le chef de lEtat. Certes la constitution ne pose aucune incompatibilité entre la fonction et la parenté, puisque cela napparait nulle part dans le texte de la constitution, mais il sagit tout de même dun défaut éthique ou moral mettant en mal lindépendance de la justice dans une institution juduciaire censée être le pilier essentiel dune vraie démocratie. Elle est la mère de certains enfants du Président Bongo Ondimba. Le rôle de cet organe est de juger la constitutionnalité des lois, de garantir les libertés publiques et les droits fondamentaux et de réguler le fonctionnement des institutions dont le Président Bongo Ondimba est le garant. Elle connaît lensemble du contentieux électoral. Elle est saisie en cas de contestation dune élection, par tout électeur, tout candidat, tout parti politique ou le délégué du gouvernement. Sa saisine est aussi ouverte aux citoyens par la voie de lexception dinconstitutionnalité à loccasion dun procès. Cette Cour est jugée incompétente et partiale par les personnalités politiques de lopposition notamment par Pierre Mamboundou (président de lUnion du Peuple Gabonais) qui, déboutée de ses recours, notamment lors de la dernière élection présidentielle et législative, lui reproche à la fois son manque dindépendance et linconstitutionnalité de sa présidente. Le moins quon puisse dire, cest que ce type de comportement politique déployé dans la partialité totale relève de lordre de lirresponsabilité dun homme dEtat. Cette irresponsabilité politique se situe entre affectivité parentale (matrimoniale et patrimoniale) et orientations machiavéliennes du pouvoir qui participent de la durée du système au sens général, et dessinent les représentations majeures dune société curiale.
Si le retour au multipartisme en 1990 a été un progrès certain ouvrant à lopposition certains droits dont celui de saisir la Cour, cette solution sest révélée au fil du temps inadaptée aux contours concrets de la vie politique gabonaise. Cest ici la question de la saisine par les citoyens qui se pose tant dans la protection des droits sociaux que dans lévaluation des politiques. Il existe dans la loi fondamentale gabonaise des droits, souvent sociaux, méconnus et mal protégés. Si ces droits sont inscrits dans la Constitution, cest pour être traduits dans les faits, sans quoi leur maintien nest quartificiel et témoigne dune conception trompeuse de la démocratie et lEtat de droit, à en juger par cette part importante dincantations exaltées.
Enfin, le pouvoir personnel gabonais nécessite plus que jamais le renforcement de contre-pouvoirs locaux. La concentration de tous les pouvoirs aux mains dun seul homme, cest-à-dire du chef de lEtat autour duquel sorganise le processus décisionnel, débouche sur une légitimation unifiée et unifiante de la réalité sociale, la volonté nationale sincarne toujours davantage autour du président Bongo. Ce renforcement institutionnel doit être compensé par une vraie décentralisation et transfert de pouvoir de lautorité centrale vers les entités territoriales déconcentrées. Cette « dynamique de concentration » ne doit pas obérer la diversité culturelle gabonaise, mais incarner davantage la réalité de la démocratie territoriale. La République gabonaise, héritière de lEtat jacobin français, devrait garantir fortement la représentation de ses populations pour limiter la puissance de son dirigeant. Le pouvoir central déjà accentué sera assez fort si et seulement si lunité nationale est suffisamment représentée pour que la diversité gabonaise trouve son expression véritable.
Comme nous lavons souligné, le NEPAD emprunte volontiers au libéralisme. LEtat gabonais ayant pris lengagement de participer à ce programme devrait tenir compte des principes fondamentaux du monde libéral. Le fonctionnement efficace de léconomie de marché repose, aussi, sur la présence de véritables contre-pouvoirs, notamment la liberté de contracter, fondement de léconomie libérale qui, nécessite une clarté des règles et une sécurité des droits, et pas seulement du droit de propriété, que seule lindépendance du pouvoir judiciaire est à même de garantir. Les entreprises comme les individus ont besoin, pour prévoir le résultat de leurs actions, dune certaine stabilité du cadre légal, fiscal et réglementaire.
En effet, linexistence de contre-pouvoirs contribue au développement dune réelle incertitude judiciaire, pénalisante pour linvestissement considéré comme élément moteur de lédification du nouveau programme africain. Qui plus est, comme le rappelle léconomiste indien Amartya Sen, la liberté de la presse est aussi une condition du développement économique, ne serait-ce que par les freins quune telle liberté impose à la corruption. Or, faut-il le rappeler, le niveau de la corruption au Gabon qui accentue la confusion des genres et des rôles, évalué par Transparency International, est lun des plus importants parmi les pays de la région.
La corruption se nourrit justement de cette confusion. Dun point de vue éthique, la corruption des processus est une pratique choquante ; mais dun point de vue économique, elle est un désastre. Lattractivité dun pays, sa capacité à convaincre des capitaux étrangers dy financer des investissements facteurs de croissance, dépend de nombreux facteurs comme lEtat de droit, la démocratie ou la bonne gouvernance. Sur toutes ces questions, le Gabon est encore loin datteindre ces virtualités essentielles malgré les « réformes » de lEtat.
Le président élu gouverne avec ceux quil nomme -collaborateurs de cabinet, camarades du parti, ministres, premier ministre- et sa majorité parlementaire. Cela forme un tout, et cest la démocratie « gabonaise conviviale » autour des fidèles comme partout ailleurs: la loi de la majorité. A cette réserve près quil nexiste pas de véritables groupes de pression. Lopposition, les syndicats et autres partenaires non étatiques ne gouvernent aucune instance institutionnelle ou région du pays. Il ny a que le système en place qui dispose de tous les pouvoirs. Doù la nécessité de réviser la Constitution gabonaise pour instaurer en même temps de nouveaux mécanismes. Il ne faut pas perdre de vue que dans les grandes démocraties, le régime présidentiel est un régime déquilibre des pouvoirs. Ce qui est contraire au Gabon où les gouvernants ont volontairement nié les institutions qui pouvaient équilibrer le pouvoir de lexécutif. Lassemblée nationale gabonaise acquise au parti en place qui dispose de plus de la majorité des 2/3 des membres nest pas une institution qui peut arrêter le pouvoir du dépositaire de ce parti, cest-à-dire le Président Bongo. Les contre-pouvoirs doivent se trouver dans plusieurs institutions. Dabord, la presse qui est un pouvoir constitutionnel au sens quelle participe à la formation de la pensée et des opinions des citoyens qui vont ensuite aller voter. Il est donc important que soit reconnu par les autorités et inscrit dans la loi fondamentale que le pluralisme de la presse est un des fondements de la démocratie.
Cette reconnaissance oblige le vote dune loi posant le principe de la séparation du pouvoir médiatique avec le pouvoir économique, financier et politique. Ce principe devrait être reconnu et appliqué notamment dans le capital des entreprises de presse écrite, audio et audiovisuelle. Ce qui implique nécessairement une réforme du Conseil national de la communication (CNC) chargé en réalité dassurer, entre autres, le respect de lexpression de la démocratie et de la liberté de la presse, le traitement équitable de tous les partis et associations politiques reconnus en matière daccès aux médias. Cette institution ne doit plus être lappendice de lexécutif et son président ne doit pas être désigné par le chef de lEtat. Le deuxième lieu de contre-pouvoir réside dans le pouvoir judiciaire. Ce dernier est assuré non pas seulement par la Cour constitutionnelle, mais aussi par la « Cour de cassation et le Conseil dEtat » (entités judiciaires dont les décisions rendues ont valeur dautorité de la chose jugée) devenue Conseil dEtat, la Cour des comptes, les cours dappel, des tribunaux, la Haute Cour de Justice (instance non permanente chargée de juger le Président de la République en cas de haute trahison) et dautres juridictions dexception.
Lévolution du système judiciaire gabonais sest effectuée en plusieurs étapes. En effet, « dès 1960, le Gabon a consacré lautonomie du système judiciaire dans le cadre dune autorité judiciaire nationale désormais indépendante des juridictions étrangères, notamment de la Cour dappel de Brazzaville et de la Cour de cassation de Paris. En 1962, cest la création d'une Cour suprême composée de quatre chambres : Chambre judiciaire, Chambre administrative, Chambre constitutionnelle et Chambre des comptes. Lannée 1963 marque la création d'une Cour de sûreté de lEtat chargée de juger les crimes et délits commis en temps de paix contre la Sûreté de lEtat. En 1964, on assiste à un réaménagement des structures judiciaires. En 1970 Une Cour criminelle spéciale a été chargée de juger les détournements de deniers publics. Puis en 1973, on assiste à la mise sur pied dune Cour spéciale militaire chargée de juger les infractions militaires et assimilées. 1978 voit la modernité et la diversification de lorganisation judiciaire en ladaptant aux circonstances de lépoque, compte tenu de lévolution des réalités nationales depuis lindépendance. En 1984, les Cours dappel de Libreville et de Franceville, suivies de celle de Port-Gentil sont créées ».
Ici nous nous arrêtons en 1984 parce que nous considérons que les réformes du pouvoir judiciaire de 1994, 2000 et 2003 qui se trouvent dans la nouvelle constitution nont été quune simple continuité du système judiciaire antérieur, la rupture nous échappe, car il ny a pas eu vératablement de remise en cause du travail des juges, ni de leur indépendance qui est toujours en question à en juger par les multiples atteintes à linstitution judiciaire (justice bafouée et démocratie en danger). Dans les pays les plus démocratiques, le Président de la République du fait quil soit le seul détenteur de la légitimité populaire est toujours le garant de lensemble des institutions et des valeurs de lEtat. Etre le garant ne veut pas nécessairement dire quil en contrôle le travail. Ce qui nest pas dans les faits le cas au Gabon lexécutif nassure pas cette indépendance véritable du pouvoir judiciaire.
En effet, limage de la justice gabonaise sest peu améliorée. Selon la proportion somme toute faible dinterviewés sur la question judiciare au Gabon, notre enquête a montré que plus de la majorité des Gabonais ne font pas confiance à la justice. Globalement, les Gabonais jugent en majorité que linstitution judiciaire ne fonctionne pas assez bien, et les défauts apparaissent rapidement quand on regarde dans le détail. Ils déplorent son côté inégalitaire considérant que la justice nest pas la même pour tous. Elle est injuste et lente, notamment en matière de durée des procédures. Parmi les autres défauts on a pu noter le coût des procédures, la difficulté à comprendre son fonctionnement ainsi que le défaut découte et de prise en charge des personnes ayant affaire à elle. Cette situation devrait conduire à une vraie réforme mesurée, portant sur quelques aspects. Car les Gabonais ont plutôt une bonne image des juges. Ils sont compétents, respectueux de la loi et du secret professionnel mais linconvénient cest que les Gabonais considèrent quils ne sont pas indépendants du pouvoir politique. Dans cette perspective, il est utile de mettre en place de nouvelles règles permettant de renforcer lindépendance de la justice. Cest dailleurs dans ce cadre, que Guy Rossatanga Rignault dans un rapport a préconisé le « renforcement des capacités » de lEtat au Gabon en recommandant les mesures suivantes : consolider lEtat de droit; réaliser une meilleure participation des populations à la vie politique, sociale et économique ; assurer lefficacité et la transparence dans la gestion des ressources publiques; assurer lefficacité et lindépendance du système judiciaire ; sanctionner toutes les violations de la loi ; réaliser la « société de droit ».
Le troisième contre-pouvoir serait la Cour constitutionnelle comme véritable juridiction constitutionnelle. Pour ce faire, une réforme est nécessaire pour revoir totalement sa composition (acquise à la cause du pouvoir) et ses attributions (trop importantes sans marge de manuvre populaire). Dégagée de toute influence de lexécutif dans la nomination de ses membres, cette juridiction constitutionnelle pourrait être saisie par les citoyens, y compris par les entreprises. Car, comme laffirme lancien président du Conseil constitutionnel français Robert Badinter, la « défense des droits de lhomme ne se délègue pas ». De ce point de vue, les citoyens doivent bénéficier de la faculté de contester la constitutionnalité dune loi. Enfin, comme quatrième contre-pouvoir, il faut réviser la Constitution pour donner aux citoyens un droit dinitiative législative dès lors que le parlement gabonais est incapable dassumer institutionnellement sa mission de contrôle et dévaluation. Par exemple, par une pétition, des citoyens auraient le droit de faire des propositions de loi que lassemblée nationale serait obligée dexaminer. Le risque dabsence de contre-pouvoirs est la très forte personnalisation du pouvoir et la tendance à suivre la direction dun régime autocratique. Nul ne conteste que la démocratie représentative gabonaise fonctionne mal.
Le pouvoir exécutif est hypertrophié, chute du poids électoral des partis, faible représentativité des élus, reproduction sociale des élites sont autant dexplications qui permettent de décrire les dysfonctionnements dun système personnalisé en manque de contre-pouvoirs fonctionnant comme une monarchie sans séparation de pouvoirs, et qui doit savouer impuissant à réformer la société gabonaise dont la résistance est inversement proportionnelle à la légitimité du politique malgré l'existence des partis politiques d'opposition et de nombreux syndicats sectoriels, à côté des organisations patronales.
1.1.3. Gouverner et moderniser la société
La réforme de lEtat gabonais ne doit pas être appréhendée comme une simple nécessité mais en tant que valeur sociale qui doit conduire les gouvernants à la volonté davancer, de moderniser les structures économiques et sociales, de les adapter au monde daujourdhui pour garantir leur justice et leur efficacité pour les générations futures. Elle passe par le retour de la confiance, et donc largement par la vitalité de la manière de gouverner. Depuis linstallation au pouvoir en 1967 du régime actuel, le Président Bongo sest toujours entouré de proches collaborateurs socialisés politiquement au cabinet présidentiel et issus en majorité du parti (PDG) quil a créé pour instaurer le monopartisme. Ainsi, à partir de son cabinet, Omar Bongo a nourri une forte propension à dédoubler les structures institutionnelles de pouvoir en réseaux personnels et informels. Dans cette perspective, on peut noter que le président gouverne la société gabonaise au « palais de marbre » ou du bord de mer. Ses collaborateurs forment un véritable « gouvernement parallèle » court-circuitant parfois laction des « vrais » ministres connus de la population. Cette manière de diriger avec un cabinet élargi à plus dun millier de conseillers est la preuve que le Président ne gère rien, mieux, il ne gouverne pas.
En effet, le cabinet présidentiel apparaît comme un véritable appareil gouvernemental dans son organisation avec à la tête sa fille aînée Pascaline Bongo chargée de veiller aux notes et projets de son père. Le pôle économique est confié à Patrice Otha, assisté de plusieurs inspecteurs généraux des finances parachutés (nommés par le président). Il est lartisan gabonais du NEPAD, cest lui qui pilote véritablement ce dossier et assiste le président à tous les rendez-vous internationaux, notamment ceux de lUnion africaine ou du NEPAD. Il existe également un pôle social et politique qui fut longtemps piloté par Jean Marie Adzé. Cette mise en conflictualité permanente des compétences est la manière de gouverner du président qui « divise pour mieux régner ». Il met en situation de concurrence ses ministres et ses propres collaborateurs. Ce mode de gouvernement parallèle ressemble à une direction d'un autre âge et s'apparente à une république dinspiration bonapartiste, où le Président ménagerait sa survie grâce à un contrôle permanent exercé sur les institutions.
Le Gabon est un système politique qui norganise pas la séparation et léquilibre des pouvoirs. Cette gestion machiavélique du pouvoir rend impossible la transparence et les dispositifs dinstitutionnalisation, empêchant ainsi la formation dopinions contradictoires en raison du confinement de laction publique dans larène au sein de laquelle évolue le président gabonais et ses collaborateurs. Ce dautant plus que lactivité politique globale du « patron » se résume à lesprit de cour. Il en résulte une souffrance des institutions démocratiques et gouvernementales.
Il convient donc dévoquer plusieurs pistes de révisions institutionnelles pour mieux gouverner la société gabonaise même si lambition de remplir cette tâche est défaillante dans l'imaginaire politique, lacteur étatique principal étant désuet. Cette ambition passe nécessairement par une alternance au pouvoir par voie passive qui assurerait une mandature unique au président élu. Loin dun engagement éthique, il sagit plutôt de la conviction de limiter le besoin de conserver le pouvoir après plus de quatre décennies de gouvernement d'un seul homme. Gouverner, tout comme la démocratie, nest efficace que dans le rapport au changement. Le pouvoir politique ne peut demeurer définitivement figé. La participation du peuple dans toute action gouvernementale est nécessaire, notamment dans le cas du Gabon en ce qui concerne le contrôle sur le terrain des conditions dapplication de laction publique. Il ny a que le peuple pour mesurer véritablement la pertinence des politiques au vu des objectifs fixés par les tenants du pouvoir et en évaluer les conséquences. Pour mieux gouverner la société gabonaise, lEtat doit pouvoir assurer et garantir la représentativité de ce pouvoir. Les inégalités sont criantes entre dun côté, des dirigeants et des hauts fonctionnaires qui ont tout le loisir dentrer en politique, et de lautre les simples agents publiques et les « Makaya » qui ont dautant moins cette liberté quils appartiennent aux couches le plus populaires de la société. On ne peut tolérer limpression « quun groupe au pouvoir », issu des mêmes milieux, prétende se contrôler lui-même au nom de tous. LEtat doit faire preuve de courage car ce nest pas par la personnalisation du pouvoir ou par lhyper présidentialisation en acte du régime que le pouvoir politique pourrait mieux diriger, mais au contraire par lélargissement du pouvoir au peuple, donnant ainsi une meilleure visibilité de laction gouvernementale dans lopinion publique gabonaise.
Nous navons pas la prétention daffirmer que cela suffise et que linstitutionnel soit le seul levier du « bon gouvernement ». Lobjectif de la thèse, comme dans tout travail scientifique, doit - au-delà des critiques parfois hâtives, surannées ou justes - pouvoir dégager de nouvelles avenues susceptibles de fournir des solutions nouvelles sur les transformations contemporaines en cours. La société ne se réforme pas seulement par le « haut », mais avec lassociation du « bas » aux décisions qui concernent les populations. Et la participation du peuple au gouvernement ne doit pas se décréter par simple délégation. Elle doit se construire dans une démarche claire dacceptation par ceux qui gouvernent de lengagement citoyen. Le fonctionnement de la démocratie au Gabon est opaque. Les délibérations des assemblées élues au niveau local comme national, ne sont pas publiques, tout comme le sont rarement leur ordre du jour ou leur compte-rendu. Les élus reçoivent les citoyens qui le souhaitent dans leurs permanences (domiciles) et répondent à leurs doléances au cas par cas. De ce point de vue, on ne peut librement évaluer leur activité et ce fonctionnement qui institutionnalise le leadership dans chaque région n'est pas transparent et légitime.
En effet, la parole citoyenne doit pouvoir être mise en valeur en amont des décisions. Un Etat qui gouverne, c'est aussi une Etat avec un gouvernant légitime issu délections pluralistes. Le peuple peut être impliqué dans le développement, le soutien, voire même la constitutionnalisation dinitiatives populaires qui peuvent constituer des gages pour une culture politique populaire: conseils de quartiers, de jeunesse ou dusagers. Il sagit fondamentalement dans le cas gabonais de rompre avec une société qui contourne les « corps intermédiaires » par une prise directe entre le pouvoir et le peuple, mais à l'inverse dune société qui sappuie sur la richesse de ce tissu. La représentation du peuple doit sincarner dans lengagement, quil soit politique, syndical ou associatif, et ce dans les domaines de la culture, de la science, du sport, de la religion, de la famille, de lhumanitaire, de la consommation, etc... Cest cette culture de responsabilité dans la participation qui renforce la bonne gouvernance. Parce que cest en redonnant du sens à lengagement et donc à lapprentissage démocratique ou à la culture politique quon peut remettre le peuple au cur de la démocratie, et parce que la négociation avec le peuple peut constituer un levier légitime de la transformation sociale.
Dans cette perspective, il convient de réorganiser la société gabonaise selon le modèle d'aménagement du territoire consacré par la Constitution. Il existe des collectivités locales administrées librement par des conseils élus conformément aux dispositions prévues par la loi fondamentale en matière de compétences et de ressources en son article 112. Dans ce cadre, les conseils locaux sont constitués de membres élus au suffrage universel. Dans les communes divisées en arrondissements, les conseils darrondissement sont constitués dans les mêmes conditions que les conseils municipaux. Mais dans ces communes là, le conseil municipal est constitué des conseillers darrondissement. Ils prennent à loccasion le titre de conseiller municipal. « Il nest pas prévu une représentation des légitimités autres que démocratiques au sein des conseils locaux. Pourtant, si lélection au suffrage universel favorise lexpression dune légitimité démocratique, elle marginalise dautres formes de légitimité qui pourtant disposent dune capacité de mobilisation populaire incontestable, et qui cherchent à prendre part à la gestion publique locale ». Cest le cas des chefferies traditionnelles, des castes et des sociétés initiatiques auxquelles émargent nombre de citoyens notamment dans les zones rurales, mais aussi dans les centres urbains. Il y a également dautres forces de la « société civile » telles que les associations de développement et les ONGs daction sociale.
Lespace communal est le lieu par excellence de confrontation de ces divers types de légitimité, notamment la légitimité moderne et la légitimité traditionnelle. « La décentralisation engagée par la loi de 1996 consacre le principe de subsidiarité dans la répartition des compétences entre les collectivités locales et lEtat. Selon ce principe, une compétence est exercée par le niveau administratif le plus proche de celle-ci, ou le plus à même de lexercer de manière optimale ». En fait, tout se règle de manière empirique. La loi associe les collectivités locales et lEtat dans la construction du développement économique, culturel, scientifique et sanitaire, laménagement du territoire, la protection de lenvironnement et lamélioration du cadre de vie. Le transfert de compétences aux collectivités locales obéit également au principe de progressivité en distinguant clairement celles des compétences qui sont conservées par lEtat, celles qui sont dévolues au département et celles enfin qui sont transférées à la commune.
Le système de tutelle administrative a priori des actes des autorités locales a été remplacé par un système de contrôle administratif a posteriori. La tutelle est double : administrative, elle est exercée au sein de ladministration centrale par le ministère chargé de l'aménagement du territoire et des collectivités locales. Cette tutelle est assurée au niveau local par les gouverneurs et les préfets. Mais leurs pouvoirs peuvent être délégués aux sous-préfets. La tutelle financière est exercée au sein des services déconcentrés de ce ministère. Dans le nouveau système, « les actes pris par les autorités locales sont exécutoires de plein droit dès leur publication ou leur notification. Le contrôle de tutelle est exercé uniquement sur les actes. Une copie de ces actes est obligatoirement transmise à lautorité de tutelle. Cette dernière peut saisir la juridiction administrative ou des comptes selon la nature de lacte, pour en faire contrôler la légalité. En conséquence des transferts de compétences et pour aider les collectivités locales à compenser les charges additives qui en résultent, la loi de 1996 a mis sur pied un fonds dénommé Fonds de péréquation des collectivités locales (FPCL) ». Il procure aux collectivités locales des ressources « substantielles » leur permettant de séquiper pour répondre aux exigences des nouvelles missions qui leur sont dévolues. Le FPCL est alimenté par un prélèvement opéré doffice sur le budget de lEtat. Le taux de ce prélèvement est fixé annuellement par le parlement. En plus des ressources du FPCL, lEtat sengage à allouer chaque année aux collectivités locales une dotation dite déquipement.
Cette dotation est destinée à couvrir les dépenses déquipement dans le cadre des compétences transférées par lEtat et dans la mesure où ces équipements répondent à un intérêt local ou simplement public. En même temps, la loi de 1996 parle de dotation globale de fonctionnement, sans que la démarcation ne soit nette entre cette allocation et les deux autres. Les collectivités locales sont autorisées, dans les limites de leurs capacités réelles dendettement, à contracter des emprunts auprès des organismes financiers nationaux et internationaux. Toutefois, au-delà de 30% du budget, les emprunts sont soumis à lautorisation préalable de lEtat qui en assure la garantie. Autrement dit, lEtat avalise les collectivités locales dans leurs procédures demprunt, mais il nest pas mis sur pied un organisme spécialisé dans le crédit local. Les organes de gestion sont le maire et le conseil municipal pour la commune (13 communes), lassemblée départementale et son président assurent la gestion du département. Il existe neuf provinces. « Cette organisation a été retracée depuis les Accords de Paris. Il a été prévu une multiplication des communes. L'élection des maires y compris celui de la capitale autrefois nommés par le Président de la République, se fait au scrutin proportionnel. Dans chaque collectivité, le représentant de lEtat déconcentré assure la tutelle en veillant selon la loi au respect des intérêts nationaux ».
La mise en scène de ces réformes peut relever de lillusionnisme collectif des dirigeants. Cest pourquoi il est essentiel de les évoquer pour comprendre comment le Gabon anticipe face aux injonctions externes. Les réformes permettent à tout le moins de dissimuler la réalité. Un tel dispositif ne peut aider à comprendre la réaction des autorités du Gabon face aux directives internationales, si lon nentre pas dans les mécanismes pour comprendre que tout ceci peut relever de lhypocrisie, puisque quil conforte les gouvernants dans leur tentative de manipuler la communauté externe, en jouant sur le répertoire de la modernité tout en cachant lessentiel. Les comportements politiques sont modelés en fonction des discours des enceintes de la « good governance ».
Ladaptation aux évolutions contemporaines de la société globale, nécessite que tout Etat se modernise au gré de ces transformations. Les politiques de réforme de ladministration ont connu, depuis quarante ans, un fort développement dans la plupart des pays occidentaux. Le continent africain nest pas en reste et ne pouvait échapper à cette entreprise, revendiquée dorénavant, « depuis les années 1990, sous le label maximaliste de réforme de lEtat ».
Ce phénomène de réformes a « progressivement acquis, à travers de multiples interactions, une autonomie à plusieurs facettes » : idéologique (on dispose, à travers les grands rapports publics, dune doctrine et de représentations cristallisées déterminant les visages de lEtat réformé idéal), politique (le thème est au cur de la compétition électorale), professionnelle (la réforme administrative est nourrie par lindustrie des experts et des cabinets de conseil qui offrent leurs services aux ministères) et institutionnelle (le sujet est désormais porté, de manière concurrente, au sein des ministères de la fonction publique, des finances et de lintérieur par des groupes et des directions spécialisées disposant de ressources financières, cognitives et administratives). La mise en place dune politique publique de la « réforme de lEtat, conduit à se représenter lenjeu comme un impératif en soi simposant du dehors de lEtat ».
Les politiques de réformes sont décrites comme des instruments dadaptation, destinés à répondre aux dysfonctionnements dun Etat. Ces représentations de la réforme sexposent, dabord, contre la critique sociologique de Max Weber ou de Norbert Elias. Ces auteurs considèrent les réformes de ladministration comme des données et des adaptations mécaniques au changement de lenvironnement. De fait, elles néchappent pas au risque dêtre réifiées, de la même façon quon peut, sans y prendre garde, réifier lEtat. Or, « la place importante prise par les politiques de réforme des bureaucraties sur les agendas publics na rien dévidente ni danodine. Il a été très largement analysé que lEtat cherche à connaître, réguler voire contrôler la société dans ses différents secteurs et ses populations pour maintenir et accroître son pouvoir. Il ne va pas de soi, en revanche, que ses élites politiques et administratives proclament publiquement limportance des défaillances de la machinerie étatique, rendent visibles les enjeux de réorganisation de lappareil dEtat et fassent de la réforme de lEtat le leitmotiv de leur action ».
La réforme de lEtat constitue un recours à de nouvelles compétences requises pour bien gouverner ou bien administrer la société et donc un enjeu de politiques publiques au double sens de policy et de politics. La politique de réforme administrative ne sinscrit pas dans un vide institutionnel. Elle est, au contraire, « située » et historiquement « produite » au cur dun ensemble de groupements étatiques: ministères, bureaux, corps, élites politiques et administratives, etc. Désormais, avec lavènement des mesures de « bon gouvernement », ladministration, dans son fonctionnement, est désormais constituée en « problème de gouvernement » et devient un « objet de réforme » et dintervention publique. Dans cette perspective, les politiques de modernisation de lEtat dans leur versant administratif cristallisent limportance désormais acquise par la « régulation du gouvernement ». En empruntant volontiers la notion à Michel Foucault, cette « constitution du pouvoir » peut être désignée par le « souci de soi de lEtat » qui constitue une composante à part entière de la forme contemporaine dexercice du pouvoir. En dépit de ses échecs ou de ses limites comme politique publique, « la réforme administrative constitue aussi un ensemble de discours politiques et de pratiques pérennes et récurrentes au cur de problématiques contemporaines de lart de gouverner.
Depuis une trentaine dannées, dans les Etats devenus Etats-providence, de nombreux signes témoignent que lexercice du pouvoir ne renvoie plus seulement au souci de gouverner la société - le gouvernement des hommes et des choses - mais également au souci de se gouverner soi-même en développant et en affichant des savoirs, des pratiques et des programmes destinés à gouverner ladministration ». Doù tout lintérêt que nous pouvons accorder à lexpérience gabonaise de la réforme administrative, ses contraintes et ses limites. Lenjeu est de rendre compte du développement et de linstitutionnalisation dune « politique gouvernementale » sur ladministration ainsi que la manière dont émerge et se développe, historiquement et sociologiquement, cet art contemporain du gouvernement de lEtat à partir de ladministration, son organisation, ses fonctionnements et ses pratiques. Ainsi, il convient d'évoquer succinctement les jeux institutionnels et les éléments contextuels qui ont suscité le développement dune mise en question de la rationalité administrative en transformant progressivement ladministration en « problème », en « enjeu de connaissances » et, simultanément, en « objet dintervention gouvernementale ».
En parlant de réforme, celle qui a pu être évaluée au Gabon est celle de 1980. Cest elle qui, sur la base dun cahier de charges, a été exécutée par le Cabinet CEGOS bien connu dans les années 1980 en Afrique. Son évaluation et ses résultats ont été mis en uvre jusquen 1998, date de linitiation de la réforme en cours dans ladministration et lEtat. On ne peut parler de réussite ou déchec que pour une entreprise achevée. En ce qui concerne la réforme gabonaise en cours, il convient tout d'abord de mettre en lumière ses difficultés davancement sur les plans politique et matériel. En effet, lexpression « réforme administrative » apparaît pour la première fois dans la loi organique du Ministère gabonais de la Fonction Publique de 1984. Dun point de vue structurel, lorganisation des services se recentre autour des impératifs de professionnalisation des cadres et des emplois.
Depuis 1958, le département a changé plusieurs fois de dénomination et a été rattaché à dautres centres de décision. Sur le chapitre des dénominations, on peut citer entre autres, fonction publique et coopération administrative, fonction publique, travail et justice, fonction publique, fonction publique, réforme administrative et reconversions, fonction publique, réforme administrative et enfin, fonction publique, réforme administrative et modernisation de lEtat. Sur le chapitre du rattachement à dautres centres de décisions, jusquen 1967 ce département ministériel est rattaché à la Présidence de la République, ensuite de 1967 à 1977 au ministère du travail et de la formation professionnelle, puis de 1977 à 1981 au département de la Justice avant son autonomisation sous lintitulé de « Ministère de la fonction publique et de la réforme administrative » depuis 1984, dénomination actuellement élargie à la « modernisation de lEtat ». Dun point de vue institutionnel, 1985 marque le début de la récession économique et financière qui va atteindre son point asymptotique en 1986 avec la baisse des cours du pétrole, la faillite de nombreuses entreprises privées, des déficits cumulés des entreprises parapubliques. Cest ainsi que lEtat gabonais choisira de se restructurer dans le sens de la baisse des charges publiques, en même temps que le gouvernement va réduire les effectifs de la Fonction publique, orienter et encadrer les déflatés du parapublic, les licenciés du secteur privé et les retraités.
En discutant des acquis de la réforme de 1960, des acquis de 1980 et du cadre général de la réforme entamée en 1998, on peut résumer les causes principales de la réforme de 1980 dans les défauts dune refonte des règles héritées de la colonisation parmi lesquelles le défaut de culture juridique, la rupture avec les us et coutumes, linexistence matérielle dune administration publique au sens cartésien du terme, la méconnaissance des moyens de gestion, linsuffisance des cadres de conception, la construction progressive des Etats et la mauvaise gestion des mécanismes hérités de la colonisation. Dautres facteurs tenant aux phénomènes extérieurs découlent de la mauvaise appréciation des réalités locales et de lévolution des mentalités notamment le contrôle des mécanismes étatiques et de gestion par les coopérants étrangers, linfluence quasi absolue des institutions financières internationales sur le fonctionnement des Etats, ladhésion des Etats aux règles supranationales de bonne gouvernance et de démocratie politique, la mise en uvre de politiques souveraines de modernisation des structures et de formation des cadres et les effets catalyseur et motivant des expériences étrangères.
Les acquis de la réforme de 1960 peuvent se résumer essentiellement à lacquisition d'un modèle intégrateur des grands systèmes de gestion, à la modélisation progressive tenant compte des réalités locales, à la systématisation des vecteurs juridiques comme critères danalyse, de conception et de mise en uvre des actions, au début de la « gabonisation » de ladministration et aux perspectives dynamiques de formation des cadres et de construction de lEtat au sens occidental du terme. Quant aux années 1980, comme acquis on peut noter linformatisation des outils de gestion, la publication des bases juridiques de travail dont la plupart sont celles qui sont en vigueur en septembre 2002, la restructuration des modalités et des procédures de gestion et la mise en place de bases de données informatisées.
Le cadre général de la réforme en cours peut sidentifier à partir des organes chargés de la réforme ou de la mission de réforme administrative. Bien quun ministère soit chargé de la conception et du suivi de la réforme administrative, la réforme administrative gabonaise ne se limite pas à une simple réforme du Ministère de la fonction publique. Elle couvre ce que lon nomme la « fonction publique » au sens large, que lon désigne également dun point de vue économique par le terme « secteur public ». En fait, cette mission de réforme de ladministration concerne toutes les organisations placées au service de la population et qui fournissent des prestations (services) au public. La réforme administrative englobe donc les administrations du type ministères, les collectivités locales décentralisées, les établissements publics et les entreprises chargées dun service public. Plus concrètement, la mission de réforme administrative se fixe comme objectifs de renforcer les capacités de ladministration, de rapprocher les services publics de la population (les bénéficiaires de leurs prestations) et de rationaliser le système de gestion administratif et financier par la mise en place dun fichier unique de gestion de ressource humaine et budgétaire dénommé projet « ANITA ».
En effet, la mission de modernisation de lEtat sinscrit dans le cadre plus global de la réforme et est donc manifestement une conséquence de ce que lon appelle le « village planétaire ». Avec le nouveau millénaire, chaque pays se trouve en relation et en situation de concurrence avec les autres pays du monde. Le contexte international invite à modifier la situation interne. Demblée, ces réformes sinscrivent aux antipodes de la philosophie mondiale. Lancienne organisation de lEtat doit sadapter à cette nouvelle donne. Cest subrepticement que le Gabon sest engagé sur cette voie.
Le contexte international est donc à lorigine du réajustement de la politique gabonaise dans son ensemble. Cest dans cette perspective que les mesures de privatisation constituent pour certains secteurs une première réponse. De façon plus générale, il convient de penser préalablement la nouvelle stratégie qui définira pour lavenir les rôles assignés à lEtat. Cest la mission de modernisation de lEtat. Les composantes de la réforme résultent du découpage théorique de ladministration gabonaise en cinq domaines essentiels à réformer. Les composantes et sous composantes ainsi définies constituent les axes de référence pour lanalyse de la situation existante, les propositions de réforme, les décisions à prendre et les actions à mener (sensibilisation, information, formation, contrôle, évaluation). Les cinq domaines sélectionnés sont le cadre institutionnel et les structures organisationnelles, les ressources humaines, les pratiques opérationnelles, la gestion des finances publiques et la décentralisation et la déconcentration. Ce programme national de réforme administrative est une décision du gouvernement approuvée le 27 août 1997. Son contenu fixe les domaines à analyser et établit un projet de calendrier des réalisations. Le Programme National de Réforme Administrative a fait lobjet dune ordonnance (Ord. n° 11/97 du 07 août 1997) assurant son financement. Plusieurs organes sont chargés de la réforme. Il s'agit du programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), organisation des nations unies (ONU) chargée de fournir aux Etats membres lappui technique dont ils ont besoin en matière de développement.
Le Comité interministériel de réforme administrative (CIRA) est la plus haute instance technique de la réforme administrative. Composé des Ministres ou de leurs représentants (les Secrétaires généraux des ministères), des présidents des corps constitués, des représentants des partenaires internationaux du Gabon, cet organe constitue le plus haut niveau de réflexion sur la réforme administrative. A ce titre le CIRA propose les réformes à entreprendre au gouvernement. Le Commissariat général à la réforme administrative (CGRA) est lorgane gabonais qui a en charge la définition des actions de réforme. Il sagit dune administration de mission placée sous lautorité du Premier Ministre, chef de ladministration. La réforme administrative ne pouvant être menée en vase clos, il sagit dune structure de coordination des différentes initiatives de réforme. Cest le sens de la réforme institutionnelle récente mise en place par le décret n° 1189/PR/MFPRAME du 15 décembre 1999. Ce décret a placé à la tête du CGRA non plus un Commissaire Général mais un Coordonnateur.
Dans un pays où la vie politique a souvent pris un tournant personnalisé du pouvoir, marqué par plusieurs années de parti unique, la « réforme de modernisation de lEtat » est singulièrement bienvenue. Elle a pour ambition de rendre plus performant ladministration et daméliorer lefficacité des services publics rendus aux usagers. Depuis le retour au multipartisme, les débats publics et même la littérature qui alimente lactualité se font lécho dun réel besoin de réformer ladministration publique gabonaise. Depuis lors, les actions gouvernementales gabonaises sont caractérisées par de nombreuses initiatives qui, non suivies deffets, proposent des réformes. Quil sagisse dadapter lorganisation et le fonctionnement de lEtat - actuellement désarticulé - à un nouveau contexte, ou dassurer de meilleures conditions de traitement des services aux usagers, les enjeux de la réforme administrative sont en effet considérables.
Au-delà de limage dune administration hypertrophiée du fait de l'immobilisme et du clientélisme, la réalité est plus complexe. De nombreux chantiers de modernisation doivent être suffisamment envisagés pour faire évoluer concrètement lEtat gabonais, dans certains domaines précis ou sur des questions plus vastes. Ainsi en va-t-il, par exemple, de l'initiation des fonctionnaires aux nouvelles technologies de linformation et de la communication (NTIC) autour du programme de ladministration électronique, porté par le développement de lInternet au sein de la fonction publique gabonaise, ou encore de la réforme budgétaire, dont le but est de mettre en place une nouvelle gestion publique débarrassée des « baronnies régionales ou provinciales ».
Pays stable politiquement, le Gabon est lun des pays relativement riche du continent. Cependant, cet Etat nest pas organisé et modernisé. Son peuple gémit de misère et de pauvreté du fait de la mauvaise gestion de ses ressources par ceux qui gouvernent.
La réforme paraît comme une alternative intéressante susceptible de permettre à lEtat gabonais datteindre un niveau dorganisation à mesure dimprimer à ce pays une nouvelle dynamique économique et politique. Loccasion est donc ainsi offerte au Gabon dans le cadre du NEPAD de se moderniser véritablement. Il sagit manifestement dun pays où tout est presque à refaire, tant sur le plan structurel et organisationnel que sur le plan du développement. Il nest pas normal dans cette entreprise de régionalisation quil nexiste pas un authentique modèle gabonais de réformes économiques et politiques susceptibles de booster le développement, tout en assurant une redistribution moins inégalitaire que par le passé. Cest dans cette perspective que plusieurs dispositifs spécifiques ont été mis en place depuis quelques années pour organiser et stimuler les efforts de modernisation : le commissariat général à la réforme administrative et les stratégies gouvernementales de réforme autour de la lutte contre la corruption et la pauvreté et les audits de modernisation.
En 2004, le gouvernement gabonais a annoncé le lancement dune revue générale des politiques publiques en adhérant volontairement au mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP) du NEPAD. Dans la sous-région dAfrique centrale, lONG Transparency international reproche à ladministration gabonaise de ne pas être capable de sadapter aux évolutions contemporaines en raison de la corruption des processus et du manque de neutralité des agents de lEtat. Cette initiative de réforme de lEtat entamée nest donc fondamentalement pas une préoccupation nouvelle.
Les critiques à lencontre de ladministration gabonaise sont anciennes et peuvent remonter depuis la période du parti unique. Elles étaient déjà mordantes durant lépoque coloniale avec ladministration des évolués initiée par les colonisateurs, servies par des opposants emblématiques : Le Pilote et Renaissance journaux de lUnion démocratique et sociale gabonaise (UDSG) du parti de Jean Hilaire Aubame et La cognée bulletin du Mouvement national pour la révolution du Gabon (MNRG) de Germain Mba qui brossaient respectivement un tableau sévère de la bureaucratie sous ladministration coloniale. Il est intéressant de noter que, durant les années cinquante, les fervents défenseurs de lindépendance du Gabon et opposants au système colonial imaginaient déjà une tentative de réorganisation de lEtat gabonais, avec le plan de lindépendance qui dessinait « un nouveau système dadministration » sous Léon Mba.
De fait, lidée de réforme de ladministration nest pas nouvelle non plus: elle se développe en particulier à la fin des années 1950 avec lenvoi en Occident de certains Gabonais évolués. Cette opération était destinée à former les cadres de lEtat. La réflexion et les propositions vont davantage être formulées depuis larrivée au pouvoir du Président Bongo, où les opposants au régime installés à létranger et socialisés politiquement dans les canaux de la Fédération des étudiants dAfrique noire en France (FEANF) se rejoignaient dans la volonté de réformer le régime politique Bongo et celle de réformer ladministration. Cest dans ce cadre de modernisation de lEtat et pour répondre aux critiques les plus incisives des opposants au régime, que le gouvernement va ensuite créer lEcole nationale d'administration (ENA) pour former les hauts fonctionnaires et cadres gabonais.
Les années 1990 ont connu dimportantes mutations en matière de prise en compte accrue des usagers : institution du Médiateur de la République, du Conseil économique et social (révision de la loi en 1991). Ces années sont marquées par la décentralisation votée en 1996, qui amène dorénavant les services de lEtat à se repositionner face aux pouvoirs locaux émergents. Il sagissait, pour le gouvernement gabonais, d'opérer un « renouveau du service public » à travers la loi 15/96, qui a lancé un mouvement de « déconcentration » des services centraux vers les services territoriaux de lEtat, recentrant les premiers autour dune mission de conception, dorientation et dévaluation, en sappuyant notamment sur un développement des responsabilités et de lévaluation dans les administrations.
En 1998, à loccasion dune initiative de relance des efforts de modernisation des administrations soutenu par le programme des nations unies pour le développement (PNUD), apparaît officiellement dans lopinion publique lexpression de « réforme de lEtat », à laquelle le ministère de la fonction publique est désormais consacré avec la dénomination de « Ministère de la fonction publique et de modernisation de lEtat » et des services interministériels sont désormais rattachés. Tandis que le souci de réforme administrative peine à se développer, simultanément le développement des nouvelles technologies et dInternet dans les administrations, avec les projets dadministration électronique initiés par la direction générale des services informatiques tend à se généraliser.
Aujourdhui, le souci de modernisation de ladministration reste fort et les phénomènes de régionalisation et de mondialisation accentuent davantage la demande defficacité de la gestion publique. De ce point de vue, avec le nouveau millénaire les années 2000 marquent un tournant décisif en Afrique: la mise en uvre du nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) conduit résolument les administrations africaines à entrer dans une logique de « performance ». Cet enjeu: « lorganisation de lEtat et les performances des administrations deviennent de plus en plus des facteurs compétitifs qui décident de la prospérité d'une nation ».
En matière de modernisation de lEtat au Gabon, on peut dénombrer quelques réalisations récentes dans des domaines très divers et dimportance variable. Cest le cas de la réforme dAli Bongo Ondimba, ministre gabonais de la défense, qui entreprend depuis quelques années des innovations concrètes, pour sadapter à la nouvelle politique communautaire de défense. Le choix dune professionnalisation des armées a en effet entraîné une réforme dune ampleur considérable, encadrée par la loi de programmation militaire 1998-2005 : création dun prytanée militaire, élargissement des effectifs grâce au développement dune nouvelle politique de recrutement, de formation et de reconversion, ou encore en recourant davantage à lexternalisation (personnel civil), restructuration des forces de défense, participation aux missions internationales de sécurité collective. Cest probablement une des réformes de lEtat les plus ambitieuses de ces dernières années.
Pour prendre un exemple plus transversal, on peut évoquer la réforme budgétaire consacrée par les lois des finances qui sapparente à une simple réforme technique, loin dêtre un bouleversement complet des règles budgétaires et comptables de lEtat tant dans la conception que dans le contrôle en raison de limpuissance de la cour des comptes gabonaise. Annoncée comme un puissant levier de réforme de lEtat, elle devrait conduire les administrations à passer dune logique de moyens à une logique de résultats. La mise en uvre de cette nouvelle « procédure financière » de lEtat fondée sur les conditionnalités des institutions internationales, qui sétend jusquen 2009, représente un défi considérable pour les services publics gabonais : de nouveaux budgets ministériels, une nouvelle comptabilité publique, de nouveaux modes de gestion, de nouveaux systèmes dinformation. Lensemble des administrations, les juridictions de contrôle et les assemblées parlementaires se trouvent ainsi engagées dans un profond renouvellement des règles régissant les budgets, des modalités de leur contrôle et, plus largement, de la gestion publique.
Plusieurs organes ont été chargés de conduire la réforme de lEtat. Il sagissait à lorigine des services, temporaires puis permanents, qui ont été choisis pour le pilotage et la coordination des chantiers de la refondation de lEtat. Il sagit, entre autres, du Commissariat général à la réforme administrative ou du programme national de la réforme administrative (PNRA), Commission interministérielle chargée de la lutte contre la corruption, Comité détudes Gabon 2025... Les orientations politiques sont données par un Comité interministériel chargés de la réforme de lEtat, institué par le Président de la République et dirigé par Jean De Dieu Mengome-Oyono Coordonnateur du Commissariat général à la réforme de ladministration au Gabon et de Jean-François Mavoungou, chef de léquipe opérationnelle du projet "ANITA". Ce comité a été chargé de moderniser lorganisation et le fonctionnement des institutions afin de conduire les administrations à passer dune logique de moyens à une logique de résultats. Le cadre de « bon gouvernement » quil met en place est désormais centré sur la responsabilisation des agents de lEtat. A ce niveau, il aurait été plus intéressant et efficace de favoriser cette bonne gouvernance à travers ladoption dun nouveau mode de gestion publique fondé sur le contrôle par les populations de la performance de ces agents, à en juger par la réforme de ladministration territoriale de lEtat qui ne favorise toujours pas au Gabon une gestion saine des ressources du fait de linsuffisance délargissement ou de la confusion et méconnaissance des compétences.
Les administrations de lEtat gabonais nont pas pu sadapter aux lois successives de décentralisation en raison de la confiscation de laccroissement des compétences des collectivités territoriales. Depuis 1996, aucun véritable mouvement de « déconcentration » n'a renforcé les compétences des services territoriaux de lEtat, à cause de forts obstacles liés au manque de volonté politique des autorités gabonaises installées aux leviers de lEtat. Dans le cadre de la réforme des administrations régionales et départementales de lEtat, le rôle des préfets (représentant lautorité de lEtat) na pas été renforcé face à celui des gouverneurs (représentant personnel du chef de l'Etat dans les régions) de provinces. Lautre pendant de la réforme de lEtat qui nécessite une clarification est lévaluation des politiques publiques. Elle consiste à la fois à mesurer les effets de laction publique en comparant ses résultats aux objectifs et aux moyens, et à porter un jugement sur la pertinence de ces objectifs. En dépit du retour vers le multipartisme et de la proclamation de larrimage de lEtat gabonais aux idéaux de bonne gouvernance, nul doute quaucun progrès na été accompli depuis plus d'une décennie en matière dévaluation des performances. Lévaluation de laction publique est en souffrance et peine à simposer au Gabon. Mais il existe aujourdhui un contexte favorable à son développement, par exemple avec la mise en uvre du "peer review mechanism" du NEPAD.
Ce mécanisme nécessite une adaptation de ladministration gabonaise au processus de décision panafricain. De nouveaux modes de réflexion et daction induits par la dynamique dunification africaine tentent damener ladministration gabonaise à sadapter. Ainsi sest-elle dotée par exemple de deux structures spécifiques : le Ministère en charge du NEPAD et la Commission Gabon-MAEP. Parallèlement, le Gabon qui se pose en modèle dapplication des contraintes d'inspection externe, essaie de consentir des efforts pour se doter de compétences renforcées en matière africaine: cest le cas de la création de la Bourse des valeurs mobilières d'Afrique centrale (BVMAC) ou de lAgence pour la promotion des investissements privés (APIP). A travers ces instruments, lEtat gabonais tente ainsi dadapter sa fonction publique aux obligations communautaires. Linfluence des normes communautaires concerne principalement la libre circulation des travailleurs : ainsi la fonction publique gabonaise a-t-elle dû souvrir à des ressortissants dautres Etats membres de la communauté africaine, notamment dans les métiers de lenseignement. Laffirmation internationale du principe de non-discrimination en raison du sexe a également conduit à des évolutions du droit de la fonction publique en matière de recrutement ou de carrière.
Plus que par le passé, la fonction publique gabonaise tend à ménager beaucoup defforts en matière de qualité des services de lEtat accueillant du public. Première impression que donne ladministration, laccueil réservé aux usagers constitue un important enjeu de réforme, tant en ce qui concerne les conditions matérielles de laccueil que lassistance aux démarches. Ainsi les « lieux des services publics » se sont-ils multipliés, ainsi que les dispositifs de « guichet unique » même si la difficulté aujourdhui réside encore dans laccès aux documents administratifs en raison de restrictions protégeant certains documents sous le sceau dune certaine confidentialité. Ainsi, afin de rendre plus faciles les relations entre les usagers et ladministration, il est important d'initier des mesures de simplificité administrative dans de multiples directions pour éviter des lourdeurs, notamment en matière de démarches, de refonte des formulaires administratifs, de développement de ladministration électronique, de simplification du langage administratif et des structures administratives ou de codification des lois et règlements. Ladministration électronique permet de simplifier les démarches des usagers, par exemple en dématérialisant les procédures administratives, mais aussi de rendre plus efficace le fonctionnement de ladministration, notamment par le travail en réseau.
Par ailleurs, linstitution en 1993 dun Médiateur de la République, organe indépendant relevant de la tutelle du chef de lEtat et chargé dapporter des solutions aux difficultés rencontrées par les usagers dans leurs relations avec les administrations, a constitué une importante innovation. Le succès de ce mode de réponse à la mauvaise administration devrait conduire au développement des médiations dans dautres secteurs de laction publique plutôt que de recourir au président de la République pour le dénouement des crises : grèves à léducation nationale, enseignement supérieur ou à la santé par exemple. Tout aussi important pour la visibilité de la réforme de lEtat sont les stratégies ministérielles de réforme telles quinitiées en France par exemple. Elles sont présentées par le gouvernement au Parlement. Dans le cadre de la réforme de lEtat, elles précisent, au-delà des chantiers interministériels (réforme budgétaire, simplification des procédures, etc.), les réformes prévues dans chaque département ministériel.
La réforme renforce la légitimité de lEtat et la qualité des services quil rend au quotidien aux usagers. Doù la nécessité que cette réforme saccompagne des audits de modernisation de lEtat qui sinscrivent dans le cadre plus large de la bonne gouvernance, notamment dans la transparence des modes de gestion de laction publique en les orientant vers une culture de résultats. Ces audits peuvent être réalisés sous la co-maîtrise douvrage du ministère concerné, du ministère des Finances et de la Réforme de lEtat. Ils doivent être menés par des équipes associant corps de contrôle ministériels et corps de contrôle interministériels, avec éventuellement des consultants extérieurs à ladministration et la validation par le peuple après la publication officielle des résultats denquête conçus dans un but opérationnel.
Les enjeux politiques et stratégiques
Devant la persistance des traits néo-patrimoniaux dans la vie politique et économique gabonaise, lEtat gabonais est à la recherche dun positionnement international susceptible de rassurer la communauté internationale, malgré les faiblesses structurelles de lEtat notamment en matière de démocratie, de la bonne gouvernance et des droits de lhomme. Le Président Bongo cherche ainsi à placer son pays comme un Etat bien gouverné en niant la médiocrité du cadre sociopolitique quil a créé. Il saisit donc le cadre du NEPAD pour capitaliser les avantages liés à ses gains symboliques accumulés du fait de sa longévité politique et des activités de médiation. Il y a manifestement derrière lapparence de volonté autour du programme africain une charge symbolique sur fond politico-stratégique.
1.2.1. La démocratisation bloquée, enjeu de la quête de rayonnement sous-régional
Le Gabon a une autre particularité qui repose dans la nature des structures politiques ayant permis au Président de se maintenir aussi longtemps au pouvoir. Depuis la mort du Président du Togo, le général Etienne Gnassingbé Eyadéma, en février 2005, le Président Omar Bongo représente effectivement lhomme politique qui a pu diriger le plus longtemps un Etat africain. A larrivée au pouvoir de celui qui sappelait alors Albert-Bernard Bongo, après la mort du Président Léon Mba en novembre 1967, le Gabon venait de sortir dune crise politique. De graves insurrections à Libreville et un coup dEtat mené trois ans auparavant par larmée contre le Président avaient profondément perturbé lordre politique qui ne put, par conséquent, être restauré quaprès lintervention des troupes françaises. Le régime, alors mis en place par Bongo, réussit à atteindre une stabilité politique déjà établie par son prédécesseur, Léon Mba. Ainsi put-il se maintenir au pouvoir tandis que se multipliaient dans la région, comme sur le continent entier, les coups dEtat et les crises politiques.
Cette solidité politique est souvent mise en rapport avec le fort degré néo-patrimonial qui a marqué le régime depuis son avènement. Proches du concept wébérien du patrimonialisme, les traits néo-patrimoniaux au Gabon se manifestent par la forte personnalisation du pouvoir présidentiel à lintérieur dun système politique basé sur des structures bureaucratisées. Pourvu de pouvoirs étendus et même presque absolus, le Président Omar Bongo représente le pilier dun système politique, vaste et complexe, dont la régulation et le rééquilibrage lui ont permis, jusquà présent, de sauvegarder sa position à la tête de lEtat. Analysant ces structures, Thomas Atenga note : « celui qui préside aux destinées du pays est source de tout pouvoir, il régente un appareil bureaucratique vassalisé tout en restreignant le champ dexercice des libertés publiques et en obstruant lémergence dun véritable contre-pouvoir alors que le gouvernement est resserré autour de sa personne».
Alors que le Gabon a fait partie des premiers Etats à mettre en marche un processus de démocratisation, laccès au multipartisme ne semble pas vraiment avoir compromis la position forte du Président. Si, suite à lorganisation de la Conférence nationale en janvier 1990, une multitude de partis a été fondée en plus du parti présidentiel, le Parti Démocratique Gabonais (PDG), une véritable opposition na pourtant jamais pu se former. A lexception du Parti gabonais du progrès (PGP) et de lUnion du peuple gabonais (UPG), tous les partis, luttant il y a encore quinze ans pour une ouverture du système, ont entre-temps renoncé à leurs ambitions réformistes pour sallier à la majorité présidentielle.
En effet, Didier Taba Odounga constate, à ce sujet, que: « en somme, il fallait pour le pouvoir réduire la contestation en attribuant des portefeuilles ministériels aux acteurs de lopposition. Certains ont pris goût à la gestion des affaires et ont oublié ce pourquoi ils étaient censés être là (
). Monsieur Bongo venait de trouver le moyen de saborder lopposition gabonaise sans en donner limpression ». Thomas Atenga adopte un point de vue similaire : « à coup de manuvres politiciennes, mais surtout de millions de francs CFA et de cooptations dans les différentes institutions de lEtat, il (le Président Bongo) a réussi à conserver son pouvoir et réduit au silence lopposition, qui se résume désormais pour lessentiel à lUnion du Peuple Gabonais (UPG) de Pierre Mamboundou ».
Malgré leur institutionnalisation formelle, ces structures politiques, fortement personnalisées, reposent sur un effritement de la limite entre la sphère publique et la sphère privée, caractéristique typique de systèmes considérés comme néo-patrimoniaux. Ainsi, lemploi de ressources et dinstitutions nationales par lélite dirigeante pour maîtriser les ambitions des élites locales et des forces à potentiel centrifuge et consolider son propre pouvoir, sest-il vu accompagné dune distribution de fonctions politiques, administratives et économiques qui répondait plus à des critères largement personnels quà des critères de qualification.
Cette politique a trouvé son apogée dans la délégation de postes-clés à plusieurs membres de la famille présidentielle. Cette « Bongocratisation » a conduit à une «démocratie apaisée» sans promouvoir dans le pays vers une vraie ouverture démocratique. Partant, elle a pu limiter la création dun véritable contre-pouvoir politique et institutionnalisé, sous la forme de partis dopposition. La fréquence, de plus en plus importante, de mouvements protestataires illustre toutefois la croissance du mécontentement populaire à légard dun pouvoir central qui ne réussit plus à répondre suffisamment aux besoins des citoyens, et à la dégradation de la situation sociale, à léchelle nationale.
Cette insatisfaction sétait exprimée, au cours des dernières années, par le biais de grèves sectorielles et générales, ainsi que par lintensification des mouvements sociaux, souvent dirigés par des groupes de pression et des associations corporatistes. La grève qui a paralysé luniversité de Libreville pendant plusieurs mois en 1992 avait été suivie par des manifestations répétées des étudiants et des enseignants, perturbant de nouveau le fonctionnement de létablissement. De la même manière, les grèves des infirmiers et des commerçants, en 2003, ont largement déstabilisé, pendant plusieurs mois, le bon déroulement de la vie quotidienne. Si, pour le moment, ces mouvements peuvent encore paraître isolés et trop faibles pour vraiment mettre en péril la stabilité du pays, ils montrent cependant les premières limites dun système politique, qui avait réussi jusquici à maîtriser, dune manière ou dune autre, les fractures et tensions qui traversent ce pays.
En outre, la baisse des revenus en provenance du secteur pétrolier qui, jusquà présent, avaient représenté un fondement important, menace de mettre fin, tôt ou tard, à la politique dapaisement par redistribution. Les limites, voire les effets nuisibles de cette dernière, deviennent, en même temps, de plus en plus évidents sous forme de dysfonctionnements de structures, largement hypertrophiées et paralysées en raison de la pénétration déléments patrimoniaux dans le système légal rationnel de ladministration nationale. En 1999, le PNUD a ainsi décrit « ladministration publique du Gabon (comme) machine lourde (
) » et en a déduit que « il en résulte un dysfonctionnement, une gestion irrationnelle des ressources humaines, des pratiques de népotisme et un manque de transparence (
) La coordination de laction gouvernementale est ainsi confrontée à des obstacles majeurs, sources de conflits et de blocages ».
Enfin, ces limites deviennent de plus en plus manifestes face aux crises sociales et économiques qui semblent multiplier les défis et les menaces que le système politique est censé affronter. Tandis que le Président Omar Bongo continue à simpliquer dans la résolution de tensions et de conflits à lextérieur des frontières nationales, il paraît nier les menaces qui se posent à la stabilité de son propre pays. Alors que celle-ci a bel et bien constitué, pendant plusieurs décennies, un atout remarquable à lintérieur dune région bouleversée par des crises, les piliers sur lesquels elle sétait principalement fondée commencent à seffondrer progressivement. La dégradation des conditions de vie de la grande majorité de la population et la montée de mouvements opposant dune part la société à lEtat, et dautre part les différentes sections de la population entre elles, paraissent traduire des divisions et des lignes de friction qui, jusquici, avaient été en grande partie latentes. Dans cette perspective, le maintien dune société stable et cohérente se révélera de plus en plus difficile pour un régime qui, basé sur un équilibre assez fragile et concentrant toujours le pouvoir, malgré les discours en faveur de la démocratie, entre les mains du seul Président, semble progressivement saffaiblir.
1.2.2. La fabrique de limage de "sage"
Le Chef dEtat gabonais Omar Bongo se présente comme lune des personnalités politiques africaines les plus actives dans des activités de médiation. Dès son accession à la magistrature suprême au Gabon en 1967, il sest impliqué dans la résolution dun grand nombre de conflits africains, faisant ainsi partie des quelques Chefs dEtats africains à sinvestir plus ou moins directement dans la résolution de crises sur le continent. Souvent présenté pour cette raison comme un « doyen » ou comme un « sage », Bongo a surtout montré un intérêt particulier pour la stabilité dans les pays de la sous-région dAfrique centrale. Pour Bongo, « En Afrique, on dit volontiers que laîné est un "sage". Cest le privilège de lâge. Il est vrai que, tout naturellement, on consulte plus spontanément quelquun qui a lexpérience, on fait davantage confiance à son jugement. Mon avis peut être utile à mes collègues. Et si on me le demande, je conseille les uns et les autres, jessaie daplanir les difficultés qui peuvent naître. Suis-je "sage" pour autant ? Je nen sais rien. Ce que je sais, cest quau fil des années, jai accumulé une certaine expérience ».
La politique étrangère gabonaise renferme manifestement une dimension panafricaine qui relie lavenir de lEtat gabonais à celui de lAfrique subsaharienne même si, derrière ses ambitions diplomatiques, se dessinent des enjeux de pouvoir. Ainsi, a-t-il notamment contribué à lapaisement des tensions entre le Tchad et la Libye, au cours des années 1980, ainsi quà la résolution des conflits quont connu respectivement le Congo-Brazzaville, entre 1993 et 1994, et la République centrafricaine, en 1997, avant de chercher à réconcilier les factions rivales en République démocratique du Congo. En consolidant ce gain symbolique, le but de la politique extérieure dOmar Bongo a été de promouvoir la paix, de contribuer à la stabilisation du continent et, plus particulièrement, à la résolution des conflits en Afrique. Par delà lacquisition des avantages politiques évidents, il va sen dire quassurer la paix est tout dabord un attribut important de limage personnelle du président gabonais en même temps quune garantie pour lEtat gabonais comme destination des investissements étrangers. Selon le Président gabonais, cet engagement pour la paix régionale, voire continentale, reposerait en premier lieu sur la stabilité qua toujours connue son propre pays : « Mes actions en faveur de la paix, les missions darbitrage ou de médiation (
) accomplies dans des conflits opposant, bien souvent, les frères dun même pays, ne trahissent aucune arrière-pensée ni aucun calcul fondé sur des ambitions personnelles. (
) Mais le Gabon est lun des rares pays dAfrique centrale qui jouit, depuis son indépendance, de la paix et de la stabilité. Cest un élément déterminant de mon engagement sur notre continent ».
En effet, pour le président gabonais, la paix est devenue la pierre angulaire de la diplomatie gabonaise et lélément politique le plus marquant des relations continentales et internationales nonobstant le fait que cette activité de médiation fait lobjet de critiques internes - « dénonçant une supercherie en rétablissant la vérité historique et en montrant Bongo sous les traits dune marionnette des réseaux de la Françafrique » -, de rivalité sous-régionale et de jeux de pouvoir géopolitiques de lAfrique post-Mobutu.
Toutefois, aujourdhui, cette stabilité de façade ne semble plus aussi certaine que quelques décennies auparavant. En effet, au cours des années précédentes, le Président Bongo sest vu confronté à un nombre accru de défis menaçant le maintien de léquilibre ethno-démographique interne et partant, de la représentativité politique. On enregistre également une chute considérable de la production pétrolière, une dégradation continue des conditions de vie, accompagnée dune fragilisation du tissu social, notamment dans les villes.
Ainsi on assiste davantage à une remise en cause plus affirmée de la manière de gouverner centrée autour dun homme aux pouvoirs étendus à tous les échelons de lappareil dEtat : un véritable « présidentialisme monocentré ». LEtat gabonais dispose dimportants gisements de pétrole. Il a été, dans la majeure partie de son histoire postcoloniale, parmi les Etats africains les moins pauvres, affichant en moyenne un produit intérieur brut (PIB) par tête dhabitant à un niveau presque quatre fois plus élevé que la moyenne de lAfrique subsaharienne. Pour cette raison, il sest souvent vu attribuer des noms tels que la « Suisse africaine » ou l« Emirat de lAfrique subsaharienne ». Découverts vers la fin de lère coloniale, puis aménagés et exploités dabord à terre, principalement dans la région dOuzouri, puis également off-shore au cours des années soixante et soixante-dix, ces gisements pétroliers ont représenté -et le font toujours, même à une échelle plus réduite, comme nous allons le voir- la richesse principale pour un pays qui dispose dune superficie et dune population assez réduites.
Pour la vie sociale et politique, le pétrole a toujours joué un rôle considérable. En effet, le développement économique a permis au gouvernement de mener, jusquà la fin des années quatre-vingt-dix une politique régulière demploi. Non seulement dans le secteur pétrolier mais aussi dans le domaine public, le pétrole a fait de lEtat un employeur important et a contribué, depuis lindépendance, à un essor remarquable concernant ladministration du pays. Grâce à ces conditions, le régime sest vu doté dun pouvoir important dans la distribution de postes et de fonctions. Comme nous allons le voir encore plus en détail plus tard, ce facteur semble bel et bien avoir joué un rôle non négligeable dans la consolidation du pouvoir et de lautorité du Président Bongo.
Néanmoins, depuis la fin des années 1990, lâge dor du Gabon semble toucher progressivement à sa fin. En effet, en 1998, le secteur est entré dans une crise qui a entraîné le pays dans un cycle de croissance faible et irrégulière. Les recettes pétrolières gabonaises ont connu un déclin particulièrement marquant entre 1997 et 1999, diminuant dun montant atteignant alors 644 milliards de francs CFA à 499 milliards en 1998 et 369 milliards lannée daprès. Après une reprise passagère en 2000 et une remontée à un niveau de 815 milliards de francs CFA, elles sont restées considérablement instables, ayant été de 609 milliards en 2002, de 570 milliards en 2003 et de 600 milliards en 2004. Depuis, les recettes ont pu être augmentées de nouveau et se trouvent aujourdhui à un niveau de plus de 800 milliards de francs CFA.
Cette évolution peut premièrement sexpliquer par une baisse considérable de la production pétrolière, en raison du fait que le rendement dune grande partie des principaux gisements a diminué. Alors que, après une montée continue depuis la fin des années quatre-vingt, elle avait atteint son maximum en 1997, affichant alors un niveau denviron 367 000 barils de brut par jour, la production est entrée progressivement dans une période de stagnation, voire de régression, qui lui a fait atteindre, en 2003, à peine 250 000 barils par jour. Depuis cette année, la production ne baisse plus mais stagne, ce qui peut être essentiellement expliqué par une augmentation du taux de récupération ainsi que par la remise en production de gisements modestes, grâce à lintroduction de technologies nouvelles. En même temps, le prix mondial du pétrole a doublé entre 2003 et 2006 et continue à croître, permettant ainsi au pays une nouvelle augmentation de ses recettes pétrolières.
Cependant, cette inversion de tendance, depuis les dernières années, est plus conjoncturelle que structurelle et rend quelque peu incertaine la situation économique du Gabon. Et même si, pour le moment, la crise semble passée, elle a eu des effets considérables qui se font toujours ressentir. A elles seules, les activités de production, de raffinage, de recherche et de services pétroliers, présentent aujourdhui environ 42% du PIB gabonais.
Le développement des autres secteurs économiques, tels que le bois, lindustrie minière ou lagriculture, lélevage et la pêche a en même temps largement été négligé, et ceci malgré labondance considérable de ces ressources. En raison de leur contribution limitée et leur dynamisme faible, les secteurs non pétroliers nont donc pas pu compenser les pertes dues à la baisse des revenus pétroliers. En conséquence, cette dernière a induit une croissance négative du PIB, notamment entre 1997 et 2000. Qui plus est, la forte concentration sur le pétrole et le manque de diversification de léconomie gabonaise avait contribué, au fil du temps, au développement dune importante industrie dimportation, longtemps portée par les revenus pétroliers. La baisse de ces derniers a entraîné, dès lors, une aggravation progressive du problème de lendettement, intérieur comme extérieur, du pays. Au regard de lépuisement graduel de la majorité des sites off-shore, et en labsence de nouvelles découvertes de sites exploitables, ou encore dune politique économique de diversification, il paraît douteux que la crise puisse être simplement qualifiée de passagère.
Pendant trop longtemps, le gouvernement semble avoir négligé les investissements dans les secteurs hors pétrole, alors quune plus forte diversification économique aurait certainement pu amortir, en partie, les effets de la crise du pétrole. En même temps, les investissements dans la formation dune main-duvre qualifiée et efficace ainsi que dans le développement de linfrastructure savèrent toujours trop faibles et risquent de freiner encore davantage une reprise de léconomie. La faible part du PIB consacrée à léducation publique indique par exemple la forte négligence de lEtat dans la question de la formation de la population active. Etant de 3,7% du PIB en 2001, ce taux est équivalent à celui de certains PMA africains, tels que la Mauritanie ou le Burundi, et est même largement dépassé par celui de lEthiopie ou du Malawi. Dans ce contexte, les mots du Président lui-même, qui qualifie la situation économique actuelle de son pays de « ramadan financier », paraissent ainsi plutôt difficiles à croire.
En effet, dans une perspective certes assez wébérienne, la perte de crédibilité de lEtat gabonais se voit ainsi générée grâce à une insatisfaction des besoins et des préoccupations de la population. LEtat nest pas capable aujourdhui de trouver des solutions véritables susceptibles daméliorer les conditions de vie des populations gabonaises. Au demeurant, il sillustre par une incapacité à appliquer ses décisions sur lensemble du territoire national. Ce raisonnement peut être soutenu avec Kalevi Holsti lorsquil affirme: « The state has to earn and maintain its right to rule through the provision of services (
), law and order, justice, and a varying range of welfare measures. The poorer the performance and the more biased in execution, the more likely that resistance will either bring down the regime or break the state ». Une telle conception de la légitimité sur la performance de lEtat est dautant plus pertinente quil est possible détablir un certain lien entre la perte de légitimité des dirigeants ainsi générée par leur incapacité à diriger, doù cette recherche de crédibilité dans les grands ensembles intégrés afin de soigner une image auprès des créanciers internationaux en même temps que lEtat gabonais tente de maintenir la cohésion sociale et lintégrité territoriale qui constituent des indicateurs importants dun certain degré de légitimité.
1.2.3. La « paix », enjeu interne et symbolique
La paix représente une donnée essentielle pour la légitimité dun Etat, tout en reflétant en même temps lexistence et la garantie de celle-ci, la cohésion sociale, lintégrité territoriale voire même lalternance du pouvoir peuvent être considérées comme constituant les principales composantes de ce quon désigne comme la stabilité politique. Elle est dans le cas du Gabon un gage de la cohésion sociopolitique et de léquilibre ethnodémographique même si ce pays na pas encore rempli les conditions dune alternance de pouvoir.
En effet, « la cohésion politique regroupe les principaux aspects qui paraissent nécessaires pour une existence continue et reconnue dun système politique et le maintien de lordre interne. Elle suppose et assure à la fois une coexistence pacifique entre les différents acteurs sociopolitiques : dune part entre les acteurs gouvernants et les acteurs gouvernés, dautre part entre les acteurs qui sont au pouvoir et les forces qui constituent leur opposition. De même, la cohésion politique dépend largement de lintégrité territoriale, tout en encourageant en même temps le fait que lautorité et le contrôle du système politique puissent sétendre sur lensemble de son territoire et veiller à un développement homogène ». Le concept de paix auquel peut mener ce raisonnement peut ainsi être compris comme étant « un état où les trois éléments composant la cohérence politique - soient lalternance pacifique du pouvoir, la cohésion sociale et lintégrité territoriale - se trouvent suffisamment respectés et dans un certain équilibre ». Or cet équilibre dépend en grande partie de la capacité dun Etat à mettre en place des politiques qui permettent de couvrir effectivement les besoins de la population et de répondre aux attentes normatives des citoyens. Dans cette perspective, la problématique de lEtat gouverné met en évidence celle de lEtat fort où règne manifestement la paix. Le Gabon est loin dun Etat fort parce quil nest pas gouverné. Sa faiblesse se définit par un ensemble dirrégularités de fonctionnement, notamment dans la souffrance des dispositifs dinstitutionnalisation et par des insuffisances en matière de capacité dagir des autorités gabonaises.
La question de la nature de lEtat a fait lobjet de plusieurs travaux chez les spécialistes de la sociologie de limportation et de lhybridation comme Bertrand Badie, Pierre Birnbaum ou Jean-François Bayart. Mieux, cest surtout à partir des années quatre-vingt-dix que la problématique de la qualification des régimes devient un sujet récurrent en Science politique, ayant donné lieu à diverses études et modèles explicatifs. Robert H. Jackson, qui fut parmi les premiers à aborder cette problématique, forgeait en 1990 le concept de « Quasi-states », ou de « quasi Etats », pour mettre davantage en évidence le problème lié à lexistence dEtats jouissant, au niveau international, toujours du statut dEtat souverain, tout en faisant preuve de graves lacunes institutionnelles et de difficultés pour garantir la prospérité et le bien-être au niveau interne.
Une telle approche indique ainsi un tournant important qui souligne le fait que la faiblesse dun Etat ne se définit désormais plus en premier lieu en fonction de la force politico-militaire de celui-ci, mais devient dabord une question liée à sa capacité dagir au niveau interne. Pour cette raison, Barry Buzan proposait en 1991 de faire dorénavant la distinction entre les concepts dEtat (State) et de Puissance (Power). Tandis que la faiblesse ou la force dune puissance se fonde sur la capacité dun système politique en matière militaire ou économique, la faiblesse ou la force dun Etat est liée à ce que lauteur appelle le degré de cohésion sociopolitique. Cette cohésion dépend principalement de la capacité du système à savoir créer un consensus politique et social à lintérieur de ses frontières. Ce qui est dautant plus vrai au Gabon où le président Bongo concentrant tous les pouvoirs a malgré tout réussi à maintenir une cohésion sociale, contraignant ainsi les opposants à son régime à la politique de la « convivialité ». La paix, chère au dirigeant gabonais, fait de ce pays un havre de stabilité dans la sous-région malgré les conflits récurrents autour de ses frontières, grâce à une certaine capacité du président Bongo à contrôler le territoire national tout comme les ressources qui sy trouvent, ce en dépit des structures institutionnelles trop faibles pour garantir un fonctionnement satisfaisant.
Nonobstant sa caractérisation géopolitique, qui le situe à lintérieur dune zone particulièrement affectée par une conflictualité régulière et une régionalisation des guerres civiles, lEtat gabonais a toujours pu maintenir un niveau de stabilité remarquable. Cet état de fait « a souvent été mis en rapport avec lordre social et, plus précisément, avec léquilibre établi entre les différentes communautés ethniques ». La société gabonaise est de taille assez modeste avec à peine un peu plus dun million dhabitants. Elle repose sur des ethnies principales avec une origine linguistique commune. Les groupes Fang et Punu représentent la majorité sociologique avec un nombre de membres sensiblement égal. Ils « forment ensemble la moitié de la population, lautre moitié étant constituée majoritairement par quatre autres groupes dont le poids quantitatif varie entre 11% et 7% ».
En effet, « leur cohabitation paisible et pacifique a mené, tout au long des décennies de lindépendance, à une stabilité ethnique considérable. Le pays na en effet connu, au cours de son histoire postcoloniale, aucune perturbation qui eût été fondée sur une animosité de motivation ethnique, et eût opposé ces groupements socio-ethniques les uns aux autres ». Toutefois, il peut paraître exagéré de vouloir déduire de ce constat quil sagit dune population absolument harmonieuse et paisible. Il sagit, en effet, dune paix larvée et dune cohésion qui peut paraître de façade, et ceci pour plusieurs raisons. Tout dabord, il convient de rappeler que les Gabonais vivent dans des conditions précaires. Le constat dune pauvreté galopante est donc clair si lon en juge par les chiffres avancés par les Nations unies dans un rapport publié par le gouvernement gabonais en coopération avec le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), « plus de 60% de la population vit avec moins de deux dollars US par jour, alors que 20% ne dispose que dun seul dollar par jour ». Cette situation est dommageable dautant plus que lEtat gabonais dont le produit intérieur brut par habitant fait partie des plus élevés des pays de lAfrique subsaharienne, a atteint « en 2003 un niveau de 6 397 US dollars en parité de pouvoir dachat selon le PNUD en 2005, ce chiffre a permis au Gabon dêtre classé par la Banque Mondiale comme un « pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ».
En réalité, il ressort que la grande partie de la population vit sous des conditions comparables à celles des pays moins avancés (PMA) africains, cest-à-dire, à bas revenus. On peut noter, à titre dexemple, quen 2002, « seulement 36% de la population avait un accès régulier à des installations sanitaires, ce qui équivalait tout juste à la moyenne continentale. Moins de la moitié était en mesure de se procurer régulièrement des médicaments, ce qui situe le pays à un niveau comparable à celui de la Sierra Leone ou du Soudan ». En même temps, un tiers des personnes nées au Gabon au début du XXIème siècle natteindra pas lâge de quarante ans. Malgré certaines mesures prises par le gouvernement au cours des dernières années pour améliorer les conditions de vie à léchelle nationale, lindice de pauvreté est resté à peu près constant depuis lindépendance. En 1994, 83% de la population vivait toujours en dessous du seuil de pauvreté, ce qui correspond seulement à une amélioration de quatre points par rapport à 1960.
Devant la crise économique actuelle que connaît le Gabon, le taux de chômage est en progression considérable. Aujourdhui, lEtat nest plus en mesure dêtre un employeur important comme par le passé, du fait du recul des recettes, de limmobilisme et inefficacité de lappareil administratif désarticulé, mais aussi en raison des politiques dajustement structurel qui nont en aucun cas permis à ce pays datteindre les objectifs de croissance et de développement. En conséquence, les autorités gabonaises ont pris des mesures restrictives et suppressives considérables visant à la réforme des institutions grâce à des programmes de substitution, encourageant par exemple la création de petites et moyennes entreprises et industries. Malgré la création dun département ministériel en charge des petites et moyennes entreprises et industries (PME/PMI), ces mesures nont trouvé quun écho limité : « manque dinformations, projets mal conçus, lourdeurs administratives sont autant de raisons qui en retardent le décollage, sans compter que des milliers de jeunes continuent de rêver dun poste dans une administration ».
Cette situation est observable à travers les disparités régionales et sociales. Alors que laccès aux infrastructures et aux services publics reste toujours plus difficile dans les régions rurales, les conditions de vie dans les grands centres urbains, notamment dans à Libreville et à Port-Gentil, se sont en même temps dégradées considérablement au cours des dernières années. Cest ce qui a conduit au processus dinstitutionnalisation des festivités rotatives de lindépendance. Les « fêtes tournantes » ont pour but à lorigine de pallier ces écarts de développement sociétal et infrastructurel à travers la politique nationale des « grands travaux » qui trouve son expression dans la politique de développement des infrastructures du NEPAD.
Le Gabon enregistre une forte croissance urbaine qui est actuellement lune des plus élevées du continent africain. Entre 1975 et 2003, le taux durbanisation est monté de 40% à 83,7%, tout en étant susceptible de frôler la marge des 90% en 2015. Face à lincapacité de lEtat à mettre en place des mesures sociales concrètes et appropriées, la détérioration de la situation dans les villes est davantage remarquable, avec laccroissement du taux de chômage, le développement de la délinquance et de léconomie criminelle.
Aujourdhui, on assiste à un déficit important de la popularité du système politique au pouvoir et principalement de son dirigeant dû au cadre sociopolitique néopatrimonial quil a créé. Cette crise de légitimité des gouvernants saccentue davantage devant laggravation de la crise et de la croissance continue du taux de chômage et de la pauvreté. Lapproche dadhésion de la diplomatie gabonaise autour du NEPAD nest donc pas fortuite. Elle peut paraître comme une tentative de la classe dirigeante de retrouver un plus grand soutien auprès de la population en lui donnant un regain dintérêt pour lamélioration de ses conditions de vie dans des ensembles plus intégrés. Alors que le régime avait été incapable dassumer tout seul les fonctions régaliennes les plus élémentaires, le NEPAD offre une alternative aux nouvelles avenues de développement économique et de la démocratisation, étouffant ainsi les protestations et mouvements sociaux. Mieux, en se plaçant comme modèle de politique de « bon gouvernement », lEtat gabonais est à la quête dune légitimité renouvelée de la communauté des bailleurs de fonds. Latteinte dun tel objectif reste toutefois douteuse en raison de la persistance de la corruption des processus et de la dynamique de « partage institutionnellement convivial » des ressources de lEtat » par son élite dirigeante. Le NEPAD, comme les plans antérieurs, ne semble pas en mesure, en létat actuel du mode de gouvernement, dimpulser une dynamique aux nouvelles pratiques de gestion de laction publique du fait dun pouvoir politique usé par de longues années de direction déchec.
Section 2 : Le NEPAD au Gabon et en Afrique centrale
Le nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) trouve son expression au Gabon à travers la mise en place dun ensemble dinstitutions agissant pour la promotion du nouveau programme panafricain.
De cette perspective organisationnelle sen suit une confusion ou méconnaissance des compétences entre les agents en charge du dossier NEPAD au Gabon. Ainsi allons-nous tenter de décrire le fonctionnement de ces différentes institutions pour comprendre le processus de construction de la légitimité du NEPAD dans limaginaire politico-administratif gabonais pour mieux renseigner sur les intérêts des acteurs.
2.1. Le NEPAD et lEtat gabonais
Le NEPAD est une institution de lappareil dEtat au Gabon dans la mesure où la compétence de la désignation des personnalités politiques responsables de ce programme relève de lautorité du président de la République. Cest la seule personne susceptible de les remplacer à lissue dune nomination par décret. Dans le cas gabonais, la désignation de ces membres est fonction du rapport dinfluence et de loyauté quentretiennent ces derniers avec le « patron » au sein des réseaux auxquels ils appartiennent.
2.1.1. Le cabinet présidentiel et linstitution dune arène de « management » du NEPAD
Il ressort des prescriptions des textes et de la pratique que la gestion du NEPAD au niveau national relève comme dans tous les Etats membres de la compétence conjointe du cabinet présidentiel et du gouvernement. A cette réserve près que laction du NEPAD ne relève pas du ministre en charge de la politique extérieure mais dun département ministériel chargé du programme panafricain et créé à loccasion, sans oublier les rôles secondaires de la commission Gabon/MAEP et les actions des autres acteurs ministériels qui participent à la mise en uvre des relations extérieures et de la politique de développement national. Le cabinet présidentiel bénéficie véritablement de la primauté de linitiative dans la définition et la conduite de la politique gabonaise du NEPAD et le ministère du NEPAD et les autres acteurs ne viennent quen positions secondaires et successives comme de simples agents dexécution.
Pour mieux situer les rapports entre ces agents dans des réseaux cachés et des relations familiales bâties sur le modèle dune stratégie matrimoniale, il est nécessaire de faire une distinction des domaines dactivité qui composent la politique gabonaise du NEPAD. Cette distinction peut être intéressante parce quelle permet dans cette étude daccréditer la thèse dune réflexion sur la très forte personnalisation de la politique gabonaise en matière de relations internationales. Laction du NEPAD au Gabon est éclatée entre ladministration, la coopération et les affaires politiques. A la présidence de la République, elle relève uniquement dune affaire politique. En évoquant les affaires, on fait référence à la politisation des activités locales du NEPAD. A cet effet, lexpression politique est synonyme de « lart de gouverner » au sens machiavélien du terme. Elle renvoie à la politique au sens anglais de politics qui regroupe dun côté les « mécanismes et procédures relatifs à la conquête et à lexercice du pouvoir » et de lautre les stratégies que les acteurs mettent en uvre sur larène concurrentielle du pouvoir politique. Il nest donc pas question ici de « gouvernement de la société » au sens du terme anglais polity dans son expression qui renvoie à la fonction de « maintien de la cohésion sociale » ni de celui de policies qui désigne les politiques spécifiques qui sont prises par les gouvernants pour produire des effets sociaux. Par administration, il faut entendre la gestion au quotidien des dossiers par les acteurs ministériels en charge des affaires étrangères. La coopération renvoie à lélaboration du cadre juridique qui permet de rendre effectifs les rapports entre les organisations internationales à travers des réseaux transnationaux. Les affaires politiques impliquent la stratégie de positionnement de la diplomatie gabonaise autour des programmes extérieurs.
Le domaine dintervention dans la politique gabonaise du NEPAD que nous avons retenu est celui qui est appliqué généralement à tous les pays lorsquil sagit de distinguer la haute politique (hight politics) et la basse politique. Cette perspective ne se prive pas de lire le jeu et la sociologie des acteurs contrairement à lapproche des cercles concentriques de Samy Cohen. Les domaines dadministration et de coopération ninterviennent pas dans le cadre du NEPAD à la présidence parce quils sont considérés comme des champs très techniques qui requièrent du savoir-faire et de la compétence. Ils sont relégués au second rang sous la tutelle du ministère du NEPAD, de la commission Gabon/MAEP, dans une moindre mesure du ministère de la planification et de la programmation du développement et de la Communauté économique des Etats de lAfrique centrale (CEEAC) point focal du NEPAD en Afrique centrale. En revanche, « les affaires politiques font plutôt appel au pouvoir discrétionnaire des décideurs, des dirigeants politiques et relèvent de ce point de vue du domaine de la « chasse gardée », premier cercle concentrique suggéré par Samy Cohen et qui renvoie aux questions relevant de lautorité directe ou personnelle du chef de lEtat. Cest à ce pouvoir discrétionnaire quest attaché le risque de personnalisation » de la politique gabonaise du NEPAD par le président de la République. Tout au moins, suivant Didier Bigo, lusage intempestif du pouvoir discrétionnaire par Omar Bongo conduit à la patrimonialisation de toute action publique.
La politique gabonaise du NEPAD nest pas née ex nihilo. Elle est le résultat dune évolution historique - au tournant du nouveau millénaire - comme toutes les institutions qui régissent le gouvernement des sociétés politiques. Sur le continent africain, depuis quelques années, un consensus demeure sur le rayonnement international de lEtat gabonais en matière diplomatique. Ce pays est devenu lun des réceptacles les plus importants des joutes diplomatiques africaines à linstar des deux grands pays initiateurs du NEPAD : lAfrique du Sud et le Nigeria. Depuis les années 1970, lEtat gabonais est passé de statut de pays à influence faible ou négligeable à celui dEtat à grande influence si lon sen réfère au classement dAugustin Kontchou Kouomegni. Deux éléments essentiels peuvent expliquer cette caractérisation. Sa prospérité économique par rapport aux Etats voisins et la paix sociale participent à la fabrication de limage de ce pays de lAfrique centrale dont le dirigeant principal serait le premier à récolter les gains symboliques. Quil sagisse des questions relevant de la diplomatie officielle ou officieuse, il est devenu lun des grands artisans de lactivité de médiation au sein du continent africain. Il acquiert le titre de doyen non pas en termes daudience internationale ou daura de respectabilité mais en raison de sa longévité au pouvoir et de ses relations très personnelles avec la France. Toute activité diplomatique gabonaise « est étroitement liée aux caractéristiques prêtées à sa personne : son ancienneté, son charisme, y compris la croyance en ses pouvoirs surnaturels ».
Cest dire que le processus de décision dans la conduite des affaires extérieures du Gabon relève de linspiration du président Bongo, les autres acteurs ne sont que des agents dexécution des décisions arrêtées par ce dernier. Lobservation sur le terrain ne peut démentir cette réalité en ce qui concerne le fonctionnement du NEPAD et de ses institutions au plan local. Ce qui est dailleurs tout aussi vrai pour les acteurs aussi divers que nombreux qui ninterviennent pas tous avec la même intensité dans la mise en uvre et la conduite du programme du NEPAD au Gabon et en Afrique centrale. Seul le directeur de cabinet adjoint du président de la République chargé des questions économiques, Patrice Otha, a une compétence générale et élargie sur tout ce qui a trait au NEPAD et se distingue manifestement des autres acteurs institutionnels. Cette intensification de lusage du pouvoir personnel à des fins de promotion dun « Bongo boy » nie lexistence réelle dun ministre du NEPAD. Depuis 2003, ce fidèle du chef de lEtat qui chapote officieusement le cabinet politique dOmar Bongo a imprimé une empreinte personnelle sur la politique gabonaise du NEPAD. Cest lui qui de façon régulière, officielle ou officieuse, pèse très lourdement sur les choix du chef de lEtat et des gouvernants en matière du NEPAD. Il est le représentant personnel du président Bongo au sein des instances dirigeantes du NEPAD (Comité de pilotage) et joue le même rôle que le président de ce comité et responsable du Secrétariat de lorganisation continentale Wiseman Nkhulu, ancien conseiller économique de Thabo Mbeki, artisan du NEPAD et représentant du président sud-africain au sein des instances du programme. Ce détour par la comparaison permet dêtre plus explicite et dintroduire des éléments permettant de mieux apprécier la réalité gabonaise et justifier la prééminence du président de la République comme une constante continentale, mieux une pratique institutionnelle observée à léchelon mondial et non pas une orientation propre au Gabon en dépit de quelques nuances dans les modalités de déploiement des relations entre les dirigeants et leurs réseaux.
Le positionnement de la diplomatie gabonaise autour du NEPAD est assigné tout dabord au cabinet présidentiel et non à lEtat gabonais. Dans cette perspective, et dans le cas du cabinet présidentiel gabonais, la question densemble qui doit être soulevée est celle des rapports quentretient Omar Bongo avec son collaborateur dinfluence remarquable Patrice Otha. Car, lorsque les autorités sud-africaines exécutent une action dans le cadre diplomatique du NEPAD, lavis de Nkhulu est sans doute important, mais ne peut en aucun cas se substituer à celui du Secrétariat, cest-à-dire de linstitution du NEPAD basée à Pretoria et dont il a la charge. Il nen est pas de même au Gabon, où laction diplomatique du NEPAD est rarement associée au ministère en charge du programme, mais plutôt à Patrice Otha sous la « haute inspiration » du président Bongo.
Largumentaire du pouvoir personnel, du régime personnalisé développé par Eustache Yolla, est dautant plus pertinent quil semble relever de la politique réelle et concrète et non de la politologie spontanée ou de liceberg comme le prétend Luc Sindjoun à propos du Cameroun. Le président gabonais jouit de toutes les marges de manuvre, et confine la gestion publique à larène dans laquelle il évolue, constituée dun réseau dinterdépendance dont il reste le seul et unique maître à bord. La personnalisation du NEPAD, ici, est une réalité daction politique, ce nest pas lEtat qui est luvre ou qui est à lhonneur, mais celui qui lincarne, cest-à-dire Omar Bongo et par délégation de pouvoir Patrice Otha.
Cette persistance des traits néo-patrimoniaux dans la gestion du NEPAD conduit à une confusion et à une méconnaissance des compétences entre les décisions du cabinet présidentiel et celles du gouvernement offrant des prestations médiocres au bon gouvernement. Cette pratique se situe dans la continuité du blocage des mécanismes et des institutions dès lors que le collaborateur du président incarne en lui-même une institution invisible qui court-circuite, sous le couvert du chef Omar Bongo, lautorité de lEtat - en tant que forme procédurale organisée, structurée et légitime - représentée par le ministre du NEPAD Paul Biyoghe Mba. Il est lacteur gabonais du NEPAD qui a agi probablement le plus auprès des institutions de lorganisation continentale au même tire que dautres institutions invisibles telles que la Communauté économique des Etats de lAfrique centrale (CEEAC) point focal du NEPAD en Afrique centrale ou de la France (avocat de lAfrique auprès du G8 et pays où le partage institutionnel du pouvoir au sein de la toute nouvelle organisation africaine a été scellé entre les différents agents) sous ladministration de Jacques Chirac qui avait soutenu les Etats francophones du NEPAD face aux initiatives des pays anglophones qui, en voulant prendre la tutelle géopolitique du NEPAD, sassuraient une certaine hégémonie en Afrique. Il est donc possible que derrière cette initiative, il y ait des organisations cachées qui agissent et il est probable quon soit en présence dune guerre interposée de puissances aux relents coloniaux accréditant la thèse de « lultralibéralisme » sur un arrière fond de « néocolonialisme débridé » selon lexpression de Mamadou Dia.
A la présidence de la République, la question du NEPAD, affaire politico-diplomatique, est placée sous lautorité directe de Patrice Otha, directeur adjoint de cabinet chargé des questions économiques et financières. A ce niveau, on remarque que ni le cabinet politique ni celui des conseillers diplomatiques nintervient dans le processus décisionnel du Président en matière de NEPAD et ceci pour une raison simple. Patrice Otha en tant que directeur adjoint de cabinet est à côté de la fille aînée du président Pascaline Bongo Ondimba directeur de cabinet de son père, lune des personnalités les plus influentes de la « société de cour » présidentielle et très proche du président de la République. Et dailleurs, la direction du cabinet civil du président est souvent occupée par les hommes de confiance du président.
En tant que directrice de cabinet du chef de lEtat, Pascaline Bongo est une pièce maîtresse à la présidence. « Cest un poste important qui nécessite de ma part une totale confiance, explique Omar Bongo dans son livre Blanc comme nègre, paru chez Grasset en 2001. Mais ce nest pas un privilège : ma fille a toutes les qualités et les qualifications pour occuper ce poste puisquelle a fait lEcole nationale dadministration (ENA), en France », précise-t-il comme pour se défendre de toute tentation népotiste et matrimoniale. Elle a la haute main sur le cabinet présidentiel. Compagne de Paul Toungui, actuel grand argentier de lEtat, elle est lune des personnalités les plus remarquables du Palais du bord de mer. Sa configuration a toujours présenté, à tous points de vue, un attachement à la famille et aux réseaux personnels fondé sur le modèle dune stratégie néo-patrimoniale et dynastique. Ce fut le cas de Jean-Pierre Lemboumba Lepandou, natif de la même localité que le président, ancien grand argentier du Gabon et actuel coordonnateur général des affaires présidentielles, de Jean Ping, ancien ministre des Affaires étrangères, ou encore du fils et de la fille du président Bongo hier et aujourdhui, Ali Ben et Pascaline Bongo Ondimba. Patrice Otha, peut-on dire, est au même titre que ces derniers - en contact permanent avec le président, en général des proches - une personnalité de confiance et très écoutée par le président. Il est en quelque sorte un directeur de cabinet « ès qualité ». Depuis sa désignation à ce poste voilà plus dune décennie, il y a eu des rotations au cabinet du président sauf en ce qui le concerne. Ce qui témoigne de limportance significative de son rôle auprès du président et justifie tout au moins lattachement personnel du président à la personnalité qui assume cette fonction.
Dans le cadre du NEPAD, parmi les acteurs gabonais, cest certainement celui qui intervient le plus en matière de politique gabonaise. Il informe le président de lagenda retenu, suit lexécution de ses décisions, prépare les grandes joutes internationales auxquelles assiste le président et est parfois chargé de discuter et de rencontrer les hôtes étrangers ou acteurs non gabonais du NEPAD. Il a accumulé auprès du président une rente symbolique. A cet égard, il participe à la prise des décisions ou les influence, même sil nest pas parmi les plus hauts placés dans la hiérarchie présidentielle (coordonnateur général des affaires présidentielles, secrétaire général de la présidence et directeurs de cabinet civil, militaire et privé et haut représentants personnels, etc), ce qui rend difficile la compréhension de cet acteur en tant quinstitution décisionnelle invisible à la présidence de la République. Ce qui est essentiel à retenir ici, cest quil existe sur le plan politique une institution de « management » du NEPAD au cabinet présidentiel. Concernant, les missions, mieux les décisions, le NEPAD dépend exclusivement de Patrice Otha. Ce qui fait de lui, faut-il ajouter sans doute, le coordonnateur sous-régional du NEPAD en Afrique centrale. Le discours officiel de la presse locale justifie ce comportement politique par la volonté du Président dêtre très efficace et plus rapide dans la gestion de lEtat au moment où il accédait à larène de pouvoir dans laquelle il évolue toujours aujourdhui sans contre-pouvoirs. En rétablissant une contre-vérité, on peut admettre quà cette période, en effet, le Gabon ne disposait pas de toutes ces personnalités qui sont en activité aujourdhui dans ladministration gabonaise, administration qui par conséquent ne pouvait être active. Cette justification ne peut cependant pas expliquer la persistance de cette situation grâce à la continuité du système.
En réalité cette attitude relève moins de la responsabilité politique mais dune attitude à gouverner de manière autoritaire une « autocratie libéralisée ». Elle accrédite la thèse de la centralisation excessive du processus décisionnel induite très logiquement par le système du monopartisme où le président - généralement chef du parti au pouvoir -, veut continûment tout contrôler afin daffirmer son hostilité à toute opposition. Une telle pratique se situe aux limites dun modèle de transparence capable de gouverner. Elle atteste de lexistence dun gouvernement parallèle à la présidence. Celui-ci peut se justifier par la propension du Président à sappuyer sur les structures matrimoniales et néo-patrimoniales (réseaux personnels et informels) et non pas légales-rationnelles (les structures institutionnelles de pouvoir), pour reprendre la tradition wébérienne, de ce dédoublement des institutions, entraînant une confiscation ou un confinement du pouvoir.
Tout aussi remarquable, cest quau Gabon, plus que linstitution nationale du NEPAD qui a été créée pour assurer la promotion sociale ou politique des proches du président et non de la société gabonaise, ce sont les personnalités qui lincarnent qui sont importantes, du moins ceux quon peut apercevoir lorsquils se mettent en action dans le cadre de la diplomatie gabonaise autour du NEPAD. Cest à certains dentre eux que lon va tenter de sintéresser.
2.1.2. Les acteurs dans les instances du NEPAD : éléments de concurrence et de structuration des élites
A côté du cabinet présidentiel, administrativement et dans le cadre de la coopération, le NEPAD relève également de la compétence dun ensemble dinstitutions locales. Il est ici, important de rappeler la manière dont se construisent les conflits et logiques de concurrence des élites dans ce système instable. Loin de lentreprise curiale du palais du « bord de mer », il est mis en évidence des personnalités - et non plus des groupes - se disputant la compétence de la gestion du NEPAD. Ladministration renvoie à la gestion quotidienne du département que constitue le ministère du NEPAD. On y retrouve des questions de personnel et les préoccupations budgétaires. Cest là que peuvent intervenir la confusion et les conflits de compétences avec le ministère de la planification en charge de la programmation du développement. La coopération, quant à elle, sentend comme lélaboration et la gestion supranationale dun cadre juridique permettant les échanges avec les autres pays du continent. Dans le cadre du NEPAD, plusieurs pays de la sous-région développent des contacts grâce à lexistence dun véritable cadre supranational choisi comme point focal du NEPAD en Afrique centrale : la CEEAC.
Sur le plan administratif, les institutions locales du NEPAD sont scindées en ces deux catégories. Il y a les acteurs gabonais et non gabonais. Dans le premier on trouve des personnes à la tête des départements ministériels qui occupent des positions officielles à côté du président que ce soit dans le gouvernement ou au sein du parti au pouvoir. Dans la deuxième catégorie, il sagit des organisations internationales (CEEAC et PNUD) qui au contraire noccupent quune fonction officielle de moindre importance - en termes dinitiatives dappui au développement - dans la gestion de ladministration gabonaise du NEPAD. Pour ces deux catégories, nous évoquerons linfluence auprès du président de la République en matière de NEPAD.
Le ministère gabonais en charge du NEPAD est sous la tutelle de Paul Biyoghe Mba. Il fait partie sans nul doute de la hiérarchie des acteurs officiels gabonais du NEPAD proches du Président de la République, du moins sur le plan formel. En tant que membre du gouvernement, il est placé bien entendu sous lautorité directe du Premier Ministre. Il dispose dun budget géré de façon autonome. Biyoghe Mba a passé la totalité de sa carrière auprès du pouvoir. Cest un Fang natif de lEstuaire, administrateur économique et financier qui a débuté sa carrière en qualité dinspecteur général des Finances auprès du chef de lEtat, bénéficiant de ce parachutage doré au titre dune nomination par le Président selon les dispositions de larticle 23 de la Constitution. Il commence une carrière professionnelle riche dexpériences. Il a été de 1980 à 1989 un proche collaborateur du Président en qualité de conseiller à la présidence de la République, chargé des affaires commerciales, industrielles et des participations, puis conseiller politique du Président de la République et directeur adjoint de cabinet du Président de la République, chargé des affaires économiques, financières et administratives. Les Fangs de lEstuaire sont considérés comme faisant partie du système depuis son origine. Le poste de la primature leur est confié dans le partage institutionnel du pouvoir.
Il quitte le PDG avec le retour au multipartisme et fonde son propre parti le Mouvement Commun pour le Développement (MCD). Paul Biyoghe Mba, ministre des PME-PMI du Cabinet Ntoutoume Emane II, avait annoncé sa démission du PDG au début de lannée 1994, au lendemain de lélection présidentielle de 1993, alors quil avait été associé à la réflexion et à lélaboration de projet de société "le Nouvel Elan" du candidat Omar Bongo, projet sur la base duquel le Président Omar Bongo avait été réélu le 5 décembre 1993. Cette structure politique sest dissoute avec linclusion de son chef dabord dans la majorité présidentielle puis au sein de son parti dorigine le PDG. Le conseil politique du MCD expliqua cette "fusion-absorption" par le souci de "mettre en uvre dans lintérêt bien compris de tous" lidée juste de la refondation de lEtat, émise et souhaitée par le président de la République, Chef de lEtat, dans son message à la nation du 31 décembre 2001. A lissue de cette tractation dappareils en faveur du parti au pouvoir, lactuel ministre du NEPAD réintégra le gouvernement en qualité de ministre du commerce chargé du développement industriel et de lintégration régionale.
Cette désignation au poste de Ministre en charge du NEPAD na été que la continuation, et peut-être la récompense, de ses activités antérieures comme président de la commission des experts chargés délaborer le programme de campagne de son Excellence El Hadj Omar Bongo Ondimba pendant les élections présidentielles de décembre 1993, président de la commission parlementaire de suivi des « Accords de Paris » et de son implication au poste de 4ème vice-président de lEtat major de campagne de El Hadj Omar Bongo Ondimba aux élections présidentielles de décembre 1998. Le ministre en charge du NEPAD participe au processus décisionnel en tant quagent dexécution de la politique extérieure du Gabon. Il est le représentant naturel de lEtat gabonais - et non du chef de lEtat - à lextérieur. Comme on peut le constater, les prescriptions du NEPAD permettent au ministre en charge du NEPAD, ainsi quaux chefs dEtat et de gouvernement, de conduire les négociations et dengager définitivement lEtat dans les forums internationaux. Les mêmes prescriptions reconnaissent la légitimité aux représentants personnels des chefs de lEtat. Ce qui entraîne une confusion entre les décisions du représentant du chef de lEtat et lautorité de lEtat. La légitimité est reconnue sur la scène continentale à Patrice Otha, représentant personnel du Président.
Le ministère de la planification en charge du développement revendique également lanimation politique de la diplomatie du Gabon autour du programme. Son rôle ne sera évoqué que brièvement en raison de sa compétence spécialisée dans la programmation budgétaire du développement et qui ne concerne le plus souvent que la coopération multilatérale avec le FMI et la Banque mondiale. Le ministère en charge du NEPAD garde tout de même une compétence générale du programme au niveau externe et joue un rôle dencadrement technique pour les autres structures locales en charge de la promotion de la superstructure institutionnelle panafricaine, mais ne dispose pas réellement de compétence spécifique dans le cadre de la politique extérieure du Gabon en matière du NEPAD. La difficulté de sexprimer pleinement est de nature constitutionnelle et informelle ou personnelle.
Monsieur Biyoghe Mba agit sous lautorité du chef de gouvernement. Ce dernier, à linstar de ses ministres, est lui-même responsable devant le Chef de lEtat selon les dispositions constitutionnelles. Dans la pratique gabonaise de lexercice du pouvoir, cest le Président de la République qui est à la fois la plus haute autorité politique et administrative. Ce qui est contraire à des systèmes transparents où ladministration relève de la compétence du Premier Ministre, à lexemple de la France (art. 20 de la constitution).
Au Gabon, cest le Président qui dispose de ladministration, ce qui conduit à la responsabilité du gouvernement devant lui. Ce qui peut expliquer que lautorité du ministre en charge du NEPAD soit bafouée par celle du directeur adjoint de cabinet du président. En faisant référence au cabinet présidentiel sur les questions du NEPAD, on annihile expressément les compétences du ministre en entretenant toute ambiguïté et confusion entre les décisions de lun et lautorité de lautre. Les deux agents principaux du NEPAD assistent au conseil des ministres. Lun est en relation directe et permanente avec le Premier Ministre et lautre entretient les mêmes rapports avec le Chef de lEtat. De ce point de vue, il va sans dire que celui qui jouit dune place de marque dans la hiérarchie du processus décisionnel est celui dont la proximité avec le Président de la République est évidente.
Dans ce pays, limportance de chaque acteur dans la conduite des questions de politique extérieure dépend de la rente charismatique du personnage qui est en mouvement. De lavis par exemple des acteurs gabonais et non gabonais du NEPAD, Patrice Otha, docteur en économie du développement et enseignant de carrière, se révèle être un acteur plus entreprenant et plus écouté que Paul Biyoghe Mba, un inspecteur général des finances peu habitué à la conduite affaires diplomatiques et aussi peu au fait des dossiers et des grandes décisions du comité de mise en uvre ou de pilotage du NEPAD dont Bongo et Otha sont membres, ou encore de Edouard Ondimba, président de la commission nationale Gabon/MAEP et qui nest également que lombre de Bongo Ondimba, les liens familiaux et linsertion dans des réseaux informels obligeant ce dernier et réduisant lautorité fictive du ministre à une simple expression. Cela peut expliquer la longévité exceptionnelle de Patrice Otha au cabinet présidentiel.
Pour comprendre comment cet homme de lombre sest retrouvé sur le devant de la scène africaine du NEPAD, il faut revenir sur les liens qui lunissent au Président Bongo. Cest un haut cadre de la République avec qui il a travaillé depuis dix-sept ans. Les deux hommes se sont rencontrés au début des années 1990, à lépoque où Patrice Otha était encore vice-recteur de lUniversité Omar Bongo. Comme enseignant originaire de la province du Chef de lEtat, il a permis à son mentor de résister à la ligue frondeuse dautres personnalités remarquables de leur région et naguère de lopposition. Lamitié du Président gabonais lui a permis de prendre la tête de son cabinet et de plusieurs conseils dadministration des entreprises les plus importantes du Gabon, à lexemple de la BGFI Bank ou de la Comilog.
En intégrant le « palais du bord de mer », il hérite du rôle de « stratège visionnaire », en référence à sa finesse et à con intelligence politiques. Son charisme limité lui a paradoxalement permis de bénéficier de la confiance totale de son patron et dun pouvoir illimité dans les grands dossiers. Un homme qui, depuis près de deux décennies, vit à lombre du Président Omar Bongo. Il est le mieux équipé en termes dexpérience, de connaissances, dantécédents et de jugement pour conduire la politique étrangère gabonaise du NEPAD. Dans ces conditions, il est impossible dimaginer une initiative personnelle du ministre qui ne soit fidèle ou loyale à larène dans laquelle il évolue. Ce dédoublement des structures institutionnelles de pouvoir en relations familiales crée parfois une certaine confusion entre les départements ministériels. Cest à ce niveau que lon va tenter de sintéresser sommairement au cas de lancien ministre de la planification en charge de la programmation du développement Casimir Oyé Mba, ancien Premier Ministre, Fang et natif de lEstuaire comme son collègue et « adversaire » Biyoghe Mba, à propos des compétences autour du NEPAD.
Le ministère de la planification et de la programmation du développement a été sous la responsabilité dOyé Mba à lépoque de la mise en uvre du NEPAD au Gabon. Doté de compétences et dune riche expérience professionnelle et politique bien remplie parce que grand commis de lEtat pour avoir occupé, tour à tour, les fonctions de gouverneur de la Banque des Etats de lAfrique centrale (BEAC), de Premier ministre chef du gouvernement, de ministre dEtat en charge des Affaires étrangères et de la Coopération, de ministre dEtat en charge de la Planification et de la programmation du développement et de ministre des Mines. Il a passé la majeure partie de sa carrière dans le monde de la haute finance internationale. Ce sont, dailleurs, ces compétences et ce professionnalisme certain qui lui valent dêtre remarqué par le Président de la République, chef de lEtat, Omar Bongo Ondimba, qui lappelle à ses côtés, le 27 avril 1990, pour occuper les fonctions de Premier ministre du gouvernement de transition à lissue de la conférence nationale. Membre du comité central du Parti démocratique gabonais (PDG) depuis 1973, il est élu député du 1er siège du département du Komo-Mondah (Estuaire) le 21 octobre 1990. Reconduit comme Premier ministre chef du gouvernement le 26 novembre 1990, il est nommé, en 1993, directeur de campagne du président Bongo Ondimba pour lélection présidentielle de décembre 1993.
Triomphalement réélu à la magistrature suprême, le Président Bongo, qui est conscient que Casimir Oyé Mba a correctement rempli sa mission, le reconduit comme Premier ministre chef du gouvernement le 13 mars 1994. A la suite des « Accords de Paris » conclus entre les différentes tendances politiques gabonaises en octobre 1994, il devient, le 30 octobre de la même année, ministre dEtat en charge des Affaires étrangères et de la coopération. Professionnel incontestablement avéré, le 25 janvier 1999, il est nommé ministre dEtat en charge de la planification, de la programmation du développement et de laménagement du territoire. Membre du Groupe consultatif déminentes personnalités (EPAP) sur la transition de lOUA à lUnion africaine, Casimir Oyé Mba a aussi été, de septembre 1969 à décembre 1976, gouverneur suppléant du FMI pour le Gabon et président de lassociation des banques centrales africaines, de 1986 à 1988. Comment ce dernier en est-il venu à sintéresser au ministère du NEPAD ?
En effet, la question de la représentation du Gabon au sein des institutions multilatérales africaines et mondiales na eu de cesse dêtre énoncée dans les milieux politico-diplomatiques et parmi les élites gabonaises, convaincues de ce que leur pays ne tire pas dans ce domaine grand bénéfice de son rayonnement continental et de lengagement de son dirigeant sur la scène diplomatique africaine, francophone et même au sein des instances du système des Nations unies. Un déficit qui nest pas en rapport avec lengagement fort et constant du Président gabonais Bongo Ondimba sur la scène diplomatique panafricaine, où il mène de nombreuses médiations en vue du retour à la paix dans de plusieurs pays déchirés par des conflits et crises armées, uvrant pour le renforcement de la cohésion panafricaine, la solidarité entre les Etats et les peuples. Une solidarité manifestée à lendroit des autres pays qui la régulièrement conduit à apporter son parrainage ou encore à soutenir les candidatures de hauts cadres de pays amis de différentes régions du continent briguant la direction de nombreuses institutions continentales, francophones et autres structures multilatérales. Le soutien de poids apporté par le Président gabonais à Amara Essy, au plus fort de son élection à la tête de la Commission de lUnion africaine, celui très déterminant dont a bénéficié son successeur lancien président du Mali, Alpha Oumar Konaré, son action positive dans la désignation du Sénégalais Abdou Diouf à là tête de lOrganisation internationale de la Francophonie, de même que celui dont avait également bénéficié le Marocain Omar Kabbaj à la Présidence de la Banque africaine de développement (BAD), autant dexemples dactions de solidarité posées par le chef de lEtat gabonais. La perspective de l'élection les 18 et 19 mai 2005 à Abuja au Nigeria du nouveau Président de la BAD, avait ouvert à nouveau le débat autour de la présence du Gabon au sein des institutions multilatérales panafricaines et mondiales. Dans cette perspective, à lheure du renouvellement de linstance dirigeante de la Banque africaine de développement, la candidature gabonaise à cet important poste continental, soutenue par plusieurs pays africains amis, plaçait bien évidemment Casimir Oyé Mba, alors ministre dEtat, ministre de la Planification et de la Programmation du développement, sous les feux des projecteurs.
Lengagement constant du Président gabonais pour lessor de cette instance financière africaine na jamais été démenti. Depuis sa 14ème Assemblée Générale tenue à Libreville en mai 1978, le Gabon par la seule volonté de son président, fut un des artisans de lAccord de principe autorisant louverture du capital-action de la BAD aux pays membres non régionaux. Puis, par linitiative en juillet 1996 du gouvernement dorganiser, à titre exceptionnel, un sommet spécial sur les questions relatives au remboursement des prêts accordés par la banque, à l'augmentation générale du capital de cette dernière et aux propositions de réformes concernant sa gouvernance. Le soutien apporté à Oyé Mba, ancien « diplomate du Président gabonais », cest-à-dire ancien ministre des Affaires étrangères, domaine réservé du président de la République, faisait incontestablement de ce dernier un homme de confiance.
Nul doute, quaprès avoir manifesté officiellement son ambition daccéder à la présidence de la BAD, il semble que lintention de ce cadre de la finance internationale était axée sur lamélioration du secteur bancaire et un renforcement de la dimension du développement de la banque et donc celle dun homme voulant se consacrer au développement de lAfrique et à lambition du dirigeant gabonais autour du NEPAD. Schématiquement, lon est en droit de se demander ce qui peut justifier fondamentalement lintérêt de cet autre collaborateur du président autour du NEPAD quon peut qualifier comme un appareil de direction personnifié autour dun système tripolaire. Il sagit, en effet, de trois personnages principaux, à savoir, le Président Bongo, Messieurs Otha et Biyoghé Mba quon considère comme les acteurs qui interviennent selon un degré dintensité variable dans le processus de direction et de décision dans la politique gabonaise du NEPAD. Evidement, le Président gabonais est celui qui en est lacteur principal avec Patrice Otha comme « fondé de pouvoir » au sens bourdieusien et donc acteur de première vue et Paul Biyoghé Mba comme collaborateur.
Le ministère de la planification et de la programmation du développement est à côté du ministère de léconomie et des finances, chargé de veiller aux investissements de lEtat dans tous les domaines qui engagent les ressources publiques. A ce titre, le titulaire de ce poste occupe une place privilégiée dans le processus décisionnel de lappareil gouvernemental en matière budgétaire, notamment en ce qui concerne les cotisations des Etats-parties dans les grands ensembles démo-économiques intégrés ou lallocation des ressources pour le financement des projets nationaux et transnationaux. Cest à ce niveau que Casimir Oyé Mba estime que le NEPAD devait relever de sa compétence dès lors que lambition du développement pour les Etats membres au programme panafricain se réduit bien souvent aux négociations entre les créanciers de ces derniers et les partenaires au développement (bailleurs de fonds et IFI). A ce titre, comme dans toute initiative denvergure diplomatique, ce ministère aux compétences étendues accompagne le ministère du NEPAD à lextérieur en raison des contacts avec les pays membres qui peuvent conduire lEtat gabonais à engager des investissements nationaux ou étrangers.
La planification est un ministère à portée stratégique pour la réalisation des infrastructures économiques et sociales qui constituent lun des domaines prioritaires des projets intégrateurs du NEPAD. Ainsi, cest cette institution qui valide les programmes dinvestissements à partir des études réalisées sur le terrain dans tous les domaines du ministère du NEPAD. En ce qui concerne la diplomatie du NEPAD, Casimir Oyé Mba, à côté de son collègue des finances, doit participer à toutes les grandes négociations continentales en matière dassistance technique et financière. A ce stade, son intervention est de nature financière et technique dans le cadre des institutions internationales et multilatérales, notamment dans lharmonisation des politiques dinvestissements nationaux et privés étrangers mais aussi la recherche des capitaux. Cest à ce niveau que peut intervenir, semble-t-il, lintérêt accordé au NEPAD par Oyé Mba qui estime que la gestion politique du dossier devrait lui revenir parce que celle-ci est rétro-alimentée par les dimensions économiques et sociales. Aussi, nest-il point besoin de rappeler que ce ministère du NEPAD a compétence sur lagence de promotion des investissements privés (APIP), organe créé après la mise en place du NEPAD sur le continent. La recherche des capitaux et des investissements privés constitue un pendant important du programme du NEPAD. A cet égard, la poursuite du développement autour du NEPAD est devenu lun des sujets les plus importants de lagenda politique des autorités gabonaises qui en font une priorité dintérêt national au point que le ministère de la planification, dans son intitulé même, qui a la charge de la programmation du développement, réclame que lui soit confié le NEPAD au motif dune amélioration des capacités de gestion. Ce besoin de transfert de compétences sous la tutelle du ministre du plan, crée des résistances et des réticences de la part de son collègue qui nentend pas être écartés des mécanismes décisionnels du NEPAD ni relâcher les compétences dont le flou est entretenu par le principal acteur de larène politique dans laquelle ils évoluent. Cette situation engendre manifestement des conflits de compétences entre ces ministres en raison de leur confusion et mauvaise définition.
2.1.3. Linstitutionnalisation « opportune » du commissariat général MAEP/Gabon
La gouvernance responsable, profitant aux populations africaines, sest imposée comme un objectif de développement, pour lensemble de la communauté internationale. Dans cette perspective, le MAEP, mis en place dans le cadre du NEPAD, se présente comme un instrument ambitieux de cette concertation pour le progrès social. Voulu par le continent africain et encouragé par les partenaires au développement, il ouvre une nouvelle ère pour lAfrique.
Lié par ce mécanisme auquel il a librement souscrit, lEtat gabonais, qui sapprête à subir sa première évaluation interne, doit produire un rapport impliquant ce quil en est de son appartenance au "peer review mechanism", conformément aux attentes du 6ème Forum africain de la gouvernance qui sétait réuni à Kigali au Rwanda, en mai 2006, sur le thème « Défis et opportunités liés à la mise en uvre du MAEP ». Cest dans ce sens qua été rendu public le rapport de latelier national de validation le 10 avril 2006 à Libreville.
Assurant la coordination régionale du NEPAD pour lAfrique centrale, le Gabon a souscrit au MAEP, dès sa création en 2003. Il a adopté le calendrier dévaluation des pays le 14 février 2004 et approuvé la Déclaration relative à la Démocratie, la bonne gouvernance politique et économique et des entreprises. Toutefois, si le gouvernement gabonais tente dentreprendre un certain nombre de réformes qui concourent à rendre effective son adhésion au MAEP, il reste quen termes de traduction en acte, celles-ci sont insuffisantes à cause de la nature du système politique gabonais qui façonne les réformes dans un sens ou dans un autre en parlant dinstitutionnalisation et de personnalisation, sinon dans les deux simultanément. Linstitutionnalisation locale dune structure dévaluation par le pouvoir est-elle une manière de préparer lauto-évaluation de lEtat ou une propension à la dédoubler aux fins dun confinement ? Ainsi, entre un pouvoir très centralisé et plus généralement discrétionnaire, acte de gouvernement, diplomatie parallèle, liens familiaux, intérêts économiques ou politiques, le choix des instruments des réformes dépend du pouvoir politique.
En effet, sur le plan des avancées dans la mise en uvre, le MAEP au Gabon se traduit par ladoption au plan institutionnel, politique et administratif, ainsi que par dautres manifestations de la volonté politique affichée sur fond dintérêt national par le dirigeant de ce pays pour le MAEP. Dans ce sens, le gouvernement a, déjà mis en place un certain nombre de structures, aujourdhui opérationnelles. La commission du mécanisme africain dévaluation par les pairs pour le Gabon a été instituée par le décret n° 235/PR/MCDIN du 11 avril 2005, portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la commission nationale pour le MAEP. Elle est sous la tutelle du ministère du NEPAD, dénommée au départ Gabon-MAEP 2006, cette commission est « chargée de conduire tout le processus de lévaluation de la République gabonaise, dans le cadre du NEPAD ». Cette commission accompagne le processus de lévaluation du Gabon, qui avait été prévue du 1er au 30 juin 2006. Cette commission dont le commissaire général est Edouard Ondimba, un proche du président gabonais, a pris beaucoup de retard dans la mise en place du processus interne dévaluation. Ce qui na pu rendre possible lévaluation de ce pays dans les délais prévus.
Cependant, le MAEP, institution conçue pour être permanente, na été ni pensé ni vulgarisé. En ce sens, la première dénomination a suscité au plan local des critiques. Ce qui a conduit le gouvernement à la renommer commission MAEP-Gabon. Il sagit désormais dune commission nationale sous la forme dune autorité administrative indépendante. En réalité, si lon en juge par la pratique, le MAEP nassure aucune garantie de plus grande liberté daction et dune capacité de dialogue avec lensemble des institutions publiques et privées ainsi que la population impliquées dans son champ de compétence. La procédure de désignation des membres sinscrit dans la continuité du pouvoir personnel du dirigeant gabonais Bongo Ondimba.
Le concept du MAEP est « une doctrine de démocratie et de bonne gouvernance » si lon suit volontiers la définition de la gouvernance de Koffi Annan, à savoir : la bonne gouvernance signifie la création dinstitutions politiques et juridiques sérieuses et qui fonctionnent bien, des institutions que les citoyens considèrent comme légitimes, qui leur confèrent le pouvoir et au sein desquelles ils prennent part à la prise de décisions qui affectent leurs vies quotidiennes.
Le processus dévaluation par les Pairs sarticule autour de différentes étapes, à savoir la mission dappui, lautoévaluation, la mission dévaluation, la rédaction du rapport, la soutenance dudit rapport par le Chef de lEtat devant ses Pairs, la prise en compte des amendements, et enfin la publication universelle du rapport. Sur le bilan et les défis de la mise en uvre du MAEP au Gabon, il est vrai que le gouvernement gabonais a responsabilisé un département ministériel (le Ministère chargé du NEPAD), a mis en place par arrêté en mars 2004 un groupe de travail, a créé par le décret 235/PR/MCDIN du 18 avril 2006 une commission nationale dénommée Gabon MAEP 2006, et enfin a désigné récemment un Commissaire général.
Toutefois, il est possible de remarquer sur le terrain une non appropriation nationale du concept du MAEP, la perfectibilité des instruments juridiques, et les interrogations suscitées autour de la désignation du point focal. Sur le degré dappropriation du mécanisme, lappropriation est globalement passable : bonne au niveau de la haute administration et des partenaires au développement qui en espèrent beaucoup; moyenne au sein du secteur privé qui exprime néanmoins un scepticisme, mauvaise dans les cercles de la « société civile » qui y manifeste cependant un intérêt accru ne demandant quà être satisfait.
Le MAEP peut offrir des opportunités pour améliorer la gouvernance au Gabon où le constat général est accablant : gestion peu efficace des ressources publiques, absence dune culture de sanctions, système juridique et judiciaire peu performant, institutions constitutionnelles encore limitées dans leur rôle de contrôle de laction gouvernementale, société civile relativement marginale et déficit généralisé de responsabilisation. Pour corriger ces faiblesses structurelles, le MAEP offre une alternative à la souffrance des dispositifs dinstitutionnalisation et de la démocratie en ce sens quil représente un outil non négligeable car consensuel, libre et volontaire, et comportant des indicateurs devant être observés. Lesquels indicateurs diffèrent selon les secteurs de gouvernance déterminés par le MAEP.
En matière de gouvernance démocratique et politique, il est retenu comme indicateurs non exhaustifs: lEtat de droit, ladhésion à la séparation des pouvoirs, la ratification des traités relatifs aux droits des femmes, des enfants, des personnes déplacées, des réfugiés, la liberté de la presse, légalité des citoyens devant la loi
etc. La gouvernance et la gestion économique retiennent comme indicateurs non exhaustifs : le code de bonnes pratiques sur la transparence dans les politiques monétaires et financières, les codes de bonnes pratiques sur la transparence fiscale et budgétaire, ladhésion aux normes internationales de lAudit, lefficacité des dépenses publiques
etc.
La gouvernance dentreprise met laccent sur les indicateurs de mesure suivants : lenvironnement favorable aux affaires, les entreprises citoyennes, la préservation de lenvironnement, etc. La gouvernance sociale se penche sur les indicateurs ci-après : la Sécurité alimentaire, les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), lamélioration de lindice du développement humain (IDH), la réduction de la pauvreté, etc. Il est donc possible, avec lapplication cumulée des indicateurs et lappropriation par la nation du concept du MAEP, daboutir à des améliorations conséquentes dans la construction de lEtat de droit grâce à la consolidation de lunité nationale, à la planification et au contrôle de laction publique, à lévaluation de laction publique et à une meilleure maîtrise des programmes nationaux comme le programme national daction pour lenvironnement (PNAE), le programme national de réforme administrative (PNRA), le programme de renforcement des capacités de la direction générale des marchés publics, le document stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP). Toutefois, un scepticisme semble affiché au regard des dispositions antérieures sur le continent africain et au regard du peu dimportance que le gouvernement semble accorder à ce processus dont le nécessaire financement est incertain et dont lassise juridique du mécanisme relève dun décret au lieu dune loi. Par ailleurs, des interrogations subsistent sur la manière dont lEtat gabonais arrête ses indicateurs spécifiques ainsi que sur la manière dont ces indicateurs sont appréciés des bailleurs de fonds dès lors que la valeur de la démographie gabonaise (valeur souvent usitée dans le calcul de certaines normes) est contestée par ceux-ci.
La trajectoire gabonaise du MAEP est révélatrice dune continuité du système politique pour ce qui est de la sociologie des institutions de décision. Le chef de lEtat gabonais en préparant son pays dans lapplication nationale du MAEP sétait engagé en territoire connu étant donné que certains de ses pairs lavaient précédé. Ce qui revient à dire que le Gabon disposait de modèle pouvant laider à concevoir et à mettre en place des structures de gestion et de direction appropriées pour la concrétisation nationale du programme. Cest ce qui en partie traduit le retard actuel de son évaluation. Cependant, avec la volonté de faire du Gabon un modèle dapplication, il a fallu attendre lannée 2004 pour que certaines structures nationales requises voient le jour. Celles-ci nont malheureusement pas été conçues de façon autonome, puisque la décision revient en dernier ressort au président ou à ses collaborateurs chargés du dossier. Ce qui, malheureusement, ne permet pas déviter les risques dingérence et de personnalisation dans leurs missions à cause du flou qui est volontairement entretenu par le président lui-même au niveau des compétences. Cette situation ne favorise en aucun cas lintégrité, limpartialité, la transparence, lobjectivité des décideurs et, par dessus tout, il est impossible à la population de se reconnaître dans ces décideurs. Cette propension à dédoubler les cercles de souveraineté pour remercier de vieilles amitiés ne peut favoriser en revanche lappropriation du programme par le grand public et par les acteurs non étatiques.
En effet, cest au terme des consultations élargies avec son directeur de cabinet adjoint chargé des questions économiques et par mimétisme ou diffusion de modèles que le chef de lEtat a pris la décision de créer un département ministériel en charge du NEPAD. Il na donc pas été question de consulter les parties prenantes concernées, y compris les présidents et les hauts fonctionnaires des institutions impliquées par le programme, les médias et les syndicats. Le Président a, en toute autonomie, établi des critères personnels pour la désignation des membres de la commission chargée de lauto-évaluation selon un critère fondé sur la représentation au parlement, excluant ainsi les membres de lopposition gabonaise absents de lancienne mandature de ladite institution parlementaire. « Cest sur proposition du Ministre avec laccord du chef de lEtat que le cabinet ministériel en charge du NEPAD a été constitué ». Par la suite, sans avoir débattu publiquement de ces critères, le président a nommé le commissaire général de la commission nationale du MAEP. Cette commission a été confiée à un de ses anciens collaborateurs et proche de la famille présidentielle. Les possibilités dune évaluation fiable sont largement affectées dans la mesure où cette nomination obéit à une logique néo-patrimoniale. Et il va sans dire que la logique dinstitutionnalisation nationale du programme africain de développement prescrit les comportements habituels qui ne peuvent pas marquer une rupture importante avec le passé, et perpétuent à leur tour la souffrance institutionnelle gabonaise. Dans un Etat qui se gouverne, il ne peut être possible que les collaborateurs de celui qui doit être évalué soient chargés de lauto-évaluation de leur propre manière de gouverner.
En réalité, si lon était en présence dun Etat qui gouverne, cest-à-dire dans un modèle légal/rationnel, pour sassurer que le processus est pris en charge par toutes les instances de la société en toute autonomie, aucun membre des structures dévaluation ne devrait appartenir au corps des hauts fonctionnaires en raison de leur proximité avec celui qui gouverne. Les membres de la commission dévaluation nationale au même titre que le groupe des personnalités éminentes du NEPAD chargé des évaluations internes doivent faire preuve de leur intégrité, objectivité, impartialité et indépendance dans la gestion de la chose publique. Le mode de désignation des membres devrait se pencher sur des critères de méritocratie et non sur des réseaux personnels et informels qui accentuent la médiocrité dans la manière de gouverner qui légitime les modes clientélistes. Dans ces conditions, le Gabon ne garantit pas le respect des principes de transparence à légard de la population en matière de résultats à venir dans le cadre du MAEP. Outre ces éléments, le déficit de la représentation du milieu universitaire ne favorise pas de visibilité dans lévaluation des indices. Le chef de lEtat occulte par là la dimension internationale de lévaluation. Il aurait été normal que certains membres du MAEP disposent dune expérience en matière dévaluation dans les organisations internationales.
Dans un contexte de formation et de consolidation des institutions, les facteurs qui influencent le processus décisionnel dévaluation de la gouvernance dans toutes les sphères de la société, y compris au niveau des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ne peuvent pas relever du cabinet présidentiel ou même du Ministère en charge du NEPAD. Par ailleurs, si lon sen tient à la loi fondamentale, et aux principes du NEPAD, les techniciens chargés de lévaluation nationale devraient être rangés dans la catégorie des organes nationaux indépendants, et pour marquer cette indépendance lesdits techniciens ne devraient pas prêter serment au Président. Limpartialité est tout, sauf lallégeance qui peut renvoyer aux combines, aux relations de vassalisation et à linformel. La très forte personnalisation des instances de décision dans une autocratie libéralisée et bloquée ne peut garantir aux yeux des observateurs avisés la crédibilité, la légitimité et lintégrité. Les pesanteurs de la mauvaise gouvernance sont persistantes et accentuent lillusion de la propagande officielle malgré la tentative de fabrication dune image messianique du programme panafricain. Les hommes et femmes qui composent ces structures sont de réputation reprochable pour avoir participé de nombreuses années au service dune société mal gouvernée. Ils ne peuvent jouir du respect ou de la reconnaissance de la population. La multiplicité des "grands décideurs" ne donne pas toute la souplesse requise pour lorganisation des réunions, la prise de décisions efficaces. Cela favorise lamalgame et donc des politiques vouées à léchec.
De plus, les évaluateurs mandatés par la commission nationale MAEP et le Ministère en charge du NEPAD nexploitent pas suffisamment les données fournies par les réponses au questionnaire pour envisager des analyses scientifiques et objectives opérationnelles susceptibles dapporter des réponses adéquates aux quatre domaines thématiques retenus : démocratie, saine conduite des affaires publiques, développement socio-économique et direction des entreprises. Et ce, en raison du fait que les rapports dauto-évaluation ne se résument quà des perceptions, des opinions, des spéculations, des faits anecdotiques et des déclarations sans fondement. La non-appropriation du processus par les acteurs non étatiques ne permet pas dancrer son application dans la société à cause de la tournure fortement politisée du processus.
Par ailleurs, de lobservation sur le terrain et dans la pratique, il nous semble que lEtat na pas mis en place une institution techniquement compétente, mais dans le même temps crédible et viable, indépendante et professionnelle pour gérer, recueillir et analyser les données fournies par les enquêteurs à lissue des réponses au questionnaire. A cela, il faut ajouter labsence dune « société civile » véritable et structurée et de contre-pouvoirs et lappui dorganisations techniquement compétentes pour lapplication approximativement correcte du programme daction. De fait, le chef de lEtat soucieux de garder sa main mise sur le processus a fait le choix politique de désigner des évaluateurs sous autorité de ses collaborateurs pour conduire la phase opérationnelle de lévaluation nationale plutôt que de laisser les acteurs non étatiques choisir sur la base du suffrage universel par exemple ses représentants à partir des critères de la performance, de lautonomie, de la compétence, des capacités, de lintégrité et du professionnalisme. Dans ce cadre, un détour par la comparaison peut aider à mieux apprécier la situation locale.
Contrairement au Ghana ou au Kenya, il nexiste pas au Gabon des évaluations parallèles du processus par des organisations syndicales, religieuses ou intellectuelles. Au Ghana par exemple, certaines organisations indépendantes comme African Security Dialogue and Research (ASDR) ou Institute for Democratic Governance (Institut pour la gouvernance démocratique) ont procédé à une évaluation parallèle du processus. Ces organisations structurées bénéficient de laide de différents donateurs pour réaliser leurs évaluations indépendantes. Ces dernières, de portée utile et organisées de façon constructive et responsable, ont pu fournir un complément important à lévaluation interne officielle, grâce à une évaluation comparative entre différents pays africains. Au Gabon, la méthodologie utilisée pour lapplication nationale du mécanisme part du haut et ne peut donc articuler le processus sur la participation transparente et sans exclusive de lensemble des Gabonais. La méthode du déroulement actuel de lévaluation se résume à des séminaires et réunions dans les cabinets et à la commission nationale MAEP situés à Libreville, capitale gabonaise. Ce qui ne permet pas davoir une bonne lisibilité sur le recueil des données de terrain puisquil nexiste ni vérification théorique ni analyse a posteriori.
Le travail de terrain, sil avait eu lieu dans des conditions exemplaires, aurait permis à lEtat gabonais de gagner en temps et dêtre évalué à la fin 2006 comme il était prévu. A ce niveau, léducation, la sensibilisation et lappropriation du processus auraient permis de créer une synergie entre les acteurs étatiques et non étatiques (hauts fonctionnaires, hommes politiques, représentants des syndicats, acteurs du secteur privé, universitaires, professionnels des médias et de linformation, etc). Dans cette perspective, lopérationnalité du processus aurait permis aux équipes techniques dévaluation de se rendre dans les neuf provinces du Gabon pour sensibiliser le grand public, notamment les handicapés, les services de sécurité, les syndicats, le corps enseignant et les jeunes.
Malheureusement, les "grands acteurs" du NEPAD ne sintéressent quà sauto-informer au niveau de la capitale et la possibilité de débattre du questionnaire avec les "Gabonais den bas" nest envisagée que dans des terrains où ces "barons du régime" ont de la clientèle. Dans ces conditions, les délibérations ne peuvent déboucher que sur de vrais rapports biaisés, adoptant ainsi des comportements similaires de "bon élève" en sappuyant sur le document de croissance et de stratégie de réduction de la pauvreté (DSCRP) de la Banque Mondiale dans le cadre du respect des conditionnalités nécessaires au bon gouvernement.
Pour que lEtat gabonais produise une évaluation interne acceptable, cest-à-dire, scientifique, objective et quantifiable, il serait judicieux de ne pas saccrocher uniquement au questionnaire du NEPAD, qui ne prend pas nécessairement en compte les spécificités de chaque Etat. La restructuration du questionnaire peut sopérer pour en faire un instrument denquête. Il faut introduire dans le questionnaire les questions spécifiques au Gabon non traitées jusquici tout en gardant lesprit et la philosophie qui sous-tend le questionnaire du NEPAD. Les évaluateurs devraient semployer à adapter leur questionnaire à la situation nationale afin de sassurer que le programme daction traite bien des problèmes de développement économique et institutionnel spécifiques au Gabon.
Par ailleurs, la vérification théorique interne est un autre déficit constaté. Le Gabon a passé outre la recherche théorique en privilégiant des évaluations par des homologues, comme cela se produit dans les organisations internationales. En effet, lévaluation des pays dans le système international accorde une place importante à létude de la documentation, de la littérature et des recherches relatives aux domaines thématiques à explorer pour faire un bilan des connaissances disponibles. Les évaluations dhomologues se sont déroulées sous forme de consultations de deux experts acquis au pouvoir sans implication des organisations de la "société civile" et de lopposition éclatée.
En outre, il est curieux de constater quaucune analyse a posteriori véritable nait été envisagée pour sassurer de la conformité de lévaluation nationale réalisée par "les évaluateurs" et de sa correspondance à la réalité. Le projet dauto-évaluation na jamais été présenté publiquement pour que la population accorde son adhésion par rapport à la réalité quelle vit quotidiennement. Ce contrôle a posteriori, utilisé par les pays gouvernés, est indispensable puisquil représente le gage de la crédibilité et de la légitimité. Et lautorité du rapport doit découler en principe tant de son acceptation par la population que de sa rigueur aussi bien scientifique que technique. Enfin, sagissant de létat davancement de lauto-évaluation gabonaise, les conflits dintérêts et de compétences entre les barons du régime créant une politisation du processus qui ne peut garantir une évaluation fiable.
Somme toute, lapplication nationale du MAEP ne constitue pas, toutes proportions gardées, une étape essentielle pour assurer linsertion du Gabon dans le processus de gouvernance, si lon en juge par la manière dont ce processus est façonné par la partie gabonaise, qui, de plus, assure par le biais de son Président la coordination sous-régionale en Afrique centrale. Cest là la preuve dun Etat qui ne gouverne pas et où les politiques publiques naboutissent jamais. Le MAEP comme réponse à la libéralisation bloquée ou à limpossibilité de la démocratie est entravé par un manque de vision objective de lEtat et de ses institutions. Cela est dautant plus vrai que le "peer review mechanism", « machine de légitimation », regorge en lui-même de défauts fondamentaux : le caractère volontaire des Etats et labsence de sanctions. Leffectivité de ce mécanisme est donc limitée et la diplomatie gabonaise en est consciente. Lexistence dune dynamique véritable de la pression par les pairs dans le domaine politique est extrêmement incertaine. Lexemple du Zimbabwe, que peuvent suivre des Etats comme le Gabon en cas de divergences dopinions avec ses pairs, est édifiant. Il illustre parfaitement cette incapacité des "grands acteurs" et promoteurs du NEPAD, à lexemple de lAfrique du Sud, à imposer un nouvel ordre sur le continent.
Les actions diplomatiques de la commission du NEPAD sur le Zimbabwe ont échoué. Le "peer pressure" na pas pu déclarer le régime de Robert Mugabe inéligible à lexercice. Le risque à venir de ce programme en cas dévaluation fiable sans falsification des chiffres est au contraire susceptible daccentuer les résistances et de conforter la constitution dalliances conservatrices avec les vieux dirigeants comme le Président Bongo, tenant de lordre ancien et témoin des fondements de lidéologie du panafricanisme et du discours sur lauthenticité africaine. Le MAEP, en tant que produit de lunification africaine, sinscrit parfaitement dans le sens de la vision des fondateurs du panafricanisme. Lorsque le premier président du Ghana, Kwame Nkrumah, déclarait que lindépendance de son pays navait aucun sens si elle ne sinscrivait pas dans la libération totale du continent africain, il posait clairement que lavenir du continent était lié à la croissance et au développement dans son ensemble mais il avait omis ou ignoré les résistances de ses pairs liées aux dynamiques internes de lAfrique.
Aujourdhui la nouvelle entreprise panafricaine fait face aux mêmes égoïsmes personnels et conforte la vision de lanthropologue Jean Copans qui estime que « la généralisation africaine relève dune attitude paresseuse » même si, en revanche, légyptologue Cheik Anta Diop a consacré lessentiel de ses travaux à « l unité culturelle de l Afrique noire ». En réalité, seuls la convergence des enjeux et la collusion d intérêts dictent les partenariats et les relations internationales. On assiste à une logique de résistances des 3 micros acteurs3 qui n ont pas d intérêts et n intéressent pas les 3 macros acteurs3 qui, en revanche ont plusieurs enjeux et intérêts en jeu autour de ce partenariat.
Le Président gabonais ayant intégré le second groupe, il est normal en échange que son pays participe au jeu en acceptant la logique du NEPAD et son habillage si lon admet, avec les tenants du néo-institutionnalisme, que les institutions prescrivent les comportements et les relations entre les acteurs. En revanche, les arrangements résultant de ce que lon pourrait appeler, suivant la direction de Michel Dobry, des « transactions collusives » ou "collusions dintérêts" entre acteurs, nont pas été à la faveur du colonel Kadhafi. Ce dernier sest retrouvé finalement dans le premier groupe, et stigmatise le NEPAD. Il a rejeté, comme Mugabe, les conditionnalités dans le domaine du bon gouvernement. La Libye est dailleurs aujourdhui le principal contestataire de ce mécanisme. La mise en uvre des ambitions politiques grâce au MAEP est inopérante et laisse présager davantage de divisions.
2.2. Evaluation du capital du Nouveau Partenariat pour le Développement de lAfrique au Gabon
Le NEPAD est un programme de lunion africaine conçu pour faire face aux difficultés ontologiques du continent africain en vue de renforcer ses objectifs de développement. La stratégie politique retenue au Gabon est de donner à son président les moyens pour que Libreville devienne un passage incontournable des événements diplomatiques les plus importants dans la sous-région dAfrique centrale. Cest dans ce cadre que la mise en uvre du NEPAD en Afrique centrale est devenue effective depuis la première réunion des représentants spéciaux des chefs dEtat organisée à Libreville du 15 au 17 janvier 2004. Dans le même temps, le Gabon est devenu le coordinateur sous-régional du NEPAD en Afrique centrale. Cette stratégie de politique extérieure présente plusieurs enjeux dintérêts national et international que nous allons aborder dans les lignes qui suivent. En effet, le NEPAD présente des enjeux pour le Gabon. Dans le cadre de cette étude nous en retenons quelques uns qui nous paraissent essentiels et porteurs de transformations sociales. Ces différents enjeux se réfèrent aux sphères politiques et diplomatiques, stratégiques, économiques et sociales.
2.2.1. La dimension politico-diplomatique et la quête de lintérêt public et privé
Le NEPAD présente une interaction des rapports entre les Etats-parties. Celle-ci est généralement le fruit de calculs politiques voulus ou subis. Le comportement des acteurs est conditionné par rapport à laction des uns et des autres. Il en est ainsi lorsquil sagit dévaluer le bien fondé dune transformation sociale sur le concert international des nations. En ayant volontiers recours à la notion de plus-value pour comprendre le positionnement gabonais au sein du NEPAD, ce qui est intéressant délucider cest ce à quoi ça sert, ce qui est véritablement recherché, cest-à-dire les gains de toute nature quun pays peut obtenir de son positionnement extérieur, avantages évalués par rapport aux réalités internes et à des objectifs plus globaux. Ainsi, dans le cadre communautaire, au lieu dassister à la concurrence des pays (cas du Gabon et du Cameroun), il est mieux de voir en quoi véritablement larrimage à de grands sous-ensembles intégrés peut constituer une valeur ajoutée sur les plans politique, économique, social et géostratégique.
Le NEPAD constitue une opportunité qui peut permettre au Gabon, en cas de volonté politique affichée, daméliorer sa manière de gouverner. Dans les prescriptions, lacte constitutif de lorganisation continentale prévoit, du reste, quelle fonctionne en conformité avec le respect des principes démocratiques, des droits de lhomme, de lEtat de droit et de la bonne gouvernance, tout en condamnant et en rejetant les changements anti-constitutionnels de gouvernement. On peut, à juste titre, penser que les objectifs, les normes, les critères et les indicateurs du programme en matière de gouvernement, pourraient utilement éclairer et préciser les compétences et les attributions cohérentes de laction publique en permettant aux administrations de puiser les éléments complémentaires nécessaires à laccomplissement de leurs charges publiques, y compris notamment en ce qui concerne lexercice du pouvoir hiérarchique, quil sagisse de lélaboration des instructions ou de lévaluation et du contrôle du travail de ladministration publique.
De la même manière, sur un autre registre, les commissions denquête et de contrôle du parlement devraient, en saisissant la doctrine du NEPAD, affirmer et affiner la qualité de la censure de laction gouvernementale. Par ailleurs, il est important de ne pas perdre de vue quen matière de mise en uvre du NEPAD, derrière les comportements politiques des agents, derrière les décisions qui sont prises, se cachent des enjeux internationaux et sopposent des intérêts nationaux. Dans le modèle de ressources politiques de Olushola Isinkaiye sur lEtat dépendant, il est démontré que les objectifs qui guident les Etats sont ceux de sécurité et de stabilité politique, de développement économique et le statut ou linfluence au niveau régional ou continental.
Tout positionnement est le résultat des tractations qui tiennent compte des enjeux et intérêts et ne peut dépendre en aucun cas de la sensibilité personnelle des acteurs bien que leur psychologie soit de nature à influencer leurs décisions dans de grands ensembles. La nature des intérêts poursuivis par lEtat gabonais se réfère au rôle traditionnel de lEtat, parce que les intérêts retenus par les autorités gabonaises se résument à lintérêt national, de son dirigeant et de ses alliés. De tout temps, les décisions au niveau international ont été en général le résultat de tractations dappareils souvent difficiles et secrètes qui échappent à la population. Cest dire que létude dune décision de politique internationale doit prendre en compte son contexte et léquilibre des enjeux et intérêts en cause. Ainsi, les projets de décision préparés à loccasion du sommet de Libreville, notamment la structure de coordination et de suivi de la mise en uvre du NEPAD en Afrique centrale et son corollaire le plan daction, ont été validés par la 11ème conférence ordinaire des chefs dEtat et de gouvernement tenue à Brazzaville les 25 et 26 janvier 2004.
En effet, parmi les principes et les objectifs poursuivis par le NEPAD, il y a la paix. Il sagit là dun défi majeur que lEtat gabonais, sous la direction de son président, sengage à relever pour sarrimer en ce nouveau millénaire à une mise aux normes internationales en matière de gestion dEtats responsables et gouvernés. La recherche de la paix constitue pour le dirigeant une entreprise essentielle à la fois universelle et intemporelle. Sur le continent africain, lEtat gabonais est un petit pays situé à louest du continent.
Sur le plan international, certains pays sont généralement désavantagés en raison de leur petite taille sur le plan démo-géographique qui fait quils subissent beaucoup plus que les grands Etats les conséquences des conflits et guerres civiles. Ce qui peut justifier lintérêt porté au maintien de la paix par ces pays. La politique gabonaise autour du NEPAD doit dabord être perçue dans cette perspective dautant plus que dans une sous-région où la conflictualité se régionalise, le créneau de la paix est porteur de fabrication de limage personnelle des acteurs de médiation ou de lEtat. Ce qui justifie dautant plus tout le sens de la diplomatie du Président gabonais. Cet acteur de la médiation africaine est à la recherche dune audience internationale et souhaite conforter une image messianique sur le plan de politique intérieure où il a toujours offert de maigres prestations.
La paix est devenue un idéal vers lequel se tournent les objectifs des Etats démocratiques, même si son orientation diffère selon les pays lorsque les acteurs se mettent en mouvement pour atteindre cette virtualité. En effet, la paix est devenue aujourdhui comme une politique culturelle du Gabon en la matière sur le continent. Ce qui confère à ce pays une dimension non négligeable sur la scène africaine.
Cette recherche de la paix sur un arrière fond géostratégique est due à la volonté du dirigeant gabonais de se placer au centre des relations interafricaines. Ce pays dispose des moyens suffisants pour conduire un tel projet, et le NEPAD lui offre de lespace où cet enjeu peut lui permettre de se réhabiliter sur la scène internationale, où les portes lui sont ouvertes grâce aux bonnes relations vieilles de longues années quil a toujours entretenues avec la classe politique française, constituant ainsi, lune des ressources symboliques déterminant pour son activisme qui porte « ce modèle gabonais de paix » au-delà de ses frontières. Cette recherche de la paix se concrétise au Gabon par une importante activité de médiation menée par son dirigeant et par la participation active de ce pays dans les opérations de maintien de la paix des organisations internationales.
A cet enjeu politique de conservation de la paix, sajoute un enjeu diplomatique important du Gabon autour du NEPAD. La coordination du programme panafricain en Afrique centrale est assurée par le Président gabonais Omar Bongo Ondimba. A y regarder de près, le NEPAD peut apparaître comme un cadre de reconnaissance actée de son importante activité diplomatique sur la scène régionale. Il sagit là tout au moins dune manifestation de la consécration continentale du leadership gabonais sur le concert régional des nations. Cette affirmation repose sur une vision réaliste. Sur le plan de la sous-région, il est certain de reconnaître tout de même que les déclarations sopposent aux faits.
Malgré les relations tendues entre les Présidents Omar Bongo et Paul Biya, moteurs de la construction communautaire, la certitude sur les difficultés à venir autour du NEPAD nest plus un secret pour personne. La diplomatie gabonaise du NEPAD est fondamentalement tournée à la fois vers la préservation de la paix et le leadership continental dont la stratégie de ses agents est de donner au dirigeant gabonais les moyens pour que ce pays devienne un centre névralgique et incontournable de la diplomatie africaine, quil sagisse du NEPAD ou de lUA.
2.2.2. La dimension économique et de développement humain
Durant le siècle écoulé, les idées dominantes chez les dirigeants africains ont toujours été celles de développement économique et social et dindépendance à légard du reste de la communauté internationale. Lintérêt national est une notion normativement chargée que pas mal de spécialistes appréhendent comme la correspondance du déguisement de la raison dEtat. Toutefois, sa conception peut varier selon lusage quont veut en faire. Toute politique extérieure est avant tout fondamentalement liée à lamélioration des conditions de vie de son peuple.
La situation de léconomie gabonaise nest guère la plus enviable par rapport à ses voisins de la sous-région. LEtat gabonais dispose dun sous-sol riche en matières premières énergétiques en dépit de sa faible taille et de sa maigre démographie. Néanmoins, il reste que ce pays est bien fourni par la nature comparativement aux autres Etats du continent.
Sur le plan du PNB par habitant, avec 3685 dollars, le Gabon se situe à la quatrième place des Etats de lAfrique subsaharienne en 2004 après celui des Seychelles, estimé à 7250 dollars, de lIle Maurice à 4480 dollars et du Botswana à 3710 dollars » alors quil se positionnait en 2ème place avec 4320 dollars en 1997 après les Seychelles à 6880. Le Gabon occupait malgré tout en 2003, le 123e rang mondial sur 177 dans le classement concernant lindicateur de développement humain (IDH) de 2003, avec un indicateur de 0,635.
Malgré lévolution sensible présenté dans le tableau ci-dessous qui lui a permis de gagner 4 places en se positionnant en 2005 à la 119ème place, avec un indice de 0, 677, ce pays reste lun des plus corrompus. Sagissant de lindice de perception de la corruption, ce pays se range à la 75ème place sur 144 pays selon le classement mondial de 2004, cest-à-dire en dessous du rang moyen qui est de 72.
Tous ces indicateurs macro-économiques peuvent attester de la pauvreté galopante dont souffrent les populations gabonaises qui nont même pas droit à la mobilité ni au désenclavement social mais à la précarité. En matière de dette, en 1998 ce pays nétait quen 20e position des pays africains les plus endettés, avec 4. 425. 000. 000 dollars US, mais par tête dhabitant il arrive en premier rang avec une dette de 4425 dollars par Gabonais.
Tableau n° 5 : Tendances de lIndicateur de développement humain des Etats du NEPAD (1990-2005)
Classement NEPAD 2005Rang mondial de lIDHPays1990199520002005
Développement Humain élevé
156Libye0,7940,7850,8000,818265Ile Maurice0,7280,7510,7810,804
Développement Humain moyen
391Tunisie0,6620,7020,7410,7664104Algérie0,6520,6720,7020,7335112Egypte0,5750,6130,6590,7086119Gabon0,5920,6260,6670,6777121* Afrique du Sud0,7310,7450,7070,6748123Sao-Tome-et Principe0,7030,6380,6400,6549124*Botswana0,6740,6580,6310,65410135* Ghana0,5170,5420,5680,55311137Mauritanie0,4550,4870,5090,55012138* Lesotho0,6050,6160,5810,54913139* Congo-Brazzaville0,5590,5460,5180,54814144* Cameroun0,5290,5130,5250,53215147Soudan0,4290,4630,4910,52616148* Kenya0,5560,5440,5290,5211719Djibouti0,4760,4850,4900,51618151* Zimbabwe0,6540,6130,5410,51319152Togo0,4960,5140,5210,51220154Ouganda0,4340,4330,4800,505
Développement Humain faible
21156Sénégal0,4280,4490,4730,49922158Nigeria0,4110,4320,4450,47023159* Tanzanie0,4210,4190,4330,46724161Rwanda0,3400,3300,4180,45225162Angola0,3400,3300,4180,44626163Bénin0,3740,4030,4240,43727164* Malawi0,3880,4440,4310,43728165Zambie0,4770,4390,4200,43429168* RDC0,4230,3910,3750,41130169Ethiopie0,3320,3470,3790,40631172Mozambique0,3170,3350,3750,38432173Mali0,2960,3210,3520,38033176Burkina Faso0,3210,3370,3530,37034177Sierra Leone0,3210,3370,3530,336
Source : PNUD, Rapport mondial sur le Développement humain, 2007/2008
Ce tableau se rapporte à lévolution des Etats-parties au NEPAD depuis 1990 à 2005 à partir de leur indicateur de développement humain. Cet indicateur est défini à partir de trois critères : lespérance de vie ; le niveau dalphabétisation et de scolarisation et le produit intérieur brut (PIB) par habitant. Le « Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008 » du programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) présente comme on peut le constater de maigres performances pour lessentiel des Etats du NEPAD. Dans ce tableau, on remarque quil y a les pays qui enregistrent une régression de leur IDH de la période choisie allant de 1990 à 2005 qui sont au nombre de 11 puis 14 pays enregistrent un IDH faible. Cependant 2 Etats se situent dans la tranche de lIDH élevé et 15 pays avec un IDH moyen, parmi lesquels le Gabon.
Lindicateur de développement humain est un indice statistique composite, créé par le PNUD en 1990, évaluant le niveau de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9veloppement_humain" \o "Développement humain" développement humain des pays dans le monde. Le concept du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9veloppement_humain" \o "Développement humain" développement humain est plus large que ce que décrit lIDH qui nen est quun indicateur, créé par le PNUD pour évaluer ce qui nétait mesuré auparavant quavec imprécision. Contrairement au HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/PIB_par_habitant" \o "PIB par habitant" produit intérieur brut (PIB) par habitant, qui névalue que la production économique, cet indice donne des informations sur le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Bien-%C3%AAtre" \o "Bien-être" bien-être individuel ou collectif. Il présente des écarts qui peuvent être très importants avec lIDH. Lindice a été développé en HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1990" \o "1990" 1990 par léconomiste HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Pakistan" \o "Pakistan" pakistanais HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Mahbub_ul_Haq&action=edit&redlink=1" \o "Mahbub ul Haq (page inexistante)" Mahbub ul Haq et léconomiste HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Inde" \o "Inde" indien Amartya Sen. « Une croisade dimportance vitale » : par ces mots, léconomiste pakistanais réussit à convaincre, au cours de lété 1989, son collègue indien de lui prêter main-forte. Le produit national brut (PNB) par habitant était alors le seul instrument de mesure de la richesse des nations.
Au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Mahbub ul Haq déplorait la non-reconnaissance des efforts de pays qui, « bien quayant des revenus faibles, réussissaient de manière étonnante en se concentrant sur des interventions sociales particulières, comme lexpansion de léducation, dune couverture maladie de base, dune surveillance épidémiologique, etc ». Plutôt que de se focaliser sur les revenus des plus pauvres, Amartya Sen met en avant les « capabilités », ces « libertés dont ils jouissent réellement de choisir la vie quils ont des raisons de valoriser ». Libertés réelles et priorités ne sauraient être mesurées à laune du seul accès aux moyens : elles sont aussi un produit de lhistoire, des parcours individuels, des cultures, de lenvironnement naturel et technique, des transformations sociales, des luttes. Cest pourquoi lIDH nest pas figé. Les débats incluront les recherches sur les « biens publics globaux », ce concept économique qui dit avec force combien les enjeux humains se sont mondialisés, et qui donne des outils concrets danalyse et de transformation de la planète.
Sur un plan global des pays membres du NEPAD, comme au Gabon, les raisons de cette régression sont à rechercher dans le malaise profond que connaissent les populations des ces Etats. Cette pauvreté est en due en partie à labsence de structures viables de santé, de couverture maladie ainsi que de la propagation des maladies telles que le paludisme, le sida ainsi que les disparités régionales et les inégalités sociales, qui sont les causes premières de la paupérisation, due à une mauvaise redistribution des revenus. Ce qui est également une caractéristique des pays subsahariens du NEPAD qui ségrène avec constance à partir de la 119ème place jusquau dernier rang mondial, 177ème. Au Gabon, la misère des populations est occasionnée par lenrichissement illicite dune certaine élite sociale au pouvoir et de plus en plus riche. Cette situation est remarquable par la fracture sociale. On a aujourdhui dun côté les pauvres et de lautre les riches, souvent impunis malgré les fonds détournés. Il nexiste plus de classes intermédiaires. Ce qui explique cette parfaite baisse de la majorité des pays du NEPAD. Depuis près de quinze ans cette situation suscite des inquiétudes auprès des organisations internationales et des professionnels du développment.
On peut à partir dici comprendre, lune des causes ayant présidé à lélaboration de ce programme du NEPAD : léchec du développement. Le sous-développement, lié au mauvais gouvernement est le reflet de cette incapacité à assurer le bien être des populations et donc le développement humain et social. Les 34 Etats du NEPAD représentent environ 20%, soit les 1/5 sur les 177 pays epertoriés dans le monde selon leur niveau de développement humain. Ils constituent environ près de 70% de lensemble des 53 Etats que compte lUnion africaine. Le tableau qui suit nous donne les différentes catégories de pays à partir de leur Produit national brut (PNB) global.
Tableau n° 6 : Le PNB global des pays membres du NEPAD en 2006
Position NEPADClassement Afrique
Sur 53 paysRang mondial sur 227 paysPaysPNB Global en milliards de dollars
Pays puissants PNB>40 milliards de dollars
1128Afrique du Sud255,332251Egypte101,663352Algérie101,214453Nigeria92,365663Libye44,01
Pays relativement puissants PNB compris entre 5 et 40 milliards de dollars
6770Angola32,417873Tunisie30,098974Soudan29,8991084Kenya20,47101186Cameroun18,051114100Tanzanie13,401215101Ethiopie12,871316103Ghana11,781417106Botswana10,381518111Ouganda8,921619112Sénégal8,901720119R.D.Congo7,741821120Zambie7,481922122Gabon7,032023124Mozambique6,922124126Ile Maurice6,832227133Burkina Faso6,312328134Mali6,13
Pays relativement faibles PNB compris entre 1 et 5 milliards de dollars
2429140Bénin4,672532147Congo-Brazzaville3,742635155Zimbabwe2,712736161Mauritanie2,342837162Rwanda2,342938165Malawi2,263039166Togo2,233140171Lesotho1,843243179Sierra Léone1,36
Pays faibles PNB < 1 milliard de dollars
3346192Djibouti0,863453222Sao Tome-et-Principe0,12 Source: WAFBU World Africa Business, PNB/Global en dollars 2006
Le PNB représente la valeur totale de la production finale de biens et de services des acteurs économiques par un pays en une année, divisée par le nombre de ses habitants. Contrairement au HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Produit_int%C3%A9rieur_brut" \o "Produit intérieur brut" PIB, cet indice inclut les produits nets provenant de létranger, cest-à-dire le revenu sur les investissements nets réalisés à létranger. Le terme « national », dans produit national brut, reflète ainsi la prise en compte de la valeur ajoutée produite par les résidents du pays en question (principe de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Nationalit%C3%A9" \o "Nationalité" nationalité) mais il nest pas intérieur parce quune partie de cette valeur ajoutée est produite à létranger (le PIB est lui basé sur le principe de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Territorialit%C3%A9" \o "Territorialité" territorialité).
Les institutions financières internationales utilisent cet indicateur pour évaluer le développement à partir duquel, on peut établir une classsification en trois catégories. Comme dans le cas précédent, le choix porté sur cette source de données permet danalyser le positionnement des pays du NEPAD. Ce tableau présente les quatre catégories de pays selon la physionomie suivante : les pays puissants dont le PNB est supérieur à 40 milliards de dollars, les pays relativement puissants avec un PNB compris entre 5 et 40 milliards de dollars, les pays relativement faibles avec PNB compris entre 1 et 5 milliards de dollars et enfin les pays faibles dont le PNB est inférieur à 1 milliard de dollars. A partir de cette distinction, on constate que les pays subsahariens du NEPAD sont bien représentés dans ces différentes catégories. Parmi les pays initiateurs, les deux principales puissances, le Nigeria et lAfrique du Sud figurent dans la catégorie des Etats considérés comme puissants et dont le PNB est supérieur à 40 milliards de dollars. Cependant, lorsquon observe de très près, on constate également que sur le plan mondial les du NEPAD se situent bien au délà de la moyenne en termes de classement, occupant la 141ème place sur les 227, se situant ainsi bien en dessous du rang mondial médian à la 113ème place. Cette configuration nest certes pas appréciable puisquune majorité de ces pays appartiennent aux Etats généralement insignifiants dans le système économique et politique international.
Le produit intérieur brut (PIB) est un HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Indicateur_%C3%A9conomique" \o "Indicateur économique" indicateur économique très usité, qui mesure le niveau de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Production" \o "Production" production dun HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Pays" \o "Pays" pays. Il est défini comme la valeur totale de la production interne de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Biens_et_services" \o "Biens et services" biens et services dans un pays donné au cours d'une année donnée par les HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Agent_%C3%A9conomique" \o "Agent économique" agents résidents à lintérieur du territoire national. Cest aussi la mesure du revenu provenant de la production dans un pays donné. On parle parfois de production économique annuelle ou simplement de production. Le tableau qui suit présente le PIB par habitant des pays membres du NEPAD et leur classement au sein du programme.
Tableau n° 7 : Le PIB par habitant des pays membres du NEPAD en 2005
Rang
NEPAD/PIBPaysPIB/hab en dollars US
1Ile Maurice12 7152Botswana12 3873Afrique du Sud11 1104Libye1 03355Tunisie83716Algérie7 0627Gabon69548Egypte4 3379Lesotho3 33510Ghana2 48011Angola2 33512Cameroun2 29913Mauritanie2 23414Sao Tome-et-Principe217815Djibouti217816Soudan2 08317Zimbabwe2 03818Sénégal1 79219Togo1 50620Ouganda1 45421Congo Brazzaville1 26222Mozambique1 24223Kenya1 24024BurkinaFaso1 21325Rwanda1 20626Bénin1 14127Nigeria1 12828Ethiopie1 05529Mali1 03330Zambie1 02331Sierra Leone80632Tanzanie74433RDC71434Malawi667
Source : PNUD, Rapport mondial sur le Développement humain, 2007/2008
Le PIB par habitant nest pas construit comme un indicateur de la HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Qualit%C3%A9_de_la_vie" \o "Qualité de la vie" qualité de la vie (qui peut, elle, être mesurée plus précisément par dautres indicateurs, comme l HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_d%C3%A9veloppement_humain" \o "Indice de développement humain" indice de développement humain (IDH)). Il est un bon HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Indicateur_%C3%A9conomique" \o "Indicateur économique" indicateur de la HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Productivit%C3%A9" \o "Productivité" productivité économique, mais il ne rend pas lui-même compte du niveau de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Bien-%C3%AAtre" \o "Bien-être" bien-être de la population ou du degré de réussite dun pays en matière de développement. Il ne montre pas dans quelle mesure le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Revenu" \o "Revenu" revenu d'un pays est réparti de manière équitable ou non entre ses habitants. Comme le PIB, il ne reflète pas les atteintes causées à lenvironnement et aux HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Ressources_naturelles" \o "Ressources naturelles" ressources naturelles par les processus de HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Production" \o "Production" production, et ne tient pas compte du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Travail_%28%C3%A9conomie%29" \o "Travail (économie)" travail non rémunéré qui peut être effectué au sein des HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9nage" \o "Ménage" ménages ou des communautés, ni de la HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Production" \o "Production" production à mettre au compte de l' HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_souterraine" \o "Économie souterraine" économie souterraine.
De ces différents indicateurs, les enseignements que lont peut tirer sur la classification des Etats-parties au NEPAD selon le PNB global et le PIB par habitant sont les suivants. Comme on le constate, dans le cadre du PIB et du PNB, les pays du NEPAD appartiennent à deux catégories de pays sur les trois repertoriés au ci-dessus et pour lessentiel ils sont éligibles à linitiative PPTE. Dans lensemble, ces statistiques démontrent que les pays du NEPAD appartiennent à la catégorie des pays à faible revenu, cest-à-dire des Etats relativement pauvres. Ce bilan est globalement accablant dans la mesure où les pays relativement riches selon le critère du PNB, comme le Gabon, ne sont pas des Etats organisés mais aussi pauvres que les pays pauvres très endettés (PPTE) sur le plan du développement social. Cest ce qui explique dailleurs, la stratégie de captation de lAPD par lEtat gabonais. Ce micro-Etat se range dans les pays pauvres et non à revenus intermédiaires pour bénéficier des plans dallègement des IFI.
Une telle situation, loin dêtre honorable ne pouvait quamener les autorités gabonaises à concevoir de nouveaux mécanismes sur lavenir dont lhorizon est des plus critiques avec lépuisement des ressources pétrolières et lessoufflement dun système politique en manque desprit dinventivité et daction. A ce titre, lintérêt économique peut être considéré à juste titre comme un des mobiles qui a conduit lEtat gabonais, pris en tenaille entre le double processus de paupérisation et de criminalisation de lEtat, à faire du NEPAD une bouée de sauvetage. Le nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) a pour but de réaliser les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Dans ce sens, le Gabon, qui dispose dune assez longue expérience en termes de maigres performances pour la quête de la conduite de la nation sur la voie de la bonne gouvernance, a lobligation en ajoutant sa voix à la Déclaration du millénaire dont les objectifs, au nombre de huit, de sortir dici à 2015 son peuple de lextrême pauvreté. Il nest donc pas sans intérêt de relever à ce niveau quau titre du développement socio-économique, les objectifs du millénaire font partie intégrante du MAEP, faisant apparaître ce dernier comme un élément clé dans leur réalisation, à lexemple de la qualité de vie des populations.
En effet, les résultats dune étude menée dans 52 pays du continent africain par une ONG internationale, International Living a montré la paix, seule, ne suffit pas à garantir une meilleure vie aux peuples. Classé récemment pays le plus paisible dAfrique francophone par lhebdomadaire britannique « The Economist », le Gabon se classe au 165ème rang mondial mais au 30ème africain sur 52 pays en terme de qualité de vie. Pour établir ce palmarès 2008, lorganisme international sest basé sur des critères aussi variés que le coût de la vie, la culture, léconomie, lenvironnement, la liberté daction, la santé, les infrastructures, la sécurité et le climat. La combinaison de tous ces facteurs analysés par un panel dexperts donne une vision panoramique de la situation continentale en matière de « bonne vie ».
LAfrique du Sud, promoteur du NEPAD est le pays où on vit le mieux. La nation « pivot » se classe en tête devant lIle Maurice, la Namibie, le Botswana et les Seychelles. En Afrique francophone, cest le Sénégal classé 15ème qui arrive en tête. Il est suivi respectivement du Bénin, du Mali, du Congo, du Togo et du Gabon. Le Cameroun, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine et le Tchad complètent le tableau peu reluisant de la sous-région. Mais que dire de la Sierra Leone, du Soudan ou de la Somalie qui ferment ce classement.
Au-delà de laspect subjectif de ce palmarès, quelques enseignements sont bons à tirer. Premièrement, les trois pôles régionaux les plus attractifs du continent sont respectivement, lAfrique australe, le Maghreb et lAfrique de lOuest. Les pays ayant connu des guerres civiles ou militaires sont les plus mal classés (Côte dIvoire, Angola, Sierra Leone, Soudan, Somalie). On vit mieux, en moyenne, dans les pays anglophones (Afrique du Sud, Namibie, Botswana, Ghana...). Et la richesse, encore moins la paix, ne garantissent pas une bonne qualité de vie, un paradoxe avec les exemples de la Libye, du Gabon ou encore la Guinée Equatoriale dont les revenus par habitant sont parmi les plus élevés du continent.
Tableau n° 8 : Classement africain de la qualité de vie en 2008
Rang africain
Pays
Rang mondial
Rang africain
Pays
Rang mondial
1
Afrique du Sud
49
27
Congo-Brazza
160
2
Ile Maurice
53
28
Togo
161
3
Namibie
58
29
Ouganda
63
4
Botswana
66
30
Gabon
165
5
Seychelles
74
31
Mauritanie
166
6
Tunisie
76
32
Nigeria
168
7
Maroc
84
33
Rwanda
170
8
Ghana
107
34
Cameroun
171
9
Swaziland
110
35
Burundi
172
10
Lesotho
112
36
G. Equatoriale
173
11
Malawi
113
37
Burkina Faso
174
12
Madagascar
117
38
Niger
175
13
Zambie
120
39
Centrafrique
176
14
Comores
121
40
Zimbabwe
177
15
Sénégal
123
41
Ethiopie
178
16
Egypte
125
42
Côte dIvoire
180
17
Bénin
129
43
Angola
182
18
Cap-Vert
131
44
RDC
183
19
Kenya
136
45
Erythrée
184
20
Libye
147
46
G. Conakry
185
21
Tanzanie
148
47
Libéria
186
22
Mozambique
150
48
Tchad
187
23
Mali
151
49
Djibouti
188
24
Gambie
152
50
Sierra Leone
189
25
G. Bissau
155
51
Soudan
190
26
Algérie
157
52
Somalie
193
Ï% Les pays du NEPAD sans Sao Tome-et-Principe
Source : International Living, Le Gabon au 30ème rang africain de la qualité de vie, 2008 ; Voir le quotidien l Union du 23 Septembre 2008
Au plan interne, le Gabon reconnaît que la bonne gouvernance est un élément essentiel pour la promotion de la croissance économique et la réduction de la pauvreté. Un plan national de bonne gouvernance (PNBG) est dailleurs en cours délaboration. Et, en matière de gouvernance des entreprises, il existe au niveau de lEtat gabonais de nombreux textes législatifs et réglementaires destinés à assister les investisseurs dans leur cheminement, quil sagisse des conditions de création dune activité commerciale, de circulation des biens et des personnes, de la charte des investissements, du code des marchés publics, etc. Au regard de certaines autres initiatives, on peut remarquer une tendance à la mise en place dun environnement favorable aux investissements qui peut, par ailleurs, être facilité par son adhésion au MAEP.
De par sa nature, le NEPAD vise à éradiquer la pauvreté. Autrement dit, son objectif est dapporter un mieux-être aux populations par une meilleure santé, une meilleure éducation, un rendement agricole amélioré de façon à promouvoir une sécurité alimentaire généralisée. Ce qui revient à dire que la satisfaction des besoins basiques peut améliorer, à lévidence, lindice de développement humain. Cest dire que le NEPAD peut amener à la réalisation dinfrastructures nouvelles tout comme le renforcement et la mise aux normes des infrastructures existantes, permettant ainsi une accélération de lintégration régionale en validant et en viabilisant les espaces marchands sous-régionaux : la CEMAC et la CEEAC. La taille des Etats africains ne permet pas toujours dattirer des investissements considérables. Les communautés régionales du NEPAD peuvent constituer des marchés potentiellement viables.
2.2.3. La dimension géostratégique
Lenjeu géostratégique apparaît implicitement dans les prescriptions (principes et objectifs) du NEPAD. En effet, entre des nations ou des Etats qui vivent en paix dans des espaces ou territoires ayant fait le choix de la démocratie et dont les économies sont intégrées à de grands ensembles, le désir dêtre ensemble transcende nettement les velléités irrédentistes et les micro-nationalismes locaux à lorigine des conflits et guerres civiles. Lenjeu du NEPAD est donc de permettre lémergence et la consolidation dun continent de paix et de sécurité dans lequel linvestissement peut prospérer pour générer la croissance nécessaire au financement du développement. Sa mise en uvre élimine certaines barrières qui constituent des freins au développement et permet lentrée dun investissement massif indispensable pour toute économie.
Ce programme correspond aux attentes légitimes des populations africaines en général et gabonaises en particulier, et tout doit donc être fait pour quil se réalise dans dexcellentes conditions au profit de toutes les populations. Le moins que lon puisse dire, cest que le caractère africain du programme est un atout géopolitique majeur. Il découle, en effet, dun assez long processus historique amorcé au sein de lancienne Organisation de lUnité Africaine (OUA) au cours de la décennie 1990 et dont la maturation de la plate-forme de convergence démocratique et de bonne gouvernance sest accentuée avec la création de lUnion Africaine. Sil est manifeste dans le processus de son avènement, le caractère africain du NEPAD se retrouve dans son organisation, son fonctionnement y compris en ce qui concerne les institutions partenaires du programme panafricain. Ce caractère africain du programme est à inscrire au crédit du continent, car, ainsi quon a pu lécrire, il « pourrait remplacer le rôle, peu apprécié, que les pays occidentaux ont joué pour promouvoir des réformes économiques et politiques.
Les gouvernements africains ont créé leur propre mécanisme de suivi pour ne pas se voir imposer des conditions de lextérieur et promouvoir des méthodes plus acceptables de vérification du respect des normes nationales, régionales et internationales généralement admises de gouvernance politique, économique et des entreprises ». Dans cette perspective, il est possible de redire après M.K.Y. Amoako que « les réformes de la gouvernance ne peuvent pas être importées en gros. Pour être efficaces, elles doivent devenir une expérience vécue plutôt quune expérience reçue. Cest de cette manière seulement que le processus de réformes suscitera une adhésion soutenue et un leadership politique efficace ».
Une brève rétrospective de lévolution récente de lEtat au Gabon simpose pour justifier lenjeu géostratégique du NEPAD comme cadre damélioration de la gouvernance nationale. Au plan national, la mise en uvre du NEPAD offre à ce pays loccasion, en sappropriant cette doctrine convenue au plan continental, de donner un contenu concret au mot dordre de « refondation de lEtat », lancé par le président Bongo, notamment en permettant de raffermir les contrôles politiques et administratifs qui sexercent sur ladministration publique. Cela devrait permettre de généraliser la pratique de lévaluation de laction publique et son corollaire : la réduction des comptes, afin de se départir progressivement de la contre-productive et préjudiciable absence dune culture de sanctions, à lorigine dune certaine irresponsabilité dans laquelle se complaisent diverses populations dagents publics, de parvenir à une efficacité de la dépense publique que peut rendre possible une lutte déterminée contre la corruption des processus et lenrichissement illicite, en encourageant la transparence, le respect de la légalité par tous.
Dans ce cadre, des dispositions rigoureuses ont été prises pour promouvoir et garantir une meilleure gestion des finances publiques. Cest ainsi quil en est de la création, par la loi n° 003/2003 du 7 mai 2003, dune Commission nationale de lutte contre lenrichissement illicite (CNLCEI) ; le renforcement des dispositions 143, 144, 145 et 148 de la loi n°21/63 du 31 mai 1963 instituant un Code pénal en République gabonaise, la révision du Code des marchés publics, linstitution dune Agence nationale dinvestigations financières, sinscrivent dans cette perspective. Mais, la réussite de ces initiatives, ainsi que dautres déjà élaborées ou en cours de lêtre, reste subordonnée à une amélioration significative de la manière de gouverner à tous les niveaux, alliant la responsabilisation, la transparence, la participation, la lutte contre la corruption, lexistence dun système juridique et judiciaire performant et la stabilité des institutions. Le NEPAD est porteur de tous ces avantages.
CHAPITRE 4
LETAT GABONAIS DANS LES RELATIONS INTERAFRICAINES : LE PRESIDENT DANS SON ROLE DE "DOYEN"
Au tournant du nouveau millénaire, le NEPAD a profondément modifié la configuration politique et géopolitique continentale. Ce programme, initié par les dirigeants africains, est le résultat dune prise en compte des mutations économiques et politiques qui ont reconfiguré le monde. Dans ce cadre, on assiste à une affirmation de puissance entre les dirigeants du continent. Le Gabon, ou plus précisément son dirigeant, à la recherche dune légitimité internationale, tente par tous les moyens possibles de se faire une place de choix dans les appareils de décision du programme panafricain dont il nest pas initiateur mais partie prenante. Les réseaux francophones, expression que nous préférons au terme de "Françafrique", renvoient à des lobbies industriels et réseaux politico-affairistes. Comment ce petit pays de lAfrique centrale est-il arrivé à intégrer le processus décisionnel au point de se retrouver au centre de cette initiative ? Ce positionnement est-il lié à l Etat ou à son dirigeant ? C est à ces questions qu il faut répondre pour élucider le positionnement gabonais sur le concert régional des nations.
Section 1 : Le dirigeant gabonais et le maintien des réseaux 3 francophones3 en Afrique subsaharienne
Il est utile denvisager lanalyse dun « doyen des chefs dEtat » en Afrique selon une comparaison des mécanismes de la francophonie et de langlophonie. La perspective comparative est sollicitée pour mieux aider à rendre compte des situations locales où on assiste parfois de façon implicite à limplication des réseaux aux relents coloniaux.
Cette pratique se situant aux limites de lingérence tend à se substituer à des procédures plus légitimes et convenables - telles la capacité des dirigeants à gouverner ou mettre en place de véritables dispositifs dinstitutionnalisation à laffirmation de pouvoir - pour la structuration du champ politique régional.
Cette situation nous amène à démontrer comment lorganisation panafricaine du NEPAD peut ainsi apparaître comme le prolongement de la poursuite dune combinaison de lintérêt général ou public et personnel des Etats et de leurs dirigeants. Il sagit notamment des réseaux francophones dont le cur est français mais où la France na en partie quun regard et non un contrôle de manière bureaucratique.
1.1. Lorganisation continentale, politique nationale dintégration gabonaise dans léconomie régionalisée
Sintéresser aux implications de lorganisation continentale dans lentrée du Gabon au sein du NEPAD nécessite dexaminer le contexte de diffusion du programme, de mettre en perspective historique lensemble des relations internationales africaines depuis la fin de la « guerre froide ». Ce contexte permet de mesurer les opportunités et les contraintes des acteurs.
Linstrumentalisation de la « sagesse » en institution
Parmi les dirigeants africains, mettant en jeu le discours de lauthenticité africaine, Omar Bongo Ondimba est celui dont on dit quil est le « doyen » ou le « sage » et apparaît comme le témoin vivant de lidéologie africaine à lancienne. A travers ce titre symbolique, lactivité du dirigeant gabonais dans le domaine de la politique étrangère mobilise la longévité politique comme ressource et inscrit le doyen du continent dans la durée. En effet, « en Afrique, on dit volontiers que laîné est un sage. Cest le privilège de lâge. Il est vrai que, tout naturellement, on consulte plus spontanément quelquun qui a de lexpérience, on fait davantage confiance à son jugement ». Ce qui fait dire à Omar Bongo que son avis peut être utile à ses pairs en raison dune certaine expérience accumulée au fil des années puisquil a accédé au pouvoir en 1967 soit deux ans avant une autre figure de « lAfrique authentique » : Kadhafi en Libye. Le discours panafricain de lauthenticité est donc une ressource mobilisée et utilisée comme instrument en vue dobtenir un maximum de soutiens sur le continent. La longévité politique relève dun ordre de discours performatif qui fait de Bongo un acteur incontournable en même temps quil linstitue de manière informelle.
Dans sa forme finale, le NEPAD a vu le jour parallèlement où disparaissait lOUA à la faveur du sommet de Lusaka en Zambie en juillet 2001. Fait dimportance majeure, ce programme est destiné au continent et doit être légitime auprès de lUA. Cest pourquoi il a semblé bon pour ses initiateurs de reposer sa légitimité sur leur attachement à lidéologie du panafricanisme du XXème siècle. Dans un autre registre, le Président Omar Bongo apparaît le mieux placé pour rendre compte de ce mouvement. Il a été le témoin des luttes nationales pour lindépendance des peuples africains impulsée dès 1953 par Nkrumah. Pour reconstruire cette personnalité africaine, « renforcer lunité et la solidarité des Africains », « incarner la thématique de « lAfrique aux Africains », le doyen Bongo sest placé comme linstitution à travers laquelle ce discours fédérateur sincarne. Doù son insistance aux côtés de Kadhafi pour que soit élargi le comité de direction de la nouvelle organisation panafricaine. Le référent panafricain sest imposé lors de la constitution politique dune personnalité africaine.
Le NEPAD a dabord une fonction de visibilité pour le monde extérieur. Il sest construit pour constituer un antidote à la division du continent et non pas selon un processus de rationalisation des relations interafricaines. Il ny a donc pas eu de pacification comme le souligne le politologue camerounais Luc Sindjoun mais plutôt un accord contre quelque chose pour que le dirigeant gabonais en vienne grâce à son ancienneté qui le classe dans la vieille garde au pouvoir des dirigeants parias, à se placer contre toute attente au cur de ce mouvement général de transformation. La notion de longévité politique a été dramatisée en faisant lobjet dune mystification de la puissance personnelle qui sincarne dans limpératif dintégrer le dirigeant gabonais plutôt que de le voir aux côtés de la ligue frondeuse constituée autour de ses homologues Kadhafi et Mugabe et qui attise des rivalités nationales et des mésententes interpersonnelles. Il y a ici comme une exaltation du mythe de « vieux » qui sert à perpétuer la croyance à une force continentale liée étroitement à lhistoire dun peuple dans sa tradition du pouvoir autour des « aînés et cadets sociaux ».
En effet, ce romantisme a servi au Président Bongo pour convaincre les initiateurs du NEPAD à recréer une communauté solidaire entre les anciennes et nouvelles élites pour retrouver la pratique rhétorique des thèses néo-marxistes de lécole de la CEPAL sur la dénonciation de la marginalisation continentale par les puissances occidentales. Ce discours sur le capital de la longévité permet au dirigeant gabonais de se dédouaner de ses responsabilités devant les nouveaux dirigeants qui regardent en arrière-plan ses maigres performances en termes de gouvernement. Cette entreprise dinstrumentalisation a lavantage dôter le côté traditionnellement contestataire des organisations régionales. Elle oriente les « acteurs producteurs » vers un paradigme nouveau, qui est lacceptation de travailler de concert et dans la collégialité avec ceux-là même des dirigeants qui ont été classés sur la liste des dictateurs responsables des injustices sociales dans leurs pays et qui depuis des décennies, sans grands résultats, sous la forme dun « straddling ». Cette valorisation du titre de doyen permet de montrer que laboutissement du NEPAD autour de la dynamique du panafricanisme renouvelé ne dénature pas le principe mais le perpétue dans un contexte moderne ou contemporain de façon à pouvoir ladapter aux mutations mondiales. Sa pertinence est dautant plus certaine au moment où le nouveau régionalisme retrouve un regain dintérêt dans les réflexions sur la formation des institutions africaines selon une modification des préceptes. Lenjeu du Président Bongo a consisté, à travers la rhétorique du « vieux » et au moyen dune soumission au discours de lauthenticité africaine, à faire la preuve quil maîtrise lenvironnement régional en mouvement. Ce qui a conduit le dirigeant gabonais à soutenir certains de ses pairs en vue dune bataille commune pour lélargissement de lorgane décisionnel.
Le soutien gabonais aux pays non alignés autour du NEPAD : dynamique
stratégique dun compromis
Pour des raisons nationales, voire personnelles et non pas idéologiques, le dirigeant gabonais a pleinement soutenu laction des deux opposants les plus farouches du NEPAD : Kadhafi et Mugabe. Ces derniers, dans une logique de réalisme, vont aborder le programme panafricain suivant un positionnement propre à chacun des acteurs mais dont la matrice des deux types dattitude sera commune. Le non alignement au NEPAD sera le dénominateur commun entre ces deux dirigeants.
Le colonel Kadhafi va adopter un comportement virulent, en se plaçant sur le thème du « refus de lingérence, de la mendicité et de limpérialisme » cet ordre de discours qui lui est cher et à travers lequel il a construit sa personnalité politique sur la scène régionale et continentale lui vaut dêtre qualifié dopposant crédible du NEPAD. Dans un autre registre, le Président Robert Mugabe est, à côté du guide libyen Kadhafi, un rival aux ambitions du NEPAD dont il dénonce la dérive néocoloniale lorsquil affirmait par la voie de son ancien ministre de linformation, Jonathan Moyo, que ce plan menace la souveraineté du continent, notamment dans lattitude condescendante de loccident. Ce sont ces deux niveaux de discours qui les a conduit à rallier autour deux un ensemble de pays en Afrique subsaharienne. Lobjectif de ces deux acteurs isolés a été « dattirer lattention à partir des thèmes saillants pour les enjeux politiques du continent : lindépendance et la souveraineté, lafricanité des réformes et la solidarité ». Dans ces attaques aux limites du combat et de la polémique, lenjeu du colonel Kadhafi était de rechercher un compromis avec ses homologues qui bénéficiaient dun atout médiatique sans précédent, reléguant à lombre son coup déclat malgré son énergie bouillonnante pour la refondation de lOUA entamée dans son pays en 1999. Cest donc fort de ce succès relatif quil modifia sa stratégie en se plaçant désormais sur une dynamique délargissement du processus de décision du NEPAD.
Ce revirement de position avait séduit lancien Président Mbeki, qui accepta, par cette voie consensuelle, détendre le comité du NEPAD de quinze à vingt membres dont le colonel Kadhafi pour la représentation de lAfrique du Nord. Dans cette démarche, Kadhafi a bénéficié du soutien sans relâche du Président gabonais, avant le sommet inaugural de lUA à Durban. Bongo et Kadhafi appartiennent à la même génération de dirigeants au pouvoir depuis la décennie 1960. Le premier est arrivé au pouvoir en 1967 et le second en 1969. Ils ont en commun le partage dune même religion (lislam) et leur croyance à lunité africaine dont ils restent les principaux témoins des premiers développements de cette idéologie. Leur position sur la question dun gouvernement de lUnion africaine reste la même dans ce domaine.
En effet, « le Président gabonais et le Guide travaillent ensemble depuis toujours pour tout ce qui est susceptible de renforcer lunité africaine et des moyens susceptibles de parvenir à la résolution des problèmes qui existent dans le continent africain ». Cette affirmation atteste de la solidarité des points de vue sur la volonté manifeste qui anime les deux chefs dEtats libyens et gabonais, de mettre véritablement sur pied une Union africaine susceptible dassurer lautonomie et le développement durable du continent. Compte tenu de ce que le Colonel Mouammar El Kadhafi sest hissé en véritable chantre de cette organisation africaine, mieux des « Etats-Unis dAfrique », et que le Doyen Omar Bongo Ondimba, « apôtre » incontesté et incontestable de la promotion de la paix au sein du continent, la question du rapprochement et de concertations permanents entre le Guide de la Jamahiriya arabe libyenne et le président Omar Bongo Ondimba, trouve tout son sens. Il sagit bien de deux concepts convergents (unité et paix) sur la base, que défendent ces deux leaders africains, comme tant dautres, dans la mesure où lunité des Etats dAfrique tant prônée par le chef dEtat libyen nest possible que sil y règne la paix et la concorde, seuls gages du développement durable, après tant dannées de retard et de conflits destructeurs. Visiblement, ces deux leaders charismatiques, susceptibles dentraîner ladhésion totale et pragmatique de leurs pairs dans cette vision, une tâche à laquelle ils se livrent régulièrement, en marge des multiples sollicitations étatiques de leurs pays respectifs, à travers leurs contacts permanents, traduisent leur ferme volonté de défendre lidéologie de lUnion à travers le NEPAD.
Lenjeu de ces deux dirigeants de la vieille garde politique était double. Dune part, il sagissait de ne pas rester à lécart de ces nouvelles mutations, dautre part de conserver le privilège des dividendes du partage institutionnel de lautorité issue de la réforme de lancienne OUA. Face aux prescriptions du programme fondées sur le « bon gouvernement », il était essentiel pour ces leaders de participer à la dynamique pour résister aux dispositifs des droits de lhomme et de démocratie faiblement institutionnalisés dans ces deux régimes. Lenjeu de cette participation réside tout autant dans le caractère décisionnel de ce comité de direction. Cest cette structure qui décide des critères engagés dans les examens et de lévaluation des progrès accomplis pour les réformes. Cest ce qui justifie que les leaders influents comme Bongo et Kadhafi, qui jouent un rôle de diplomatie active, soient engagés dans ce programme pour échapper à des examens véritablement démocratiques plutôt que de sopposer avec virulence et de façon verbale en dehors des cadres de décision. Le Président Mugabe a également porté des critiques les plus incisives au NEPAD en allant jusquà discréditer ce programme à loccasion de nombreuses irrégularités constatées lors des élections présidentielles nationales avant de suivre la direction consensuelle adoptée par son allié Kadhafi mais cette fois-ci grâce aux pressions de ses pairs et des puissances occidentales, notamment les IFI. Son exclusion du Commonwealth et le gel de lAPD au Zimbabwe par le FMI ont conduit Mugabe - qui risquait une destitution par les Britanniques, qui selon certaines sources envisageaient un asile politique pour sa famille et lui en Malaisie - à soutenir le NEPAD comme initiative de développement du continent. En se rangeant auprès de son voisin sud-africain, Mugabe a cédé face aux pressions de la communauté internationale, en particulier de la France, bien que celle-ci ait participé à le sortir de son isolement temporaire. Cette dynamique institutionnelle a donc été le fruit dun compromis et dune compromission entre les acteurs.
1.1.3. Le dévoiement du projet panafricain par les diplomaties locales
Le NEPAD a fait lobjet de plusieurs critiques au moment de son lancement. Face aux pressions de certains dirigeants et du peuple africain, les initiateurs du programme ont associé à linitiative certains Etats mal gouvernés. Dans ce jeu institutionnel, les promoteurs du NEPAD ne voulaient pas donner raison à la ligue dacteurs contestataires. Ces derniers dénonçaient un problème dorganisation et de représentation. Ainsi, pour parvenir à contourner la conditionnalité de bonne gouvernance, élément essentiel de la modernité politique, les Etats mettent en avant le principe dégalité fondateur de lActe constitutif de lUnion africaine. Il sagit dune ressource appropriée que le dirigeant gabonais a utilisé pour justifier son entrée dans le cercle restreint des décideurs en même temps quun moyen de contourner ce que Luc Sindjoun appelle « la conformité à la loyauté démocratique ». En ce qui concerne lentrée du Président Bongo dans ce comité très restreint au départ, le calcul politique des promoteurs du NEPAD était simple : les leaders de la vieille garde politique, notamment Bongo tout comme Kadhafi, sont moins dangereux à lintérieur de lappareil de gouvernement quà lextérieur à la tête dune coalition dEtats opposés au NEPAD.
Toutefois, cette réforme de la « machine de décision » du NEPAD est révélatrice dun dévoiement du projet. Ce comité touche directement à la mise en uvre du « peer review » qui est devenu le nouvel appareil de légitimation mais sous contrôle par les partenaires au développement, en particulier les organisations internationales qui craignent le non respect des engagements institutionnels en faveur de cette surveillance politique entre les pairs africains. Ce qui est remarquable au niveau de cette phase d institutionnalisation du 3 peer review3 , c est le caractère audacieux de ce mécanisme à gérer efficacement les distorsions des Etats voyous tels le Gabon. Les promoteurs du NEPAD, en conciliant leur besoin vital d alliés pour légitimer leur projet, ont été soumis par des dirigeants comme Omar Bongo à des compromis politiques nécessaires mais ont pris le risque majeur de dévoyer la nature du programme. Cest dailleurs pourquoi la communauté internationale a fait pression, à chaque stade de lévolution du processus dinstitutionnalisation du NEPAD, sur le caractère irréversible et essentiel de ce mécanisme de contrôle démocratique par les pairs africains. Lincapacité à gouverner de certains pairs comme le dirigeant gabonais doublée du malaise né des conflits dintérêts entre le groupe des « Etats producteurs » sur la paternité de linitiative, les critères de mise en uvre ainsi que la répartition des dividendes diplomatiques en jeu, éloignent ce mécanisme des valeurs démocratiques qui fondent la légitimité traditionnelle. Il sensuit un processus de subversion des normes établies visant à contourner lincapacité à gouverner due elle-même à limpossibilité de la démocratisation. Il sagissait pour le Président Mbeki de mettre en pratique lors des débats dunion sa fermeté quant au respect de la démocratie par les pairs comme valeur fondamentale de la participation.
Cette décision a suscité des oppositions du côté sénégalais qui semble-t-il la trouvait à géométrie variable en raison de la pratique sud-africaine de la logique du « deux poids, deux mesures », critères démocratiques bafoués par la présence au sommet des dirigeants togolais, kenyans et gabonais au pouvoir depuis plusieurs décennies. Cette situation a davantage desservi Thabo Mbeki, car face au dévoiement du projet par lentrée de certains chefs dEtats dans le comité de mise en uvre, et en particulier du Gabon, de la Libye et du Kenya dArap Moi, malgré le caractère enthousiasmant des réformes annoncées, des doutes sérieux se font jour suite à lexclusion et à linclusion des Etats sur la base des relations personnelles et non des valeurs de la démocratie. Autrement dit rien ne peut expliquer lexclusion de Madagascar en même temps que sont conviés, outre les pays déjà évoqués, le Zimbabwe, lErythrée ou le Swaziland, pays dont les dirigeants naccordent aucune référence à la tradition démocratique ainsi quaux droits de lhomme.
Cette constatation atteste dune opposition des entités régionales entre le NEPAD et lUA, notamment le caractère exclusif du premier et la personnalisation de la sélection appliquée des leaders vont en contre sens des principes de la seconde entité. Cest pourquoi linstitutionnalisation du NEPAD a précédé celle de lUA afin que cette dernière nexerce pas de contrôle sur le programme africain de développement, doù la décision dun secrétariat indépendant de la commission de lUA envisagée par Mbeki et basé en Afrique du Sud.
La politique gabonaise du NEPAD
La politique gabonaise fait référence ici, à la fois à ce que Marcel Merle considérait comme « la partie de lactivité étatique qui est tournée vers le dehors (
), des problèmes qui se posent au-delà des frontières », mais relève également du domaine de politique intérieure. La question du NEPAD est un problème de politique interne et externe qui nécessite que lon présente sa structuration et les acteurs qui se mettent en mouvement.
1.2.1. La conduite de la diplomatie gabonaise du NEPAD : structuration du processus de régulation autour des acteurs internes et externes
La diplomatie gabonaise du NEPAD renvoie à la gestion de toutes les activités extérieures du Gabon dans leur dimension internationale autour du programme panafricain ; gestion dont le Président est le principal agent. Depuis les deux dernières décennies, un consensus se dégage sur le rayonnement continental, voire international, de la diplomatie gabonaise.
La capitale gabonaise est devenue un des centres névralgiques de lactivité diplomatique africaine. A limage des deux géants africains, le Nigeria et lAfrique du Sud, le Gabon est désormais un point de rencontre majeur des initiatives diplomatiques du continent. Cette activité diplomatique denvergure le place désormais sur le continent au rang dEtat à grande influence selon la configuration du modèle de « hiérarchisation locale de puissance ». Deux raisons peuvent expliquer cela : son avantage en ressources économiques et la paix sociale sur le plan politique. A lévidence, le Président gabonais est le principal bénéficiaire des gains symboliques, son nom étant associé à toute initiative internationale, le système politique gabonais étant faiblement institutionnalisé comme la plupart des régimes africains. Ce qui peut caractériser la conduite des activités du NEPAD au Gabon, cest labsence de toute opposition parce quil nexiste véritablement pas de débat public sur ce dossier. Les décisions sont centralisées par les acteurs gabonais du NEPAD à la solde du chef de lEtat qui assure leur promotion sociale. Ces acteurs qui ne constituent que la caution publique à laction de leur « big man », sont ceux que les Gabonais aperçoivent en mouvement depuis la création du NEPAD. Ils participent à la conduite de la politique gabonaise du NEPAD et occupent des positions officielles autour du Président. Ce dernier dispose de son directeur de cabinet adjoint qui intervient dans les dossiers du NEPAD au plan interne mais également à lextérieur. Lhomme de confiance et loyal du chef de lEtat, Patrice Otha traite des mêmes sujets que le ministre du NEPAD Paul Biyoghe Mba. Ce dernier devrait être chargé de lanimation et de la coordination des questions de politique gabonaise du NEPAD.
Parallèlement, Patrice Otha examine des affaires réservées que lui confie le Président, notamment le dossier NEPAD. Il y a là une volonté affirmée de contrôler personnellement tout dossier denvergure diplomatique et stratégique. Il nest donc pas exagéré de conclure que cette pratique adoptée par Omar Bongo fait partie de sa tradition machiavélique et autoritaire de lexercice « sans partage » du pouvoir. Ce qui traduit dans les faits lexistence dun « gouvernement bicéphale » du NEPAD que les journalistes - chargés de la fabrique dune image de Bongo « sacre du mérite et de lactif » - expliquent par une volonté defficacité du dirigeant gabonais dans la gestion des affaires publiques alors que cette « anomalie » incarnée par Otha - véritable boite noire qui exerce une délégation de pouvoir et qui doit son irrésistible ascension à son patron- accrédite la thèse de la centralisation et de la conservation excessives induites dans la pratique par un système courtisan néopatrimonial ainsi que sur le pouvoir et son ivresse dont Omar Bongo qui sen empare est saisi. A ce titre, le NEPAD se nourrit dun imaginaire de simple opération de diversion, qui place par cet exploit au centre de la scène le dirigeant gabonais.
Le pouvoir dOmar Bongo sest installé depuis longtemps et nest plus à mesure de sécréter les antidotes de bon gouvernement. Cette obsession pour le pouvoir personnel ainsi que la fusion Etat-individu, accomplie dans la personnalité remarquable du Président Bongo est une grande instabilité pour les Gabonais - qui ne sattendent pas à quelque chose de démiurgique ou prométhéen - en raison de la volatilité des situations qui peut être ponctuée dune illégitimité belliqueuse et dune érosion des fondements de la puissance avec ce système desprit de cour fondé sur lagrégation dintérêts et de docilités, qui tend à ternir davantage un horizon incertain pour lEtat gabonais. Mieux, ce décalage entre la théorie et la pratique dans la gouvernance nourrit une entreprise dont lissue est tragique : elle échappe à la rationalité de lacteur Omar Bongo, mais relève plutôt de la mystique, sa part dimaginaire est en interaction continue avec ses actes politiques.
De cette présentation, on peut constater quil y a au plan interne deux principaux acteurs qui interviennent à des degrés différents auprès dOmar Bongo et dont il est possible de déceler avec précision lincidence de chaque acteur sur les décisions de ce dernier qui constitue leur lien commun. On fonde aussi la légitimité par les paramètres extérieurs comme lonction. Cest pourquoi le Président gabonais veut toujours apparaître comme un fidèle inconditionnel de la scène politique africaine. Comme acteur non gabonais du NEPAD, on ne peut renseigner le lecteur sur le poids dune quelconque personnalité étrangère auprès du Président Bongo et qui occupe une position officielle moins encore de contacts extérieurs sil en existe. Le seul contact avec lextérieur est celui de la France dont on peut reconnaître linfluence de lintégration gabonaise au sein du NEPAD.
En effet, à lorigine les différents promoteurs avaient des stratégies individuelles de commandant, voulant faire du NEPAD une « affaire nationale sinon personnelle ». Ainsi Thabo Mbeki avait dirigé sa stratégie sur lAfrique australe, Abdoulaye Wade à la région ouest africaine. Pour Omar Bongo, il fallait faire du Gabon, la capitale du NEPAD dans la sous-région dAfrique centrale.
Cependant, Jacques Chirac, à lépoque chef de lEtat français, témoignait dun total soutien au dirigeant gabonais, dont le pays a une proximité immédiate et culturelle avec la France. Du coup lancien dirigeant français, pouvait facilement se rendre à Dakar, en Algérie et au Gabon pour un sommet du NEPAD, que de traverser toute lAfrique pour regagner Pretoria, en Afrique du Sud. Déjà, le « parrainage » de la France, du NEPAD était incohérent. LEtat français, souhaitait pour le même programme du NEPAD, le gaz algérien. Pour le même NEPAD, Jacques Chirac, doutait de lavancée économique de Dakar, et pour le même NEPAD, lancien chef de lEtat français craignait la puissance économique de lAfrique du Sud. Le résultat a été dassocier Omar Bongo à cette initiative, une manière de faire obstacle aux ambitions hégémoniques des pays anglophones dans les bastions de tutelle francophone. Dans ces conditions, on peut aisément comprendre que le NEPAD ne sera jamais fonctionnel. On peut parler de « Népadisation française du Gabon » ou de « Népadisation Chiraquienne dOmar Bongo ».
1.2.2. Le Gabon dans la dynamique de lUnion africaine : du statut de simple membre à la présidence de lorganisation panafricaine
Depuis la décennie 1990, le montant de lAPD en direction du continent a baissé considérablement en raison des PAS et de lintroduction de la notion de conditionnalité de laide. Cette tendance sest inscrite dans un autre mouvement politique actuel, le multilatéralisme. Lunion africaine (UA) est lorganisation des Etats africains créé en 2000 lors du sommet de Durban en Afrique du Sud pour remplacer lancienne organisation de lunité africaine (OUA) en 2002. Créée à limage de lUnion européenne, du moins dans sa forme qui témoigne dun partage du pouvoir, elle est née de la volonté de certains dirigeants politiques africains de réactiver le processus dintégration régionale dans sa dimension politique afin de relancer le développement économique du continent. Le projet de création de cette nouvelle organisation aurait été impulsé par le guide libyen Mouammar Kadhafi en 1998, qui la accompagné jusquà sa création. LOUA était devenue une organisation surannée minée par des divergences internes entre souverainistes et fédéralistes et dont lexistence était devenue purement symbolique. Cette ancienne organisation avait été à lorigine créée sur la base dun discours fondé sur le mythe panafricain de retour aux sources.
Lidée était celle dopposer à la situation réelle du continent une vision de lAfrique unie, puissante et capable de se prendre en charge et qui serait potentiellement prospère et développée sur la base de cette unification des acteurs étatiques. Les raisons de léchec de ce projet dunité sont à rechercher à lintérieur même du continent. « Les dirigeants africains, en raison de leurs micro-nationalismes locaux et de la logique stato-nationale héritée de lidéologie jacobine, préféraient être les patrons de leurs micro-Etats que dunités plus grandes ». Si lOUA sest révélée impuissante, cest parce quelle avait été conçue pour lêtre, au point où elle ne disposait plus dinfluence au sein du continent à cause des difficultés économiques et financières des Etats parties dune part, dune impuissance de construction caractérisée par des discours et contre-discours dautre part. Il existait une sorte de contradiction entre la tradition panafricaine de la collégialité et lunanimisme. Prisonnière des clivages idéologiques, ses difficultés de fonctionnement étaient inévitables. Pire encore, cest limpossibilité à gérer efficacement les conflits régionaux qui a discrédité sur la scène internationale cette organisation.
Selon les analystes, une réforme était nécessaire pour parvenir à une organisation de compromis. Plus quune simple ambition réformatrice, on a assisté à un glissement de paradigmes en passant dans le même temps en juillet 2002 de lOUA (dernier sommet et le 38ème depuis son existence en 1963) à lUA à Durban en Afrique du Sud. Cest au cours du 5e sommet extraordinaire de lOUA du 1er au 2 mars à Syrte en Libye que la réalisation de lUA a été officiellement consacrée. Il y avait là un avantage symbolique pour le chef de lEtat libyen. Au moment de la consécration de sa naissance, seuls 31 pays membres avaient déjà honoré lacte de ratification de la nouvelle organisation. Or dans les prescriptions, il est prévu dans le cadre de ladoption que cette instance requiert la ratification parlementaire des 2/3 des 53 Etats parties de lancienne OUA, soit un total de 36 pays.
La mise en perspective historique du positionnement de la diplomatie gabonaise sur la scène politique africaine, tend à renseigner sur les hésitations de ce pays quant à son adhésion à lancienne OUA depuis les années 1960 et au début de la décennie suivante. Il semble que le Gabon était en partie responsable de la décrépitude dans laquelle était tombée lancienne organisation, notamment en raison de son égoïsme traditionnel observé par ses pairs, à en juger par les rapports du dirigeant gabonais avec son homologue camerounais, qui constituent un obstacle majeur à lintégration sous-régionale en Afrique centrale. Pour réagir face à cette critique similaire à la mésentente autrefois constatée en Afrique de louest entre les Présidents Eyadema et Wade, ce nest quau cours des deux dernières décennies que lEtat gabonais sest activement impliqué dans les initiatives continentales pour effacer cette image supposée de refus de positionnement, en uvrant pour la défense des intérêts du continent, notamment avec les récentes créations du NEPAD et de lUA. Il est important dapprécier les relations entre le Gabon et ses voisins pour mesurer politiquement son avenir sur le concert régional des nations. Ainsi est-il possible de sinterroger sur le rôle que joue le Gabon au sein de lUnion africaine ? Autrement dit le niveau dinterrogation ici est létablissement de passerelles avec le programme africain de développement, notamment la manière dont est conduite la politique gabonaise du NEPAD et les ressources quelle mobilise lorsquon sait que ce pays a usé de plusieurs réseaux pour se retrouver au centre du processus de décision.
LEtat gabonais na jamais partagé lidée de mettre en place une nouvelle organisation pour se substituer à lancienne OUA mais insistait sur sa mutation profonde. La diplomatie gabonaise proclamait lambition dune réforme de lOUA. Pour les spécialistes de la politique étrangère du Gabon, ce pays avait su se tailler une place de choix au sein de lancienne institution qui ne disposait plus réellement de chef, et ce grâce à une intention de partage de lautorité sur le modèle européen. A ce titre, lorganisation reposait sur légalité relative de tous les Etats parties selon le principe : un pays, une voix. Parmi les points qui intriguaient fondamentalement le Gabon, figurait celui dune tentative dhégémonie des promoteurs, notamment le risque daccroissement dans le processus décisionnel de la domination sud-africaine sur le continent. La tradition du « concert panafricain » a toujours été celle de la collégialité des chefs dEtat. Or, la nouvelle organisation africaine qui se dessinait autour de lUnion africaine laissait présager sans commune mesure une forte personnalisation de linitiative par la Libye et lAfrique du Sud, ce qui semble se vérifier dans son organisation actuelle.
Lors de la création de lUnion africaine à Syrte, contrairement à ladhésion précipitée du Gabon du NEPAD, où son leader avait trouvé un espace de sens, ce pays ne comptait pas parmi les 31 Etats qui avaient signé lacte de ratification du projet de la nouvelle organisation. Il a fallu attendre le retour du sommet de Syrte, où certainement au Président Bongo avait trouvé plus de visibilité pour le rôle continental du Gabon, pour annoncer publiquement lexigence de ratifier par la voie parlementaire le projet dunion. Cette nouvelle attitude prêtée non pas au comportement de lacteur, cest-à-dire Bongo, mais à son pays, a une fois de plus terni limage de lEtat gabonais. Par cet acte de désolidarisation de départ, la thèse du « personal rule » ou du règne personnel est accréditée en ce sens que cette situation entretient un flou entre les capacités dorganisation de lEtat gabonais et les interventions personnelles de lacteur Bongo. Il sen suit un caractère néo-patrimonial dans la conduite de la diplomatie gabonaise, qui « entraîne une confusion totale entre les décisions dune seule personne et lautorité de lEtat dont la souveraineté est néanmoins revendiquée sur la scène internationale ».
Le positionnement autour de lUA est-il assigné à lEtat gabonais comme appareil de gouvernement ou à la personnalité dOmar Bongo Ondimba ? En dautres termes, le dirigeant gabonais voulait-il par son action attirer lattention sur son pays dont lautorité demeure faible ou voulait-il au contraire se positionner comme un des grands leaders du continent avec des marges de pouvoir illimitées ? La diplomatie des affaires qui a permis en partie dobtenir ladhésion du Gabon face à un dirigeant libyen qui conduisait le projet à coup de millions de dollars na-t-elle pas réduit le rôle de ce pays à une institution imaginaire ou fictive ? Les niveaux dinterrogations sont nombreux. On est tenté au final de se demander si lEtat gabonais peut véritablement jouer un rôle important au sein de lUnion africaine ?
Aujourdhui, il nest plus un secret que le leadership autour de lUA est partagé entre lAfrique du Sud qui abrite le siège du parlement africain et la Libye qui a initié le projet en dépit de lisolement international de son dirigeant, qui déploie tous les moyens pour retrouver à nouveau sa parole sur la scène internationale. Le Président gabonais arrive tout de même à jouer un rôle, renforcé par ses interventions dans les activités de médiation, rôle comparable à celui de lEtat sud-africain dans les opérations de maintien de la paix comme le montre Garth Le Pere.
Sur la scène internationale, lefficacité externe se mesure à laune de bonnes performances dune diplomatie récompensée par des actions de la part de la communauté régionale et internationale. Ce quon constate par rapport aux fonctions internationales prestigieuses cest que lEtat gabonais na jamais occupé aucune position importante dans les organisations internationales, ni au secrétariat de lOUA, ni à la BAD, ni même dans les organes spécialisés de lONU. Maigres consolations, si on peut le dire ainsi, la présidence gabonaise du conseil de sécurité des Nations Unies de janvier 1998 à décembre 1999 ou lAssemblée générale des Nations unies en sa 59ème session en 2004-2005, le poste de secrétaire général des ACP au 1er mars 2000, et cela ne sest pas fait sans quelques difficultés. A partir de 1994, Hugues Alexandre Barro Chambrier a été pendant quelques années membre du conseil dadministration du FMI avant dêtre rappelé au gouvernement après son mandat ; par ailleurs, le Gabon a été élu au conseil dadministration du PNUD en 1999.
On peut également noter, que dans le passé, les Gabonais Jean Ping et Marc Saturnin Nang Nguema, ont occupé la fonction de secrétaire général de lOPEP et deux autres, à savoir Jean-François Owono Nguema et Paul Okoumba DOkwatsegue se sont succédés au Secrétariat de lACCT après le sommet France-Afrique de 1984. La candidature du deuxième secrétaire gabonais de lACCT avait échoué au poste de secrétaire général de lOUA. Ce qui navait pas empêché le leader gabonais de contribuer de manière décisive à la désignation du premier Président de la Commission de lUnion africaine Amara Essy. On peut donc imaginer quOmar Bongo joue désormais un rôle comparable à celui de lAfrique du Sud et de Libye dès lors que son pays occupe une place importante dans cette organisation. Cest ici dailleurs quentrent en jeu les dividendes du partage institutionnel de lautorité africaine, si lon en juge par la récompense symbolique des homologues africains à lendroit dOmar Bongo avec lélection dun Gabonais, Jean Ping, au poste de nouveau Président de la commission de lunion africaine. Les retombées de cette élection sur limage du Gabon et de son dirigeant ne se feront pas attendre. Cest dabord tout à lhonneur du Gabon et du Président Omar Bongo Ondimba davoir été les généreux bénéficiaires de ce poste, sur lequel les Etats africains fondent tant despérance pour exister.
Lancien ministre gabonais des Affaires étrangères est un proche du Président Bongo et de sa fille Pascaline Bongo. Jean Ping a présidé aux destinées de la 59ème session de lassemblée générale de lONU. Au cours de cette mission, lancien ministre gabonais a uvré à « lindispensable effort de revitalisation de lOrganisation ». Il succédait à Julian R. Hunte, alors ministre des affaires étrangères de Sainte Lucie, devenant ainsi le 10ème président dorigine africaine pour cette institution internationale. Son élection par acclamation « marque la dixième présidence africaine et couronne ainsi près dun demi-siècle de participation active du Gabon à la noble mission des Nations Unies », avait-il déclaré devant les membres de lAssemblée générale réunis en séance plénière. Il sagit, en fait, dun retour dans cette institution internationale; Jean Ping ayant en effet fait ses débuts comme fonctionnaire des Nations Unies au sein de lUnesco, à Paris dans les années 1970.
Pour de nombreux observateurs, cette promotion était le fruit de son dévouement dans la résolution de plusieurs crises qui ont surgi en Afrique centrale, notamment en Centrafrique en mars 2003 et Sao Tomé et Principe en juillet de la même année. Il sest singulièrement distingué dans lamélioration des relations avec la Chine.
En effet, cette implication sest notamment soldée par des échanges de visites entre les chefs dEtat des deux pays amis. Né au sud du Gabon, il a été plusieurs fois député de sa région sous les couleurs du Parti démocratique gabonais (PDG), lancien parti unique. Diplomate expérimenté, Jean Ping élu le vendredi 1er février 2008 président de la Commission de lUnion africaine (UA), est un homme de confiance du président Omar Bongo Ondimba, doyen des chefs dEtat du continent dont on connaît limplication en tant que médiateur dans les différentes crises qui secouent le continent africain en loccurrence. Représentant la région Afrique Centrale, il a été élu au premier tour du scrutin à Addis-Abeba, contre la candidate de lAfrique australe, la Zambienne Inonge Mbikusita Lewanika qui na pas manqué de se prononcer à lissue du vote en déclarant que : « les présidents africains ont confiance en M. Ping, cest pourquoi ils lont choisi ».
Lélection de Jean Ping au premier tour et avec plus de 2/3 des suffrages exprimés, vient ainsi confirmer le poids de la CEMAC. Dailleurs, selon l'ancien Secrétaire général de lOUA, ancêtre de lUA, lIvoirien Amara Essi, « Jean Ping était sans conteste le meilleur candidat. En ce sens quil a un bon atout, une formation disciplinaire et disciplinée, et une expérience avérée (
). Sa chance cest d'avoir derrière lui le président Bongo Ondimba, et le Président Bongo Ondimba existe et compte ». Ceci est dautant plus juste que pour sa part, Jean Ping na pas souhaité faire de déclaration à chaud. Cela malgré les nombreuses sollicitations dont il a été lobjet de la part de la presse tant africaine quinternationale. « Je ne peux pas parler avant déchanger avec le Président Omar Bongo Ondimba », a dit le nouveau président de la Commission de lUA, non sans laisser apparaître clairement des traits personnels symboliques.
Dans un autre registre, la personnalisation se caractérise par les déclarations de certains dirigeants africains. « Cest un grand plaisir pour nous », a confié à PANA le chef de lEtat gabonais Omar Bongo avant dajouter : « jétais confiant en venant, car si je savais quil ne serait pas élu, je ne laurais pas présenté ». Le Président sénégalais Abdoulaye Wade, sest aussi montré satisfait de l élection de Jean Ping : « mon candidat a été élu et je suis satisfait ». Le même sentiment de satisfaction a été exprimé par le Premier ministre guinéen, Lansana Kouyaté. 3 Jean Ping est un homme de grande valeur et de très grande compétence qui a montré sa capacité en Afrique, dans son pays et aux Nations Unies où il a présidé l Assemblée Générale3 .
Dans ses nouvelles fonctions, plus que ses relations personnelles, ce sont ses qualités de diplomate et son expérience au sein des organisations internationales - il a présidé, avec brio, selon lavis de plusieurs diplomates, la 59e session de lAssemblée générale de lONU en 2004-2005, préparant le sommet sur la réforme de linstitution mondiale -, qui ont été défendues par son « beau père » pour sa nouvelle ascension, dautant plus que le Président Bongo avait déjà échoué à imposer un autre de ses proches Casimir Oye Mba, ancien premier ministre et gouverneur de la BEAC, à la tête de la BAD.
Les avancées de cette nomination ont été obtenues grâce à Omar Bongo qui sest déplacé et a mené personnellement, à Libreville et à lextérieur, des discussions avec ses pairs, ce qui démontre sil en est encore besoin limportance de sa fonction symbolique de « sage ou doyen » dune part et laudience de lhomme dautre part. Cette élection nous rappelle celle de lancien Secrétaire général des ACP Jean Robert Goulongana à la fin de lannée 1999, poste quil a occupé à partir du 1er mars 2000. Pour que celui-ci accède à cette fonction, il a fallu quOmar Bongo se déplace personnellement au Sommet de Saint-Domingue. Limage du Président Bongo, comme létait celle dHouphouët-Boigny est désormais retenue comme celle de vieux sage défenseur du continent africain et de la paix.
Ce capital symbolique du Président gabonais pétrolière peut tout aussi expliquer certainement le mieux cet état de choses. Cest donc lhistoire qui joue aujourdhui en faveur du Président gabonais. Lors son accession au pouvoir à 32 ans en 1967, il a déjà derrière lui une carrière politique pour avoir été directeur de cabinet de Léon Mba évoluant dans les réseaux gaullistes. Il sest toujours allié au colonisateur, sa loyauté idéologique et sa longévité politique lui valent dêtre considéré comme une personnalité historique qui compte sur la scène régionale. Limage de sage ou de doyen est sans conteste celle qui est désormais véhiculée par une certaine presse chargée de la fabrique dun « Bongo messianique ». Le dirigeant gabonais est aujourdhui le plus vieux Président du continent toujours en exercice du pouvoir. Ce titre de doyen des chefs dEtat africain fait de Libreville une plaque tournante des joutes diplomatiques africaines. Plusieurs de ses pairs en font un exemple et nhésitent pas à solliciter le Président Bongo pour les conseils de vieux sage, position quil considère comme un héritage de ses prédécesseurs.
Cest désormais lui le « Grand africain », si lon emprunte lexpression dun ancien ministre français des affaires étrangères lors de son passage à Libreville en novembre 2002 lors de la dégradation de la situation en Côte-dIvoire. La conquête de la présidence de la commission de lUnion africaine par un « Bongo boy » en ces débuts des années 2000, nest pas indissociable de la naissance politique du NEPAD, organisation à travers laquelle Omar Bongo tente dimposer sa domination à travers un recours aux pratiques "clientélistes" de certains dirigeants.
Le diplomate gabonais dispose dun autre atout de taille pour diriger la présidence de cette Commission. Aujourdhui plus que par le passé, la Chine, à limage de la France, entend jouer un rôle de plus en plus important en Afrique. Et Jean Ping, le moins quon puisse dire, est sino-gabonais. Il apparaît comme lun des artisans du rapprochement de Libreville avec Pékin, présent dans les secteurs importants de léconomie gabonaise, notamment dans le pétrole, le bois et, dorénavant le fer de Bélinga pour lequel le Gabon a signé un contrat d'exploitation avec une compagnie chinoise. Jean Ping est en effet un dirigeant africain aux accents chinois. A ce niveau, la question densemble est de savoir si parler Chinois devient un gage pour devenir un dirigeant politique international ? Dautant plus quon constate quaprès lAustralie, qui vient délire un premier ministre sinophone, désormais le continent africain emprunte volontiers la direction chinoise en choisissant un sino-gabonais parlant parfaitement mandarin pour diriger lUnion africaine, léquivalent - avec moins de pouvoirs - de la Commission de Bruxelles pour le continent africain. Son nom à consonance chinoise, fait de lui le dirigeant « idéal typique » pour un continent qui se tourne massivement vers Pékin, à en juger par sa manne d'investissements et de financements au cours des dernières années. Cest dailleurs fort modestement que lagence officielle chinoise Xinhua a rendu hommage à lélection de Jean Ping sans mentionner son ascendance chinoise, alors quil nest un secret pour personne quà Pékin on est extrêmement sensible à cette ascension. Cest de la même manière que les Chinois avaient apprécié que le nouveau Premier ministre australien, le travailliste Kevin Rudd, ait une bonne maîtrise du mandarin et connaisse bien la Chine avec laquelle son pays entretient des relations commerciales considérables.
Toutefois, par-delà cette dimension symbolique, Jean Ping reste un des hommes les plus influents du pouvoir dOmar Bongo et est dailleurs considéré comme un des collaborateurs les plus écoutés du doyen des chefs d'Etat africains et pilier de la Françafrique. A 66 ans, ce « Bongo boy » a fait toute sa carrière au coeur du système Bongo, notamment comme directeur de cabinet du Président en 1984 - date au cours de laquelle il entre réellement en politique -, brièvement ministre de linformation en 1990, puis ministre des mines, poste juteux dans cette république pétrolière (au regard de la qualité de membre de lOrganisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) qui est celle de ce petit pays qui nen est pas moins parmi les plus grands producteurs de pétrole sur le continent. Jean Ping profite des réunions de lOPEP pour se faire connaître dans les milieux pétroliers et dans le monde arabe) jusquen 1991, et entame sans discontinuité depuis 1992 les fonctions de ministre de léconomie et de la planification avant de devenir à nouveau à partir de 1999 chef de la diplomatie gabonaise, également chargé de la Coopération et de la Francophonie, poste-clé au Gabon du Président Bongo, qui, au pouvoir depuis 40 ans, entend être reconnu comme un médiateur denvergure des crises africaines, et souhaite que Libreville soit un carrefour diplomatique en Afrique francophone. En poste à Paris à lUnesco dans ses débuts de carrière durant les années 1970, il avait discrètement négocié le tournant de lère Mitterrand, lorsque Bongo craignait - à tort finalement dêtre marginalisé par une France dirigée par la gauche.
Le régime du président gabonais nhésite plus aujourdhui à le désigner, à tort ou à raison, comme lhomme du Président Bongo, le "président de lAfrique", lenfant de la Chine et lami de la France (à cause des liens étroits entre Omar Bongo Ondimba et Paris). De ce point de vue, sa désignation à la tête de lUA peut laisser penser quelle préfigure un retour à lordre ancien et à la Françafrique, dautant plus quil serait difficile denvisager que le nouveau Président de lUA face preuve de transparence avec les dirigeants africains - qui ont fabriqué cette organisation pour lessentiel à leur image - au point de tenir tête à son mentor, le Président Bongo, élément important du dispositif françafricain.
La vraie rupture est consommée avec le départ de lancien Président Alpha Oumar Konaré, qui avait su impulser une dynamique progressiste au mouvement panafricain contre la volonté de ses anciens pairs. En effet, Konaré, ancien chef dEtat, dérangeait sérieusement. Il néprouvait aucun complexe à légard de ses anciens pairs dont il connaissait les intrigues et les fuites en avant. Il ne pouvait demeurer longtemps à son poste, sachant bien les rancurs qui couvaient à chaque intervention sur des dossiers épineux. Cette affirmation est dautant plus crédible si lon se souvient des tiraillements et des divergences profondes entre lancien Président de la Commission et lancien Président nigérian membre fondateur du NEPAD Obasanjo et alors président en exercice de lUA, à propos des dossiers du Liberia, du Togo et de la Sierra Leone.
En effet, jamais lorganisation panafricaine - coquille vide de par la volonté même des chefs dEtat membres - ne condamne les dictateurs et la souffrance des institutions. En revanche, elle entérine les élections frauduleuses. Elle fait parfois preuve de négligence coupable dans le traitement de dossiers : on le voit aujourdhui dans le cas du Kenya comme ce fut le cas pour les Comores, etc. Dans le récent cas du Tchad, si les chefs dEtat africains avaient, de manière responsable, contraint Idriss Déby à respecter le jeu démocratique, on aurait certainement fait léconomie de la tragédie qua vécue momentanément le peuple tchadien suite à la tentative de prise de pouvoir par trois factions rebelles hétéroclites hostiles à la gouvernance médiocre du Président tchadien. Il est donc probable quon tende de plus en plus vers un type de regroupement de chefs dEtat qui ne veulent rien céder aux organisations sous-régionales et régionales, réduisant les actions dune structure comme lUA à une position de spectateur de la mondialisation. Durant son mandat, Alpha Oumar Konaré se voyait répéter quil nest pas un " super président de lAfrique ", notamment par le Gabonais Omar Bongo, dont on attend de voir quelle sera lattitude à venir vis-à-vis des actions de son protégé.
Cest sans doute lune des plus importantes victoires de la diplomatie gabonaise sur la scène africaine. Il sagit également de laboutissement dun long processus mis en uvre par lEtat gabonais, avec en tête le Président Omar Bongo Ondimba, qui a réussi le tour de force de faire élire Jean Ping. A ce poste que lon juge stratégique et suffisamment exposé, il est comme on dit au palais du bord de mer, " les yeux et les oreilles du président ", parce que dit-on, " il voit et entend tout ". Ce qui peut expliquer sans doute la présentation de sa candidature par le Gabon, et limplication personnelle du président gabonais dans la campagne ayant précédé sa désignation par les présidents africains. On constate que quand il na pas pu se déplacer personnellement, on a vu Omar Bongo envoyer des délégations dans les pays concernés par ce scrutin. Pour le seul cas du Cameroun, outre la visite de Jean Ping à Yaoundé, on a noté la visite de son fils aîné Ali Bongo Ondimba, ministre gabonais de la Défense, au « palais de lUnité ». On ne peut pas manquer de signaler le rapprochement stratégique entre le chef de l'Etat gabonais et son homologue ivoirien Laurent Gbagbo, les rencontres avec les présidents Fradique De Menezes de Sao Tomé, Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville et Idriss Deby du Tchad ou encore la visite de Bongo à Kadhafi, au moment où le leader libyen annonçait la candidature de Ali Triki.
Il en est de même pour limportant dossier du NEPAD où le Gabon a anticipé par sa participation active, se faisant passer pour modèle dapplication en accueillant les grandes joutes internationales sur le programme et en assurant par son dirigeant la tutelle en Afrique centrale de ce projet économique continental. Ce positionnement stratégique pour la coordination du NEPAD au niveau sous-régional peut trouver son explication dans lanalyse de caractéristiques de lEtat comme organisation. On constate que « depuis quelques temps la fongibilité des attributs de la puissance était contestée par certains auteurs. (
). Les pays qui arrivent à peser sur la scène internationale sont bien ceux qui font valoir leur puissance économique, démographique, militaire et même culturelle. Cest la combinaison de ces éléments qui permet aux pays tels que le Nigeria et lAfrique du Sud dimposer leurs vues dans les négociations continentales ».
Le rôle joué par le Gabon sur un plan bilatéral est significatif dans lespace francophone et auprès des pays voisins non francophones, notamment en raison des rapports de bon voisinage à lorigine de lamitié et de lentraide ainsi que lhistoire commune des populations qui ont été séparées des frontières héritées de la colonisation. Cest dans ces pays du pré-carré traditionnel de la France que le soutien de lEtat français est décisif. La France soutient les initiatives diplomatiques gabonaises, cest pourquoi Bongo est apparu comme lors de linitiative du NEPAD au sommet de Paris, le consultant naturel sur les dossiers de la Françafrique et les pays voisins non francophones. Cette description atteste dune logique des bastions dinfluence entre pays africains. Cest Omar Bongo qui est lexplication de cette orientation politique gabonaise, plus précisément, pour lheure ce nest pas linstitution de lEtat qui assure la survivance et la cohérence des politiques publiques (orientations politiques ou actions publiques) mais la personne remarquable de Bongo qui incarne le rôle plus global dinstitution dévolu aux administrations publiques.
1.2.3. Régionalisation, développement et diplomatie des réseaux au Gabon
La configuration du champ politique continental a beaucoup évolué au cours des deux dernières décennies du XXème siècle. Durant la première moitié de ce siècle, seuls quelques Etats nouvellement indépendants participaient à la vie régionale. Ce siècle a donc été celui de lindépendance de nombreux Etats, parmi lesquels le Gabon, suite au mouvement de décolonisation qui a accompagné cette dynamique majeure. Cette explosion des Etats a parallèlement entraîné une pluralité des problèmes à résoudre au niveau continental et international.
Par ailleurs, on va assister à lavènement de nouveaux acteurs non étatiques concurrents et complémentaires aux agents des Etats. Il sagit notamment des organisations non gouvernementales et des firmes multinationales qui sont devenus des acteurs de plus en plus visibles sur la scène continentale et internationale. Même des personnalités entrent en mouvement et incarnent par la mise en scène, dans certains cas, des institutions comme cest le cas lors des grandes conférences internationales ou des joutes diplomatiques régionales. Il sensuit le développement dune diplomatie parallèle par le Président de la République. Cette dernière renvoie à la mise en activité par le chef de lEtat « démissaires personnels choisis soit dans son entourage immédiat, soit parmi les personnels extérieurs à lappareil dEtat, mais dotés de son entière confiance, pour des missions ponctuelles ou délicates ».
La politique gabonaise du NEPAD sappuie en partie sur une diplomatie des réseaux car Bongo considère que le NEPAD fait partie de sa politique personnelle avant dêtre celle de son Etat. Patrice Otha assure donc la liaison directe entre son patron et les acteurs non gabonais du NEPAD, sans passer par le ministère en charge du NEPAD. A côté dun avantage lié à la discrétion et à la rapidité, lutilisation de ce type de diplomatie a pour but de contourner les institutions parlementaires,- les membres du gouvernement sont censés rendre compte de leurs activités suite aux interpellations des parlementaires alors que Patrice Otha nétant pas au gouvernement ne réagit pas dans le cadre des auditions au parlement, il est dailleurs supposé ne pas connaître tout ce qui se passe en dehors des cadres officiels -, dune part, et de rendre plus personnel la politique gabonaise du NEPAD, dautre part. Cette diplomatie parallèle et lentrée des nouveaux acteurs au sein de la communauté internationale représentent lune des innovations les plus significatives sur la scène de relations internationales durant le siècle précédent.
Au sein de lEtat gabonais, le risque de ce dédoublement fonctionnel de lEtat par cette activité de réseaux met à mal le rôle du récent ministère du NEPAD qui fait face à la concurrence non seulement du cabinet présidentiel mais des autres départements ministériels. Ainsi, il en résulte une certaine « déresponsabilisation » du ministère de tutelle sur le NEPAD qui se voit contraint de saligner sur les positions dOmar Bongo sans avoir la possibilité de manière autonome de mieux informer le pouvoir politique sur les axes de sa politique générale. Leffet immédiat peut découler du manque de lisibilité de cette politique du NEPAD et conduit à un flou dans les missions, entre intérêts privés et intérêts de la nation.
En effet, depuis linstitutionnalisation nationale du NEPAD, ce nouveau ministère partageait ses compétences avec le cabinet présidentiel, qui était responsable de lorganisation de tous les grands sommets de la mise en uvre sous-régionale du programme, ainsi quavec le ministère des Affaires étrangères puisquil sagit bien dune question qui touche à lextérieur et donc de politique étrangère. Les litiges vont beaucoup plus apparaître avec le ministère en charge du développement. Et les principaux acteurs choisiront de plus en plus détablir des liens directs avec le représentant du Président de la République. Cest ce dernier qui est le représentant mandaté du chef de lEtat auprès du comité de mise en uvre du NEPAD. Cette situation rend poreuse la frontière entre les activités internes et externes et rend parfois difficile la caractérisation du NEPAD dans un camp ministériel précis. Tout cela a été rendu possible par la pratique du régionalisme qui a contribué à favoriser la coopération au niveau continental. Cette coopération, dabord économique, sest progressivement propagée sur plusieurs domaines. Le régionalisme a été un élément essentiel des réflexions sur le développement économique en Afrique. Une fois laspiration vers la recherche de lindépendance acquise, les objectifs des dirigeants africains se sont tournés vers la nécessité dune unité économique continentale.
Section 2 : Les enjeux nationaux dans le NEPAD : analyse de la situation dans les deux Etats leaders de la sous-région dAfrique centrale
En institutionnalisant au niveau national les institutions du NEPAD, lEtat gabonais tente de devenir un modèle dapplication des politiques de bonne gouvernance. Dans le même temps il transforme une contrainte dinspection en ressource politique. Il sagit pour le Gabon de devenir le moteur de la sous-région dAfrique. Comment y parvient-il ?
2.1. Le Gabon, acteur de première vue et modèle de promotion/application du NEPAD
Le Gabon est devenu un acteur incontournable de la diplomatie africaine grâce à leffet conjugué de la fin du parti unique et de lavènement du multipartisme ainsi que la mobilisation de plusieurs ressources en matière de politique étrangère.
2.1.1. La fin du système de monopartisme et lavènement dune nouvelle politique étrangère gabonaise
Le Président Omar Bongo, au moment de son accession à la tête de lEtat, avait pour objectif premier de consolider la nation et de se forger une image incontournable sur la scène régionale. Pour y parvenir, il a ramené son pays vers le système du monopartisme. Dans cette perspective, il a mis en place le parti démocratique gabonais (PDG). Il a par ailleurs, grâce à sa volonté dunité nationale, fait du Gabon un pays stable et un havre de paix, à un moment où les guerres civiles se développaient à travers le continent, notamment lors de la sécession biafraise. Après plus de deux décennies de régime de monopartisme, le Président gabonais décide dengager son pays vers le retour au multipartisme en faisant de la démocratisation des institutions un des objectifs majeurs de sa politique extérieure. Il sagit pour lui de transformer limage néopatrimoniale et dEtat paria quil fait porter à lEtat gabonais depuis sa prise de pouvoir. La politique étrangère du dirigeant gabonais a donc été définie autour de la démocratie et de la légalité internationale, érigeant ainsi la paix au rang des valeurs suprêmes dans les relations internationales. A partir de lannée 1991, ces principes libéraux se sont juxtaposés à la réduction de la pauvreté que connaissent les Gabonais en centrant les objectifs sur lexpression de diverses opinions autour du partage institutionnel du pouvoir après les « Accords de Paris ». Le post-multipartisme semblait se concentrer sur la satisfaction de lintérêt national, à cet effet il fallait que les objectifs de politique extérieure, dont la promotion dune image positive de lEtat au programme national de réformes engagées dans différents domaines. Ce qui revient à dire que lactivité de politique étrangère devrait être orientée en fonction de lintérêt supérieur de la nation. Or, ce dernier nécessite que lon affirme dans les faits une nouvelle identité débarrassée de toute tradition autocratique ou autoritariste du pouvoir et de son exercice mais également une capacité nouvelle à gouverner en consolidant une assise économique pour simposer sur la scène continentale.
Cependant, près de deux décennies depuis le retour de la démocratisation, le bilan actuel ne semble pas positif au Gabon où lon assiste à une simple continuité de système par manque véritable de travail politique. Les impératifs dintérêt personnel ou privé, aussi variés fûssent-ils, sont en contradiction flagrante avec les principes normatifs que la classe politique gabonaise sétait fait un devoir dappliquer sous la conduite du Président gabonais. En tant quacteur des relations interafricaines, notamment dans lactivité de médiation et de pacification, le Président gabonais, qui incarne lEtat, a au fil des ans abandonné ou contourné les principes libéraux de la démocratisation pour se concentrer sur des ambitions non pas nationales plus réalistes de consolidation dun statut de pays réformateur mais sur des enjeux beaucoup plus personnels de fabrication dimage de « sacre du mérite » dont se charge une certaine presse dans la diffusion de lillusion dun système suranné au pouvoir et dont le gouvernement na offert que de médiocres performances.
La démocratisation a été une virtualité dune telle incandescence quelle manquait de réalisme. A ce titre, elle était promise à une issue tragique sous la gouvernance de Bongo parce que le décalage entre le rêve et la réalité nourrit généralement des entreprises vouées à léchec et dont le rapport à lexistence dune dynamique réelle est fictif. Omar Bongo fait partie des dirigeants africains dont les régimes ont été peu respectueux des engagements du NEPAD en matière de bonne gouvernance, de respect des droits de lhomme si lon en juge par ses liens avec des systèmes et réseaux tout aussi douteux pour des intérêts strictement personnels en échange de reconnaissance et de soutiens qui peuvent être apportés au dirigeant gabonais dans ses activités de médiation. Ce dautant plus que son activisme diplomatique continental a souvent été accompagné dinterventions de maintien de la paix parfois hasardeuses ou partiales comme au Congo Brazzaville ou en Centrafrique montrant quil peut jouer un rôle continental.
Cest dire selon Pierre Rosanvallon que la démocratie est un processus inachevé. Elle est lexpression dune crise structurelle qui affecte cet Etat et même les pays de vieille tradition démocratique, où les phénomènes dexclusion, de marginalisation et de discrimination menacent des progrès accomplis sur plusieurs siècles de combat. Combats menés par des peuples opprimés contre larbitraire de lEtat et des classes possédantes ; combats menés au nom de la liberté et de la citoyenneté. LAfrique et le Gabon en particulier néchappent pas davantage aux limites objectives qui entravent le processus démocratique à travers le monde. Le continent est confronté en effet à la mauvaise gouvernance politique et économique, au manque de transparence et déthique, au refus du pluralisme politique, à la persistance du mal développement, de la pauvreté et autres facteurs qui exacerbent les conflits violents et la corruption des processus. Ainsi, avec lavènement du NEPAD, lenjeu est de se demander quelle doit être dès lors la responsabilité de lEtat en Afrique ? Le modèle de lEtat providence étant en voie de disparition en Europe où il a pris naissance, peut-on de nos jours continuer à sen réclamer en Afrique? La réponse à ces deux questionnements essentiels pour létat du gouvernement au Gabon trouve tout son sens dans la dynamique du NEPAD, notamment dans larticulation entre la mondialisation néolibérale et la fin de lEtat providence, les chantiers de la démocratie dans le monde et dans la consolidation des droits économiques, politiques, sociaux et culturels en Afrique.
2.1.2. La Refondation de lEtat : la nouvelle ambition proclamée dOmar Bongo
La refondation de lEtat au Gabon a été annoncée par son Président suite à la prise de conscience de lincapacité personnelle de ce dirigeant à gouverner malgré le retour du multipartisme. Il sagit dune ambition proclamée qui na ni de caractère scientifiquement opératoire ni de définition technique puisquelle ne donne pas prise à un effort rigoureux dopérationnalisation. Cest pourquoi il serait judicieux de la préférer à celle de réforme ou de modernisation de lEtat qui disposent déléments juridiques et dun corpus observables.
Au Gabon, lutilisation de cette notion à la fois creuse et nébuleuse dans les discours politiques a coïncidé avec les transformations actuelles qui affectent les relations continentales et internationales. Il nest pas risqué de dire que son utilisation a été faite pour des fins dinstrumentalisation politico-politicienne, doù toute la carence de base terminologique fiable et opératoire. Par refondation de lEtat, il faut donc entendre la nécessité pour Omar Bongo, ayant longtemps échoué sur lautel de la « ploutocratie », de tenter de reconstruire lédifice Gabon à partir dun socle nouveau et sur des piliers solides et non fictifs, afin de garantir non plus la souffrance des dispositifs dinstitutionnalisation, mais lexistence et le fonctionnement réel des institutions. Cette ambition est, à ce titre, indissociable de celle de la démocratisation puisquelle apparaît comme un aveu déchec de celle-ci.
Il est utile lorsquon évoque la refondation de lEtat, de sintéresser non pas à ce qui peut fonctionner mais à linverse, cest-à-dire à la démocratisation et à la bonne gouvernance. En effet, louverture démocratique na été quun vu pieux qui ne pouvait se concrétiser avec le système politique actuel. Cet idéal qui tarde à se concrétiser pour les populations ne peut non plus être atteint avec Omar Bongo « souverain moderne » au pouvoir selon lexpression de Joseph Tonda. En dépit de nombreux accords, tels ceux conclus à Paris en 1994 entre la majorité présidentielle et le groupe de lopposition, malgré les nombreux gouvernements successifs, lon est toujours loin dun pays gouverné ou qui gouverne. Toutes les élections organisées ont toujours suscité controverses et contestations, et surtout on assiste continûment non pas à léradication de la pauvreté mais à sa persistance. LEtat nest pas aujourdhui capable de trouver des solutions meilleures. Cest ce génie politique qui a conduit Omar Bongo à sa nouvelle invention de refondation qui relève davantage dun théâtre dombres avec des acteurs indignes, dont le comportement est en délicatesse avec le code dhonneur, valeur relevant de lordre de la responsabilité politique.
Une vraie refondation de lEtat doit pouvoir tirer les leçons des échecs passés et présents pour définir une autre manière de gouverner qui pourrait répondre aux prescriptions du NEPAD et aspirations du peuple gabonais. Elle doit pouvoir offrir et garantir une meilleure lisibilité du jeu politique et un arrimage rationnel de la refondation aux principes démocratiques et républicains de façon à constituer un terreau fertile à lapprentissage dune réelle et non fictive culture démocratique dont les populations du Gabon ont tant besoin. Cest cet « idéal type », selon lexpression de Weber, que poursuivent les Etats qui adoptent ce mode de gouvernement. Malgré ladoption de cette pratique gouvernementale depuis 1990, avec lentrée dans larène politique de nouveaux acteurs, la démocratisation tout comme la refondation est beaucoup plus un phénomène de mode qui permet de se faire passer pour un modèle dapplication des politiques de gouvernement ou de se tailler un statut de « bon élève » mais sans véritable intérêt et emprise réelle sur la société gabonaise. La refondation préfigure léchec du pouvoir en place qui a trouvé comme recours ou alternative larrimage au NEPAD, institution susceptible dimpulser le changement ou davoir un impact sur une véritable refondation de lEtat au Gabon à condition de rompre avec le système actuel pour un réel travail politique permettant lélévation vers un modèle de transition politique réussie. Le rôle assigné à la refondation par son énonciateur doit pouvoir aujourdhui concilier la politique étrangère gabonaise et lintérêt strictement national et non personnel (associé au nom de son dirigeant).
En tant que coordonnateur du NEPAD, membre du comité de direction de lorganisation continentale, le Gabon a une double responsabilité qui consiste dune part, à mettre fin à ce gouvernement sous la forme de « straddling », cest-à-dire du chevauchement entre accès au pouvoir politique et aux ressources économiques et une responsabilité politique dans la sous-région dAfrique centrale, dautre part ; obligation renforcée de résultats en termes de gouvernance car celle-ci représente le principal débouché des projets intégrateurs. Les bouleversements actuels devraient avoir un impact sur le statut étatique en termes de redéploiement du pouvoir, qui tiendrait compte du développement conjugué de réseaux transnationaux, de la conditionnalité du 3 peer review3 et de la criminalisation des dirigeants due en partie à une doctrine de centralisation du pouvoir et d impunité des acteurs politiques. La refondation cristallise de nouveaux enjeux autour du gouvernement de la société et donc de l affirmation dune autorité.
En effet, il est admis que lefficacité des Etats repose sur leur capacité à gérer le capitalisme néolibéral de manière pragmatique. Le programme du NEPAD suppose la constitution en Afrique dEtats efficaces. LEtat gabonais ne saurait déroger à une telle ambition nécessitant de nouvelles fondations et donc la refondation, cest-à-dire un processus de subversion des traits néopatrimoniaux de lordre politique actuel caractérisé par une sorte de faiblesse structurelle. L'Etat doit avant tout être lorganisation pivot de toute collectivité politique capable de catalyser les efforts dappropriation de la modernité dans les domaines économique et social par la mise en place institutionnelle à la mesure des enjeux, et par la formation dune fonction publique développante et efficace. Or, il nous semble que la refondation de lEtat au Gabon, chère à Omar Bongo qui sen fait le chantre, témoigne dans sa configuration et pratique actuelles dune continuité du système renvoyant dans un genre nouveau à une stratégie dextension de la politique gouvernementale traditionnellement menée par le régime. Moins quune rupture, il sagit dune « ouverture », réussie, à dautres clients - les rénovateurs - avec la complicité de quelques « caciques du système et opposants », impatients de senrichir davantage des opportunités offertes par la nouvelle découverte des ressources minières (gigantesque chantier du fer de Belinga à Makokou) et pétrolières (lîle Mbanié) et déçus des errements de leur action gouvernementale.
La refondation gabonaise nincarne pas la rénovation de la représentation politique. Elle ne peut garantir lobligation de résultats. Et cest là que réside tout lenjeu du NEPAD, dont les principaux leaders doivent faire preuve de courage politique. Le défi est énorme pour les initiateurs du programme qui ont voulu ménager, parfois à contre-courant des convictions affichées par les nouveaux « pays réformateurs africains » et les bailleurs de fonds. Il y a là un paradoxe avec une « refondation africaine » et particulièrement gabonaise, lancien Président Mbeki ayant accepté de se fondre dans un « gouvernement dintégration » dont il nest pas sûr de la loyauté, du travail politique et des résultats de ses pairs de la vieille garde politique. Ce dautant plus, le moins quon puisse dire, que le NEPAD a été détruit par avance par certains dirigeants de son comité actuel de décision, qui le jugeait tendancieusement « vide » et de « nébuleuse néocoloniale ». Le discrédit lancé par les dirigeants Kadhafi et Mugabe dont la connivence avec le Président Omar Bongo a paru probable, coïncide avec l annonce, par les pays initiateurs, d un glissement vers un nouveau mode de légitimité issu du 3 peer review3 , « machine expérimentale de légitimation » créée pour la circonstance.
Aujourd hui, nous n avons pas le sentiment que le 3 peer review3 du NEPAD ait une réponse claire et unanime à apporter à la question de la souffrance des institutions et de l impossibilité de la démocratisation au Gabon qui demanderait la mobilisation de contraintes et de sanctions pour impulser de nouvelles manières de gouverner la société, moyens dont ne dispose pas le mécanisme. Si le « peer review » nest pas pris au sérieux, la refondation gabonaise pourrait nêtre quune simple caution publique à la mal gouvernance du chef de lEtat gabonais en fin de règne, en même temps quil porterait atteinte à la personnalité remarquable de Thabo Mbeki, chantre du « bon gouvernement » quentend diffuser le NEPAD.
2.1.3. La diversification locale de léconomie, une voie gabonaise dinsertion à la mondialisation
Au moment de lindépendance en 1960, plusieurs voies souvraient au Gabon qui avait peu puisé dans ses ressources naturelles et nétait pas préparé aux grandes transformations économiques des années à venir. Il sagissait notamment du socialisme, du marxisme-léninisme, du capitalisme, de la social-démocratie, etc. La voie choisie par ce pays reposait sur trois idées principales: le maintien de loption libérale et ouverture de léconomie sur lextérieur, le développement de la coopération régionale au niveau continental et/ou sous-régionale avec les pays voisins et enfin la diversification de léconomie et la recherche dune transformation des modes de production du monde rural. En remontant lhistoire, il est certain que la stratégie économique du Gabon a été pendant longtemps fondée sur le libéralisme dirigé et planifié, ensuite sur le « progressisme démocratique et concerté » lors du régime de parti unique de 1968 à 1990, dont la finalité théorique était en principe lélévation du niveau de vie et la promotion du bien-être de toute la population (urbaine et rurale). Avant la dernière décennie du millénaire passé, dabord dans les pays industrialisés, puis dans les pays en développement, un fort courant libéral a contesté la mainmise de lEtat sur léconomie, telle que le Gabon la vivait depuis son indépendance.
Aujourdhui, deux courants de pensée diffusent la réflexion sur le libéralisme: le courant libéral « social-démocrate » ou courant social et le courant néolibéral. Le courant social reproche à tout libéralisme de conduire à labandon les plus démunis de la société (malades, travailleurs peu qualifiés, chômeurs, personnes âgées, handicapés, etc.) et défend une certaine intervention de lEtat-Providence (selon les circonstances). Quant aux néolibéraux, ils rejettent le principe de cet Etat-Providence, donc lintervention de lEtat dans léconomie, jugeant quune telle pratique conduit à la crise et proposent donc le désengagement de lEtat. Cette politique, maintenant appliquée un peu partout dans le monde, et dont le NEPAD sest fait le canal de diffusion en Afrique subsaharienne, voit lEtat comme « facilitateur » et non comme « acteur » dans léconomie parce quil a pour but dappuyer le développement et non pas de créer la richesse. Beaucoup de pays sont engagés dans cette voie, notamment par le truchement de la mondialisation des économies.
Le Gabon néchappe pas à cette nouvelle dynamique. Elle est dautant plus observable avec les vastes programmes de privatisation déjà réalisés et ceux en cours dans ce pays alors que lEtat a déjà entamé la mise sous contrôle privé des grandes sociétés publiques et parapubliques. Les revenus tirés de la commercialisation des ressources naturelles (essentiellement le pétrole) ont permis à lEtat daccroître le niveau de lemploi en créant des entreprises publiques. Cependant, lEtat a initié des projets industriels coûteux dont la rentabilité économique et financière était douteuse. Des choix sectoriels pas toujours judicieux ont été opérés sans tenir compte du niveau dendettement, ce qui a contraint lEtat gabonais à sengager, sous linstigation des institutions de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale), dans un vaste programme de restructuration, appuyé par la dévaluation du Franc CFA (Franc de la Communauté financière africaine ou des colonies françaises dAfrique).
Depuis 2005, malgré les performantes recettes pétrolières, lEtat gabonais a poursuivi la diversification de son économie pour sortir le pays de sa très forte dépendance vis-à-vis du pétrole. Cette ressource a été le moteur de léconomie gabonaise. Les recettes générées par la plus-value pétrolière ne sont pas le fait de laugmentation de la production ni celui de la bonne gestion du gouvernement. Elles résultent de la bonne tenue des cours du baril de pétrole sur le marché international. La production quant à elle est restée stable selon le ministre gabonais du pétrole, Richard Auguste Onouviet, justifiant ainsi la nécessité de poursuivre la réforme relative à la diversification de léconomie du pays. Diversifier l'économie gabonaise, revient à trouver de nouvelles matières premières permettant à léconomie de ce pays de réduire fortement sa dépendance de la production pétrolière en voie dépuisement, selon diverses estimations. Lexploitation minière a enregistré en 2005 des performances prometteuses qui ont permis au Gabon de conclure de nombreux accords qui pourront déboucher sur lexploitation des richesses minières du pays à lhorizon 2010, notamment celle des gisements de fer de Belinga dans lOgooué Ivindo.
Le gouvernement a attribué des permis de recherche du fer à une société chinoise, la Compagnie industrielle et commerciale des mines du Gabon (CICMG) et du manganèse à la société brésilienne, « Companhia Vale Do rio doce » (CRVD), un géant mondial de la production du fer. Cette société a découvert dimportants gisements de manganèse à Franceville et à Okondja. La CRVD a dailleurs implanté une usine expérimentale de traitement du manganèse à Franceville, inaugurée par le Président gabonais, Omar Bongo Ondimba. Selon les prévisions de cette multinationale, la production pourrait sétablir à 4 millions de tonnes de manganèse par an, soit 2 millions à Okondja et 2 millions à Franceville. Au-delà de ces prévisions, le plus ancien producteur gabonais de manganèse, le groupe franco-gabonais Comilog/Eramet poursuit une politique daccroissement de sa production. En 2005, ce groupe a produit 2, 850 millions de tonnes et envisageait de porter cette production à 3 millions de tonnes par an dès 2006. La société chinoise, la Compagnie industrielle et commerciale des mines du Gabon (CICMG), a obtenu un permis de recherche du manganèse à Ndjolé. Depuis la fermeture en 1999 de lexploitation de luranium, le secteur minier contribue pour 3% au budget de lEtat gabonais. Ce pourcentage pourrait considérablement augmenter dès lentrée en production des gisements de manganèse découvert par la CRDV ».
Cette diversification de léconomie, qui ouvre la voie aux investissements directs et privés étrangers comme prévu dans le NEPAD, a conduit lEtat gabonais à encourager lexploitation du gisement de fer de Bélinga, lun des plus importants gisements de fer au monde en voie dexploitation par la société chinoise. Les réserves de ce gisement sont estimées à 1 milliard de tonnes, avec une teneur en fer de 65% ». Plusieurs autres sociétés ont poursuivi la recherche de lor et des diamants qui devrait aboutir à louverture dune ou de plusieurs exploitations industrielles de ces minerais.
Ce mouvement général de diversification de léconomie dans un contexte de crise touche également à lindustrialisation du secteur forestier. Ce secteur représente la deuxième source de devises étrangères après le pétrole et représente environ 15 % des exportations du pays, couvert à près de 80% de forêts tropicales. La forêt représente jusquà 60% du PIB hors pétrole. Le Gabon, qui représente le second potentiel forestier dAfrique après la République démocratique du Congo, produit plus de 3 millions de m3 de bois par an. Ce bois a, toujours été exporté sous forme de grumes. Plus de 60% de la production des grumes du Gabon sont exportés vers lAsie, principalement en Chine.
Dans le cadre de la politique de la diversification de son économie, le Gabon a adopté en 2001, date de linstitutionnalisation du NEPAD, un nouveau code forestier dont lobjectif à long terme est de limiter lexportation du bois sous forme de grumes au profit de la transformation locale, soit environ 15 à 25% afin de générer des emplois. Pour mener avec succès cette réforme économique, le gouvernement gabonais a obtenu un soutien du Fonds monétaire international (FMI). Laccord, dune valeur de 102 millions de dollars, signé en mai 2004 entre le Gabon et le FMI, a expiré le 30 juin 2005. Il semble notamment avoir permis au Gabon selon les dires des plus hautes autorités de lEtat et des experts de la gouvernance extérieure du FMI, de réduire son taux dendettement, dassainir son économie et de jeter les bases lui permettant daccroître ses recettes hors pétrole dont les performances sont maigres.
Compte tenu des signes de déclin de lindustrie pétrolière, le gouvernement gabonais, avec larrivée dun nouveau Ministre pourvu dun mandat daustérité à la tête de lEconomie et des Finances, tentait au début de lan 2000, de réduire tant bien que mal son train de vie » notamment par une baisse de leffectif (pléthorique) des fonctionnaires, dun contrôle plus strict des finances publiques et du remboursement de la dette. Les résultats de cette politique daustérité demeurent mitigés. Le ministre désigné dalors noccupe plus actuellement ses fonctions à lEconomie et aux finances. Le nombre de ministres a même tendance à augmenter ces derniers mois. Ce qui ne laisse pas toujours une lueur despoir pour la fin de la crise en raison des comportements de mauvaise gestion dont la persistance au fil des années a ruiné léconomie gabonaise et les dispositifs dinstitutionnalisation.
2.2. Lexemple camerounais dans le jeu de la concurrence politique sous-régionale actée dans le cadre du NEPAD
Le Cameroun aide à illustrer le jeu de la concurrence politique à laquelle se livrent le Gabon et ses voisins pour lobtention des dividendes liées au positionnement au sein du partenariat. En plus daccroître la capacité et la visibilité de leurs Etats sur la scène régionale, le partenariat interafricain favorise en toile de fond lexpression de la puissance à lintérieur des différentes sous-régions. Cest le cas du Cameroun dont la mésentente interpersonnelle entre les dirigeants de ce pays et ceux du Gabon permet de comprendre le positionnement et les enjeux des Etats.
2.2.1. La conquête du « porte parolat » sous-régional et régional
Au début des années 1980, le Cameroun était parmi les pays africains les plus prospères du point de vue économique. Les années suivantes ont été marquées par une forte récession. Larrivée au pouvoir en 1982 de Paul Biya a plongé le pays dans un processus dapprpriation des ressources économiques par les professionnels de lordre dirigeant. Il sen est suivi une mauvaise gestion de la chose publique à cause du pillage des proches du chef de lEtat camerounais parachutés à la tête des plus grandes entreprises étatiques. Cette personnalisation des institutions économiques a conduit à la faillite de nombreuses entreprises. Cependant, avec les réformes de modernisation des entreprises avec le retour du multipartisme en 1990, notamment avec le processus de privatisation des entreprises publiques, lEtat camerounais a pu sauvegarder certaines entreprises locales même si à lheure actuelle la promotion des investissements reste risquée avec la corruption des processus et linsécurité juridique.
Avec une superficie de 475 442 Km2 et une population estimée en 2005 à environ 16 380 000 habitants, ce pays peuplé de la sous-région dAfrique centrale cherche à retrouver une position dominante dans ce sous-ensemble. Ces seules données démo-géographiques, ainsi que son potentiel économique en Afrique centrale, en font à côté du Gabon un des pays les plus influents sur ses voisins. Bien quayant perdu sa vigueur économique, ce pays moyen en Afrique reste capable et résolu de jouer un rôle hégémonique sur sa sous-région et à étendre sur le continent, en raison de sa position centrale, son bilinguisme anglais-français et son niveau de développement. Autant datouts qui lui donnent un poids beaucoup plus important sur le continent et qui sont au centre de sa politique étrangère.
Le Cameroun dispose datouts considérables en matière économique, notamment en ce qui concerne ses ressources agricoles et pétrolières. Le pétrole continue à occuper une place particulière dans léconomie camerounaise, toutefois ce pays doit aujourdhui diversifier et consolider ses autres ressources. Outre le pétrole, le Cameroun exporte de laluminium et des produits primaires (bois, coton, cacao, café et caoutchouc). Son PIB représente la moitié de celui des pays de la CEMAC, ce qui lui confère une place importante au niveau sous-régional et continental. Malgré les difficultés économiques dues notamment à la dégradation de son économie, ce pays a toujours privilégié une diplomatie de la concurrence et des coulisses. Les implications économiques entreprises dans sa région pour le fonctionnement régulier de la CEMAC ou pour la création de la bourse des valeurs mobilières dAfrique centrale (BVMAC) viennent corroborer cette analyse. En effet, depuis les années 1990, outre les interventions relevant de la coopération économique, le Cameroun a participé, dans le cadre de la sécurité collective, au rétablissement de lordre public en Centrafrique, notamment avec lenvoi des troupes dans le cadre de la mission internationale de sauvegarde des accords de Bangui (MISAB) et pays hôte du cycle RECAMP V et dune future école de formation dofficiers à vocation régionale. Ce pays pourrait simpliquer davantage dans les mécanismes de concertation régionale et de prévention des conflits.
LEtat camerounais joue également son rôle de puissance sous-régionale en se faisant, comme le Gabon, lhôte des sommets continentaux les plus importants, à lexemple de linitiative du NEPAD qui est au cur des dispositifs de gouvernement camerounais. Ce qui lui coûte financièrement même sil a été relégué en second rang derrière le Gabon au titre des rétributions symboliques en sa qualité de coordonnateur adjoint du NEPAD de la sous-région dAfrique centrale. Le Cameroun fourni dénormes efforts pour dominer diplomatiquement les autres pays membres de la Communauté Economique des Etats de lAfrique Centrale (CEMAC), même si cette organisation sous-régionale nest pas encore un moteur véritable de développement économique. Pour les Etats-parties, la CEMAC permet tout de même de comprendre les dynamiques de compétition politique aux relents personnels. En effet, les activités commerciales à lintérieur de cette sous-région dAfrique centrale demeurent faibles et ce en dépit des engagements pris à cette encontre au cours des sommets de lancienne organisation africaine de lOUA depuis sa création. Les échanges au sein de la CEMAC, tout comme au sein de la CEEAC, ne représentent que près de 3% du commerce sur lensemble du continent. Bien que poids lourd de la zone CEMAC, le Cameroun reste relativement discret sur la scène régionale. Sur le plan politique, la coopération du Cameroun avec ses voisins de la zone Franc reste embryonnaire, essentiellement en matière de sécurité transfrontalière, quoique ce pays demeure une terre dasile pour les réfugiés de la région.
Le Cameroun à limage du Gabon ne bénéficie pas dune crédibilité et dun statut moral élevés qui puissent le conforter dans ses ambitions à légard de ses partenaires nigérians et sud-africains. Hérités de la constance de ses soutiens aux initiatives dunion des Africains, son rôle important dans le groupe des Etats qui composent le NEPAD et de son soutien politique et financier à lUA, le Cameroun apparaît comme un Etat qui, malgré une certaine souffrance démocratique et des institutions internes -due à labsence de moralisation sur le plan déontologique de lexercice du pouvoir et le manque de transparence dans les règles -, est toujours resté fidèle à ses ambitions de leader. Ce devoir moral envers la sous-région épouse les principes fondamentaux de lOUA dont le Cameroun est un des membres. La permanence du Président Bongo au pouvoir et ses ambitions tutélaires en Afrique centrale, contre lesquels son homologue camerounais Paul Biya lutte visiblement, a amoindri son potentiel de leader sous-régional.
Par ailleurs, la position sous-régionale du Cameroun sest affaiblie en raison de plusieurs facteurs. Dabord sur la scène continentale, la difficulté dannoncer un agenda en Afrique centrale sest accrue depuis la création de la CEMAC ; ensuite la situation interne du Cameroun sest dégradée sous la continuité du « système Biya » ; enfin la scène politique régionale a érigé avec la création du NEPAD le Gabon en symbole de réceptacle incontournable de la diplomatie africaine, et particulièrement Omar Bongo comme le canal de diffusion et de promotion du programme panafricain. Face au dirigeant gabonais devenu triomphalement « prophète du NEPAD », le Cameroun se retrouve en position de faiblesse, et le chef de lEtat gabonais se sert désormais du NEPAD comme outil pour soigner son image et, bien que représentant son pays par un mandat de coordonnateur, il sérige manifestement en personnage remarquable et en personnalité incontournable de la scène politique africaine, se forge une solide image dhomme crédible et sage surtout hors de son pays. Cette image permet au dirigeant gabonais de développer des coalitions de pays autour du thème fédérateur de la paix. Le NEPAD a conforté la position du Gabon en même temps quil limitait le champ daction du Cameroun qui sest tout aussi efforcé de réaffirmer sa « stature de pays qui compte » au sein du continent.
2.2.2. Les enjeux dune démocratisation « en dent de scie »
La structuration du pouvoir personnel camerounais rend difficile la construction dun intérêt général national. Ce pays créé par lancien colonisateur allemand a été dirigé pendant la colonisation comme un Etat centralisé sous la tutelle de la société des nations (SDN) à la fin de la première Guerre mondiale et confié à ladministration britannique et française. Lors de lindépendance en 1960, le Cameroun sous administration française avait choisi la voie de simple République et la partie du territoire sous obédience britannique (Cameroons) avait imposé le fédéralisme dans la constitution de 1961. Les deux parties regroupées le 20 mai 1972 ont érigé le Cameroun en République unie avant de revenir en 1984 sur la voie française de la dénomination simple de République du Cameroun. Pendant la première République après lindépendance de 1960 à 1965, le gouvernement central à peine indépendant était faible alors que les gouvernements locaux plus puissants développaient leur propre manière de gouverner.
Depuis lindépendance, le processus de centralisation politique est né de la confiscation de lexercice du pouvoir par le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), malgré le passage au multipartisme des années 1990, le système a été préservé en limitant les choix politiques. Ce dautant plus que le changement de régime na pas conduit à la modification de la gestion politique de léconomie du pays qui sest essentiellement focalisée sur le caractère national du développement, tendance qui était alors commune et partagée par tous les Etats du continent. Ce processus de centralisation mis en place sest poursuivi en 1982 après la prise de pouvoir du Président Biya suite à la démission dAhmadou Ahidjo. Les revenus tirés du pétrole ont été centralisés vers les sommets de lEtat qui les a utilisés pour soumettre les régions parfois sous autorité de lUnion du peuple pour le changement (UPC) de John Fru Ndi, en les plongeant dans un état de paupérisation, de précarité et de dépendance économique. Parallèlement, la persistance du système Biya pendant plus de deux décennies a accentué la tendance fortement centripète de la politique interne du Cameroun. Cette image est dautant plus difficile à assumer que le Président Biya cherche à apparaître comme un champion de lapplication des dispositifs du NEPAD, notamment la démocratie et les droits de lhomme. Cependant, le déroulement des élections présidentielles et parlementaires a souvent mis en lumière des irrégularités dues à des manipulations frauduleuses dénoncées par la communauté internationale, les observateurs africains et, en grande partie à cause de cette marginalisation, les principaux partis dopposition ont activement (et parfois violemment) dénoncé la méthode de démocratisation.
En général, ce sont les membres du parti au pouvoir de Paul Biya qui manipulent les résultats des votes pour une éventuelle fraude contre leurs opposants. Les dernières élections, organisées en octobre 1997, ont été boycottées par les trois principaux partis dopposition au milieu daccusations de fraude électorale. Le Président Biya a été réélu à la tête du pays pour un mandat de sept ans, en vertu dun amendement de 1996 à la constitution. Cet amendement prolongeait le mandat présidentiel et ménageait également la possibilité pour Paul Biya de se représenter pour un nouveau mandat en 2004. Ce qui a été fait. Le gouvernement na pris aucune mesure concrète pour mettre en uvre les autres réformes constitutionnelles de 1996 qui prévoyaient une plus grande indépendance des organes législatif et judiciaire. Ce qui ne suffit pas à Paul Biya qui compte modifier sur le modèle gabonais la Constitution pour donner la possibilité au Président Biya dêtre éligible, à vie. Ce nouveau comportement politique ne permet pas, à tout le moins, de trancher le débat sur le fédéralisme introduit par le nord anglophone.
Comme on le voit, la situation nationale camerounaise est tellement volatile que la politique étrangère de son Président est condamnée à suivre les remous de sa situation politique domestique et peut le conduire parfois à une rigidité sur certains sujets afin de gagner en crédibilité interne.
Malgré son importance démo-géographique, ce pays où le Président Paul Biya a du mal à gouverner est faible et utilise la scène extérieure pour pallier sa fragilité interne et son action gouvernementale inneficace. Cest ainsi que le programme du NEPAD, outre sa dimension régionale et internationale de projection dun rôle de puissance dans le continent, est destiné à la population camerounaise dans un but de resserrer les soutiens autour du Président Paul Biya comme en témoigne la configuration de la structure de leadership dans le processus de décision. Comme latteste lensemble des promoteurs du NEPAD, les liens unissant la situation du Cameroun et celle de la sous-région sont infrangibles et promettent que le programme panafricain peut permettre de développer les infrastructures dont ce pays a tant besoin.
Laction du Président camerounais pour le NEPAD lui permet de se présenter favorablement devant ses pairs initiateurs du NEPAD et par ailleurs titulaires du pouvoir dans lUA. Une image positive qui reste tout de même tributaire dune situation économique catastrophique, compte tenu des richesses de ce pays, largement due à la corruption des processus, à la criminalisation de lEtat et à une situation institutionnelle et politique bloquée par manque dadaptation et de travail politique, ce qui conduit au blocage ou au confinement de la démocratisation dans larène au sein de laquelle évolue le régime au pouvoir.
A ce titre, le Cameroun, à linstar du Gabon, est une démocratie bloquée et mise à mal par le pillage des ressources économiques, ce qui renforce le besoin dapparaître comme un Etat viable et responsable.
2.2.3. La situation économique et la volonté de responsabilisation
Dans ce pays peuplé dAfrique centrale, près de 80% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, fixé par lONU à 1 dollar par jour et par personne. Les défis qui attendent Biya sont toujours les mêmes quil y a deux décennies : lutte contre les pénuries de carburants à lorigine des grèves dures, les pannes délectricité, linflation sur des produits de première nécessité, la dévaluation du F CFA et la pauvreté galopante. La situation économique du Cameroun nest pas reluisante, ce pays producteur de pétrole est très dépendant des hydrocarbures : 90% des exportations et 70% des recettes budgétaires. La pénurie dessence qui a souvent entraîné des crises sociales est due au fait que les importateurs camerounais ne se sont vus livrer que près de 30% de la quantité de pétrole commandée en raison des déstockages massifs réalisés dans le monde devant la menace de la guerre en Irak et les grèves répétées au Venezuela.
LEtat camerounais est parfois obligé dimporter plus de la moitié de sa consommation journalière. Labsence des sociétés de raffinerie capables dapprovisionner les populations pose la question plus générale du manque des infrastructures qui prive la population de la jouissance de ces propres ressources. Ce problème est directement lié à lincapacité à gouverner et à la corruption que connaît lEtat camerounais. Ce qui lui vaut dêtre classé par lONG Transparency international dans les pays les plus corrompus du monde à côté de son voisin immédiat le Nigeria. Pour réagir face à ces mauvais résultats, le Président Biya, a essayé à travers un ensemble de mesures de modernisation de lEtat, notamment de lutte contre la corruption selon le modèle gabonais, denrayer cette mauvaise gouvernance, le domaine politique et gouvernemental ny échappant pas, au contraire. Parmi les contentieux qui opposent le gouvernement et les institutions financières internationales, figure la dette extérieure. Les chiffres diffèrent selon la position de celui qui les énonce : selon le fonds monétaire international et la banque mondiale dans un communiqué n° 06/85 du 1er mai 2006, le Cameroun a atteint son point dachèvement de linitiative Pays Pauvre Très Endettés (PPTE), devenant ainsi le 19ème pays du genre.
Le Président Paul Biya a donné le 12 mai 2006 des précisions et des orientations de politiques économiques et sociales pour son pays. Le ministre délégué auprès du Ministre des finances chargé du budget, Henri Engoulou avait décliné lors dune conférence de presse gouvernementale le 17 mai 2006 en compagnie de quatre autres ministres, les flux financiers dallègement ou dannulation de la dette extérieure que le Cameroun devrait en tirer et les repères des politiques publiques post-point dachèvement de linitiative PPTE. En effet, le premier problème qui transparaît est que le chiffre de 1 400 milliards de F CFA (dont 250 milliards reçus pendant la période intérimaire) dallègement avancé par le ministre au titre de linitiative PPTE renforcée ne paraît pas justifié au regard des calculs effectués en dollars US par le FMI et la Banque mondiale. Le deuxième problème qui est le plus important est que les options de politique économique envisagées par le Président de la République et le Gouvernement ne semblent pas pertinentes et crédibles par rapport aux attentes des marchés, des citoyens et des investisseurs nationaux et internationaux.
Cependant de nouvelles opportunités se présentent au Cameroun pour tenter de retrouver une place économique viable grâce à la volonté des grandes puissances de diversifier leur approvisionnement en matière énergétique dans le golfe de Guinée. Cet intérêt retrouvé pour le continent africain pourra favoriser des pays comme le Cameroun qui possède des quantités de pétrole de qualité. La pertinence stratégique du Golfe de Guinée est dautant plus précise comme laffirme linternationaliste camerounais Jean Emmanuel Pondi dans sa « lecture africaine de la guerre en Irak » depuis les événements du 11 septembre 2001. Cet atout naturel de richesse ainsi que la difficile consolidation de la transition démocratique camerounaise ont renforcé lidée chez les Américains dune zone stratégique sur le littoral du golfe de Guinée. Le continent africain, à la faveur des bouleversements géopolitiques et géostratégiques mondiaux, pourrait retrouver une place importante sur la scène internationale en usant de ses ressources naturelles. Et les pays comme le Gabon et le Cameroun et lensemble des pays du Golfe de Guinée disposeraient dun potentiel positif pour relancer leurs économies et responsabiliser leurs Etats. Ce rôle ne peut être crédible que sil existe un véritable travail politique et une réelle volonté des dirigeants de ces pays. Il faudrait également que, sous leur rhétorique dunification, se trouve la volonté de la seule poursuite des intérêts nationaux par le biais des discussions franches sur fond de pression sur les bailleurs des fonds pour lensemble des pays du continent de façon à tirer adéquatement parti des politiques économiques qui paraissent meilleures.
IIIème PARTIE
LE "PEER REVIEW" DU NEPAD : UNE ETUDE DE CAS DU PROCESSUS DEVALUATION INTERNE
Laspect du NEPAD le plus susceptible d impulser une nouvelle image du continent et un développement véritable, c est sa capacité à faire émerger parmi ses membres sa promesse de bonne gouvernance autour du 3 peer review3 . Ce mécanisme d évaluation est conforme à une vision techniciste et tehnocratique qui apparaît comme une alternative aux défaillances des institutions et à limpossibilité de la démocratie mais dont lordonnancement est contraire aux principes du suffrage universel, cest-à-dire au choix du peuple dans la désignation de ses gouvernants.
En effet, ce mécanisme dévaluation a été instituté au Gabon depuis quelques années grâce à la mise en place dun Commissariat général. Celui-ci est censé procéder à une auto-évaluation de lEtat et doit rendre compte au public des résultats du processus puis les soumettre à lappréciation des experts du PIPE. Depuis que cette institution a été créée par le Président gabonais, elle fait office à la fois de centre de réflexion, de conseil économique, de vérificateur et de juge. Ce mécanisme est à la foix complexe et lent depuis son institution au Gabon. Pour le comprendre, il est question ici de présenter le mécanisme africain dévaluation par les pairs, ses membres et leurs trajectoires. Par la suite, nous analysons le fonctionnement du système dévaluation des pays dans les organisations internationales pour mieux comprendre lexpertise africaine. Puis, nous ferons une évaluation critique de létat du processus dauto-évaluation au Gabon. Enfin nous examinerons à partir dune comparaison binaire létat de ces dispositifs africains de développement dans les pays anglophones, notamment chez les promoteurs du NEPAD ainsi que dans deux autres pays où limpact de ce programme est limité.
CHAPITRE 5
LA REVUE DES PAIRS, UNE POLITIQUE DE PALAIS DE LEXPERTISE AFRICAINE DEVALUATION
Dans le cadre de lévaluation des performances des Etats africains, le NEPAD a mis en place, depuis quelques temps, un outil de validation des pratiques gouvernementales, traduisant ainsi une recherche de contrôle, et par extension de suffrage. Il nest donc plus question à lheure actuelle, de compter sur les élections pluralistes mais plutôt sur un contrôle des gouvernants par des experts désignés par les gouvernants et à travers des moyens négociés de délibération échappant désormais à lopinion publique : la gouvernance comptable et les audits. Cette approche de lévaluation des politiques par une expertise gouvernementale permet de relancer et de remettre à jour le débat électoral.
Suivant le mode de déploiement du processus africain dévaluation, il sagit bien de larticulation du rapport politics et policies. Celui-ci peut être envisagé comme un ordonnancement hiérarchique renvoyant à laction de produire des biens collectifs dans la société africaine, et comme le résultat dun « bricolage technocratique » des gouvernants issus de lélection. Mieux encore, cette articulation peut être appréciée à laune dun ordonnancement pactisé qui apparente la manière de gouverner à lentente entre différents groupes des gouvernants.
Lintérêt de revenir sur le rapport politics/policies, peut être relancé par la nouvelle donne géopolitique du continent africain. Ce dautant plus quaujourdhui, dun point de vue du politics, le suffrage universel qui confère traditionnellement la légitimité électorale et représentative partagée daccès au pouvoir et à son exercice, est remplacé par une autre forme, plus bureaucratique et/ou technocratique (légitimité experte des techniciens de la gouvernance extérieure) chargée dune dose dimportation.
On assiste au renoncement à lélection - canal traditionnel de légitimité- pour un glissement vers un nouveau type de légitimité. Il est possible également de lire le NEPAD à travers son déploiement. Dun point de vue des policies, on assiste désormais à la reconfiguration de la donne continentale africaine par la mobilisation marquée de lidéologie de léconomie internationale pour le repositionnement des Etats au processus de mondialisation et des acteurs dans la fabrication des dispositifs dinstitutionnalisation et de politiques publiques de développement.
Section 1. Trajectoire intellectuelle de linstitution africaine dévaluation, entre dynamique interne et externe
Les débats internationaux sur la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont révélé le besoin pour les pays africains de mettre en place un mécanisme de revue par les pairs afin dévaluer les performances des Etats en termes de gouvernement. Innovation importante du NEPAD, le « peer review mechanism » emprunte dans une large mesure au système de surveillance des pairs initié par les pays de lOCDE depuis plus de quatre décennies et sinscrit dans la dynamique de redéfinition ou délargissement dune approche nouvelle de coopération en faveur des politiques de développement. Cest dans ce cadre quon peut appréhender dans les lignes ultérieures, le « mécanisme africain » comme une « machine de légitimation » basée sur le modèle de lévaluation des pays dans le système international, en particulier dans son ordonnancement et moins dans son élaboration et son déploiement.
1.1. Le "peer review" et le caractère instrumental des modèles dévaluation des pays dans le système international
Depuis ladoption du NEPAD par lUA en tant que cadre intégré du développement socio-économique de lAfrique, lOCDE par le biais de son centre de développement essaie de suivre de très près les initiatives du programme africain en apportant des informations essentielles au « mécanisme africain dexamen par les pairs ». Cest dire que les leaders africains tentent dadapter lorganisation européenne aux terrains africains.
1.1.1. Les antécédents avec lOCDE et les institutions financières internationales
Le nouveau partenariat pour le développement de lAfrique emprunte largement sa méthode dévaluation à celle de lexamen par les pairs qui constitue vraisemblablement un instrument de coopération à léchelle mondiale. Cet outil dappréciation des performances des Etats est au centre des dispositifs de coopération internationale à lOCDE. Cette pratique est importante et permet aux Etats membres daméliorer leur gestion de laction publique. En effet, dans le cadre de lUnion Européenne, le consensus de Monterrey a donné lieu à un processus évolutif qui sappuie sur des partenariats responsables. Cette surveillance réciproque peut constituer un instrument efficace et majeur damélioration des performances à court, moyen et long terme. En sappuyant sur létude réalisée par Fabrizio Pagani, la notion dexamen par les pairs peut être considérée comme lexamen et lévaluation systématiques de la performance dun Etat par dautres Etats au sein dune communauté partageant des valeurs communes, lobjectif dans ce type dexercice est daider lEtat soumis à lexamen à améliorer ses politiques de gestion publique, à adopter des pratiques optimales et à se conformer à des normes, principes établis et acceptés par lensemble des pays membres.
Il y a donc ici une dimension symbolique damitié dans le processus. Elle repose manifestement sur la confiance mutuelle des Etats qui y participent et sur leur confiance commune dans le processus. Lorsque lexamen par les pairs est réalisé dans le cadre dune organisation internationale - ce qui est souvent le cas - le Secrétariat de cet ensemble est associé au processus en jouant un rôle important pour la facilitation et la stimulation de celui-ci. Compte tenu de cet ordonnancement, les examens par les pairs contribuent généralement à linstauration, grâce à ce processus dévaluation réciproque, dun système de reddition mutuelle de comptes. Ce qui est vrai pour le NEPAD dont le secrétariat de lorganisation continentale basé à Pretoria encourage lévaluation africaine par son soutien administratif et par le rôle de son responsable.
En effet, pour chaque pays, peuvent faire lobjet dun examen par les pairs, ses politiques et pratiques en matière économique, de gestion des affaires publiques, déducation, de santé, denvironnement ou dénergie, ou dans tout autre domaine. Cest ce qui est dautant plus remarquable pour le NEPAD dans les domaines retenus : gouvernance économique, politique, des entreprises et investissements privés. Dans chacun de ces domaines, lexamen porte sur un éventail de normes et critères, tels que le respect des politiques convenues à léchelon international ou la mise en uvre de principes juridiques contraignants. Il y a aussi des examens thématiques, qui permettent détudier parallèlement les efforts déployés par plusieurs pays en vue datteindre un objectif, à lexemple de celui fixé par le NEPAD qui est déradiquer la pauvreté dici à 2015 et de conduire individuellement et collectivement les Etats-parties sur la voie de la croissance et du développement durable. Cest dire, que les examens mutuels, quils soient consacrés à un pays ou à un thème, constituent normalement des exercices constants débouchant chacun sur un rapport qui rend compte des progrès accomplis et des points où subsistent des lacunes et formule les recommandations.
Par ailleurs, il existe dautres moyens pour valider la conformité des politiques et normes convenues à léchelon de lorganisation. En effet, dans le cadre du lancement dune procédure judiciaire par exemple, contrairement à ce qui se passe dans ce type de procédure, le résultat final dun examen par les pairs nest pas un acte ou un jugement doté de contraintes juridiques qui émaneraient dune instance supérieure. Dans la pratique, cette revue mutuelle peut faire office de mécanisme de règlement des conflits, avec en toile de fonds, le consensus entre Etats dans le souci de préserver la position et les intérêts de chacun. Tel nest toutefois pas lobjet pour lequel ils sont conçus, et ils ne débouchent jamais sur une décision coercitive ou des sanctions. Cette observation est la même quemprunte le NEPAD et qui constitue pour les analystes un paradoxe fondamental. Labsence de sanctions dans le contexte de lévaluation africaine et qui sapplique à lOCDE fait lobjet des critiques les plus incisives. Ce dautant plus que ce défaut tend à amplifier limpunité qui est une des logiques de fonctionnement de certaines entités étatiques du NEPAD qui ne respectent par les engagements.
En outre, le rôle des missions dobservation est clair. Dans le cadre du 3 peer review3 , des instances indépendantes, telles qu une commission composée d experts d organisations internationales, se rendent sur le terrain pour mener des enquêtes minutieuses sur un événement précis ou pour vérifier des faits. Les examens réciproques, de leur côté, ne donnent pas systématiquement lieu à des visites sur le terrain et vont au-delà de la simple observation des faits pour sétendre à lévaluation de la performance dun Etat. La recherche déléments factuels peut être une composante dun processus dexamen par les pairs. Tout aussi indissociable sont la remise de rapports et la collecte de données. Il existe différents systèmes qui prévoient la présentation régulière par les Etats de rapports à des organismes indépendants afin de les analyser. Lexamen par les pairs se caractérise quant à lui par un dialogue et une investigation interactive, pouvant impliquer le recours à des questionnaires, mais généralement sans quaucune obligation de remettre un rapport ne soit imposée à lEtat examiné. Là encore, lambiguïté en Afrique réside principalement dans la notion « dindépendance » en raison de labsence dans la majorité des pays africains dune société civile structurée, bien organisée et dotée de moyens afin dassurer en toute impartialité lanalyse des rapports.
On ne saurait évoquer lexamen par les pairs sans recourir à la notion connexe de pression des pairs dont découle lefficacité du processus dexamen mutuel grâce à linfluence et la persuasion exercées par les pairs au cours de lexercice. Cest ce quon appelle « la pression par les pairs » ou "peer pressure", découlant généralement de « la conjugaison de plusieurs facteurs, parmi lesquels des recommandations formelles, un dialogue informel, la publicité ainsi que des comparaisons, et parfois des classements entre pays, auxquels lexercice donne lieu, et de limpact produit par les éléments précédents sur lopinion publique, les administrations et les décideurs nationaux ». Cet impact sera dautant plus grand que les résultats de lexamen sont rendus publics, ce qui est habituellement le cas à lOCDE. Lattention portée par le public aux résultats des examens est souvent le fruit de lassociation des médias au processus.
La pression des pairs ne prend pas la forme dactes juridiquement contraignants, tels que des sanctions ou autres mesures obligatoires. Elle passe au contraire par la recherche de pratiques exemplaires qui fait aujourdhui sens dans le monde des décideurs. Les administrations ou les organismes publics se prévalent tous de veiller non seulement à ce que les mesures quils prennent servent au mieux les intérêts des électeurs, mais reposent aussi sur les meilleures méthodes éprouvées. Il sagit pour les pouvoirs publics de sassurer de faire réellement les meilleurs choix. Cest dire que les examens réciproques témoignent de lesprit créatif des organisations internationales. Sa pratique, qui remonte aux années 1960, sest depuis lors étendue à dautres organisations, notamment lUE, le FMI et lOMC. Et cest cette technique qui a été adaptée aux besoins du Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD).
Cest à cet exercice délicat que tous les pays membres du NEPAD ont décidé de souscrire. Celui-ci constitue le fondement même des études économiques de lOrganisation ainsi que des examens des politiques en matière de gouvernance. Il est prévu que lexamen débouche sur des rapports, destinés non seulement à informer le public, mais aussi à rendre compte de laction gouvernementale. Cest le cas des pays comme le Kenya, un pays désireux dévaluer sa gouvernance mais qui sest inspiré de lexpérience ghanéenne (premier pays à être évalué dans le cadre du MAEP) pour tirer des enseignements sur ce qui fonctionne ou pas. En contrepartie, ses propres politiques ont été soumises au regard critique de ses pairs et des experts du Secrétariat du NEPAD. Ce quil convient de retenir comme point important est limpossibilité de déclarer inéligible à lexercice un Etat qui ne gouverne pas. Les juges daujourdhui seront les jugés de demain.
Lefficacité des examens réciproques résulte de la régularité du processus de manière à prendre en compte les progrès accomplis, les insuffisances et lévolution de la situation générale. La régularité du débat entre les partenaires crée une certaine pression sur les pays pour donner suite aux conseils quils reçoivent de leurs pairs. En règle générale, ceux-ci ne traduisent pas une position rigide ou une obligation dagir dans un sens donné, mais débouchent sur le consensus comme stratégie qui semble la mieux appropriée.
Lobjectif est de permettre un dialogue ouvert entre pays, dans un cadre non conflictuel. La pression des pairs est le moteur du processus, et le gage de lefficacité de lexamen. Elle a dautant plus deffets que les résultats de lexamen sont rendus publics, ce qui est habituellement le cas à lOCDE qui associe les médias et éveille lintérêt du public. Ce sont là les éléments essentiels pour la réussite du processus. Lune des raisons du succès de la stratégie de lOCDE tient à lengagement des membres au respect des principes et critères de référence propres à instaurer et à maintenir la stabilité dans laction gouvernementale. Les pays obtenant les meilleurs résultats sont en général ceux qui mettent en uvre les dispositions prévues. Lefficacité de la méthode est due aux « règles du jeu ». Ces dernières ont été clairement définies dès le départ et acceptées par tous les pays afin déviter toute querelle diplomatique. Les examens réciproques peuvent faciliter le contrôle de la mise en uvre de traités internationaux et autres instruments ayant force de loi. Tel est notamment le cas de la Convention de lOCDE sur la lutte contre la corruption dagents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, laquelle dispose que les signataires « coopèrent pour mettre en uvre un programme de suivi systématique afin de surveiller et promouvoir la pleine application de la présente convention ».
Un examen par les pairs est le résultat du travail de plusieurs acteurs : lorgane dans le cadre duquel lexamen est réalisé, le pays examiné, les pays examinateurs et le Secrétariat de lOCDE. Les examens mutuels sont effectués dans le cadre des activités dun organe précis, quil sagisse dun comité ou dun groupe de travail. Le pays examiné se doit de fournir la documentation et les données disponibles, de répondre aux questions et aux demandes de lauto-évaluation, de faciliter les contacts et daccueillir les visites sur le terrain. Le rôle des examinateurs est de représenter lorgane collectif aux premiers stades du processus et de définir les grands axes de débat.
Lexamen mutuel est un processus dapprentissage réciproque, qui profite aussi aux pays examinateurs. Le Secrétariat fait office de gardien de la mémoire institutionnelle constituée au fil des examens. Lindépendance, la transparence, la précision et la qualité analytique du travail de lorganisation sont essentielles à lefficacité et à la crédibilité du processus dexamen par les pairs. Chaque processus dexamen est régi par des procédures qui lui sont propres, mais tous comportent une phase de préparation, une phase de consultation et une phase dévaluation communes. La dernière étape consiste en un débat collectif dun projet de rapport au sein de lorgane compétent. Des divergences de vues se manifestent parfois à propos des jugements à porter ou des recommandations à formuler. Les rapports donnent parfois lieu à des négociations serrées car ils doivent être avalisés par lensemble de lorgane intéressé. Dans certains cas, des exceptions à la règle du consensus sont admises, et le rapport peut être adopté même sil ne recueille pas lagrément du pays examiné. En règle générale, le rapport final est toutefois le fruit dun consensus. De ce fait, il se cantonne parfois à une prudente neutralité, qui ne risque dattirer dobjection de la part daucun des intervenants mais risque de conduire les commentateurs à en railler linconsistance, voire lopportunisme politique. Le plus souvent, les gouvernements sont cependant prêts à accepter une dose considérable de critiques, même sils ne sont pas daccord avec ces dernières, pour gagner le droit de participer à un système dexamen par les pairs. Dune certaine manière, la pression des pairs empêche les gouvernements de chercher à obtenir un traitement de faveur.
Par ailleurs, même si lOCDE est une organisation intergouvernementale, les examinateurs ont le devoir dêtre objectifs et équitables, et de ne pas se laisser influencer par des intérêts nationaux, ce qui amoindrirait la crédibilité du dispositif dexamen mutuel. Lorganisation veille, globalement avec succès, au respect de ce principe, et cest probablement pourquoi ses rapports jouissent dune telle crédibilité dans les milieux politiques et dans lopinion publique. Une autre raison de ce succès vient de ce quil y a de grandes chances que, contrairement à celles sans aucun doute moins tendres, qui peuvent ressortir des études réalisées par des organismes privés, les conclusions de lOCDE, même négociées, induiront des mesures correctrices. Dun point de vue international, cette forme d« obligation douce » résultant des examens mutuels peut se révéler un moyen plus efficace dencourager le respect de recommandations que le recours à tout autre mécanisme classique dapplication de la loi, comme un tribunal ou une quelconque autre instance judiciaire. Cette méthode de travail est donc loin dune technique procédurière à lexcès et sans effets, comme le prétendent certains analystes.
Le mécanisme africain dévaluation par les pairs a été créé suite à lacte constitutif de lUnion Africaine adopté en 2000 à Lomé au Togo. Il sagit selon certains africanistes d« un instrument auquel adhèrent volontairement les Etats membres de lUnion Africaine ». Nous sommes ici en présence de lauto-institution de la société africaine autour dune sorte dagence dévaluation interne sur le modèle de lOCDE. A ce titre, « le mécanisme africain dévaluation des pairs est un examen systématique de la performance dun Etat par les autres Etats (cest à dire par les Pairs), par des institutions choisies à cet effet ou alors par une combinaison dEtats et dinstitutions choisies.
Lobjectif ultime est daider lEtat évalué à améliorer lélaboration des pratiques publiques, à adopter de bonnes pratiques et à respecter les standards, les codes et autres engagements acceptés et établis ». Son mandat est dassurer la conformité des politiques et des pratiques par rapport aux actes et valeurs convenus dans le domaine de la gouvernance politique, économique et des entreprises, ainsi quaux codes et normes de la Déclaration sur la gouvernance démocratique, politique, économique et des entreprises. Doù son objectif dencourager ladoption de politiques, normes et pratiques susceptibles de promouvoir la stabilité politique, la croissance économique élevée, le développement durable et une intégration économique sous-régionale et continentale accélérée grâce au partage des expériences et au renforcement des meilleures pratiques et des acquis, y compris lidentification des lacunes et lévaluation des besoins dans le domaine du renforcement des capacités. Les principes dexamen stipulent que toute évaluation entreprise dans le cadre du mécanisme doit se faire sur la base des compétences techniques et doit être crédible et libre de toute instrumentalisation ou manipulation politique. Pour ce qui est de la participation au processus africain dévaluation entre les pairs, tous les Etats qui adhèrent à lUnion Africaine peuvent participer au processus à lissue de ladoption de la Déclaration sur la gouvernance démocratique, politique, économique et des entreprises.
Lévaluation des Pairs peut être conduite à partir de domaines ou de thèmes précis. Par exemple, lévaluation dun pays peut être faite à partir des domaines de léconomie, de la gouvernance, de léducation, de la santé, de lenvironnement ou dautres politiques publiques ou pratiques ; à partir dun ou de plusieurs domaines, un Etat peut être évalué sur la base des codes et des standards à respecter. De même, plusieurs Etats peuvent être évalués au même moment à partir dun thème précis comme celui de « la lutte contre la corruption en vue du développement durable » par exemple. Le mécanisme africain dévaluation des pairs sarticule autour de deux points : dabord la gouvernance politique (les systèmes politiques, les processus électoraux, la participation par exemple), ensuite la gouvernance économique et la gouvernance des entreprises (le management macro-économique, la responsabilité des gestionnaires, les autorités de régulation et de supervision par exemple).
Désormais, le respect du principe de la souveraineté des Etats est relativisé au profit de laffirmation et de la protection de la bonne gouvernance économique et politique à travers la mise en place du Mécanisme Africain dEvaluation par les Pairs (MAEP), en anglaise "African Peer Review Mechanism". Laffirmation de la bonne gouvernance sarticule aujourdhui autour du mécanisme africain de revue par les pairs du NEPAD. Ce mécanisme sapparente à une alternative à la démocratie qui ne marche presque pas dans les pays en développement et plus particulièrement dans certaines parties du continent africain; ou même, un instrument en prélude à lémergence dune bureaucratie moderne.
Cette sorte dagence de contrôle peut ainsi apparaître comme un remède à linsuffisance de développement de la démocratie et à lexplosion des bases de la légitimité démocratique. Ce mécanisme ambitionne de servir doutil technique dappréciation des décisions étatiques et des actions gouvernementales. Autrement dit, le 3 peer review3 favorable au contrôle mutuel des appareils de décision africains par les Africains, est l expression du mode et de la manière de gouverner que le NEPAD tente d imposer et à diffuser à tous les Etats africains. Il s agit manifestement d un changement remarquable de procédures décisionnelles. En effet, au-delà de la déclaration de principes contenue dans le plan, ce qui suscite généralement lenthousiasme des observateurs, cest plutôt la décision prise par le comité de mise en application du NEPAD de contrôler le respect des critères démocratiques et de bonne gouvernance à travers l3 African Peer Review Mechanism3 (APRM), version africaine du 3 Peer Review System3 ou « système de surveillance par les pairs », soit un système de contrôle systématique et mutuel des performances des Etats en matière de gouvernance par les autres Etats mis en place par lOCDE il y a de cela environ quatre décennies. Cet organisme est une structure réunissant 30 pays membres attachés aux principes de la démocratie et de léconomie de marché. Elle est une source de données comparatives, danalyses et de prévisions permettant aux gouvernements de comparer leurs expériences en matière de politiques, de trouver des réponses à des problèmes communs et didentifier de bonnes pratiques. Cest à cette organisation que le 3 peer review3 du NEPAD emprunte largement.
En effet, avant la mise en place de l APRM, le rapport annuel sur les « Perspectives économiques en Afrique » présentait l évolution probable à court terme de 22 pays africains. Ce projet conjoint de HYPERLINK "http://www.afdb.org" \t "_blank" la HYPERLINK "http://www.afdb.org" \t "_blank" Banque africaine de développement - les Perspectives économiques en Afrique (PEA) - et du centre de développement de lOCDE, financé à lorigine par la Commission européenne, a apporté une contribution positive au processus du NEPAD, en mobilisant les entreprises privées et en encourageant le dialogue social. Le principal objectif de ce projet était celui denrichir la base de connaissances concernant les économies et les sociétés africaines, sur lesquelles doivent sappuyer désormais lélaboration des politiques, les décisions dinvestissement et les éventuelles interventions des bailleurs de fonds.
Ce rapport sur les « Perspectives économiques en Afrique » a contribué de façon significative à la production du mécanisme africain dévaluation par les pairs (APRM), système de surveillance mutuelle introduit dans le cadre du NEPAD. Dans la même perspective, il implique également le renforcement des capacités. Grâce à une implication accrue des experts et des institutions africaines, le programme a cherché à développer les compétences et à favoriser lappropriation locale, dans la perspective de passer progressivement le relais de la production aux experts africains.
Pour lanalyste Hope, ce ne sont pas les articles concernant la volonté daméliorer la gestion politique et économique de lAfrique mais bien lAPRM qui constitue « the most innovative - and critically significant - aspect of the NEPAD ». Lauteur dresse dailleurs un portrait de cet instrument institutionnel quil décrit comme « a bold and imaginative attempt to launch a total war on the endemic problems of bad governance, unsustainable development and overwhelming poverty that have been confronting Africa for several decades ».
Cet enthousiasme, proche de la naïveté, nest cependant pas partagé par tous, même parmi les auteurs les plus convaincus par lutilité de lAPRM. Alex De Waal considère par exemple que ce mécanisme constitue certes un instrument qui démarque réellement le NEPAD des plans précédents mais seulement à condition que la qualité et la crédibilité de lAPRM soient garanties, ce qui reste encore à accomplir. Richard Ilorah émet également un avis bienveillant mais prudent à légard de ce mécanisme dont il relève surtout quil devrait fournir à lUnion Africaine un moyen dimposer des règles strictes à ses membres à condition que cet organisme parvienne à élaborer des standards de gouvernance économique et politique clairs, permettant une analyse objective des performances des gouvernements africains.
LAPRM est également le fruit dune diffusion « aménagée » de la politique du FMI et de la BM. Il sagit certainement dun marketing politique de quête de lAPD. Lorganisation et la configuration structurelle du programme africain sapparente à une réappropriation docilement négociée dobjectifs fixés en dautres temps et en dautres lieux par dautres acteurs de ce monde. Les chefs dEtat africains à la base du NEPAD ont exposé leur programme à plusieurs contradictions danalystes à la fois celles qui condamnent son conventionnalisme et celles qui mettent en exergue son manque doriginalité.
En effet, Les bonnes vieilles recettes que sont louverture au marché mondial et lintégration au système global, la libéralisation interne, laccentuation des exportations, le contrôle strict des dépenses publiques et lintégration régionale ont toutes été réactivées dans ce « nouveau » partenariat. En empruntant volontiers la direction de Gathaka et Wanjala, au vu des expériences passées, il est possible de dire que « market-oriented reforms cannot be the panacea for the economic ills that afflict Africa » et même des économistes néolibéraux reconnaissent que « one of the most important shortcomings of the NEPAD scheme is that it is very conventional in its thinking, offering no particular insights about past development failures beyond the obvious notions that wars must be ended and good governance installed ».
Sur le plan des politiques économiques, lorientation na pas changé : mener le continent africain à lintégration et à la globalisation avec pour finalité de développer léconomie du continent en misant sur le « trickle-down effect ». Il sagit ni plus, ni moins dune réactivation volontariste de la théorie du « catching up » chère à Rostow et remise à lordre du jour par lOCDE et les institutions financières internationales (IFI). En 1999, le FMI en publiant « World Economic Outlook » dont le chapitre 4, intitulé « How can the poorest countries catch up ? », laisse peu de doute sur lorigine doctrinale de lAPRM. Cest notamment au vu de la réappropriation de cet héritage idéologique par les leaders africains qui ont initié le NEPAD que certains ont estimé que du point de vue des postulats de base « it (le NEPAD) blends nicely into the neo-liberal globalisation mainstream ».
Les leaders africains tentent ainsi une simulation simple et une appropriation ostentatoire pour se concilier les bailleurs de fonds lorsquon sait quaujourdhui, le NEPAD est le reflet de la crise de légitimité de laide financière en raison des détournements de celle-ci non affectée pour les besoins retenus. Cest dailleurs ce contexte de crise de légitimité de lAPD qui justifie pour une bonne part lassentiment que le NEPAD a reçu auprès des IFI.
1.1.2. Lévaluation des pays dans le système international
Lexamen par les pairs est certes une base de travail surtout caractéristique de lOCDE, cependant elle sert également de méthode dans plusieurs autres programmes internationaux. Cest le cas dans les organisations spécialisées des Nations Unies, où les Etats ont recours à des examens mutuels pour le suivi et lévaluation des politiques nationales dans divers domaines, allant de lenvironnement à linvestissement. Et il nen est pas moins pour les bailleurs de fonds qui empruntent cette méthode de travail. Le dispositif de surveillance du FMI sapparente aussi, par certains aspects, à un mécanisme dévaluation des pays. Dans ce cadre, lOrganisation mondiale du commerce (OMC) a mis en place la revue des pairs en initiant le mécanisme dexamen des politiques commerciales dont le but est de favoriser le suivi des politiques et pratiques des Etats membres en matière déchanges. Elle a institué une organisation spécifique pour veiller à cette mission. Celle-ci se réunit pour étudier les politiques du membre examiné et le secrétariat établit un rapport. Lexamen est conduit par deux pays examinateurs. Le processus sachève par la remise des conclusions du président, qui sont ensuite publiées, ainsi que les documents exposant la politique du pays examiné, le rapport du secrétariat et le procès-verbal de la réunion.
Au niveau européen, la technique des examens mutuels est utilisée dans plusieurs domaines. Ainsi, au sein de la Commission européenne, la direction générale de lemploi et des affaires sociales organise des examens réciproques des politiques nationales du marché du travail afin de recenser les meilleures pratiques et détudier les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être reproduites ailleurs. Toutefois, dans aucune autre organisation internationale la technique de lexamen par les pairs nest aussi largement utilisée quà lOCDE, où son application a été facilitée par lhomogénéité de ses membres et la confiance mutuelle quils se portent. Cet organisme international a eu recours à cette méthode dès sa création et celle-ci a pris de la consistance au fil des ans, en sétendant à la majorité des domaines intéressant les politiques publiques sur lesquels portent les travaux de linstitution.
A lintérieur même de lOCDE, bien que des examens réciproques soient réalisés dans plusieurs domaines, il nexiste pas en la matière de standard. Cependant, tous les processus dexamen mutuel intègrent, dans leur structure, les éléments suivants, sur lesquels il est important de revenir sommairement pour comprendre le système dévaluation des pays dans les organisations internationales. Tout processus dévaluation repose sur un acte fondateur, un ensemble convenu de principes, normes et critères dévaluation de la performance des pays, la désignation dacteurs auxquels il incombe de mener à bien lexamen, un ensemble de procédures conduisant à lélaboration du résultat final.
Lacte fondateur découle des éléments suivants : une décision dun organe subsidiaire de lOrganisation ou une demande adressée à un tel organe. Les organes subsidiaires peuvent décider dinstaurer des examens mutuels dans leur domaine de compétence. Ils peuvent aussi réaliser exceptionnellement un tel exercice à la demande dun pays souhaitant faire lobjet dun examen. Ensuite, il doit y avoir une décision du Conseil, éventuellement au niveau des ministres. Pour des programmes dexamen de grande envergure, une décision du cette instance peut être nécessaire. Celle-ci peut émaner directement dune réunion du Conseil au niveau des ministres. Ainsi par exemple, lexamen de la réforme de la réglementation qui a été demandé par les ministres en 1997 et reconduit par des décisions successives, est assuré par un certain nombre dorganes subsidiaires, parmi lesquels le groupe pluridisciplinaire ad hoc sur la réforme de la réglementation, le Comité de la gestion publique et son Groupe de travail sur la gestion et la réforme de la réglementation.
Par ailleurs, le processus dévaluation est adossé à des normes internationales. Des examens par les pairs peuvent être prévus par les dispositions dun traité ou dautres instruments juridiquement contraignants. Un des premiers dispositifs dexamen réciproque est celui qui a été mis en place en application des codes OCDE de libération des mouvements de capitaux et des opérations invisibles courantes, lesquels ont force de loi pour tous les membres de lorganisation. Un autre exemple est celui de la convention de lOCDE sur la lutte contre la corruption dagents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, qui prévoit, dans son article 12, que « les parties coopèrent pour mettre en oeuvre un programme de suivi systématique afin de surveiller et promouvoir la pleine application de la présente convention ». Cette disposition a servi de base pour établir un processus rigoureux de surveillance multilatérale, intégrant des examens réciproques, destiné à renforcer lefficacité de la convention et des instruments qui y sont associés.
En outre, la performance de lEtat examiné peut être appréciée au regard de principes, critères et normes très divers dans leur essence et leur portée. Lévaluation des performances dun pays dans lapplication de recommandations ou principes directeurs est la forme la plus courante dexamen par les pairs. Celui-ci peut en outre être étendu à linspection de la logique des mesures prises et de leur cohérence avec les politiques suivies par le pays lui-même. Ce genre dexercice est réalisé dans de nombreux domaines dactivité de lOCDE, notamment la politique économique, léducation, lenvironnement, lénergie, la réforme de la réglementation et laide au développement. Les indicateurs et les critères de référence permettent de définir des objectifs précis, souvent chiffrés, à atteindre et qui se prêtent donc mieux à une évaluation quantitative que des principes directeurs. Des indicateurs et des critères de référence sont ainsi utilisés dans les examens de la performance environnementale, de la réforme de la réglementation et de laide au développement. Il existe aussi des principes juridiquement contraignants. Les examens par les pairs peuvent aussi servir à surveiller le degré de respect de certaines normes internationales.
Cest dans cette perspective que le comité des mouvements de capitaux et des transactions invisibles sest doté dun mécanisme dexamens réciproques pour évaluer les suites données par chacun de ses membres aux codes de libération et examiner les réserves ou dérogations accordées à chacun afin den réduire progressivement la portée. Cest le cas du groupe de travail sur la corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales, qui procède à lévaluation de lapplication et du respect des principes de la convention de lOCDE sur la lutte contre la corruption dagents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Ces évaluations constituent un dispositif élaboré de contrôle, qui est considéré comme un modèle intéressant pour le suivi et lamélioration du respect dautres obligations internationales. Enfin, les examens par les pairs peuvent aussi avoir pour objet dapprécier le respect par un pays des règles résultant de sa législation nationale ou dinstruments internationaux auxquels il a souscrit en dehors du cadre de lOCDE. Lexamen par les pairs est le fruit du travail de plusieurs acteurs : lorgane collectif dans le cadre duquel lexamen est réalisé, le pays examiné, les pays examinateurs et le secrétariat de lOrganisation. Les examens mutuels sont effectués dans le cadre des activités dun organe subsidiaire de lOrganisation, par exemple un comité ou un groupe de travail. Généralement, tous les pays membres de lorganisation considérée sont soumis à des examens par les pairs.
Dans certains cas, lexamen par les pairs constitue une condition sine qua non de la participation. Ce qui nest pas le cas dans le contexte africain où les pays membres ne sont pas nécessairement soumis à lexamen. Lexamen relève de la volonté de chaque Etat. Cest le cas du Botswana, pays réformateur, nouveau modèle de démocratie en Afrique, qui en tant que membre du NEPAD a rejeté toute évaluation de son pays en faisant le choix de se soumettre aux dispositifs déjà existants. Parfois, les responsables nationaux peuvent eux-mêmes voir dans cet exercice un moyen de stimuler une réforme des politiques et pratiques de leur pays. Le pays examiné a le devoir de coopérer avec les examinateurs et le secrétariat, notamment en mettant à leur disposition de la documentation et des données, en répondant à leurs questions et aux demandes dauto-évaluation, en facilitant les contacts et en accueillant des visites sur le terrain. Cest la pratique dans toutes les rencontres diplomatiques en matière de surveillance mutuelle. Les représentants du pays examiné peuvent être des fonctionnaires travaillant pour des ministères ou des organismes publics, à différents échelons de ladministration. La notion « dexamen par les pairs » implique, par définition, que des responsables du domaine traité dans dautres pays (pairs) soient associés au processus dévaluation.
En règle générale, le choix des pays examinateurs repose sur un système de roulement entre les Etats membres, bien que la connaissance particulière par un pays pair du pays examiné puisse être prise en compte. Les examinateurs agissent en qualité de représentants officiels de leur pays mais dans certains cas il peut être fait appel à des examinateurs agissant en leur nom propre. Dans tous les cas, les examinateurs ont le devoir dêtre objectifs et équitables, et de ne pas se laisser influencer par des intérêts nationaux, ce qui amoindrirait la crédibilité du dispositif dexamen mutuel. Le Secrétariat de lOCDE apporte son soutien à lensemble du processus. Il produit les documents et analyses, organise les réunions et les missions, stimule la discussion, veille au respect des normes de qualité et assure la continuité du processus grâce à la mémoire institutionnelle dont il est le gardien. Lindépendance, la transparence, la précision et la qualité analytique du travail du secrétariat sont essentielles à lefficacité du processus dexamen réciproque.
Les procédures régissant chaque processus dexamens mutuels sont définies dans des documents adoptés par lorgane subsidiaire compétent. Le niveau de détail avec lequel les procédures sont décrites est très variable, certains processus dexamen sappuyant davantage sur des pratiques établies de longue date que sur des règles formelles de procédure. Bien que chaque processus dexamen soit régi par des critères qui lui sont propres, tous présentent un profil identique, dans lequel on peut distinguer trois phases. La première consiste souvent en une analyse du contexte et une auto-évaluation, sous une forme ou une autre, par le pays examiné. La deuxième renvoie à la consultation qui est conduite par les examinateurs et le secrétariat, entre lesquels les tâches se répartissent différemment en fonction, pour lessentiel, de la pratique de lorgane considéré et du sujet traité. La troisième phase est celle de lévaluation.
Au total, lexamen des pairs se résume à la combinaison dun ensemble de facteurs parmi lesquels ladhésion à des valeurs communes, un niveau adéquat dimplication, la confiance mutuelle et la crédibilité. Suivant la procédure d évaluation des pays dans les organismes internationaux, on peut dire que les raisons en prélude de l émergence du 3 peer review3 en Afrique ont été instrumentales. Il y a de l instrumentalisation dans cette « originalité institutionnelle » en dépit de son autonomisation par rapport à la dynamique locale. En effet, le MAEP est avant tout un projet dune nouvelle élite dirigeante dEtats réformateurs qui veulent rompre avec les pratiques anciennes de tradition africaine du pouvoir. Cest donc le résultat dun contrecoup des méthodes de gouvernement utilisées ici et là sous le parti unique et après le retour au multipartisme des années 1990. Les évaluations gouvernementales étaient jusque là organisées par les gouvernements non pas par des techniciens indépendants mais par des experts quils choisissaient eux-mêmes pour tenter de légitimer leur action auprès des institutions internationales. Il ny a pas de recours aux élections pluralistes et compétitives pour déterminer le choix des évaluations et des évaluateurs comme cest dailleurs le cas aujourdhui avec lAPRM qui a recours comme à lOCDE non pas aux élections comme mode de désignation mais à la nomination.
Notons tout de même que ce mode est opératoire à lOCDE à cause de leffectivité des institutions et de la démocratie. Les dirigeants européens sont élus au suffrage universel par leur population. Ils tirent la légitimité du peuple et peuvent donc agir par « délégation inconditionnelle de pouvoir ». Or, dans le contexte africain, les élections et la démocratisation sont en souffrance. Cest donc pour répondre à cette pratique gouvernementale dont les évaluations relevaient de la discrétion des seuls gouvernements que les leaders africains ont fait le choix de créer le NEPAD. Le 3 peer review3 africain est donc l expression palpable du rejet des pratiques de tradition africaine du pouvoir, d où cette tendance à s approprier ou à s inspirer des modèles internationaux qui ont fait leur preuve ailleurs.
Par ailleurs, ce mécanisme est le produit de luttes de positionnement politico-diplomatique dans la société globale. Cette surveillance initiée par les Africains tend à saffirmer comme la « machine de légitimation » en tant quinstitution indépendante. Les institutions ont la capacité dassurer les conditions propres à leur reproduction une fois créées comme le montrent Tocqueville (1967), Young (1994) et les tenants du néo-institutionnalisme tels que Pierson (1993, 1994, 2000) et Levi (1997) avec le concept de path dependancy. Le MAEP sest doté dun panel indépendant de personnalités sur lesquelles les chefs dEtat ont de lemprise. En même temps que ce mécanisme peut ouvrir des opportunités aux acteurs, il apparaît également comme un lieu de contraintes. A la différence dun dispositif classique de mise en uvre de la loi, les examens par les pairs constituent une méthode « douce » dimposition du respect de la loi. Cest la stratégie du « soft enforcement » qui peut aboutir à des rapports et des recommandations et non à des décisions contraignantes, telles des sanctions. Dans de nombreux cas, la méthode douce caractérisant les examens mutuels se révèle plus adaptée quun mécanisme classique dapplication pour encourager et améliorer le respect de la loi. Contrairement à une instance judiciaire, les examinateurs ont la possibilité de tenir compte des objectifs poursuivis par le pays examiné et de replacer sa performance dans son contexte historique et politique.
Cest dire que la pression des pairs implicitement évoquée dans le cadre du MAEP, à cause de la persistance des dynamiques internes, ne prend pas la forme dactes juridiquement contraignants, tels que des sanctions ou autres mesures obligatoires. Elle passe au contraire par une persuasion en douceur qui peut jouer un rôle important pour inciter un Etat à opérer des changements, atteindre des objectifs et respecter des normes.
La pression des pairs ou 3 peer pressure3 est particulièrement efficace lorsqu il est possible de donner une évaluation à la fois qualitative et quantitative des performances. L évaluation quantitative peut prendre la forme d un classement des pays en fonction de leur performance, avec létablissement de véritables « tableaux dhonneur ». Une variante est la technique dite de «lopprobre », qui consiste à « montrer du doigt » ceux dont la performance laisse à désirer. De telles méthodes ne peuvent cependant être employées et produire des résultats concluants que si les « règles du jeu » sont clairement définies et acceptées par les pays. Dans le cas contraire, elles risquent, au lieu de déboucher sur un débat ouvert, de transformer lexercice dexamen en une querelle diplomatique motivée par le souci de gagner quelques places dans le sillon des Etats « bien gouvernés ».
1.1.3. Les défauts et paradoxes fondamentaux du mécanisme
Le "peer review mechanism" est linnovation la plus importante du NEPAD. Son édification ne peut dépendre que de celui-ci. Or, le NEPAD en lui-même, le moins que lon puisse dire, repose sur des postulats néolibéraux qui ont montré leurs limites dans les politiques antérieures de développement. Ce programme recèle des éléments éminemment contradictoires dans larticulation de deux de ses principaux objectifs : une volonté démancipation entraînant un accroissement de la dépendance et une allégeance aux principes de la démocratie participative à travers une initiative purement « top down », intégrant moins les dynamiques du dedans. Comme déjà souligné, les promoteurs du NEPAD tiennent à ce que leur projet soit perçu comme un outil fondé sur un ordre du jour dont ont décidé les Africains de leur propre initiative et de leur propre gré, afin de déterminer eux-mêmes leur destin. Autrement dit, le NEPAD se veut un plan démancipation de lAfrique, fait par les Africains, pour les Africains. Seulement voilà, on a déjà mis en lumière tout ce que ce plan fait « par des Africains » recèle en fait de conditionnalités externes intériorisées et d'alignement sur les agendas des « partenaires de développement ». Et en ce qui concerne ses velléités émancipatrices, il semble bien que le NEPAD induise lui-même les facteurs qui risquent de les étouffer dans luf. En effet, malgré cette volonté d'autonomie maintes fois ressassée, on a déjà relevé que certains articles du document placent ipso facto l'Afrique sous tutelle des bailleurs de fonds (les art. 66, 184, 185, 186).
On peut noter comme certains analystes que le succès du "peer review" concomitant à la réussite du NEPAD est directement dépendant d'investissements massifs que lAfrique ne pourrait assumer delle-même. Or les sources de financement que préconise laccord restent les mêmes que celles des années précédentes, à savoir les traditionnelles aides des institutions internationales ou des « partenaires au développement » dans le cadre de relations bilatérales. Lorsque lon sait que « les besoins financiers annuels pour assurer les objectifs du NEPAD sont estimés à 60 milliards de dollars, soit plus de quatre fois le montant annuel de lAPD et des IDE », on comprend quil sagit là dun projet qui, malgré ses prétentions, ne peut être concrétisé quau prix dune inféodation accrue de lAfrique par rapport au monde développé. Ce paradoxe dun plan démancipation ne peut se réaliser quà travers un accroissement de lauto-sujétion tel que remarquablement synthétisé par Richard Ilorah : « the possibilities of supporting the NEPAD budget trough contributions based on member states GNPs, own resources, or VAT are (...) not especially bright. A reliance on donor countries and organizations would appear the best option of all except for the implications involved, many of which border on the interference with member states autonomy and sovereignty. A reliance on donor countries and organizations is tantamount to accepting involvement by powerful international agencies that would ultimately tamper with the sovereignty of NEPAD member countries, and the autonomy of NEPAD as an African programme (dont on a vu qu'elle est déjà toute relative quant à son fond idéologique). Generally, donor countries and organizations are reluctant to finance development projects if they are not allowed some degrees of influence in the region concerned (...) An argument for a reliance on external funding would be that if the success of NEPAD as a programme depends heavily on financial assistance from external donors (ce qui apparaît comme une fatalité à moyen terme), then the members states of NEPAD should as well allow specific donors to have influence not only in the region but also in the programme itself. This is obviously a common price associated with dependency and the question is whether NEPAD is willing to pay the price. Africa has in the past been known to depend heavily on external funding for its projects and donors countries in turn have more or less dictated terms of executing the projects ».
Par ailleurs, cest sur la base de ces constats que Patrick Chabal estime que le NEPAD ne devrait pas déboucher sur dautres résultats que la perpétuation des relations Afrique-Occident telles quelles se sont développées depuis la décolonisation. On se trouve donc bien ici face à un postulat contenant un paradoxe fondamental et inextricable puisque les moyens avancés par le NEPAD afin de sortir le continent africain de son état de dépendance vis-à-vis des pays développés et des institutions multilatérales conduiraient inévitablement à un approfondissement de cette dépendance. De plus, le NEPAD fait preuve dune allégeance aux principes de la démocratie participative à travers une initiative purement « top down » de participation technocratique et experte. On sest déjà appesanti sur le fait que le NEPAD est un produit issu de dirigeants africains dans lélaboration duquel aucune forme de mécanisme de participation populaire quelconque na été mise à profit. Cest donc une approche strictement et purement inspirée « du haut ».
Pourtant, les initiateurs se targuent de faire en sorte que les pratiques démocratiques et la participation soient mises en valeur autant que faire se peut. Il y a là une contradiction évidente entre les déclarations dintention et les actions des promoteurs du NEPAD. Ce type de contradiction peut avoir des conséquences très néfastes sur lavenir de ce projet et tend à renforcer lidée que les processus de transition qui sont en cours en Afrique nont été en fait quune démocratisation formelle vers un multipartisme qui navait semble t-il pas pour but de remettre fondamentalement en cause les pratiques politiques anciennes. Et on peut en conclure que la démocratie en Afrique ne se réduisait alors quà un processus d'émanation exogène, initié sur ordre de la communauté des bailleurs de fonds, et qui nest en fait quune concession faite par les dirigeants africains pour continuer à bénéficier dune assistance financière. Dans ce sens que Mkandawire évoque les « choiceless democracies » en ce que le multipartisme formel nimpliquait pas une lutte de vision politique concurrentielle pour imposer un projet sociétal mais plutôt une procédure destinée à répartir les fruits pouvant être retirés de lexercice du pouvoir dans une perspective néopatrimoniale. Une logique qui déboucherait inexorablement sur le « mal développement » de la société africaine.
Ainsi, les promesses de fidélité aux idéaux démocratiques contenues dans le NEPAD ne seraient perçues que comme une excroissance de l'interventionnisme externe qui a caractérisé les processus de démocratisation africains depuis leurs débuts. Comme en témoigne Ukoha Ukiwo lorsquil souligne que lune des conséquences les plus dommageables de cet interventionnisme quasi systématique a été laliénation des groupes populaires et des mouvements sociaux porteurs de revendications démocratiques authentiquement endogènes. Cest sur cet aspect particulier de laliénation des groupes sociaux porteurs des revendications démocratiques internes concomitant dun assujettissement aux exigences de démocratisation venues de lextérieur que lon va maintenant sattarder. On va tenter de voir dans quelle mesure le NEPAD sinsère, ou au contraire se départit, de cette logique en mettant à profit les réactions des représentants de la société civile africaine dune part et des bailleurs de fonds de lautre pour essayer de mettre en lumière le degré de prise en compte de leurs revendications respectives.
Labsence de sanctions est un défaut majeur à souligner dans des pays où les institutions ont du mal à sémanciper en raison du non respect des normes et de la persistance dune culture bâtarde dimpunité. Lexamen par les pairs doit être indissociable de la « sanction par les pairs » qui peut résulter dune déclaration dinéligibilité à lexercice du pair dont le pays ne respecte pas les normes établies de gouvernement. L efficacité du processus d examen mutuel tient à l influence et la persuasion exercées par les pairs au cours de l exercice. C est ce qu on appelle la 3 pression des pairs3 , laquelle découle habituellement de la conjugaison, par les autres pays, de recommandations formelles et dun dialogue informel, de la publicité ainsi que des comparaisons, et parfois des classements entre pays, auxquels lexercice donne lieu, et de limpact produit par les éléments précédents sur lopinion publique, les administrations et les décideurs nationaux. Cet impact sera dautant plus grand que les résultats de lexamen sont rendus publics, ce qui est habituellement le cas à lOCDE. Lattention portée par le public aux résultats des examens est souvent le fruit de lassociation des médias au processus.
Ces défauts du mécanisme peuvent être observés à laune de lévaluation par les pairs de la crise du Zimbabwe. Cet engagement a démontré ses limites, le Président Mbeki ayant été le premier à reconnaître ces élections présidentielles de 2002 libres et justes alors même que les parlementaires de la SADC et dautres observateurs déclaraient le contraire. Ce dispositif pose un défi majeur qui se trouve dans la question de la capacité morale des pairs. Autrement dit, quel pair a la capacité morale de dire quoi à qui lorsquon sait que la triste réalité cest que la grande partie des gouvernants africains actuels nont pas de position de force morale qui leur permette de juger les performances des autres.
LAfrique australe est un bon exemple qui peut être étendu en Afrique centrale avec les dirigeants gabonais, camerounais et congolais. Le Président Levy Mwanawasa de Zambie est arrivé au pouvoir à lissue délections entachées dirrégularités, tandis que Benjamin Mkapa de Tanzanie est responsable des meurtres perpétrés contre des innocents de lopposition de Zanzibar ; le Président Sam Nujoma de Namibie a modifié la constitution de son pays pour bénéficier dun troisième mandat, ainsi que Bakili Muluzi du Malawi. Pire encore, la crédibilité des fondateurs du NEPAD est tout aussi remise en cause. Alors que le sida est une pandémie qui menace le continent, Thabo Mbeki doute de son existence ainsi que du lien entre le virus et la maladie. Il répugne ainsi à allouer des fonds pour lacquisition des médicaments, ce qui pourrait contribuer à diminuer les décès. Il en est de même pour son homologue nigérian Obasanjo, dont le dossier est douteux. Durant son règne à la tête de son pays, celui qui vante les idéaux démocratiques na pas hésité à emprisonner des chefs syndicalistes pour avoir appelé à une grève nationale. Cest dire que loption de ces leaders peut ne pas résider dans lévaluation des performances, mais bien plus dans la défense mutuelle, ce qui ôte toute utilité au dispositif de surveillance.
Au-delà de ces défauts, le dispositif dévaluation est desservi par plusieurs imperfections graves et omniprésentes du NEPAD. La première concerne le processus de rédaction du texte du NEPAD qui na jamais inclus de consultations suffisantes malgré linsistance des promoteurs sur les valeurs démocratiques. La rédaction du texte a été un mécanisme fermé et mené den haut par une poignée dexperts et de leaders. Labsence de consultation dans son processus délaboration constitue un défaut majeur par delà son cadre néolibéral. Cest un petit groupe de leaders africains qui lont piloté, présenté à leurs pairs et aux pays occidentaux pour financement et ce, sans participation de débat autour des Africains. En effet, le NEPAD nest pas né dun dialogue continental général et, par conséquent, il demeure inconnu sinon étranger aux peuples africains. Paradoxalement, la première fois que le document précédent le NEPAD - le plan du millénaire pour le redressement de lAfrique - a été évoqué, cétait à Davos, en janvier 2001, lors du Forum économique mondial, lorsque Thabo Mbeki a présenté le plan à des personnalités telles que Georges Soros (représentant les propriétaires du capital international). Il a par la suite, promu le programme au sommet du G8, à Gênes, où il sest fait dire par ses homologues occidentaux dinclure la « bonne gouvernance » dans son plan. Plus encore, le cadre du NEPAD ninclut pas de mécanisme postérieur pour garantir la participation effective de la société civile dans la conception et lexécution des décisions. La deuxième imperfection se rapporte au fond, qui est en partie le résultat de son approche hiérarchique.
Les experts techniques responsables semblent ne pas avoir pris en compte les dynamiques de lhistoire africaine ainsi que les réalités concrètes des pays. Elément plus utile encore, il semble quen plus des nombreux engagements politiques et ceux pris dans le domaine du développement, le programme africain, a opté pour le néolibéralisme de la « croissance sans développement économique » préalablement imposé aux Etats-parties. On constate par ailleurs, que la stratégie économique du NEPAD a le défaut fondamental de se baser sur les principes des IFI, principes appliqués par les pays africains depuis plus de vingt ans avec des conséquences catastrophiques.
1.2. Le 3 peer review3 du NEPAD : points de vue locaux et externes
Depuis son lancement, le programme africain a suscité l adhésion et les hésitations aussi bien des communautés nationales qu internationales. Sur le plan interne, ce projet a été perçu comme le succès de la greffe libérale en Afrique et a alimenté les débats aussi bien politiques que macro-économiques des organisations intellectuelles et socioprofessionnelles, en particulier dAfrique du Sud où est née linitiative. De lautre côté, la communauté internationale a soutenu avec ferveur ce nouveau refuge africain en le considérant comme « la délocalisation de sens » des politiques de développement et comme le moyen de relancer une nouvelle coopération avec les pays en voie « dindustrialisation ».
1.2.1. Positionnement des organisations de la « société civile » africaine
Le lancement du NEPAD a suscité autant dengouement que de critiques malgré lengagement indéfectible des acteurs leaders et le dynamisme de ses ambitions. La société civile mise à lécart du processus délaboration na pas tardé à faire en attendre ses réactions. Cest ainsi que, le 4 mai 2002 à Johannesburg, le groupe « Civil Society Indaba » adoptait une résolution sans concession concernant le NEPAD.
Elle reflétait la tendance générale des organisations de la société civile à l'égard de celui-ci. Il y était notamment stipulé que les participants (issus de plusieurs associations et groupements de la société civile : communautés rurales et urbaines, groupes de femmes, du First Nations Indigenous people, dONGs, etc.) considéraient que « Nepad has been imposed on the continent by the few governments and elites, supported the countries of the North and the Bretton Woods Institutions (
.) Africa and her people have not been involved in devising this path of development (
). That Nepad embraces the forces of neoliberal globalization, and promotes these forces as a cure for Africa's ills (...). That Nepad embraces the World Bank, International Monetary Fund, the World Trade Organization, and other international institutions of the process of neoliberal globalization, as partners in Africa's development. These institutions have a long history of plunder and exploitation of Africa's resources and her peoples (....). That the development path adopted by Nepad will push Africa and her people further into poverty, ill health, hunger and marginalisation ».
Ces points de vue, qui peuvent apparaître comme des plus radicaux, sont pourtant un bon reflet de la tendance générale adoptée par les organisations citoyennes à propos du NEPAD. Cest dans cette perspective que le Council for Development and Social Science Research in Africa (CODESRIA) et Third World Network - Africa, ont rédigé une déclaration commune lors d'une conférence sur les défis du millénaire pour le développement de lAfrique. Dans celle-ci, ils exprimaient leur accord avec certains des buts que poursuit le NEPAD mais se plaçaient complètement en désaccord avec la vision générale du développement et le modèle économique préconisé par ce document pour y parvenir et que par conséquent « NEPAD will not contribute to addressing the developmental problems of Africa. On the contrary, it will reinforce the hostile external environment and the internal weakness that constitutes the major obstacles to African's development ».
Dans la même lignée, lors dune Conférence des Nations Unies sur le financement du développement, lAfrican Financing for Development Caucus formulait notamment les griefs suivants à lencontre du NEPAD : « Our first protest is against the marginalization of civil society from the process. We are convinced that without popular participation, NEPAD will suffer the same fate as other past initiatives. The development of Africa lies in the hands of its people, both its poor and rich, as well as its state leaders and civil society. Secondly we are concerned that our leaders are placing Africa's development in the hands of speculators, the gamblers of the global casino and the Bretton Woods institutions. The success of NEPAD is being made contingent on the generosity and charity of wealthy nations. This is dangerous and should be reversed - it is never too late. Furthermore, we wish to warn our leaders that NEPAD's strategy of seeking foreign private capital to develop the service and infrastructure of Africa will subvert the Human Rights of our people; it would place basic social services and infrastructure in the hands of the private sector, which is dominated by foreign capital ».
Le même constat a été réitéré lors dun meeting rassemblant des mouvements sociaux, des syndicats, des organisations de jeunes et de femmes, des organisations religieuses, des intellectuels et des membres dONGs de tout le continent africain à Port Shepton entre le 4 et le 8 juillet. Il a débouché sur une déclaration commune concernant le NEPAD. Celle-ci s'intitule de manière assez explicite: « Africa Civil Society Declaration on NEPAD: We do not accept NEPAD (
) Africa is not for sale ». Dans celle-ci on peut notamment lire : « this new international partnership initiative ignores and sidelines past and existing programmes and efforts by Africans themselves to resolve Africa's crises and move forward from programmes such as the Lagos Plan of Action (1980) and the Abuja Treaty (1991), the African Alternative Framework to Structural Adjustment Programmes (AAF-SAAP, 1989), the African Charter for Popular Participation and Development (Arusha Charter, 1990) and the Cairo Agenda (1994). In contrast to such programmes, NEPAD is mainly concerned with raising external financial resources, appealing to and relying on external governments and institutions. In addition, it is a top-down programme driven by African elites and drawn up with the corporate forces and institutional instruments of globalisation, rather than being based on African peoples experiences, knowledge and demands ».
En plus des critiques reprises par la plupart des organisations de la société civile, un point que nous navons pu aborder au cours de ce travail et quil serait pourtant intéressant dapprofondir est ici mis sur le tapis, à savoir la comparaison du contenu du NEPAD avec dautres plans, aux programmes plus « alternatifs », et qui avaient entraîné des réactions bien moins enthousiastes de la part des bailleurs de fonds que le NEPAD. Enfin, on peut noter que les prises de position des syndicats à travers le continent africain ont suivi la même direction. Ainsi, lOrganization for African Trade Union Unity (OATUU), le Congress of South African Trade Unions (COSATU) et la Confédération Internationale des Syndicats ont émis nombre de critiques vis-à-vis du NEPAD lors dune réunion à Dakar en 2002. Parmi celles-ci, l'absence de participation des acteurs populaires, les choix en matière de politique au niveau macro-économique, les options néolibérales embrassées par le texte, la probable infaisabilité des projets présentés, la reddition face à lidéologie du « tout au marché » et de labandon des prérogatives étatiques, ainsi que les incompatibilités du NEPAD avec d'autres initiatives panafricaines préexistantes.
1.2.2. Limpact sans commune mesure au sein des organisations internationales
Le positionnement de la communauté internationale avait été très clair. Contrastant nettement avec celui de la société civile africaine, les réactions des dirigeants occidentaux face au NEPAD furent en grande partie chaleureuses et bienveillantes. Henning Melber rapporte par exemple que Uschi Eid, Ministre allemande de la coopération économique et du développement, avait accueilli très favorablement cette initiative avec les commentaires suivants « I consider NEPAD as groundbreaking for African leaders to propose that undemocratic governments and despots be isolated by means of the OUA and joint programmes such as MAP. (...) the Millenium Programme could develop into a benchmark for Germanys policy on Africa ». Tout comme le Premier ministre canadien, Jean Chrétien, qui avait de son côté soutenu avec conviction le NEPAD et avait dailleurs annoncé avant le sommet du G8 à Kananaskis son intention de faire avancer lagenda que contenait cet accord, notamment au niveau de laugmentation de laide internationale pour le développement de lAfrique. Le gouvernement britannique a dans la même foulée ouvertement apporté son soutien à ce plan. Le voyage de Tony Blair en Afrique en février 2002 l'avait confirmé et Gordon Brown, ministre britannique des Finances à ce moment là, avait garanti que la Grande-Bretagne allait apporter une aide substantielle à ce « plan Marshall » africain.
LUnion européenne a elle aussi manifesté son approbation face aux recommandations du NEPAD et aux choix stratégiques qu'il formule. Suite à une rencontre avec le président nigérian Obasanjo, Romano Prodi, alors Président de la Commission, faisait un communiqué de presse pour signaler qu'il considérait le NEPAD comme « a stance based on the principles of responsibility, ownership, democracy, rule of law, good governance and human rights as fundamental factors for development. Europe is willing to support this initiative, within a global partnership and drawing on the existing Euro African instances », mais surtout pour préciser que « our financial co-operation with Nigeria was resumed in 1999 and we have agreed to re-invigorate and accelerate the channelling of the funds already committed », donnant par là un signal fort à tous les dirigeants africains: adopter le NEPAD peut vous permettre dassurer une coopération fructueuse avec lUE.
En ce qui concerne le G8, depuis le sommet de Gênes en 2001, il na eu de cesse de manifester son soutien aux intentions exprimées par les chefs dEtat africains à travers le NEPAD. Cet état de fait sexplique aisément selon Ukoha Ukiwo: the G8 support for NEPAD is predicated on the commitment of African leaders to promote democracy, good governance, human rights and open market economies. Thus more assistance to Africa is a quid pro quo for liberalization of markets and adoption of liberal democracy.
En fait, les seules réserves émises par les bailleurs de fonds à lencontre du NEPAD ne concernent pas lesprit de ce partenariat, les idées qui y sont développées étant jugées de manière éminemment positive, mais elles sont dirigées contre les dirigeants africains eux-mêmes dont les responsables occidentaux craignent quils ne se plient aux exigences que dorénavant ils ont eux-mêmes fixés. Comme lexplique Melber : « There has been growing skepticism among members of the donor community that the request for massive additional financial support to implementing the initiative will come all too soon, while the political will indicated with regard to issues of governance will remain only a vague promise ».
Une fois encore, les réactions plus que contrastées entre les responsables occidentaux dune part et la société civile africaine de lautre, semblent bel et bien renforcer la thèse selon laquelle le NEPAD, bien que rédigé par des dirigeants africains, est plus destiné à offrir des gages de bonne conduite aux bailleurs de fonds quà satisfaire les exigences des populations dont les rédacteurs de ce plan ont le destin entre les mains.
1.2.3. La réactivation africaine de la pensée de Fanon
Lesprit du mécanisme africain dévaluation par les pairs (MAEP) devrait obéir à linstitution par la société africaine dun mécanisme soit-disant nouveau - qui émane en réalité de lOCDE, inspirée elle-même de la gouvernance des audits, à ce titre ce nest pas une invention, doù toute la difficulté pour les promoteurs dont Mbeki daffirmer leur autonomie intellectuelle, et cest aussi là, une faiblesse - qui ne se fonde pas sur un ordre donné, mais selon un modèle que les Africains eux-mêmes auraient définis. A ce titre, la société africaine elle-même, fonderait dorénavant la légitimité. Dans ces conditions, la recherche du « bon gouvernement » sarticulerait autour du 3 peer review3 du NEPAD, renvoyant à une alternative à l insuffisance à diriger des entités sociales et donc à susciter un nouveau mode de légitimation des gouvernements. Or, en l état, cette « importante révolution » dans le NEPAD se traduit véritablement par une approche néolibérale du développement. Cela suppose à la lumière de la dichotomie politics/policies non pas de revenir sur la qualification de régimes ou formes de gouvernement mais de démontrer linsuffisance de degré gouvernemental à travers la mobilisation africaine de la pensée autrefois délaissée de Fanon par ladhésion des leadersdu continent, aux principes de la « renaissance africaine ». Pour les acteurs africains en « réalisant les promesses qui y sont contenues, le présent programme (NEPAD) devra permettre à lenfant africain émacié despérer quen vérité le XXIème siècle sera bel et bien le siècle de la renaissance de lAfrique ».
Eu égard à ce qui a précédemment été mentionné, cet idéal de bon gouvernement autorise à émettre un bémol quant à la capacité du « nouveau partenariat » et de son "peer review" à promouvoir linauguration dune nouvelle ère pour le continent africain susceptible de modifier les pratiques internes de fabrication de laction des gouvernants ou de produire une nouvelle gouvernabilité. Ceci est dautant plus compréhensible par létude sommaire de la genèse du programme où lon a pu constater quon était en présence du fruit dun cas idéal-typique de ce quon qualifie un peu pompeusement de « top down process », issu dun compromis par le bricolage négocié des leaders en quête de leadership sur le continent et de légitimation dans la société globale.
Ainsi, en dépit du dynamisme de ses ambitions, le 3 peer review3 a souffert d une approche plus préoccupée par le consensus que par le pragmatisme ou, pour le dire mieux, l'approche qui a prévalu lors de sa conception fut « plus diplomatique que scientifique ». Pas étonnant dès lors que la plupart des observateurs académiques, quelle que soit leur orientation idéologique, juge ce partenariat et ce mécanisme inaptes à relever les défis et les objectifs prévus.
Bien que ses initiateurs soient des chefs d Etat africains, le 3 peer review3 a, de par sa gestation ignorant clairement toute idée de consultation du peuple et de la société civile mais surtout en donnant la préséance absolue aux exigences des « partenaires au développement » sur les revendications populaires endogènes désormais connues, perdu toute chance d'être accepté comme une « machine de légitimation » authentiquement africaine et fondée sur la légitimité issue des élections pluralistes des populations dont il entend trouver des solutions à leurs problèmes pour améliorer leur sort. Cest ce qui explique que « it (lAPRM du NEPAD) has won high praise from the G8 while sparking deep anxieties among (...) the non-governmental sector ».
Quand bien même il ne pâtirait pas de ce déficit de légitimité initial, son contenu, impliquant une dépendance accrue envers les pays développés - notamment en sappuyant sur les principes de gouvernance de lOCDE - et réactivant toutes les « bonnes vieilles recettes » néolibérales qui sont perçues comme ayant, sinon engendré, du moins aggravé les problèmes économiques et sociaux du continent africain, ne semble pas de nature à lui permettre de réussir à rallier un soutien populaire digne.
En effet, les oppositions farouches et les critiques les plus acerbes émanant des représentants de la société civile africaine ne semblent pas augurer des lendemains meilleurs au programme dans son ensemble. Déficit dauthenticité, de participation dans sa confection, doriginalité dans ses prescriptions et daudace dans ses orientations, le NEPAD, moins encore son mécanisme dévaluation, ne peut apparaître à ce stade la solution susceptible de modifier la donne actuelle continentale. Comme lécrivait Aminata Traore, ce plan apparaît plutôt comme un mécanisme de plus qui « permet la poursuite de la mission civilisatrice des puissances coloniales, mais, cette fois, avec lappui et la complicité des élites locales, qui, à leur tour, leurrent et assujettissent leurs propres peuples » car les porteurs de ce projet relèvent de cette catégorie de dirigeants qui « préfèrent se tromper de défi et engranger les dividendes de la subordination ». Devenus les courroies de transmission des bailleurs de fonds plutôt que de celles de leurs populations, les dirigeants africains ont fait du NEPAD le nouvel appendice de ce que Ukiwo décrit comme la « tendance à lextraversion » des élites africaines qui avait permis à Fanon - il y a plus dun demi siècle déjà - de les caricaturer comme des « hommes blancs dans des peaux noires ».
Cependant, la question de la marge de manuvre de ces élites africaines clouées au pilori se pose avec acuité. Car lorsquelles font allégeance à lOccident, elles sont logiquement critiquées sur le plan interne pour leur manque de volontarisme mais si elles osent sortir des carcans que leurs imposent leurs partenaires de développement, elles se retrouvent très vite coincées par les moyens de pression infinis que ces derniers ont à disposition. C'est conscient de limpopularité bien compréhensible des conditionnalités imposées de lextérieur que les dirigeants des pays développés ont poussé les leaders africains à les endosser en leur nom. Michel Camdessus, alors représentant la France au FMI, a lui-même déclaré que « sil existe une conditionnalité intérieure, elle doit rendre inutiles les conditionnalités extérieures », ce que Badara Ndiaye traduit non sans pertinence par « tropicalisez les conditionnalités connues des IFI et du G8 et nous n'y ajouterons rien dautre ». Le 3 peer review3 du NEPAD s'inscrit parfaitement dans cette logique de tentative d appropriation par les élites politico-économiques africaines des conditionnalités issues des institutions de Bretton Woods et des organisations internationales, notamment lOCDE. Si, comme le proclament ses promoteurs, le NEPAD marque bien le passage à une ère nouvelle, ce n'est donc sans doute pas à celle de la « renaissance africaine » quil ouvre la voie mais il pourrait bien au bout du compte rester dans lhistoire comme la borne ayant scellé la transition de l'ère des conditionnalités exogènes à l'ère des conditionnalités intériorisées.
Loin dune surenchère dans la longue histoire des promesses aux IFI comme le pensent les historiens ou de se rallier à la diplomatie officielle de la puissance sud-africaine et de ses alliés comme lenvisagent certains politologues, ou dune crainte de voir baisser les appuis de la France et lOCDE selon certains économistes, ce programme semble attester dune intériorisation des normes libérales des bailleurs de fonds. Mieux, il sagit comme la commission Blair en liaison avec le NEPAD, de justifier dune conversion réussie au libéralisme confortant un accord tacite entre les Etats. Ce qui confirme, le penchant des nouvelles générations délites africaines dans le privé et la critique des Etats. Cest ce qui a dailleurs contribué, avec lappui de lAfrique du Sud, à larrimage de lidéologie du NEPAD aux formulations les plus extrêmes de léconomie de marché.
Section 2. Linstitution du Panel Indépendant des Personnalités Eminentes (PIPE) : portrait du groupe dexperts africains
Dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique, il est institué un comité dexperts chargés de lévaluation de la gouvernance des Etats membres du MAEP. Il sagit de rendre compte du processus de naissance de linstitution du PIPE et de sintéresser à la sociologie du bloc des personnalités en charge de lévaluation des performances des Etats en matière de « bon gouvernement ».
2.1. La dynamique de création du PIPE dans lexpertise de lévaluation gouvernementale africaine
Rendre compte de la dynamique de création de linstitution dévaluation permet davoir une certaine clarté pour la lecture du rôle de ses membres et des conditions de leur désignation. Dans toute démarche néo-institutionnelle, il est admis qu« un regard sur le processus de création des institutions est crucial (
) parce quune telle posture permet de regarder les conditions entourant lémergence des institutions qui, on le sait, expliquent ensuite pour une bonne part leur effectivité et leur capacité à encadrer le comportement des acteurs ». Ici, la compréhension de la genèse et des transformations au sein de cette organisation se fait à partir du regard porté sur ses acteurs. Leur origine sociale, leur trajectoire professionnelle, leur discours en tant que gardien de linstitution sur les normes et les contraintes permettront de saisir les stratégies du comité quils animent. Dans ces conditions, on peut questionner a priori le passage du « pouvoir » au « comptable » et de son institutionnalisation. Pourtant, en dépit des logiques hybrides, des processus de structuration sont visibles, si lon en juge par les changements de modes de légitimité, quon peut observer à partir du 3 peer review3 .
2.1.1. Innovation institutionnelle et légitimité experte
Le 3 peer review3 est l innovation la plus remarquable du nouveau gouvernement des sociétés africaines. L histoire de la gouvernance des institutions dans cette partie du monde, dominée par le modèle sud-africain, peut laisser penser que ce fait nouveau a une certaine autonomie intellectuelle démanation sud-africaine. En réalité, lidée de mettre en place une structure autonome constituée dexperts pour évaluer les gouvernants est dorigine occidentale. Elle se diffuse peu à peu en Afrique à loccasion des transformations en cours, ce qui conduit à ce que Powell et Di Maggio nomment un isomorphisme institutionnel. Cette nouvelle légitimité fait que le mécanisme est aujourdhui adopté par les Etats membres du NEPAD, à lexception du Botswana. Cette donne atteste des théories de la diffusion des idées et des modèles institutionnels évoquées par des institutionnalistes (Hall en 1989 et 1992 et Weir et Mény en 1993) durant lavènement des démocratisations. Ce mouvement de transfert de légitimité a conduit les acteurs à recourir à certaines personnalités africaines de la haute fonction publique internationale, pour impliquer symboliquement le peuple africain et contourner lidée dêtre juges et parties de ce nouveau jeu régional.
En effet, le mécanisme de revue par les pairs est entré en exécution depuis quelques années. Cette mise en uvre a été concrétisée par la mise en place du Panel indépendant des personnalités éminentes (PIPE) chargé de l expertise d évaluation de l activité gouvernementale des Etats ayant souscrit au 3 peer review3 . Cette structure est une alternative à l impossibilité de ce que Gerard Conac (1993) avait qualifié de nouveau constitutionnalisme africain. Ce comité dexperts a été mis en place pour réguler lévaluation afin de pouvoir éviter toute manipulation politique par les Etats, ayant été soumis. Cest dans cette perspective que les dirigeants africains ont jugé utiles comme cela se fait dans dautres parties du monde, de mettre en place une organisation technique indépendante pour assurer lexamen impartial des rapports des principaux dirigeants des Etats qui acceptent dêtre évalués. Cela permettra de renforcer les échanges et dadopter de bonnes pratiques.
Selon les prescriptions du MAEP, les membres de ce panel doivent être des Africains qui se sont distingués professionnellement dans les domaines de compétences en rapport avec la gouvernance et doivent faire preuve de probité morale dans la gestion de la chose publique. Leurs nominations relèvent de la compétence des chefs dEtats et de gouvernement membres. Les raisons ayant été à lorigine de la création dune institution pour la surveillance des pairs relevaient dune instrumentalisation. Dune part, cest une façon de dénoncer les méthodes médiocres de gestion des Etats par certains dirigeants depuis plusieurs décennies, et dautre part, cest le résultat de positionnement des pays sur la scène internationale. Cette évaluation du travail politique des gouvernants crée une marge de manuvre dont les avantages auprès des bailleurs de fonds peuvent profiter aux pays qui seront désormais gouvernés.
En fait, lobjectif pour les dirigeants leaders à la recherche de visibilité est de créer un « contre-pouvoir » efficient ou de justifier de lexistence de celui-ci, doù toute la charge symbolique de la nature du qualificatif « indépendant ». Cette structure sapparente à une agence de contrôle du cercle au pouvoir dautant plus que désormais lévaluation des gouvernants échappe à la population. A ce titre, elle représente, par un « coup de force symbolique » selon lexpression de Braud, la population africaine. Mais ne peut pour autant être son « fondé de pouvoir » nayant pas été élu par ce peuple. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le PIPE en tant que « contre-pouvoir » tire sa légitimité du pouvoir qui la désigné, il est censé être le juge. Dans tous les cas, lobjectif de cette structure est de parvenir à évaluer uniquement tous les Etats parties au 3 peer review3 et non au NEPAD en assurant l indépendance, le professionnalisme et la crédibilité du processus d évaluation. La moitié des pays africains ont adhéré à ce mécanisme d évaluation. Le PIPE dispose dans le cadre de son rôle de l évaluation de ces pays africains qui ont fait officiellement le choix de souscrire par leur acte dadhésion au mécanisme africain dévaluation par les pairs avant le sommet de lUnion africaine à Khartoum qui sest déroulé les 23 et 24 janvier 2006. En juillet 2008, 29 pays ont volontairement adhéré au MAEP en signant le protocole dentente. Il sagit de : HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Burkina_Faso&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhj8FtB7qiW_ZWGKEkDiObWXn2lcZA" \o "Burkina Faso" Algérie, Burkina Faso, Congo Brazzaville, HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Ghana&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhgaJed2ZbR52CRB7zDKfwMRO019Bg" \o "Ghana" Ethiopie, Ghana et HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Kenya&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhgq-KUnoZIh1cP6MjtR4--t4oko4g" \o "Kenya" Kenya (mars HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/2003&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhiAg5_dwbr-_BoeVCEtvPk6Ou_Tqg" \o "2,003" 2003), HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Cameroon&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhiVrInLi6xhr77dHMqPnltEtSarvg" \o "Cameroun" Cameroun, Gabon HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Mali&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhhh47pMYDt_cDh7kVzhFNGb_yjoQQ" \o "Mali" et Mali (avril et mai HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/2003&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhiAg5_dwbr-_BoeVCEtvPk6Ou_Tqg" \o "2,003" 2003) ; HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Mauritius&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhh6rJQ_mjhEKbWTQ3wD0H56ux4z2Q" \o "Maurice" HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Mozambique&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhg0X_yqwtzBi-tV-S--i-4DFRV5bA" \o "Mozambique" Maurice, Mozambique, HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Nigeria&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhjNyIKIViMeXqvVQBdjQId1KMspVA" \o "Nigeria" HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Rwanda&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhjswbk6FLAPzjYzyerOelS0TUHqLw" \o "Rwanda" Nigeria, Ouganda, Rwanda, HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Senegal&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhiYNgI7QascuRZxNiZtL1-mtUFCNQ" \o "Sénégal" HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/South_Africa&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhg0ezXrSVYvV9V6cZB1TEmVONZKQg" \o "Afrique du Sud" Sénégal, Afrique du HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Uganda&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhg9elb_38tS9gJDxg0JPe-aA2WsyQ" \o "Ouganda" Sud, HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Egypt&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhiSyGqBw4gHVvJ-eKxl-FRlsSmE9w" \o "Egypte" HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Benin&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhiJjJqoztZD1GgmLCaExZoX5eHZSA" \o "Bénin" Egypte et Bénin (mars HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/2004&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhjiP52Dirxg0XTjdiabS611uGxcBA" \o "2.004" 2004), Malawi, HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Tanzania&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhiUeYCNC9eDYx2UojiMDqjSJqzhIQ" \o "Tanzanie" HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Lesotho&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhg773akQKcwFim8MfDRknFG2y85KQ" \o "Lesotho" Lesotho, HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Angola&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhhcmXOYVGzkh837bjFVSeVq4i1A7w" \o "Angola" Tanzanie, Angola HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Sierra_Leone&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhiHMCyudhDTl-xv1wynLdDDVNWLkw" \o "Sierra Leone" et Sierra Leone (juillet HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/2004&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhjiP52Dirxg0XTjdiabS611uGxcBA" \o "2.004" 2004) ; HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Sudan&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhhYrzVfsRzNLJFzreYsVdpjrgPZbw" \o "Soudan" Soudan et Zambie (janvier HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/2006&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhjxj8ntKmvjKjhEeu5wmWjoj5LxgQ" \o "2.006" 2006) ; HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Sao_Tome_and_Principe&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhgnVmKmbYhBnWwECeEr3-NsGHdB-A" \o "Sao Tomé-et-Principe" Sao Tome-et-Principe (janvier 2007) ; Djibouti (juillet 2007), HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Mauritania&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhiaaAtvlkO8vxPDCbR5ooVWm0uKOQ" \o "Mauritanie" Mauritanie (janvier 2008) HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Togo&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhipPIRWD5XLzjv7PipYZrzyZNXZXg" \o "Togo" et Togo (juillet 2008). Cest donc plus de la moitié des 53 pays de lUA.
Depuis sa création en 2003, le Panel du MAEP a lancé des évaluations dans 13 pays et dépêché des missions dévaluation dans cinq pays : en 2005 au Ghana, le Rwanda, le Kenya, en 2006 en Afrique du Sud et en Algérie. Les Pays qui nont pas encore adhéré au MAEP sont les suivants : Botswana, Burundi, Cap-Vert, République centrafricaine, Comores, Côte dIvoire, République démocratique du Congo (RDC), Erythrée, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Libéria, Libye, Madagascar, Maroc, Namibie, Niger, Seychelles, Somalie, Swaziland, Tchad, Tunisie et Zimbabwe. Parmi ces pays non signataires du MAEP, 5 sont membres du NEPAD : Botswana, Libye, RDC, Tunisie et Zimbabwe.
En effet, des évaluations par les pairs au niveau des chefs dEtat ont été menées dans plusieurs pays entre 2004 et 2006. Les rapports sur les missions en Algérie et en Afrique du Sud sont presque achevés et ont été présentés au Forum de lEAP en juillet 2007. Pour répondre aux inquiétudes apparues concernant la lenteur des progrès du MAEP, les activités du mécanisme se sont de plus en plus centrées sur les processus et les évaluations au sein des pays. Le plan de travail du MAEP pour 2007/2008 prévoyait de mener les activités suivantes :
* 5 missions de reconnaissance : Angola, Cameroun, République du Congo, Sao
Tome-et-Principe et Gabon ;
* 6 missions de suivi : Burkina Faso, Malawi, Ile Maurice, Mozambique, Nigeria et
Tanzanie ;
* 6 missions de soutien au niveau des pays : Egypte, Ethiopie, Sénégal, Sierra
Leone, Soudan et Zambie ;
* 4 missions dévaluation du pays : Bénin, Mozambique, Nigeria et Ouganda ;
* 3 missions post-évaluation : Ghana, Rwanda et Kenya.
Outre les activités précédentes visant à faire avancer le processus au niveau des pays, le plan de travail 2007 accordait aussi la priorité à la mise en uvre de certaines activités essentielles au succès du MAEP. Jusquà présent, des évaluations ont été menées au Ghana, au Rwanda, à lIle Maurice, au Kenya, en Ouganda et au Nigeria. Mais seuls les rapports du Ghana et du Rwanda ont été rendus publics. Le constat quon peut faire à ce niveau, cest que les principaux Etats initiateurs du G5 que sont les acteurs « producteurs » ont paradoxalement fait adhérer un an après certains « Etats » dits « participants ».
En fait, il revenait aux principaux acteurs de faire adhérer à leur croyance des pays qui, à lorigine nétaient pas associés au projet. Ce qui permettait de créer une dynamique pour parvenir à rallier dautres Etats qui étaient dans lhésitation. Cest cette légitimité que leur a conféré les Etats « consommateurs » ou « partcipants » qui a permis lors du Sommet de Khartoum de donner loccasion à trois nouveaux pays qui avaient exprimé leur intention de participer au MAEP, Sao Tomé-et-Principe, le Soudan et la Zambie, dadhérer officiellement au MAEP. Il reste que plusieurs pays nont pas toujours accepté cette « machine de légitimation » et ne peuvent être soumis à un quelconque examen du PIPE. Ils ont préféré privilégier les instruments de contrôle déjà existants dans le continent ou les mécanismes des institutions financières internationales. Cest le cas du Botswana.
Le constat que lon peut faire à ce niveau et qui doit interpeller lattention des observateurs, cest le refus dun pays réformiste comme le Botswana qui a pourtant souscrit au NEPAD mais a remis en cause le mécanisme dévaluation en raison de sa faible valeur ajoutée. Pire encore, ce sont des Etats membres de la SADC aux côtés de lAfrique du Sud, à lexemple du Zimbabwe, jugeant très impériale la vision continentale imprimée par leur voisin dans la relation au pouvoir. Ceci revient à dire que la mission du PIPE reste limitée aux seuls Etats adhérents au MAEP et non nécessairement au NEPAD. Et le panel ne peut sélectionner et choisir les institutions et les personnalités devant évaluer les problèmes de gouvernement que dans les pays du MAEP. Or, lorsquon parle du NEPAD, cest bien des problèmes de gouvernement de toute « lAfrique plurielle » quil est question. Lefficacité de la solidarité africaine ne peut dépendre que de lunion de tous les Etats. Il en va ainsi pour la légitimité du PIPE qui ne devrait dépendre que de la population dont il est censé assurer le rôle de « contre-pouvoir » dans la recherche des solutions les plus appropriées pour lamélioration des conditions de vie. Et seule leur désignation par les élections pluralistes peut les rendre puissants et partant, le mécanisme dévaluation.
2.1.2. Biographies des experts africains : carrières
Les trajectoires scolaires, professionnelles et la socialisation politique sont des éléments pertinents pour comprendre doù viennent ces hommes et femmes qui constituent ce groupe ainsi que les motifs internes ou externes qui ont présidé à leur désignation. Ici, laccent sera mis sur les carrières. Cette notion de « carrière » est empruntée à la tradition interactionniste de la sociologie. Lavantage de cette approche est double. Elle permet dexpliciter les rôles des experts à partir des processus et des contextes. Ce qui peut concourir à apprécier de manière différente les situations et processus politiques au moment de leur cristallisation en tenant compte des caractéristiques professionnelles des individus, et selon les configurations plus générales de laction collective des pays dans les organisations. De ce point de vue, la notion de carrière amène à questionner sur les trajectoires antérieures ainsi que les conditions démergence des organisations, le choix dune cause plutôt quune autre. Ici, la description sommaire des trajectoires sattache aux membres du PIPE en dégageant les points saillants des parcours des six acteurs des générations différentes.
En effet, le mécanisme africain dévaluation des pairs est devenu une réalité depuis la désignation du groupe des personnalités ci-après : Bethuel Kiplagat (Kenya/Afrique orientale-président), Dr Dorothy Njeuma (Cameroun/Afrique centrale-vice présidente), Dr Graça Machel (Mozambique/Afrique australe-membre, dirigeant le processus de revue du Kenya), Pr. Adebayo Adedeji du Nigeria (Afrique occidentale-membre), Marie-Angélique Savane (Sénégal/Afrique occidentale-membre), Dr Chris Stals (Afrique du Sud/Afrique australe-membre) et Mourad Medelci, dernière personnalité initialement désignée et remplacée finalement par Pr Mohamed Seghir Babés (Algérie/Afrique du nord-membre).
Sur le plan individuel, tous ces acteurs ont des engagements antérieurs au sein des organisations internationales et leur désignation reste fondamentalement déterminée par une contrainte externe atomisant la dynamique collective locale du NEPAD. Cest donc à partir de lobservation et de létude de leurs expériences quon va tenter dexpliciter le recours à cette légitimité des experts.
Une étude sociologique de ces personnalités permet de les présenter pour savoir qui sont-elles afin de comprendre les conditions de leur désignation. La nécessité de tracer succinctement leur parcours et dinsister sur le rôle exact de ces experts de la gouvernance extérieure, permet aussi délucider le type de relations qui les lient à ceux qui les nomment plutôt que de les faire élire par la population. Ce qui traduit paradoxalement des rapports de coopération/allégeance et de concurrence/transparence entretenus avec les gouvernants. Aussi est-il nécessaire déclairer lopinion publique sur la « parole autorisée légitime » issue des rapports dévaluation des experts et celle des gouvernants évalués dans lespace public africain.
Tous ces membres du PIPE sont dorigine africaine et disposent dans le cadre de leurs carrières professionnelles respectives dune expérience continentale incontestable dans les domaines retenus pour les activités du MAEP (gouvernance politique, management macro-économique, management financier et gouvernance des entreprises). A cette dimension technocratique sajoute une dimension idéologique dans le choix des dirigeants. Aussi, semble t-il, ces personnalités sont reconnues (bien entendu par ceux qui nomment et non par le peuple qui élit) dune haute intégrité morale, notamment par leur attachement à lidéologie du panafricanisme. A ce niveau, on peut retenir que la légitimité experte est justifiée par deux dimensions importantes : technocratique et idéologique. Nous allons donc retenir ces deux variables pour tenter de retracer la trajectoire professionnelle de chaque membre du panel afin de voir si véritablement ce parcours obéit aux conditions de désignation ou au contraire à un dédoublement par ceux qui désignent (acteurs leaders) des structures institutionnelles de pouvoir par des réseaux personnels. Notons tout de même dans une moindre mesure quune autre dimension a été intégrée. Il est prévu également une dimension de justice sociale dans le MAEP en ce que la composition du panel reflète léquilibre régional, légalité des sexes et la diversité culturelle.
Bethuel Kiplagat est diplomate de carrière dorigine kenyane. Il est surtout connu pour son implication dans le traité dEAC ( HYPERLINK "http://wikipedia.qwika.com/en2fr/East_African_Community" East African Community) pour lequel il a reçu des félicitations. En tant que secrétaire permanent au ministère des affaires étrangères dans les années 1980, il a travaillé inlassablement pour établir les relations du Kenya avec ses voisins. Cet homme de grande notoriété jouit dune aura dautorité. Après des études à la Sorbonne, Kiplagat a servi comme ambassadeur en France et haut commissaire au Royaume-Uni de 1981 à 1983. Bien quil ait abandonné la fonction publique, il a continué à travailler pour la réconciliation par le Conseil du monde des églises. Lorsquil devint « doyen des sages » des fonctionnaires du ministère des affaires étrangères, Kiplagat a entrepris un certain nombre dinitiatives en faveur de la paix au moment où les relations avec la Tanzanie, en particulier, étaient tendues. La frontière entre les deux pays avait été fermée pendant six années. La Tanzanie exigeait une compensation financière suite à leffondrement précipité de lEAC. Ce qui amena les présidents Arap Moi du Kenya et Julius Nyerere de la Tanzanie à engager des pourparlers. Et Kiplagat fut le nouvel homme fort de léquipe dans les négociations, lui qui, contrairement à dautres négociateurs qui adoptaient une ligne dure, préconisait la réconciliation. Ce qui a permis de parvenir à un accord et la frontière fut ouverte.
Aujourdhui, plus de 30 pour cent du commerce extérieur Kenyan est assuré par son voisin, la Tanzanie et les deux nations coopérèrent désormais sur divers dossiers, notamment environnementaux, dans le cadre de la gestion de la préservation de la nature de Mara de masaïs sur les plaines de Serengeti. Ce travail de réconciliation a permis daccroître la stature de lambassadeur Kiplagat. Ce dernier sest également fait remarquer lors de ses premières expériences avec le Conseil kenyan des églises en qualité de député général en 1971.
En effet, lors de lexpulsion de milliers dAsiatiques dOuganda entre 1968-1969, par le Président Idi Amin beaucoup se sont déplacés vers le Kenya. Cest dans ce cadre que le Conseil des églises, par le truchement de Kiplagat, sest chargé de trouver des solutions entre les Africains et les Asiatiques. Il sagit donc dun homme de paix qui a brillé sur la scène internationale dans lactivité diplomatique de médiation, notamment lorsquil fut ambassadeur en France en 1978 il a permis de réactualiser les relations autrefois en « veilleuse » entre le Kenya et la Somalie, permettant la signature dun accord sur les frontières entre le Kenya et Mogadiscio. Dans la même perspective, en 1987, Kiplagat a aussi brillé par une approche inattendue de Nairobi lorsquil visitait la « Diaspora » aux Etats-Unis. Il a permis limplication du Kenya dans les négociations dun cessez-le-feu dans la guerre civile au Mozambique, entre le gouvernement et les rebelles de la Renamo qui sétaient installés aux commandes de certaines parties du pays. La première réussite de Kiplagat a été de faire en sorte que le président mozambicain Joachim Chissano se rende dans Maputo, en vue dun cessez-le-feu avec les rebelles de la Renamo (soutenue par lAfrique du Sud et le régime blanc de Rhodésie). Ce travail de diplomatie active a permis à Kiplagat de capitaliser une certaine rente charismatique dans les « activités de médiation ». Ce qui lui a valu certainement la nomination au poste denvoyé spécial pour la Somalie et médiateur en chef des discussions de paix inter-somaliennes à Eldoret (ouest du Kenya). Cest dans ce cadre que M. Kiplagat, expert des affaires est-africaines, a été désigné parmi les évaluateurs du PIPE du « mécanisme africain dévaluation par les pairs » dont il assure la Présidence.
Dorothy Njeuma a fait des études de zoologie à Londres et aux Etats-Unis dans les années 1970. De retour dans son pays dorigine, le Cameroun, elle a débuté sa carrière dans lenseignement à la faculté des Sciences de luniversité de Yaoundé. Cest ainsi quen 1975, avec larrivée des femmes au gouvernement, elle fut cooptée par le pouvoir en place pour assumer la fonction de vice-ministre de léducation nationale. Dans le cadre de ses nouvelles attributions, elle a participé à la conception et à la formulation de la politique publique de léducation au niveau de lenseignement supérieur. Cette fonction gouvernementale occupée pendant près dune décennie lui a permis de mettre en place le certificat général des examens de léducation (CGE) et de travailler en étroite collaboration avec lUnesco. En 1988, elle a été nommée directeur général du centre duniversité de Buea, qui s'est spécialisé dans la formation des traducteurs et des interprètes. Quand cet établissement a été transformé en véritable université d'expression anglaise en 1993, elle est devenue son vice-président ; université quelle a réussi à développer par une gestion rigoureuse en dépit des difficultés financières graves. Ce qui lui permis vraisemblablement daccéder aux fonctions de rectrice de luniversité de Yaoundé I, vice-président du conseil exécutif de lassociation des universités africaines, membre du Forum pour les éducatrices africaines de femmes, membre de lOrganisation des femmes scientifiques du tiers monde et membre du Panel africain des experts de lévaluation au MAEP.
Au nombre des personnalités, Graça Machel a la particularité davoir été en union maritale (lépouse) avec deux anciens « grands chefs dEtat africains » qui ont brillé par la cohérence et la rigueur dans ladministration des affaires au sein de leurs pays respectifs ainsi que dans la défense des ambitions panafricaines. En effet, alors quelle poursuit des études à lUniversité de Lisbonne, Graça Simbine soutient le Front de Libération du Mozambique (Frelimo) dans sa lutte contre le joug portugais qui déclara forfait en 1975. Veuve de lancien président du pays quelle représente au sein du panel, cest-à-dire, le Mozambique, Graça a été la femme de Samora Moisés Machel ( HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/29_septembre" \o "29 septembre" 29 septembre HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1933" \o "1933" 1933, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Chilembene&action=edit" \o "Chilembene" Chilembene, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Mozambique" \o "Mozambique" Mozambique - HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/19_octobre" \o "19 octobre" 19 octobre HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1986" \o "1986" 1986, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Mbuzini&action=edit" \o "Mbuzini" Mbuzini, HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_du_Sud" \o "Afrique du Sud" Afrique du Sud), HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Homme_politique" \o "Homme politique" homme politique mozambicain, membre du HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Frente_de_Liberta%C3%A7%C3%A3o_de_Mo%C3%A7ambique" \o "Frente de Libertação de Moçambique" Frelimo et HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9sidents_du_Mozambique" \o "Présidents du Mozambique" premier président du Mozambique indépendant entre HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1975" \o "1975" 1975 et HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/1986" \o "1986" 1986. La femme de Machel, Graça Machel, ancienne ministre de léducation de la Culture en 1983, se remariera ultérieurement (en juillet 1998) avec le HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9sidents_d%27Afrique_du_Sud" \o "Présidents d'Afrique du Sud" Président sud-africain HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Nelson_Mandela" \o "Nelson Mandela" Nelson Mandela. Devenant lune des plus puissantes voix anti-apartheid du Mozambique, Madame Machel sengage en faveur dune éducation universelle et parvient à faire considérablement reculer le taux danalphabétisme malgré une guerre civile écrasante. Militante pour les droits des femmes et des enfants, présidente de la fondation pour le développement communautaire, Graça Machel est fervente engagée des droits des femmes et des enfants et dont la stature est internationale. Elle mène des actions politiques et sociales depuis plusieurs décennies, notamment à la Fondation pour le développement communautaire, organisation mozambicaine à but non lucratif quelle a créée en 1994.
Au cours de la même année, le Secrétaire général des Nations Unies lui confie, en tant quexperte indépendante, une mission détude sur lévaluation de limpact des confits armés sur les enfants. En 1996, la présentation de son rapport est bien appréciée et mène à la définition dun nouvel agenda au concept novateur, visant à garantir la protection absolue des enfants mêlés à la guerre, en modifiant les politiques et les pratiques des gouvernements, des agences de lONU et de la société civile nationale et internationale.
Au fil des ans, les réussites de Graça Machel ont été reconnues à léchelle internationale. Ce qui lui a valu dêtre lauréate en 1992 du « Prix Leadership Afrique pour lélimination permanente de la faim », décerné par le Hunger Project, et sest vue remettre en 1995 la médaille Nansen, en reconnaissance de sa contribution au bien-être des enfants réfugiés. LInter Press Service lui a remis le prix international Achievement Award pour son travail en faveur des enfants dans le monde. Elle a également reçu le prix Distinguished Humanitarian Service Award décerné par Africare ainsi que le Prix nord-sud du Conseil de lEurope, entre autres.
Cest dire que Graça Machel a travaillé au sein des conseils de direction de nombreuses organisations internationales, notamment celui de la Fondation de lONU, du Forum des éducatrices africaines, de lAfrican Leadership Forum et de lInternational Crisis Group. Par ailleurs, elle est devenu en 2006 membre dune organisation internationale, lAfrica Progress Panel, mécanisme indépendant et officiel composé de membres éminemment compétents et expérimentés veillant au respect des promesses faites à lAfrique, créé par Tony Blair. Lancien Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan est le Président de cette structure. Aujourdhui lépouse de Nelson Mandela, Graça Machel est lune des figures emblématiques du continent africain. Ambassadrice de lUnicef, elle est également Présidente de la commission nationale de lUnesco au Mozambique et siège dans de nombreuses organisations à travers le monde.
Le Professeur Adebayo Adedeji, de nationalité nigériane, est un analyste respecté et un homme daction, avec une vision très claire des problèmes économiques et politiques du monde en général, et de lAfrique en particulier. Il est lun des plus importants partisans de l'intégration régionale. Au début des années 1970, en qualité de commissaire fédéral au développement économique du Nigeria, il a joué un rôle de premier plan dans les négociations qui ont mené à la création de la Communauté économique des Etats de lAfrique de lOuest (CEDEAO). Au poste de Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour lAfrique (CEA) de 1975 à 1993, il a ensuite activement soutenu la formation dautres alliances régionales, dont lAccord de commerce préférentiel (ACP) qui est par la suite devenu le Marché commun de lAfrique orientale et australe (COMESA). Après un doctorat en Economie, consolidé par un Master en Administration publique, il devient, à 36 ans, en 1966, professeur à lUniversité dIfe (maintenant université dObafemi Awolowo, dIfe-Ife, du Nigeria). En 1971, il entre dans le gouvernement fédéral avec le portefeuille du Développement et de la Reconstruction post-guerre civile. A ce titre, il est le fondateur du « Nigeria Youth Service Corps » dont il a été président.
Dans le registre diplomatique, il est lun des concepteurs de la communauté économique des Etats de lAfrique de louest (CEDEAO) créée en 1975. Cette réussite na certainement pas été étrangère à son accession en 1975 à la fonction dassistant du Secrétaire général des Nations Unies et de Secrétaire exécutif de la Commission économique des nations unies pour lAfrique. Trois ans plus tard, en 1978, il accède à la fonction de sous secrétaire général de lONU, quil a exercée durant 16 ans. Tout au long de cette carrière dans la haute administration internationale, le Professeur Adedeji a mené des actions dune importance capitale, surtout pour le continent africain. Ainsi, durant la crise économique des années 1980, il a déployé dintenses efforts, en tant que Représentant spécial du secrétaire général des nations unies. Après sa retraite des nations unies en 1991, il entame ce que lon peut appeler une nouvelle vie professionnelle. Ainsi, il crée lAfrican Center for Development and Strategic Studies qui vise à fournir et à promouvoir des moyens de combattre la marginalisation à différents niveaux de la grande majorité de la population africaine. On peut dire sans exagérer que lACDESS constitue un centre dexcellence en matière de recherche pour le développement. Chacune des publications quil a éditées constitue une référence qui établit un diagnostic affiné et un guide d'action pour comprendre « lhistoire et les perspectives de l'intégration régionale en Afrique ».
Marie-Angélique Savané, épouse dun dirigeant de lopposition sénégalaise du mouvement pour le socialisme et lunité, Landinga Savané, 58 ans est une militante politique HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9n%C3%A9gal" \o "Sénégal" sénégalaise. Figure bien connue de la vie intellectuelle sénégalaise, cette féministe a fait sa carrière au sein des Nations Unies et fondé la revue africaine Famille et développement. Plusieurs fois sollicitée pour entrer au gouvernement sénégalais, elle a toujours préféré uvrer à lintérieur dassociations ou de commissions diverses. Son charisme et sa personnalité en font lune des femmes les plus remarquées sur la scène féministe internationale. Elle a longtemps travaillé pour des organisations non gouvernementales puis pour les Nations Unies. Elle est aujourdhui membre du groupe déminentes personnalités qui surveillent lexécution du mécanisme africain dévaluation par les pairs (MAEP), dans le cadre du NEPAD. Marie-Angélique Savané est directrice de la division Afrique du Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population, à New York. Sociologue de formation, elle a été auparavant conseillère spéciale auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, à Genève, de 1990 à 1992, et vice-présidente de la Société Internationale pour le Développement, à Rome, de 1985 à 1988. Fondatrice et ancienne rédactrice en chef de la revue africaine « Famille et Développement », qui jouit dune large diffusion en Afrique francophone, elle a travaillé dix ans comme chef déquipe à linstitut de recherche des Nations Unies pour le développement social, à Genève. Elle a fait partie de plusieurs comités, commissions et associations dont la Commission indépendante pour la gouvernance mondiale et la « South Commission ».
Dr Chris Stals, banquier principal de lapartheid et afrikaner est né le 13 mars 1935 à Germiston en Afrique du Sud. Il a entrepris ses études à Hoërskool Ermelo and Afrikaans Hoërskool Germiston jusquen 1953, études quil a poursuivies à luniversité de Pretoria. Il a obtenu successivement plusieurs diplômes, parmi lesquels un Bachelor, un Master et un Doctorat en commerce en 1968. Il a passé la grande partie de sa carrière professionnelle à la South African Reserve Bank puis il fut député en avril 1976. Par ailleurs, il a occupé les fonctions de Directeur général du département des Finances de la république sud-africaine en septembre 1985. En mai 1989, il a été Conseiller économique au ministère des finances avant dêtre promu gouverneur de la South African Reserve Bank en août 1989. Une décennie passée, il quittera cette institution bancaire à sa retraite en août 1999. Titulaire de plusieurs distinctions honorifiques, il est membre de la société économique sud-africaine, de linstitut des banquiers de lAfrique du Sud, professeur honoraire des sciences économiques à luniversité de Pretoria et à luniversité dafrikaans (devenue université de Johannesburg) en Afrique du Sud. Il a également servi au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale de septembre 1985 jusquen août 1999. Il est actuellement le chancelier de luniversité de Pretoria. Au sein du PIPE il représente lAfrique australe. Lopinion publique sud-africaine et les membres du Congrès des syndicats sud-africains en particulier se souviendront de cet « irréprochable » Chris Stals, banquier influent de lapartheid et architecte du régime des taux dintérêts élevés ayant mis à mal léconomie dAfrique du Sud dans les années 1980. A la même période, il distribuait les deniers publics aux banquiers afrikaners pour relancer la croissance, à lexemple de la Trust Bank ou la Saambou Bank.
LAlgérien, Mohamed Seghir Babés, représente lAfrique nordique au PIPE. Il dispose dune expérience étendue dans le domaine de ladministration publique. Il a passé lessentiel de sa carrière professionnelle dans le domaine économique et social à diverses positions de haut niveau, notamment comme directeur général de la sécurité sociale, secrétaire général au ministère de la protection sociale, président du conseil dadministration de « fonds de participation », représentant du gouvernement dans le domaine de la réforme économique avant dêtre promu ministre de la santé et de la population. Il a été également conseiller du Président de la République, particulièrement dans le secteur social jusquen 2005 puis élu Président du Conseil économique et social national en juin 2005. Dans le cadre universitaire, il est conférencier et chercheur associé dans les études internationales à linstitut des hautes études québécois de luniversité de Laval au Québec. Désigné au PIPE, il remplace Mourad Medelci, initialement nommé et qui est actuellement en fonction au cabinet du président algérien.
Cest un groupe homogène dont les membres justifient pour la plupart détudes supérieures de haut niveau et dans des universités occidentales connues pour leur sérieux. A la lecture de leur biographie, les membres du PIPE possèdent tous un diplôme de troisième cycle. On remarque particulièrement quils sont pour lessentiel des docteurs. Ce qui confirme leur choix en tant quexpert. Ils bénéficient en commun dun certain nombre datouts : autonomie des individus, polyvalence des qualifications, neutralité professionnelle et politique. Lexpertise est un domaine réservé aux élites intellectuelles. Et dans le cas africain, le domaine politique a toujours été celui des diplômés. Cette élévation du niveau scolaire de toutes ces personnalités nées dans les années qui ont précédé les indépendances peut sexpliquer par le rôle joué par ladministration coloniale qui avait besoin de cadres dun niveau scolaire qualitatif contrairement à celui qui prévalait avant cette génération dintellectuels. Cest dans cette perspective par exemple que les colonisateurs soutenaient les jeunes Africains en leur octroyant parfois des bourses pour suivre des études en Occident. Cest le cas du Fonds dinvestissement pour le développement économique et social, conçu à la base comme un plan Marshal pour lAfrique et qui avait permis la construction dun personnel qualifié pour gérer les établissements secondaires qui voyaient le jour dans la région africaine. Labsence duniversités permettait ainsi aux meilleurs dentre eux dobtenir des bourses de ladministration coloniale et de parfaire leur formation dans des universités en France, à Londres, aux Etats-Unis, etc. Cette politique de formation dans toutes les colonies aussi bien anglophones que francophones, permettait à la fois de doter les Africains dun personnel compétent en même temps quelle préparait le lit pour le contrôle par ces diplômés des anciennes colonies. Cest dans ce sens quils ont été en partie formés selon la tradition française et anglaise. Les filières de formation sont également significatives. Les membres du PIPE ont été formés dans les domaines de léconomie et de ladministration publique, domaines réservés aux diplômés et nécessaires à la formation des cadres pour la gestion administrative et de la chose publique.
Il en va de même pour la nomenclature des professions dorigine de ces experts africains pour la plupart universitaires (enseignants). Ils ont été pour lessentiel ministres, enseignants, fonctionnaires internationaux. Leur désignation peut obéir au droit naturel quont les intellectuels pour la gestion et lintérêt de la chose publique. La qualification leur confère symboliquement une légitimité sociale de représentation et dautorité. En Afrique, luniversité en tant que lieu du savoir est considérée comme le miroir de la société, cest-à-dire devant éclairer celle-ci. Il y a donc comme une délégation sociale inconditionnelle de représentation aux diplômés qui selon lexpression de Bourdieu, sont des « fondés de pouvoir » naturels de la société. Les fonctionnaires diplômés se présentent généralement comme les seuls capables de gérer laction publique. Leur pouvoir dinfluence est rendu légitime par le fait quils sapproprient les sphères de souveraineté de lEtat et érigent leur conquête en monopole, en développant un discours auto-légitimant autour du vocable de la compétence, de la neutralité, du service public et de lintérêt général, sans pour autant jamais entrer en compétition directe avec les détenteurs légitimes du pouvoir politique. Les membres du panel ont été socialisés politiquement dans les milieux du pouvoir. Cest pourquoi ils ont tous appartenu aux cercles de souveraineté. Leur proximité avec le pouvoir et donc avec les dirigeants actuels et acteurs du NEPAD est évidente non pas en raison de leurs seuls services mais aussi à cause de leur loyauté politique pour avoir exercé des fonctions importantes dans leurs pays respectifs, tels que membres du gouvernement ou décideurs institutionnels (Directeur général, Responsable duniversité ou conseiller).
Par ailleurs, larchitecture de ce panel se présente sur un arrière fond géopolitique de puissance. Sur les cinq sous-régions que comptent le continent, on peut constater que les membres influents du NEPAD, cest-à-dire les acteurs leaders, sont les mieux représentés non pas à cause de leur poids démographique ou leur étendue territoriale mais vraisemblablement à cause de leur suprématie aussi bien militaire, économique que politique. Cette configuration tend à justifier la suprématie de lacteur « producteur » quest lAfrique du Sud qui se retrouve avec deux représentants à savoir Chris Stals et Graça Machel. Cette dernière représente le Mozambique mais demeure tout de même très attachée à lAfrique du Sud dont elle fut lancienne première dame. A ce tire, il le pouvoir sud-africain réussi à maintenir son monopole sur toutes les institutions rattachées au NEPAD.
De plus, les membres du panel ont exercé pour la plupart des fonctions internationales, notamment auprès de lONU. Cest dire que les compétences et les engagements fussent-ils reconnus certes, nous sommes tout de même en présence dune stratégie diplomatique active de mobilisation de réseaux dinfluence personnels. Ce dautant plus que tous les membres du panel dit « indépendant » ont, chacun en ce qui le concerne, une proximité avec les milieux du pouvoir. Ils ont contribué pour une large part à la rédaction du programme économique du NEPAD aux côtés du collaborateur le plus immédiat de Thabo Mbeki en la matière.
En outre, on ne peut nier ici le soutien, de Mme Machel à lANC - notamment pour son combat contre lapartheid aux côtés de son ancien mari - mais aussi au pouvoir sud-africain de Nelson Mandela. Cest vraisemblablement le prix de la reconnaissance des personnalités importantes qui ont participé à la légitimation internationale de ce projet. A travers Graça Machel, on peut aussi lire la caution morale de Nelson Mandela au mécanisme. Parmi les acteurs « nouveaux » des politiques de développement, disposant dune légitimité particulière, mais certaine, dans le processus de fabrication des politiques publiques, figurent les experts.
Dans le cas despèce, en matière de professionnalisme, ceux-ci ont brillé par une redoutable efficacité qui est dautant plus internationale, leur conférant ainsi le statut de « prêt à légitimer » ou de « cautionnaires morales » auprès des acteurs africains ainsi que des institutions internationales. Ce groupe tend à conforter lidée « dun panel dépendant des personnalités éminentes » grâce aux rapports de proximité, de collaboration ou de loyauté avec les dirigeants et le rapport à lexistence dune dynamique véritable autour de leur indépendance est infructueuse car lindépendance renvoie aussi bien aux relations de collaboration certes, mais les rapports de compétition politique et de concurrence doivent avoir également tout leur sens.
2.1.3. La cohabitation générationnelle, entre revendication de lauthenticité et ouverture à lOccident
Pris collectivement, le groupe des experts africains peut sexpliquer à partir de la variable générationnelle. Ils appartiennent à une génération de deux moments singuliers qui ont marqué lhistoire de lAfrique : la colonisation et lindépendance. Cette cohabitation dhommes et de femmes, reposant sur la parité, peut être appréciée à partir de la synthèse de Pierre Favre, entre approche événementielle et approche sociologique, qui nécessite dappréhender cette génération dexperts comme la révélation dune « génération potentielle à partir dun événement générateur ou révélateur ». Ramenée à notre travail, cette affirmation permet didentifier une génération de technocrates, issus dun environnement marquant, désignés en référence à celui-ci, aussi bien au plan interne quà lextérieur, et auxquels ils se réfèrent. Ce qui permet à ces derniers de se repositionner dans une sorte de continuité historique pour donner sens à leur action, voire même de justifier leur légitimité.
Cette référence à lhistoire permet de saisir le jeu autour du choix porté sur ces experts et la temporalité dans laquelle se placent les acteurs contemporains. Ici, la filiation interne sexprime par la référence implicite à lhistoire coloniale et post coloniale.
Il y a donc lieu de parler dune certaine revendication de lauthenticité. En revanche, cette filiation en externe se caractérise par la référence faite à loccident, à partir du modèle des organisations internationales, cest-à-dire de lexpertise de la gouvernance extérieure. Il sagit dun environnement dans lequel ces évaluateurs ont évolué, ils admirent les pratiques, et veulent inscrire leur action dans la continuité du travail quils ont mené au sein des organismes internationaux. Lexpertise africaine sinscrit par référence au modèle dévaluation des pays dans le système international. Il y a donc un lien filial entre les experts africains et les institutions de la communauté internationale.
En effet, la caractéristique commune de ces experts est quils ont eu un passé dans les organisations internationales est quils ont pour lessentiel pris part à des actions importantes dans lespace politique de leurs pays respectifs. Confrontés à des régimes injustes, et ayant parfois essayé de faire entendre leur voix dans des postures dopposition, ces personnalités se sont affirmées dans les organisations des Nations Unies. Leurs trajectoires ont été largement déterminées par lextérieur, engendrant des pratiques quasi similaires. Cest donc à cette logique densemble de formation dans les universités du nord et à leurs trajectoires dans les carrières internationales quils doivent leur nomination au sein du panel. Quoi quon dise, il sagit délites très extraverties et très occidentalisées qui ont en commun la compétence et la connaissance des dossiers.
Ces acteurs institutionnels sidentifient à la fois à partir dune certaine revendication de lauthenticité africaine tout en étant ouvert à loccident. Cette situation est la caractéristique du phénomène de la mondialisation. Les élites contemporaines appartiennent à des réseaux personnels et professionnels qui permettent la diffusion internationale de nouvelles politiques et dinstitutions étatiques plus conformes aux exigences du marché international et dune hégémonie politique des instances internationales européennes (OCDE/CAD) et américaines (ONU, FMI et Banque mondiale). Les promoteurs du NEPAD sappuient sur cette connaissance bureaucratique internationale pour désigner les membres du PIPE, contribuant ainsi à légitimer les politiques néolibérales et limpérialisme symbolique occidentale antagonique et complémentaire à cette nouvelle civilisation africaine. Cet idéalisme politique et social des acteurs se nourrit dune certaine désaffiliation en interne, qui consiste à dénoncer implicitement les abus dune catégorie de vieux dirigeants au pouvoir en endossant le costume de « nouvelle garde politique » au pouvoir réclamant le « bon gouvernement ». Sur fond de modernité politique, cette nouvelle « machine de légitimation » a pour corollaire la restructuration africaine des champs locaux de pouvoir par des technocrates héritiers de la culture bureaucratique onusienne. Cest donc aussi en partie la situation interne qui a conduit les acteurs à sadapter et à participer à la nouvelle donne mondiale, doù ce repositionnement des dirigeants en référence à la situation internationale.
De façon générale, leurs trajectoires qui se dressent sur un arrière fond de technostructure sont le fait de générations successives dintellectuels africains. En dautres termes, les leaders du NEPAD ont créé un espace daction quils sapproprient. Les experts à la tête de lévaluation des actions gouvernementales de plusieurs pays gèrent en collaboration avec les responsables du programme et non les populations africaines, qui du suffrage universel en politique, sont censeés en théorie contrôler lactivité réelle de ce panel des experts qui disposent dun référentiel de valeurs communes ainsi que la production et la diffusion dun discours légitimant. A ce titre, on peut parler dune idéologie technocratique ou dune légitimité de lexcellence.
2.1.4. La contrainte dinspection interne : production normative et critique de « nouveaux universaux »
Dans lanalyse institutionnelle, les institutions se construisent à partir des jeux dacteurs. Les premiers sont inséparables des seconds et inversement. Les néo-institutionnalistes insistent sur le fait que les acteurs sont contraints par les institutions et que celles-ci ne sont pas toujours respectées- les acteurs trichent en prenant beaucoup daise - non pas en raison dune faiblesse normative mais à cause de labsence de contre-pouvoirs. La mise en uvre du PIPE est une réponse au contrôle des normes. Dans lensemble, plusieurs objectifs sont recherchés dans lémergence du bon gouvernement, et donc dun idéal démocratique (richesse et liberté).
Lobjectif visé est de consolider un ordre constitutionnel politique dans lequel la démocratie, le respect des droits de lhomme, létat de droit, la séparation des pouvoirs et la réorganisation de ladministration avec une fonction publique efficace et une bureaucratie responsable doivent devenir des réalités concrètes devant rendre possible le développement durable, lintégration régionale et une société stable et égalitaire. Dans cette perspective, la performance dun Etat examiné peut être appréciée au regard de principes, critères et indicateurs de mesure très divers dans leur essence et leur portée. Ainsi, on peut tenir compte du degré dapplication de recommandations ou principes directeurs dans le cadre de lévaluation des performances gouvernementales dun pays. Cest la forme la plus courante de revue par les pairs. Cette surveillance des pairs peut être conduite à partir des domaines ou des thèmes précis. De même, plusieurs Etats peuvent être évalués au même moment à partir dun thème précis comme celui de « la lutte contre la corruption en vue du développement durable ». Celui-ci peut aussi être étendu à lexamen de la logique des mesures prises et de leur cohérence avec les politiques suivies par le pays lui-même. Ce genre dexercice est réalisé dans de nombreux domaines dactivité de lOCDE, notamment la politique économique, léducation, lenvironnement, lénergie, la réforme de la réglementation et laide au développement.
Par ailleurs, ces examens par les pairs peuvent aussi servir à surveiller le degré de respect des principes juridiquement contraignants telles que certaines normes internationales, notamment la convention de Lomé, le traité de lorganisation pour lharmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), le plan daction de Beijing de 1995 les codes de lutte contre la corruption des Nations Unies et de lUnion africaine, la déclaration solennelle de la conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération (CSSDCA). Cest ainsi que la convention relative à lélimination de la discrimination contre les femmes (CEDAW) sest dotée dun mécanisme dexamens réciproques pour évaluer les suites données par chacun de ses membres à ladhésion et à la ratification des instruments appropriés de protection des droits de la femme des Nations Unies et de lUnion Africaine, vérifier que la protection et la promotion des droits de la femme sont suffisamment inscrites dans la constitution et que la législation est en étroite conformité avec ces dispositions, répertorier les actions menées par les Etats pour assurer la protection et la promotion des droits de la femme dans la vie quotidienne avant denvisager dapprécier les résultats concernant lamélioration du statut des femmes dans ces différents Etats membres. Il sagit bien dindicateurs similaires à la méthode de travail de lOCDE quapplique le groupe de travail sur la corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales en procédant à lévaluation périodique de lapplication et du respect des principes de la convention de lOCDE sur la lutte contre la corruption dagents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Ces évaluations constituent un dispositif élaboré de contrôle qui est considéré comme un modèle intéressant pour le suivi et lamélioration du respect dautres obligations internationales.
Enfin, les examens par les pairs peuvent aussi avoir pour objet dapprécier le respect par un pays des règles résultant de sa législation nationale ou dinstruments internationaux auxquels il a souscrit en dehors du cadre du MAEP, à lexemple de la charte africaine des droits de lhomme et des peuples de 1981 ou de la convention de lOUA de 1969 relative aux réfugiés et la convention des Nations unies relatives aux réfugiés dans le souci de promouvoir et de protéger les groupes vulnérables, personnes déplacées et réfugiées. Des évaluations au regard de ces différents éléments peuvent être opérées dans le cadre de la même procédure dexamen. Il est retenu, entre autres, lacte constitutif de lUnion Africaine de 2000, la déclaration du Caire relative à la création, au sein de lOUA, du mécanisme pour la prévention, la gestion et la résolution des conflits (1993) ou le protocole relatif à la mise en place pour la paix et la sécurité de lUA (2002).
A ces différents organes, il faut ajouter la conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique (CSSDCA) en 2000, la déclaration sur le cadre de réaction de lOUA aux changements inconstitutionnels de gouvernement (1945), la charte des Nations unies de 1945, la déclaration et le plan daction relatifs au contrôle de trafic illicite et dabus des drogues en Afrique (2002), et enfin le document cadre du NEPAD (2001). Cest ainsi que le groupe de travail sur les performances environnementales fonde son appréciation des performances environnementales des différents pays sur les objectifs définis dans des lignes directrices - notamment la stratégie de lenvironnement pour les dix premières années du XXIème siècle de lOCDE - de même que sur des critères de référence et des lois et réglementations nationales et internationales.
Lors des séries successives dexamens réalisées dans le cadre de la même procédure, il est fréquemment fait référence aux conclusions de lexamen précédent. Les recommandations formulées et les problèmes pendants précédemment mis en évidence constituent une part importante des éléments permettant dévaluer les progrès accomplis et apprécier les évolutions et les réorientations intervenues. Cela permet en outre la constitution dun savoir collectif, pour le plus grand profit de tous les pays, à travers le recensement de pratiques optimales ou de politiques efficaces.
Une mise en perspective sociologique permet de rendre compte des indicateurs dévaluation retenus au-delà de leur diffusion sur le champ politique régional africain. En effet, les organisations internationales accordent un intérêt marqué aux indicateurs du fait de lévaluation des performances dans la recherche du « bon gouvernement ». Pourtant, importée, implantée et développée sur le continent africain, linstitution du « peer review », plus largement le fait évaluatif, marqué par lextranéité de ses origines, a fait lobjet dune appropriation à sens unique de la part des Etats. Ce qui peut traduire un déficit de légitimité de lévaluation des indices.
Linflation des indicateurs de mesure dans lévaluation des politiques publiques pourrait se justifier par labsence de la population dans la légitimation de la diffusion des résultats de la mesure. Aucun outil critique naccompagne cette diffusion ni aucune note ne précise les conditions de production et de construction des indices dévaluation et des mesures. Ce qui peut sexpliquer par les critères de validité de ces mesures, souvent repris et censés garantir lautorité des institutions qui les mettent à disposition dun large public. Ces critères ne tiennent pas devant les précautions dusage ordinaires de lanalyse scientifique des données. Outre ces critères, cest la finalité des opérations de mesure qui, tant dun point de vue méthodologique quépistémologique, mérite dêtre discutée.
En effet, la finalité des mesures est subordonnée aux besoins de la comparabilité de gouvernance entre pays et systèmes. Or, les indicateurs de mesures retenues au MAEP standardisent, mettent à niveau, égalisent et lissent les différences. Les deux critiques qui viennent dêtre formulées - diffusion de mesures sans association de la population et standardisation abusive pour des besoins de comparabilité - ne vont pas à lencontre de la mesure comme instrument dapproximation au sens fort du réel. La mesure en tant que telle devrait livrer une exploration du mode de gouvernement des systèmes politiques, constituant un instrument de connaissance indispensable ; mais elle est aussi, de façon contradictoire, un instrument au service de pouvoirs politiques et économiques. Le recours à une méthode définissant la mesure comme instrument contradictoire, à la fois instrument dexploration nécessaire du réel et instrument contingent à des rapports de force, oriente un questionnement dont voici les principales dimensions.
En matière de politiques publiques, le peuple est-il associé au pouvoir de mesurer dans le contexte africain ? Autrement dit, qui détient celui-ci dans le cadre de lévaluation africaine ? Quand les dirigeants africains ont donné naissance au NEPAD, ils ont désigné des diplomates ayant fait carrière dans les gouvernements et les institutions internationales et non pas des experts en statistique pour la composition de lorgane du PIPE. La mesure a alors accompagné le processus de planification de lévaluation suivant la voie dune sophistication. La nature des indicateurs de mesure et limpact de ces experts sur la définition des politiques publiques dans les pays dAfrique, à tous les niveaux, sont méconnus ; des enquêtes sont donc à prévoir en ce sens pour cerner le degré dautonomie de la production de mesures statistiques vis-à-vis du pouvoir politique et du pouvoir économique. Car la désignation dun objet susceptible dêtre mesuré et les raisons de son identification comme objet mesurable méritent autant dattention. La mesure des pratiques de gestion saine dans la recherche de lamélioration de la qualité des conditions de vie de la population doit être accompagnée dindicateurs davantage axés sur lévaluation dune effectivité du suffrage universel dans tout ce qui engage le peuple et des institutions : lexemple du droit daccès à la santé et à léducation pour toutes les populations. Encore une fois, le processus dinstitutionnalisation du 3 peer review3 en Afrique a connu des rythmes si différents que l Occident à cause d une appropriation ostentatoire du fait de l évaluation. L usage actuel de la mesure ne tient pas compte des dynamiques internes au continent qui ne permettent pas toujours dinventorier tout ce que lon ne mesure pas, soit par incapacité de le mesurer, soit par volonté de locculter.
Lintérêt porté aux opérations de mesure vient en dernier lieu des conséquences scientifiques et politiques consécutives à laccroissement considérable de leur masse. Cette masse de mesures, disponible et accessible par internet, notamment sur les sites des organisations internationales (Union européenne, OCDE, Banque Mondiale, etc) tend à exercer une force de contrainte sur les décisions politiques et sur la production scientifique. Maîtriser une base de données sous ses différents aspects - conditions de production, identification des biais - demande du temps, sans compter la lourdeur du traitement de données patiemment recueillies. Lévaluation à laquelle les experts africains sadonnent faute de « contre pouvoirs » leur garantissant lautonomie de leur activité scientifique comporte le risque de la facilité : la falsification ou la diffusion de données « pipées ». Pourtant ces experts pullulent, à grand renfort dindicateurs normés, et ce principalement dans le domaine de la gouvernance. En soi, lexpertise du gouvernement devrait traduire une forme institutionnelle de la demande sociale et naurait pas, à ce titre, a priori été illégitime. Linflation des mesures traduirait de la sorte un manque de volonté et de détermination dans la définition des politiques publiques ; politiques qui pourraient tenir compte de lavis, des normes et des pratiques des acteurs concernés : le peuple. Le rôle des acteurs dans le processus de construction, dinterprétation et de décision des politiques publiques dans le contexte africain doit demeurer, malgré laffaiblissement des Etats, dans des cadres danalyse des politiques publiques à privilégier au temps de la mondialisation.
En effet, pour comprendre lévolution des politiques publiques dans un secteur particulier, il semble opportun de regarder les « résistances » opposées par de nombreux acteurs à la pression des logiques globalisantes. Ces résistances peuvent varier tant en nature quen intensité selon les contextes nationaux. Elles prennent soit la forme de pratiques illicites visant à contourner les normes de « bon gouvernement » soit la forme de mobilisations collectives et de revendications portées par des syndicats.
De ce point de vue, lensemble des normes, représentations et pratiques, intérêts et valeurs, mérite dêtre considéré. Une pluralité dacteurs, à identifier selon des essais de morphologie sociale, doit intervenir dans lespace public pour confronter des discours, émettre des propositions et faire pression sur des gouvernements dont les politiques sont placées toujours sous ajustement structurel. Ce que lon entend par normalisation du « peer review » dans le contexte africain népuise pas la question sociologique des normes en conflit dans le domaine de lévaluation des performances des Etats. Il y a dailleurs des conflits de normes du fait de la normalisation des politiques (référentiel commun) de gouvernement à léchelle internationale, ce qui suppose lexistence dune pluralité de normes comme facteur dune recomposition de laction publique gouvernementale dans le sens de sa complexification.
Lobservation sociologique approfondie des réformes - discours réformateurs, réformes pratiques et entraves aux réformes - constitue une méthode danalyse de la pluralité des normes à luvre dans le processus de formation dune opinion publique. Le cadre danalyse des politiques de gouvernement et dinterprétation des indicateurs de mesure, sinspire de lanalyse cognitive des politiques publiques, à cette réserve près quil cible, non pas lensemble des lieux de fabrication, mais un contexte particulier : lAfrique. Les normes en conflit orientent les discours et les pratiques des acteurs qui, confrontés à des problèmes pratiques, projettent des systèmes de valeurs et des intérêts divergents au sein des espaces publics. Ce sont des conceptions du monde que les « acteurs producteurs » véhiculent de manière explicite ou implicite lorsquils prennent la parole au nom du continent noir.
CHAPITRE 6
LA REVUE DES PAIRS, UN MOYEN DE CONTOURNER LEVALUATION DES POLITIQUES PAR LOPINION PUBLIQUE
Section 1 : Lévaluation interne : le passage du pouvoir au comptable
Le processus dévaluation africain représente un glissement vers un nouveau mode de légitimité. Il sagit dun instrument de revue des pairs et, indirectement, dun appareil de légitimation qui sappuie sur les techniques de la gouvernance des audits. Dans ces conditions, lévaluation échappe au contrôle de lopinion publique. Cette utilisation des méthodes venant du privé consacre le passage du pouvoir au comptable, contournant ainsi lexpression de la volonté populaire.
1.1. Le renoncement de lévaluation des politiques par les électeurs
Les Etats « producteurs » du NEPAD sont tous dotés de gouvernements légitimes. Ils ont été élus au suffrage universel par leurs peuples. Cette légitimité, semble-t-il, a suffit aux acteurs pour instituer le PIPE sur fond dun « ordre sociologique », et le mode de désignation choisi nest pas celui qui leur a conféré la légitimité par les élections pluralistes. La nomination des membres issus du panel échappe au contrôle de lopinion publique. Ce passage du pouvoir au comptable a tendance à valider lincompatibilité entre légitimité électorale et légitimité technocratique.
1.1.1. La légitimité électorale, une version moderne du gouvernement des sociétés
Le comportement des acteurs nest pas sans lien avec le fonctionnement des principes démocratiques puisquil pose la question densemble du renoncement aux élections. Doù lintérêt que peut susciter le débat sur les élections à lépreuve des innovations institutionnelles en cours.
En effet, la légitimité est un élément essentiel, autant que délicat et complexe, de la stabilité politique en démocratie. Les présidents de certains pays africains, qui contrôlent apparemment plus de 70 % des suffrages comme dans les anciennes républiques socialistes, sont-ils légitimement élus ? La légitimité de leurs élections est-elle reconnue, dans leurs pays respectifs et par la communauté internationale ? Il ne faut surtout pas oublier que des élections - même libres et justes - ne suffisent pas à garantir la légitimité. Dans certaines parties du monde, il existe une confusion très grave entre ce qui peut paraître légal et ce qui est en revanche légitime. La légitimité se confond parfois à la légalité. Or, sous dautres cieux, un élément essentiel est nécessaire pour garantir la légitimité dun processus. Il sagit de la participation qui est fondamentale et interpelle ceux qui votent. Ce qui atteste de toute limportance que peut revêtir la légitimité par voie électorale qui crée la formation de coalitions reflétant une diversité de points de vue. Cest dire que la légitimité va donc au-delà de la légalité. Elle dépend de la perception des personnes concernées. Et dans tous les cas, elle repose au moins sur labsence dopposition incisive. Sans légitimité, il ne peut y avoir de stabilité, et sans élections - expression explicite du consentement populaire à légard des détenteurs du pouvoir - la légitimité est impossible. Mais si des élections libres sont nécessaires à la légitimité, elles sont loin dêtre suffisantes. La légalité doit garantir à toutes les composantes sociales une place au sein des institutions politiques. Il est tout aussi impératif dans le cas africain de faire reconnaître le système dévaluation des pairs, sous lautorité dun système véritablement indépendant et respecté.
Dans un contexte contemporain de formation des institutions, la création du nouveau partenariat pour le développement de lAfrique par une nouvelle élite arrivée au pouvoir depuis le retour du multipartisme avec lappui des anciens acteurs, témoigne dun nouveau type de légitimité politique en vigueur en Afrique et ailleurs. Cette légitimité sarticule et se combine dans des perspectives électorales. En effet, dans des ensembles démocratiques imprégnés, la légitimité résulte essentiellement du suffrage universel, et donc des élections. Dans le cas africain que nous étudions, le système démocratique représentatif du peuple qui doit reposer sur les élections pluralistes, est remplacé par un nouveau mode de légitimité cohabitant avec le modèle de légitimation électorale. Le contournement des élections par la légitimité de la connaissance (technocratie ou bureaucratie) donne ainsi lieu à la formation dinstitutions singulières. Linstitutionnalisme historique fournit des explications à lémergence des acteurs au pouvoir et des institutions quils créent et ne se prive pas de lire les modes de légitimité politique et les processus de légitimation en insistant sur la « force des institutions », sur leur capacité à orienter le comportement et les actions des acteurs et à transformer les normes sociales.
Les deux processus de légitimité sont dissociables et ne peuvent « aller en bateau » comme linteraction dynamique entre politics et policy et articulent plusieurs sources de légitimation, quils puisent dans les institutions modernes, comme les élections démocratiques, ou les légitimités traditionnelles, mutées et adaptées aux systèmes parfois exogènes. La négation de ces processus de légitimation et lapparition denjeux personnels de pouvoir qui riment avec lautoritarisme donne généralement lieu à une forte personnalisation des institutions de pouvoir. La légitimité par voie électorale est un processus issu, comme nous lavons indiqué, du suffrage universel. Lorganisation délections pluralistes marque une étape décisive dans les processus de transition vers la démocratie. Les pays africains membres du NEPAD - à lexception du modèle sud-africain - sont engagés à des stades différents dans un processus électoral, organisé par les autorités nationales ou internationales. Outre la chronologie et la nature de ces processus, leur valeur et leur signification diffèrent largement selon les pays en raison des dynamiques internes variables.
En Afrique du Sud comme dans le reste des Etats-parties au NEPAD, le processus électoral a été choisi comme mode de transmission du pouvoir et de gestion de laction publique. Dans la majorité de ces pays, les systèmes ou régimes au pouvoir peinent à reconnaître les acteurs concurrents et à accepter la compétition politique. Cette étape a été franchie avec lalternance politique dans certains pays, qui a vu larrivée de nouveaux acteurs au pouvoir et avec labolition du régime de lapartheid et la reconnaissance de lAfrican national congress (ANC) en Afrique du Sud entre 1989 et 1991. Rares sont les pays où le peuple souverain a obtenu la liberté délire ses dirigeants, en dehors de lANC, qui forte de la légitimité acquise par la lutte quelle a menée contre le régime oppresseur de lapartheid, a remporté toutes les élections libres à une majorité qualifiée. Des études sur les transitions africaines permettent davoir une vue densemble synthétique sur la chronologie et la nature des processus électoraux africains, leur valeur et leur signification.
La légitimité acquise en Centrafrique, en Angola, au Rwanda ou au Congo Brazzaville par la rébellion armée unifiée autour des mouvements de rébellion et dalliances régionales leur a valu de participer à des négociations de paix ou à des entreprises de « médiation par les pairs » avec parfois le soutien de la communauté internationale et de devenir à lissue de la paix retrouvée des pouvoirs légaux. Cependant, ils nont pas toujours remporté les élections et leurs partis politiques se sont maintenus avec armes et bagages au pouvoir. Dans ces cas de transition inachevée, la sortie de crise sest opérée sous la forme dune transformation politique du conflit dans la mesure où les anciens acteurs de la contestation, armés ou non, deviennent des nouveaux acteurs de la vie politique nationale et régionale.
Au Sénégal, au Mali, Botswana, Ghana ou au Nigeria sous Obasanjo par exemple, les différents chefs dEtat ont bénéficié, depuis les scrutins qui les avaient conduits au pouvoir, de la légitimité électorale mais les élections nont seulement confirmé que les succès de leur processus de légitimation. Fort du soutien des organisations internationales et des missions dobservateurs internationaux, leur stratégie de légitimation a consisté à gagner lappui dun ensemble de réseaux constitués autour dune diversité dacteurs ou de lancienne élite politique au pouvoir, pour ne prendre que les cas sénégalais et sud-africains avec Abdou Diouf ou Nelson Mandela. Le premier est arrivé en ballottage favorable au premier tour du scrutin qui a permis lélection de son adversaire et son acceptation du verdict du suffrage universel.
Au pouvoir après la présidence senghorienne, Abdou Diouf sest comporté en démocrate pour navoir pas porté atteinte à la loi fondamentale comme on lobserve ailleurs avec les modifications sur mesure de la constitution, notamment au Gabon qui a adopté lélection à un tour et à la majorité simple sans limitation de mandat présidentiel. Dans ces conditions, lancien président sénégalais arrivé en première position aurait été élu sil avait suivi la direction de son homologue gabonais Omar Bongo. Cette attitude atteste du blocage de la démocratie. Lancien président sud-africain était plébiscité par son parti lANC et par la population qui, dans sa majorité, souhaitait son maintien au pouvoir, comme le montraient les déclarations dopinions au-delà des frontières sud-africaines. Cependant, il a décidé de façon autonome non pas de se retirer de la vie politique mais de seffacer de la scène politique - les raisons sont essentiellement humanitaires puisquil continue à peser insidieusement sur la vie politique - après avoir joué un rôle décisif pour la sortie de lapartheid à linstauration de la démocratie avec une Afrique du Sud comme puissance modératrice sur la scène internationale. Il sest attaché à « se poser en médiateur dans les conflits du sous-continent - en particulier au Congo-Kinshasa, tant en 1997 quen 1998 - et à défendre la souveraineté nationale face aux pressions des institutions multilatérales de Bretton Woods ou des Etats-Unis ». En prenant cette décision, la relève sest « effectuée sans à-coups », à lexemple de la Russie.
En effet, Vladimir Poutine a bénéficié de lexpérience du pouvoir quil a connue au moment où il était premier ministre de Boris Eltsine. En démissionnant en sa faveur, celui-ci lui a conféré la légitimité nécessaire à son élection comme président en 2000. Par la suite, il a recherché une autre source de légitimité, conscient que celle-ci était fragile et éphémère. Il la trouvée dans la réaffirmation de la puissance militaire, lors de son premier mandat, puis dans la restauration dun pouvoir fort et de la grandeur de la Russie, au cours du second mandat. Le Président Mandela au aussi laissé le champ libre à son successeur et ancien vice-président de lANC Thabo Mbeki, ce qui a permis au nouveau pouvoir dentamer sa mission sur des bases fortes et sereines. Le refus de Nelson Mandela de reprendre les commandes de lEtat a été un trésor de légitimité pour lactuel président sud-africain qui est ainsi devenu le partenaire privilégié du monde occidental, fort dappuis dont ne bénéficient pas ses pairs africains. Pour cela, il doit éviter toute dérive autoritaire et veiller à ce que les fondamentaux du système démocratique sud-africain déjà bien ancrés soient préservés afin de ne pas « ternir limage de pays démocratique sur laquelle Pretoria a construit sa stature internationale ». Ainsi, le nouveau pouvoir sud-africain devrait avoir comme objectifs : entretenir le rôle légitimant de son pays pour quun pouvoir fort sinstalle sur le champ politique régional, et affaiblir les pays non réformateurs, ingouvernables ou « irréformables ». Il est clair que Thabo Mbeki a été le grand et lunique bénéficiaire de la dynamique dinnovation institutionnelle autour du NEPAD qui a suscité, dès le départ, les critiques les plus incisives de son processus de structuration et de diffusion à léchelon continental, notamment avec le "peer review", symbole des Etats modernes et gouvernés. La stratégie des acteurs consiste à garder vivace cette dynamique, pour se présenter ensuite comme porteur de la solution médiane du continent.
Cest ainsi dire que toute victoire par les élections nest en réalité que la traduction des légitimités acquises précédemment et qui confèrent généralement une certaine rente charismatique. Les acteurs du NEPAD les mettent en uvre en tentant de les transformer en légitimité électorale. Cependant ce nouveau modèle de légitimité des dirigeants fondé sur la connaissance des membres quils désignent se révèle éphémère parce quil sapparente à un « ordre sociologique » porteur dune politisation des enjeux, cest-à-dire dune traduction en termes politiques et non techniques. Les élections passent par une disqualification des discours « politiciens ». Lexercice du pouvoir est un facteur important de son érosion. Aujourdhui en Afrique, les dirigeants perdent peu à peu la confiance de leurs électeurs du fait de la lenteur des réformes annoncées lors du lancement du NEPAD.
En Afrique, le pouvoir sud-africain vecteur du NEPAD est légitime, pourtant il prend le risque de sen écarter en sassociant à ceux-là mêmes des dirigeants que Transparency international a souvent désigné de régimes corrompus responsables de la détérioration de la situation socio-économique du continent. Ce comportement est, de plus, préjudiciable à la position du système démocratique sud-africain.
Les élections pluralistes ne riment cependant pas systématiquement avec délégation de pouvoir. Les « fondés de pouvoir » peuvent être inconditionnellement délégués. Dans les anciennes républiques soviétiques par exemple, lexercice du pouvoir lui-même est perçu comme une source de légitimité politique. Lexpérience du pouvoir fait naître une confiance inégalée. Ce qui peut expliquer que les élections ont parfois désigné les personnalités qui occupaient déjà le pouvoir. Lespace politique a été complètement verrouillé dans certains pays et il ny a plus moyen de changer la manière de gouverner par la voie démocratique. Cest notamment le cas du Gabon. Il faut reconnaître quen Afrique, aujourdhui, un vide idéologique sest progressivement installé, que les successeurs des anciens présidents africains essaient de combler. Ces acteurs donnent une nouvelle jeunesse à des thèmes peu à peu délaissés, après leur succès initial, dans les pays indépendants des années 1960. Ils prennent appui sur des sujets plus rationnels - tels que le nationalisme, le panafricanisme, lanticolonialisme et la pensée de Fanon - tout en les associant avec un pragmatisme économique et un libéralisme, innovation qui imprègne la dynamique du NEPAD. Et cest la fonction nouvelle des transformations en cours sur le continent africain.
Dans les pays devenus indépendants dans les années 1960, la légitimité politique a été pendant longtemps largement accaparée par la légitimité charismatique des dirigeants (discours de lauthenticité africaine). Le pouvoir était très fortement personnalisé. Ainsi, les nouveaux leaders africains tentent de restaurer cette crédibilité. Le mal développement - dû en partie à une économie affaiblie par la mauvaise gestion des ressources - a incité à investir une nouvelle forme de légitimité, plus rationnelle issue dans le "peer review" avec la politique de développement de lAfrique par des réformes sociale, économique et politique. Au tournant du nouveau millénaire, les Africains mettent davantage laccent sur le pragmatisme et la performance. Ce qui a amené les leaders du continent à mettre en place un mécanisme dévaluation des performances des Etats dans les domaines de la gouvernance. Pour ce faire, des experts ont été nommés par les leaders. En outrepassant la consultation du peuple ou les élections pluralistes pour la désignation des experts de la gouvernance, cette forme de légitimation ne peut pas être un élément positif pour le processus démocratique en Afrique ; elle ne demande en effet pas plus de visibilité ou de transparence et engage davantage la responsabilité des uniques dirigeants quune légitimation de type électoral qui aurait, en revanche, engagé tout le continent. Les nouveaux dirigeants, en faisant la promotion dune « société à développer » sans limplication populaire, semblent se placer dans la continuité de la logique charismatique des anciens « vieux » sous le parti unique. Les hommes politiques du NEPAD ont eu recours à lidéologie du panafricanisme socialiste pour justifier leurs actions, quitte à maintenir un certain flou et à ladapter aux réalités économique et politique du moment, le recrutement au sein du PIPE sest fait en fonction de la fidélité à lidéologie du "peer review" et moins sur la base de la performance ou des capacités individuelles. Ce qui peut attester dun retour à la pensée unique - et non de tous (issue du peuple) par la pratique électorale dans lorganisation des sociétés politiques -, présenté comme un modèle politique conforme à la tradition africaine du pouvoir reposant sur la conservation dune certaine forme de légitimité charismatique réactivant le panafricanisme. La légitimité technocratique comme choix politique des acteurs dans la composition du panel des experts apparaît ainsi comme une « légitimité de substitution », surtout en raison de la perte de légitimité de certains pouvoirs nationaux à la suite de leur continuité des anciens systèmes et donc du blocage de la démocratisation.
La légitimité technocratique, une « antithèse du vrai pouvoir politique »
La représentation du pouvoir est liée à la quête de légitimité des acteurs. Lapproche néo-institutionnelle et sociologique permet de déterminer les sources de la légitimité politique des actions instituées et les processus de légitimation des acteurs en présence. Dans tous les pays qui ont fait le choix de la voie démocratique, la légitimité vient essentiellement des élections. Or force est de constater que dans la dynamique de linnovation institutionnelle en Afrique, le modèle de démocratie représentative par le suffrage universel doit cohabiter avec le modèle et les codes de légitimation traditionnels qui permettent de lire une personnalisation du pouvoir très fréquente avec parfois dans la pratique africaine du pouvoir, une adaptation ou mutation vers une autre légitimité : la légitimité technocratique. Cest donc un lieu commun que dassocier le développement historique de lorganisation continentale au concept de technocratie. Un lieu commun « peut être entendu comme lassise populairement répandue dune proposition reconnue comme véritable mais dont lassertion offre des contours et des éléments de preuves imprécis ». Cest cette part confuse de caractérisation dune réalité et en même temps des limites de la pertinence de cette caractérisation quil faut tenter délucider, non pas seulement pour létude dun organe, mais pour lanalyse de la réalisation communautaire dans son ensemble, au sein du mouvement général de la construction africaine du partenariat. Lorsquon associe la construction européenne à la technocratie, ce sont les paroles du général Charles De Gaulle qui reviennent immédiatement en mémoire: « une technocratie, en majeure partie étrangère, destinée à empiéter sur la démocratie française (
). Un aréopage technocratique, apatride et irresponsable ». On sait que cette déclaration se situe au plus fort de ce quil est convenu dappeler « la crise de la chaise vide » ; mais la conjoncture nexplique pas tout : la conception intergouvernementale de De Gaulle était depuis longtemps en opposition claire avec la « méthode » saint simonienne de Jean Monnet dun pouvoir véritable confié à « ceux qui savent ». Cest dans cette perspective quen France le débat entre républicains et nationaux sest engagé. Ainsi, Régis Debray parlait de « projet technocratique européen » ou encore Jean-Claude Barreau qui reprenait le thème critique des « eurocrates ». Ils ne font, pourtant, que reprendre les propos de fervents partisans de la construction européenne communautaire. Edgar Morin crée en 1987 le néologisme de «technobureaucratique » à propos de lEurope de Bruxelles et Jacques Delors lui-même, déclare en 1990 que « le projet européen est trop élitiste et trop technocratique ». Le 3 peer review3 l est également par son mode de fonctionnement bureaucratique. C est en cela qu il nous parait utile d expliciter les différentes dimensions dont regorge la technocratie, élément essentiel pour comprendre le type de légitimité qui en découle.
En effet, la récurrence de lusage normatif de technocratie nécessite une clarification sommaire autour de trois significations principales. Dans un premier sens le concept de technocratie est interprété de manière péjorative et vise principalement le comportement de certains dirigeants politiques quil sagit de vilipender dans leur attitude inhumaine de quête dune rationalité tantôt bureaucratique, tantôt de rendement, à partir dun savoir élitiste. Un peu à la manière de Napoléon qui, voulant disqualifier un groupe dintellectuels opposants à son régime naissant et dont la caractéristique principale de leur système de pensée était centrée sur le néologisme d« idéologie », les avait taxés d« idéologues », il sagit ici semblablement de remettre en cause un certain mode de gouvernance politique en invectivant de « technocrates » ceux qui sont supposés y recourir. En second lieu, la technocratie est une idéologie au sens aronien de « religions séculières », forme particulière du scientisme appliquée à lexercice du pouvoir politique dans les sociétés contemporaines. Comme toute idéologie, elle sappuie sur une croyance, ici rationaliste, et dont Saint Simon est le père incontesté au sein de la modernité, consistant à reconnaître chez ceux qui possèdent un savoir technique créateur de richesses matérielles le véritable pouvoir, capable de résoudre tous les problèmes des sociétés humaines. Ce sont eux qui détiennent le gouvernement véritable alors que ceux que lon nomme habituellement les politiques ne constituent quune façade du paraître électoral et médiatique. En un troisième et dernier sens, la référence à la technocratie peut se dire de la légitimité de tout pouvoir politique : tout pouvoir est technocratique, au sens où tout pouvoir politique nécessite une certaine compétence, est un métier et nest pas simplement une représentation. Or cette légitimité sest renforcée et sest rendue plus visible au XXème siècle dans les sociétés industrielles et post-industrielles en raison du développement de lappareil de gouvernement politique quest lEtat et de son implication croissante dans léconomie comme dans la régulation sociale.
La technocratie en tant que légitimité structurelle du pouvoir politique et en tant que norme contemporaine de développement de ce pouvoir dans les sociétés complexes, apparaît évidemment dans la construction du NEPAD. Mais il se trouve également que la construction continentale a été lun des champs privilégiés daccomplissement de lidéologie technocratique. La construction africaine néchappe donc pas au phénomène universel de la légitimité technocratique, il sagit bien dun des modèles expérimentaux les plus spectaculaires du technocratisme.
Selon Jean-Claude Thoening, la technocratie peut être appréhendée comme une élite sociale prenant assise dans les grands corps de lEtat et dans le système de grandes écoles qui lui est associé. Cest la logique corporative qui permettrait la structuration de cette élite et son appropriation collective des positions de pouvoir. La technocratie, cest lidée que quelque part, en haut de la pyramide, un cercle restreint de cadres supérieurs occupe, de façon cachée sinon usurpée, les postes de pouvoir, et impose, sous le couvert dune rationalité technique ou dune compétence professionnelle plus ou moins fondée, ses propres choix et ses propres options à la collectivité et à ceux qui sont censés la diriger. Le technocrate est anonyme, inhumain et élitiste. La notion de technocratie renvoie donc aux approches en termes de sociologie des élites et des organisations dans la légitimité, la nature et létendue du pouvoir de la connaissance, ce qui renvoie à la problématique plus large des rapports entre ladministration et le politique.
La rhétorique de la compétence par la médiation des experts est la réponse africaine que les dirigeants tentent dapporter à la « dépolitisation » des problèmes par « technicisation », dautant quils mettent en avant la neutralité des experts pour les substituer à une légitimité sociale. Derrière le mode de désignation des experts africains de lévaluation, on peut lire la rhétorique de lapolitisme et le dogme de la subordination aux chefs dEtat. Dans ce cadre, « ladministration tire (...) argument de son extériorité vis-à-vis du système électif pour asseoir son autorité sociale : inversant le rapport traditionnel au politique, elle tend à forger sa légitimité, non plus sur, ou par, le politique, mais contre lui ». De cet apolitisme, résulte le dogme de la subordination aux présidents qui les ont nommés.
En effet, pour être valable juridiquement et reconnue comme légitime, lactivité dexpertise est couverte de lautorité et bénéficie de la caution des présidents qui, eux, sont élus. Les experts se présentent donc toujours au monde extérieur comme de fidèles exécutants des décisions politiques des seconds. Cette pratique (
) place lautorité des experts à labri de toute controverse et leur permet de bénéficier par délégation ou substitution de la légitimité électorale. Cest ce qui a été qualifié de « légitimité démocratique par projection ». En somme, cest largument défendu et présenté par les Etats initiateurs du NEPAD pour se protéger du procès du renoncement de lévaluation des politiques par les électeurs. De ce point de vue, la technocratie ne va donc pas pour autant contre le politique, elle joue avec lui et « tire son existence du fait dexister comme lieu de passage obligé (...), et de se réapproprier, à laune de ses exigences et intérêts en tant que groupe, le contenu du problème dont la collectivité lui accorde la gestion ».
Tous les Etats membres de lorganisation continentale sont engagés, à des stades différents, dans un processus électoral. Le processus électoral a été choisi comme mode de gouvernement dans lorganisation des sociétés démocratiques. Cependant, la dynamique institutionnelle du NEPAD apporte la démonstration que, bien que la légitimité électorale soit essentielle, elle peut être très vulnérable quand il sagit de former et dorganiser une nouvelle institution. Contrairement aux attentes de la population africaine, les initiateurs du "peer review", se sont appuyés sur la légitimité acquise par leur victoire aux élections présidentielles dans leurs pays respectifs pour légitimer leur action. La population a voté pour ces derniers parce quils symbolisaient généralement la rupture avec les logiques du passé sous le parti unique. Cest donc cette désaffiliation à lordre ancien qui a conféré la légitimité aux promoteurs du NEPAD. Ils sont incontestablement perçus désormais comme les « grands dirigeants » du continent noir dans leurs manières dexercer le pouvoir. Cette grille de lecture du "peer review" comme passage de la légitimité électorale (pouvoir) à la légitimité technocratique (comptable) est intéressante. Même si ce mécanisme ne gouverne pas, il est vrai que ce nest pas une instance de décision, mais cest tout de même un appareil de régulation et de contrôle et donc indirectement un outil de légitimation. Cest en cela que cette nouvelle institution est plutôt contestée par les populations qui devraient en principe choisir les techniciens des expertises gouvernementales. Il nest pas certain que le choix par la connaissance permette de mettre en uvre la légitimité électorale. Le NEPAD qui nest porteur daucune légitimité populaire suscite ainsi un conflit entre deux légitimités autour du "peer review".
Cet organe est linnovation institutionnelle majeure du NEPAD. La question qui se pose demblée est de savoir si le "peer review" dans son ordonnancement et sa dynamique concrète, créé et organisé sans la participation des populations africaines, ne contourne pas les élections. La réponse est dans la manière avec laquelle cette « machine de légitimation » a été instituée. Si à la base, le NEPAD avait été créé selon les processus participatifs de la démocratie, les membres du panel auraient été désignés par les élections, les acteurs nauraient pas renoncé au processus électoral, à moins de se discréditer auprès dune grande partie des électeurs qui les auraient désignés auparavant. En renonçant eux-mêmes à la pratique électorale dans lorganisation du NEPAD, il est facile de comprendre cette négation du processus électoral. Les acteurs nont pas obéit au processus qui leur a conféré la légitimité. Ce faisant, la dynamique institutionnelle qui a donné naissance et accompagné la formation du NEPAD nest que le contournement des discours quils produisent sur le « bon gouvernement » et qui ne sont parfois que des habillages de rapports de forces. Le système africain dévaluation est antidémocratique parce quil ne prend pas en compte la règle élémentaire nécessaire à la bonne gouvernance que les Africains se targuent de mesurer : la démocratie ou la compatibilité avec le processus électoral.
La construction du système dévaluation du NEPAD participe à la fonction technocratique universelle en politique qui fait de la technocratie la face cachée du système démocratique. Le pouvoir politique a cette capacité à opérer une identité implicite entre le concept de « légitimité » et celui de « démocratie », laissant ainsi supposer que seule la volonté des gouvernés serait susceptible de fonder le pouvoir des gouvernants.
Il sagit là un trait caractéristique dune culture philosophique dominante marquée par le volontarisme et sous-estimant la connaissance objective des phénomènes politiques et sociaux. Cest dans ce cadre que « les industriels les plus importants se chargeront gratuitement de diriger ladministration de la fortune publique; ce sont eux qui feront la loi, ce sont eux qui fixeront le rang que les autres classes occuperont entre elles
et quand ce résultat sera obtenu, la tranquillité sera complètement assurée, la prospérité publique marchera avec toute la rapidité possible, et la société jouira de tout le bonheur individuel et collectif auquel la nature pouvait prétendre».
Lidée dune construction purement volontaire de la société, est un paradigme fondamental de la modernité universelle. Selon Kelsen, le néo-positivisme juridique contemporain prétend fonder la norme juridique uniquement sur la volonté. De fait, il concourt à accréditer cette représentation en partie irréelle de la réalité sociétale.
Le singulier de la notion de légitimité sappuie sur une pluralité de phénomènes qui constituent comme un ensemble imbriqué de raisons dêtre du pouvoir politique : à la volonté des gouvernés qui constitue la légitimité démocratique, il faut adjoindre les qualités réelles ou supposées des gouvernants ou de ceux qui aspirent à le devenir (légitimité technocratique).
1.1.3. Le renoncement de lévaluation des politiques par la voie électorale : la fin des élections ?
Les transformations sociales africaines dans leur évolution tendent à faire parler de la « fin des élections » : institutionnalisation de lexpertise sans la contre-expertise avec la mutation en profondeur de la conception de laction publique par un glissement du rôle de planification vers un rôle darbitrage, qui laisse moins de place à la technique pure. Si par élection, on entend un véritable pouvoir de décision politique détenu clandestinement par un groupe structuré autour dacteurs et denjeux divers, alors celle - ci nexiste plus - si tant est quelle nait jamais existé. Par contre, on ne peut nier que les élections mettent à la disposition des gouvernants un pouvoir dinfluence fort, et que leur provenance issue du suffrage universel leur confère une certaine rente charismatique ainsi quune reconnaissance et consécration internationales. Mais le pouvoir de cette « nouvelle élite », socialement peu diversifiée, est contrebalancé en tant que de besoin et ne peut sépanouir que dans lespace que lui confèrent, implicitement ou explicitement, les populations, parce quil réside dans le peuple une valeur suprême de la légitimité. La démocratie est une uvre de longue haleine sétalant sur plusieurs générations. Lessentiel est den amorcer le processus par des élections quel que soit le contenu idéologique des différents acteurs de ce qui est à instituer. A ce niveau, la démocratie électorale garantit la légitimité et les acteurs sassurent dune certaine force pour gouverner ou gérer laction publique.
Le recours à la légitimité technocratique nous fait dire que la société africaine na pas fini didéaliser son passé. Les représentations sociales sont en train de se séculariser à leur propre rythme. Par ailleurs, il ny a pas une seule voie, la voie occidentale en loccurrence, pour mettre en uvre la démocratie. Encore que cette notion reste à définir pour chaque situation nationale en Afrique. Cette légitimité est une régression bâtarde dans lexercice du pouvoir dans les sociétés politiques à régimes démocratiques. Les acteurs apprendront par eux-mêmes que démocratie et élection ne doivent pas être séparées. Les élections sont le meilleur moyen dorganisation sociopolitique dans les sociétés. Elles sont compatibles avec le « bon gouvernement ». La légitimité technocratique est le contraire de la démocratie et « lantithèse du vrai pouvoir politique », parce quelle tire essentiellement son influence de la maîtrise réelle ou supposée de connaissances techniques (capacités intellectuelles et humaines attestées) par les experts désignés et non du suffrage universel. Cela étant, la maîtrise des ressources techniques nécessaires à laction publique confère au "peer review", et à ses membres, un pouvoir dinfluence sur les choix collectifs. Cette représentation du pouvoir se nourrit largement des « théories du complot » ainsi que de présupposés sur linnocence du politique. La politique est avant tout lactivité libre et publique de désignation des responsables, et en premier, de ses dirigeants. La nomination des experts malgré leurs qualités humaines et intellectuelles incontestables ne peut donner lieu à une légitimité électorale. Cette façon de faire perpétue un régime qui se coupe de la population et qui fait courir au continent les plus graves dangers quant à la modernisation sociale et politique de la société.
Le nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) est un programme politique qui partage formellement avec les systèmes étatiques dits de droit interne ce type de légitimité. Cependant, à la différence de lUnion Européenne par exemple, où il est de coutume dinvoquer alors les procédures référendaires qui font participer directement le peuple à la décision autant pour les adhésions que pour les ratifications, la pratique nest pas prévue dans les prescriptions ou présente dans limaginaire politique régional. Et pourtant, malgré le « déficit démocratique», le peuple, directement ou indirectement, a la possibilité dopposer quelques résistances, comme en témoigne le vote négatif en France lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005. Quant au recrutement des experts du NEPAD, cest-à-dire de ceux qui, dune manière ou dune autre participent à lexercice du pouvoir politique dans le cadre de nouvelles institutions continentales, il faut rappeler quimplicitement une confusion très grave tend à sinstaller entre démocratie et processus électif sous le discours politicien de démocratie représentative. Dans le cas africain, le mécanisme choisi pour y parvenir nest pas lélection mais relève dun processus de recrutement aristocratico-démocratique : démocratique par le suffrage universel et aristocratique par le procédé de mise uvre. Il ne sagit pas dun choix sélectif qui est demandé au corps électoral face à une série de candidats, selon la règle des meilleurs ou dans le cadre dun choix relatif et limité comme le sont les élections politiques de représentants du peuple. Les deux critères principaux qui correspondent à cette idée daptitude particulière, relèvent de la technique et de léthique : les meilleurs par la compétence et/ou par lintégrité morale. Au fond, nos sociétés communément appelées démocratiques, produisent des aristocraties issues des élections ; il sagit dune sélection, lune à fondement démocratique et subjectivement volontaire, lautre sur la base de critères objectifs de compétence considérés comme requis pour exercer un « management » public. A cela sajoute le processus discret mais réel de la cooptation.
Dans le contexte du NEPAD, les experts nont pas été choisis, avec la référence « démocratique » légitimante mais lointaine : leur désignation est réalisée par dles principaux acteurs de lexécutif du comité de mise en uvre du NEPAD issus eux-mêmes du suffrage populaire. Cet entremêlement entre élections et cooptation fait apparaître une légitimité technocratique qui, malheureusement, nest pas généralisée aujourdhui à travers la mise en avant de procédures démocratiques communes à la plupart des systèmes politiques parties au NEPAD mais se traduit par la généralité du recours à la cooptation. Cette variation de conception de luniversalité du suffrage est successivement développée autour de la parité sexuelle et régionale. La légitimité « démocratique » est déjà lointaine au plan national, elle lest encore davantage à léchelon continental. La cooptation saccroît encore davantage dans le cas des membres du Secrétariat de lorganisation continentale. Le standard de la double conditionnalité classique du recrutement des experts à léchelle internationale que sont la technique et léthique tend à faire disparaître les processus électoraux.
Au terme de ce chapitre, il est utile de tirer quelques conclusions sur le processus transnational auquel le Gabon est partie prenante. Après le rappel historique et lorganisation des processus de décision au sein des deux instances, il est possible de dire que, suivant lévolution, il y a eu une sorte de sociologie de crise politique en Afrique. On a assisté depuis la période postcoloniale jusquaux années 1990 à une conjoncture routinière qui permettait à une élite au pouvoir dimprimer un ordre politique propre à un modèle désinstitutionnalisé. Après les années 1990, les transformations contemporaines issues des démocratisations vont conduire à une réinstitutionnalisation des procédures avec pour conséquence des moments dinstabilité et donc de crise grâce à larrivée de nouveaux acteurs et à la mobilisation de diverses ressources. Limpossibilité de la démocratisation a amené les acteurs du NEPAD à imaginer une autre alternative susceptible de promouvoir de nouvelles pratiques de gouvernement des sociétés. Dans cette période dincertitude, les leaders parviennent par la négociation à mettre en uvre le NEPAD. Cette première partie apporte donc une réponse à la compréhension du cadre sociopolitique gabonais et aux conditions dinstitutionnalisation du nouveau programme panafricain.
1.2. La diplomatie africaine à lépreuve du "peer review mechanism"
Depuis quelques années, les Etats parties au NEPAD ont initié des évaluations périodiques des capacités de gouvernement de leurs dirigeants. Ces évaluations entre pairs, cest-à-dire chefs dEtat, visent à améliorer la qualité du gouvernement des sociétés africaines. A lheure de la mondialisation, ces transformations sinscrivent dans le cadre plus général de la formation des nouvelles procédures de développement économique et institutionnel. Il convient ainsi de procéder à une évaluation à mi-parcours des pays ayant déjà subi cet exercice. Les lignes qui vont suivre présentent et analysent ces rapports.
1.2.1. Le processus dautoévaluation par les pairs entre février 2004 et mars 2006 : analyse critique du bilan des rapports
Dans la tentative daméliorer la qualité de la gouvernance en Afrique, le 6ème Sommet des Chefs dEtat et de gouvernement chargé de la mise en uvre du NEPAD (HSGIC) tenu le 09 mars 2003 avait adopté le protocole daccord relatif au MAEP et la Déclaration sur la Démocratie et la gouvernance politique, économique et des entreprises. En tant que mécanisme historique, le MAEP est une initiative africaine élaborée et appropriée par les Africains. Il est entré en exécution depuis quelques années. Cette mise en uvre nécessite de faire un état des lieux des rapports issus des différentes évaluations déjà effectuées dans certains Etats participants au nouveau programme africain de développement, le NEPAD.
Depuis quelques années, le mécanisme africain dévaluation des pairs est devenu une réalité. Les membres du Panel Indépendant des Personnalités Eminentes (PIPE) ont été désignés. Cette instance représente la principale « nouveauté » du NEPAD du fait que ces éminences « irréprochables » siègent comme juges des dirigeants africains. Ce qui constitue un glissement des responsabilités pour ce qui est du contrôle des programmes de développement de Washington vers le NEPAD, à travers ce comité danciens irréprochables qui jugent désormais les politiques des gouvernants africains.
Le premier sommet du comité des chefs dEtat et de gouvernement participant au mécanisme africain dévaluation par les pairs (Forum du MAEP) qui sest déroulé à Kigali, au Rwanda le 13 février 2004 a approuvé, entre autres, le programme de travail du panel des personnalités éminentes du MAEP ainsi que le calendrier dévaluation du MAEP au niveau des Etats participants. De suite, le panel des éminentes personnalités du "peer review" a amorcé le processus dévaluation dans certains pays, par le biais de missions de soutien. Ces missions ont pour but dexaminer, dévaluer et détablir le degré de préparation et la capacité des pays à participer pleinement au processus dévaluation par les pairs du mécanisme, et surtout, à élaborer leur programme national daction afin de parvenir à lauto-évaluation. Par ailleurs, les missions de soutien visent également à créer une interprétation commune quant à lensemble des processus et différents instruments du MAEP, tout en sassurant que les dispositions institutionnelles et organisationnelles permettent une participation active et suivie de la part des principaux partenaires, en créant un environnement favorable à la participation de tous les groupes dintérêts.
Lanalyse que nous portons vise à identifier les forces et faiblesses de lautoévaluation du MAEP dans certains Etats-parties au NEPAD et examine la manière dont on implique des organisations de la société civile dans le processus. Nous concluons que, bien que le processus du MAEP dans ces différents pays ait permis de fournir une quantité significative de données et un rapport pertinent, il na pas suscité lautonomisation et le pluralisme qui auraient été souhaitables. Les préparations des rapports nont pas encouragé un dialogue significatif entre les gouvernants et les populations. La responsabilité de cet échec est en partie due à la manière dont ces autoévaluations se réalisent.
Il tient également au fait que la priorité choisie pour le rapport était lefficacité et la performance du gouvernement, ce qui na pas permis dévaluer un problème plus crucial: la prise en compte des dynamiques internes des structures étatiques et gouvernementales africaines, la dynamique de la lutte visant à établir des mécanismes de prise de décision démocratiques et des garanties des droits de lhomme. Cest autant dire, que ces processus nont pas permis aux citoyens dinfluencer la structuration et le fonctionnement de leur gouvernement. Lanalyse met en lumière limplication plus active de la société civile dans la mise en uvre du programme daction préparé pour relever les défis identifiés par le NEPAD. Bien quil y ait eu des tensions entre les organisations de la société civile qui ont participé au processus dautoévaluation, lamélioration et la mise en uvre du programme daction présentent des opportunités pour un « nouveau code de gouvernance moral » en Afrique, et pour le renforcement des capacités des populations africaines à sengager dans un effort damélioration de la gouvernance dans leur pays. Pour y arriver, néanmoins, le gouvernement et la société civile doivent renforcer leur implication dans le processus du MAEP.
Les pays africains ont pris plusieurs engagements en faveur de la bonne gouvernance depuis que lUA a remplacé lOrganisation de lunité africaine (OUA) en 2002. Dans le cadre de lacte constitutif de lUA, les Etats africains sont tenus de promouvoir les droits de lhomme, les principes et les institutions démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance. Dans le cadre du NEPAD et du MAEP des engagements plus précis en matière de bonne gouvernance sont prévus. Les premiers pays à souvrir à lexamen critique du MAEP, que nous examinons ci-dessous ont contribué au processus en lui donnant une dynamique concrète, qui a permis dautres pays de signer le Mémorandum dentente, et donc le mécanisme a suscité plusieurs adhésions. Nous tentons dévaluer la crédibilité du processus et de déterminer dans quelle mesure il a réellement constitué un mécanisme ouvert, comme lexigent les directives officielles aux pays en vue de leur préparation et de leur participation au MAEP.
En effet, la première mission de soutien au niveau des pays à proprement parler sest tenue au Ghana du 24 au 29 mai 2004. Durant ce séjour, le Dr Chris Stals, membre du groupe déminentes personnalités du MAEP (ou groupe du MAEP) a mené une mission de soutien du mécanisme africain dévaluation par les pairs (MAEP) au Ghana. Léquipe de huit personnes, qui comprenait le Dr Kerfalla Yansane, consultant principal du MAEP, était constituée du Secrétariat du MAEP et de représentants des Institutions Partenaires Stratégiques suivantes : la Banque Africaine de Développement (BAD), la Commission Economique des Nations Unies pour lAfrique (UNECA) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). La mission de soutien au Ghana avait pour but dévaluer les processus et mécanismes mis en place par le pays afin dentreprendre son auto-évaluation, de préparer son Programme dAction préliminaire et, ultérieurement, de se soumettre à la revue du Groupe du MAEP. La mission de soutien au Ghana était motivée par le fait que ce pays était plus avancé que la plupart des pays en matière des conditions préalables structurelles requises pour ce type dexercice.
Lexpérience ghanéenne témoigne de lengagement politique explicite et ferme de lEtat et de ses dirigeants. Le gouvernement a prouvé sa volonté politique dappliquer le programme du NEPAD et le MAEP en créant, avec lappui du PNUD, un secrétariat pour le NEPAD. Le Ghana a également été le premier pays africain à déclarer publiquement son intention dadhérer au MAEP. Il a, en outre, démontré sa détermination politique à être le premier Etat africain à mettre en place un Ministère de la coopération régionale et du NEPAD en mai 2003. La structure nationale mise en place a été conçue pour permettre une participation élargie à ses futures activités. Bien que créé par le gouvernement elle est complètement indépendante. Elle considère le pouvoir exécutif comme une partie prenante au même titre que les autres. Les structures nationales, bien que pouvant pendre des formes différentes, sont basées sur des consultations élargies avec les parties prenantes. Dans les régimes politiques confrontés à une opposition importante, des consultations bipartites sont indispensables pour sassurer lappui des parties prenantes et leur participation. Les dirigeants politiques ghanéens ont adhéré aux principes sous-tendant le MAEP, à savoir responsabilisation, participation et transparence. Les structures nationales sont indépendantes et sacquittent au mieux des tâches qui leur sont imparties.
Par ailleurs, le gouvernement ghanéen, soucieux dencourager la participation de tous les citoyens et notamment des groupes désavantagés, dont les jeunes, à lapplication nationale du mécanisme, a utilisé les médias et différents autres supports pour diffuser des articles de fond, des bulletins, des brochures et organisé des ateliers, des campagnes de sensibilisation et déducation. Ce qui a conduit à la conclusion des partenariats dès le lancement du processus avec « les institutions de la société civile » - élites traditionnelles, syndicats, groupes professionnels, groupes vulnérables et jeunes - pour assurer lappropriation nationale. Des organisations de la société civile ont reçu du matériel et des fonds pour leurs propres activités de sensibilisation et dexplication du MAEP. Un forum de consultation a ensuite été organisé avec lensemble des parties prenantes, ainsi que deux ateliers destinés aux parlementaires et aux professionnels des médias en 2002. Désormais, le NEPAD et le MAEP ne rencontrent pratiquement plus aucune opposition au Ghana. Cela peut sexpliquer par limplication de la population dès les premiers stades du processus. Lengagement de la société civile a été la première étape indispensable à lapplication nationale du MAEP. La participation de la population a également permis de démythifier le NEPAD et le MAEP et, par conséquent, dassurer une supervision sans ambiguïté ni risque de récupération politique du processus national, ce qui était indispensable pour que le public garde confiance dans le processus.
En outre, le Ghana a rencontré plusieurs difficultés mais certaines ont été surmontées, à lexemple de la participation de la population. La mise en place des structures de direction et de gestion a été difficile dans la mesure où il nexistait aucune directive et que le groupe des personnes désignées navait pas encore commencé ses travaux. A ce niveau, le problème na pas été le manque de volonté mais plutôt labsence de modèle. Le financement sest révélé également un problème important. Parmi les partenaires du développement, seul le PNUD a réellement répondu à lappel en fournissant, par lintermédiaire de sa représentation au Ghana, une assistance soutenue et en mobilisant les ressources requises. Plusieurs enseignements sont à retenir aujourdhui de lengagement des dirigeants politiques, à lexemple de lappui sans ambiguïté des dirigeants politiques à la vision et aux objectifs stratégiques du MAEP et leur volonté dappliquer les principes de bonne gouvernance pour le succès du processus national.
A lissue de cette première évaluation dans le cadre du "peer review" du NEPAD, le Rwanda et lIle Maurice ont été les deux pays suivants à être évalués et à recevoir les missions de soutien du MAEP. Madame Marie Angélique Savané, président du panel des éminentes personnalités du forum de lEAP, a dirigé la mission de soutien au Rwanda du 21 au 24 juin 2004. Léquipe de mission au Rwanda était composée de plusieurs personnalités dinstitutions diverses, notamment de Monsieur Augustin Fosu, conseiller politique principal auprès du secrétariat exécutif de la Commission économique des nations unies pour lAfrique (UNECA), de Monsieur Kojo Busia, Responsable chargé de la gestion du développement auprès de lUNECA, de Monsieur Michael Mahmoud, conseiller principal chargé du secteur financier auprès de la Banque africaine de développement (BAD), Madame Zemenay Lakew, coordinatrice principale du programme régional du programme des nations unies pour le développement (PNUD) et M. Moise Nembot, coordinateur chargé la démocratie et la bonne gouvernance politique auprès du secrétariat du MAEP. Une direction politique a permis dappliquer le MAEP au niveau national. Le Secrétariat du NEPAD et du MAEP sont représentés par le centre de coordination, situé dans le cabinet du Président. Il est chargé dassurer la coordination avec les structures nationales. Ce centre est supervisé par une commission nationale multipartite comprenant des représentants de la « société civile » chargée dencadrer le processus. Cette commission facilite les activités nationales menées dans le cadre de lévaluation intra-africaine et organise léquipe nationale dévaluation. La troisième mission de soutien sest tenue du 28 au 30 juin 2004 à lIle Maurice. Elle a été menée par Monsieur Mourad Medelci, membre du panel des personnalités éminentes. Plusieurs personnalités ont pris part à cette mission. Il sagit de Monsieur Kerfalla Yansane, consultant principal chargé du MAEP auprès du Secrétariat de lEAP, de Monsieur Hakim Ben Hamouda, directeur de la division du commerce et de lintégration régionale auprès de lUNECA, de Mademoiselle Shamika Sirimanne, responsable chargée des affaires économiques auprès de lUNECA, de Monsieur Michael Mahmoud, conseiller principal chargé du secteur des financier auprès de la BAD, de Madame Zemenay Lakew, coordinatrice principale du programme régional du PNUD et Madame Evelyne Change, coordinatrice chargée de la gouvernance des entreprises auprès secrétariat du MAEP.
Lobjectif de la mission de soutien était dévaluer les procédures et les mécanismes mis en place par lIle Maurice pour entreprendre son exercice dauto-évaluation nécessaire à lélaboration de son Plan daction. La mission avait aussi pour but de finaliser les négociations sur le Mémorandum dentente sur les évaluations techniques et la visite nationale dévaluation, et de le signer. Une réunion préparatoire sest déroulée le 27 juin 2004 sur le programme de la mission. Léquipe a pris note des progrès accomplis par lIle Maurice dans lexécution du mécanisme MAEP, avec la nomination du Conseil national économique et social (CNES), organisme statutaire autonome, comme point focal du MAEP pour lIle Maurice.
La république fédérale du Nigeria a, dans les mêmes conditions que le Ghana, été évalué par une mission de soutien de lAPRM du 21 au 24 mars 2005. Le but de la mission de soutien était comme partout ailleurs, dévaluer les processus et mécanismes mis en place par le Nigeria pour son évaluation et lappréciation de son programme national daction. La mission de soutien a réussi à avoir des négociations et à signer des accords sur les points convenus et traités à lordre du jour par les différentes parties. Léquipe de mission de soutien était conduite par le Dr Bernard Kouassi, directeur exécutif du secrétariat du MAEP et Madame Evelyne Change, coordinateur du MAEP pour la gouvernance des entreprises en collaboration avec les experts des institutions stratégiques partenaires, parmi lesquels Monsieur Michael Mahmoud conseiller des questions financières du NEPAD auprès de la BAD, de Madame Zemany Lakew coordinatrice de programme de lUnion Africaine et du NEPAD au PNUD Afrique, du Dr Emile Ahohe conseiller des affaires économiques à la CEA et du Dr Kojo Busia conseiller en développement de la gouvernance à la CEA. Par ailleurs, le Pr Adebayo Adedeji, membre du panel des personnalités basé au Nigeria, prenait également part à la mission.
Dès louverture des travaux, léquipe de mission de soutien sest brièvement entretenue avec le secrétaire général de la fédération gouvernementale sur le point focal, organe suprême qui soccupe des questions du MAEP au Nigeria. Le chef de la délégation a tenu à souligner le fait que le Président nigérian Olusegun Obasanjo sest pleinement engagé à limplantation du NEPAD et des mécanismes du MAEP au niveau national étant entendu que son pays est lun des initiateurs et artisans du programme. En plus du point focal national, le Nigeria après linstitutionnalisation des mécanismes et structures du MAEP a nommé un coordinateur national chargé du MAEP, à savoir lambassadeur Isaac Aluko-Olokun. De plus, un groupe de travail qui rassemble lensemble des groupes dintérêt a été institué et représente léquivalent de la commission national prescrite dans les documents du MAEP. Il existe également un secrétariat qui est chargé de soutenir au niveau national, les actions du MAEP. A cet effet, plusieurs mécanismes ont été mis en place pour conscientiser la population à travers la tenue des conférences nécessaires à la vulgarisation du NEPAD et linauguration nationale dun site web du MAEP au Nigeria.
A lissue des discussions, les deux équipes dacteurs institutionnels sont tombées daccord sur les points ci-après : la participation de lensemble des organisations de la société civile au groupe national de travail et la présidence du groupe national de travail ne devrait pas être occupé par un fonctionnaire de la sphère politique mais un acteur de la société civile. Cette session de travail sest déroulée en présence de dix institutions de la recherche technique dans les six zones géopolitiques du Nigeria. Ces instituts ont la responsabilité de lévaluation au plan national des pratiques de bonne gouvernance. Le secteur de la démocratie et de la bonne gouvernance politique est confié au Forum pour le leadership en Afrique (Africa Leadership Forum-ALF) basé à Ota, du centre de recherche pour la démocratie et linformation (Center for democratic research and training-CDRT) situé à Kano et linstitut pour la gouvernance et la recherche sociale (Institute for governance and Social Research-IGSR) basé à Jos ; la gouvernance économique et la gestion relève de la compétence de linstitut nigérian pour la recherche sociale et économique (Nigerian institue for social and economic research-NISER) situé à Ibadan en collaboration avec le centre de recherche économique et sociale (Center for social and economic research) de lUniversité Ahmadu Bello à Zaria ; la gouvernance des entreprises est sous la tutelle du sommet du groupe national économique (National economic summit group) en collaboration avec le centre de coopération secteur public et privé (Center for public-private cooperation) localisé à Ibadan ; le développement socio-économique est confié à linstitut nigérian des affaires internationales (Nigerian institute for international affairs-NIIA) situé à Victoria island à Lagos, au centre des études sociales avancées (Center for advanced social studies-CASS) de Port Harcourt et de linstitut Shehu shagari (Shehu shagari institute) basé à Sokoto.
Au cours de la session de travail, les différents membres se sont accordés sur divers points, parmi lesquels : le traitement de la recherche non pas comme un exercice académique mais plutôt comme un exercice de définition et dappréciation des orientations du programme politique, limportance de développer lobjectivité et la capacité technique pour la réalisation du rapport, le caractère essentiel du temps et le caractère indispensable dune méthodologie pour la valorisation des résultats souhaités.
Sagissant des réunions avec les groupes dintérêts, léquipe de mission de soutien a eu plusieurs sessions interactives avec des groupes dintérêts, y compris les agences anti-corruption du Nigeria, le corps judiciaire, la chambre des représentants, le service civil et la communauté des hommes daffaires. Le leader de la délégation a expliqué le processus et a insisté sur le caractère englobant ou participatif qui confère aux groupes dintérêts un rôle prépondérant à jouer. Les agences anti-corruption étaient représentées par le bureau du code de conduite, unité chargée des affaires budgétaires et qui fait partie intégrante du bureau du président et de la police nigériane. Le département fédéral de la justice était également présent à ces rencontres. Les agences ont donné leur caution à lélaboration des politiques, des institutions et des mécanismes législatifs mis en place pour combattre la lutte contre la corruption. Sur le plan international, le Nigeria a reçu des louanges pour avoir été le premier pays africain à prendre de réelles initiatives concernant la promotion des entreprises. De plus, ces agences ont évoqué leurs différents défis pour le combat contre la corruption.
En ce qui concerne lAlgérie, un communiqué à lissue de la mission de Soutien du mécanisme africain dévaluation par les pairs (MAEP) en Algérie du 21 au 25 Juillet 2005, a été rendu public. En effet, Madame Marie-Angélique Savané, Membre du Panel déminentes personnalités du Mécanisme Africain dEvaluation par les Pairs (MAEP), a séjourné en Algérie, à la tête dune délégation de 9 personnes, en mission de soutien à la mise en uvre du processus dautoévaluation. La délégation était composée de: Monsieur Bernard Kouassi, Directeur exécutif du Secrétariat du MAEP, Monsieur Moise Nembot, Coordinateur pour la démocratie et la bonne gouvernance politique au Secrétariat du MAEP, Monsieur Gaston Bushayija, Responsable de lappui institutionnel au Secrétariat du NEPAD, Monsieur Hakim Ben Hammouda, Directeur du commerce et de lintégration régionale à la Commission économique des Nations Unies pour lAfrique, Monsieur Amadou Lamine Gueye, Démographe au bureau régional de la CEA à Tanger, Monsieur Michael Mahmoud, Conseiller financier à la Banque africaine de développement, Monsieur Georges Bene-Hoane, Chef de Division à la Banque africaine de développement et Monsieur Alioune Sall, Directeur Exécutif de lInstitut des Futurs Africains, représentant le Bureau Régional pour lAfrique du PNUD.
Lobjectif principal de la mission de soutien était de lancer le processus dautoévaluation en Algérie. Plus spécifiquement, il sagissait essentiellement de signer le mémorandum technique sur le mécanisme dévaluation par les pairs, dévaluer les procédures et les mécanismes mis en place par lAlgérie pour entreprendre son exercice dautoévaluation et ensuite élaborer une ébauche de son plan dAction, de rencontrer la Commission nationale et les institutions techniques dévaluation du MAEP pour expliquer le processus et discuter le questionnaire dautoévaluation, de convenir de la feuille de route afin daccélérer les différentes activités dautoévaluation. Enfin, comme il est dusage, la délégation du MAEP a été reçue par le Président de la République, son Excellence Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier, lun des initiateurs du NEPAD, na jamais ménagé ses efforts pour défendre la contribution du MAEP pour asseoir les bonnes pratiques en matière de gouvernance en Afrique.
La mission a entamé ses travaux par une séance de discussions entre la délégation du MAEP et la délégation du gouvernement algérien, conduite par son Excellence Abderkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, en sa qualité de Point Focal national. Cette rencontre a surtout permis de sassurer que les structures de coordination du processus avaient été mises en place conformément aux directives édictées par le Forum des Chefs dEtat et de Gouvernement du MAEP. Un calendrier de mise en uvre a également été discuté au cours de cette séance. Au terme des discussions de cette première journée, il a été procédé à la signature du « Mémorandum dentente » entre le Forum du MAEP et le Gouvernement Algérien, en présence de la presse Algérienne et internationale, par le ministre Délégué, Monsieur Abderkader Messahel, au nom du Gouvernement Algérien, et Madame Marie Angélique Savané, au nom du Forum du MAEP. Les discussions avec la Commission nationale sur la gouvernance ont été ouvertes par lallocution du ministre Messahel, dans laquelle il a notamment rappelé lengagement souverain de lAlgérie à participer au mécanisme, décision exprimée par le Président de la République qui veille personnellement à ce que le mécanisme soit mis en uvre dans la transparence. La Présidente de la délégation du MAEP a, pour sa part, saisi cette opportunité pour remercier vivement les autorités algériennes pour leur accueil chaleureux et les efforts réalisés jusque là pour que le processus aboutisse aux résultats escomptés. Elle a insisté sur le rôle des Commissions nationales dans ce processus, en général, et sest félicitée du caractère inclusif de la Commission algérienne, en particulier. Elle a par la suite fait une présentation générale du mécanisme dévaluation par les pairs tel que défini dans les documents de base. Les débats qui ont suivi ont permis de clarifier les responsabilités des uns et des autres dans ce processus. Les questions soulevées par les participants ont porté principalement sur les aspects liés à la méthodologie dévaluation par les pairs, ainsi que sur la rédaction du rapport dautoévaluation et du plan daction pour la mise en uvre des recommandations.
Une mission de soutien du mécanisme africain dévaluation des pairs sest déroulée au Kenya du 26 au 27 juillet 2004. Le Dr Graça Machel, membre du panel des éminentes personnalités, dirigeait la mission. Léquipe était composée du Dr Michael Mahmoud, conseiller financier à la BAD, Monsieur Paul André De La Porte, coordinateur régional du PNUD au Kenya, Dr Okey Onyejekwe, responsable régional du secteur gouvernance à la CEA, Dr Shamika Sirimanne, conseiller chargé des politiques économiques et sociales à la CEA, Monsieur Gaston Bushayija, secrétariat du NEPAD et Madame Evelynne Change, coordinatrice de la gouvernance des entreprises au secrétariat de lAPRM. Aussi, lambassadeur Bethuel Kiplagat, basé au Kenya, participait à cette mission. Lobjectif de la mission de soutien était dévaluer les procédures et les mécanismes mis en place par le Kenya pour entreprendre son exercice dauto-évaluation et pour ensuite élaborer une ébauche de son Plan daction.
Tout comme au Ghana, lapplication nationale du MAEP (mars-octobre 2004), sest heurtée au Kenya à labsence de modèle. Il a donc fallu tirer le maximum des rares informations disponibles et se référer aux directives pour le mécanisme. Le Ministère de la planification nationale a du faire preuve de créativité. Le Kenya a été confronté, dès le début, à un certain nombre de difficultés. Les diverses parties prenantes qui avaient déjà été consultées à plusieurs reprises et à des périodes très rapprochées sur dautres initiatives similaires ont brillé par leur lassitude. De plus, les Kenyans se montraient sceptiques à légard de lentreprise. La mission dappui qui sest rendue au Kenya a beaucoup aidé à balayer ces doutes. Le financement du processus reste un des principaux problèmes.
Le gouvernement, en absence dun modèle pour la concrétisation nationale, a étroitement suivi les directives concernant le MAEP. Le Ministère de la planification et du développement national a créé une équipe de travail interministérielle pour préparer, en consultation avec le siège du NEPAD situé à Johannesburg, un plan qui obéissait aux principes du MAEP. Ce qui a permis de tester les directives. Des réunions dinformation et de consultation ont été organisées avec les principales parties prenantes, dont la société civile, le secteur privé, les médias et les milieux universitaires, dans les délais impartis. Pour assurer lappropriation nationale du processus, ces groupes ont créé un conseil national indépendant chargé de gérer lapplication, au niveau national, du MAEP. Une réunion entre lensemble des parties prenantes kenyanes et les membres de la mission dappui du secrétariat du NEPAD a abouti, au terme déchanges positifs, à la mise au point de recommandations pour lorganisation de nouvelles consultations des groupes de la société civile. La mission avait aussi pour but de finaliser les négociations sur le Mémorandum dentente sur les évaluations techniques et la visite nationale dévaluation, et de le signer. Le Kenya a donc, à ce titre, pris des mesures allant dans le sens de lamélioration ou de la recherche de la bonne gouvernance. Un communiqué de presse a été publié par la suite sur les développements récents de lAPRM. Plusieurs articles ont été publiés dans les médias internationaux, continentaux, nationaux sur le "peer review".
De plus, il ressort des rapports et articles du continent que le processus continental renferme des erreurs. Un article a été publié dans le Daily Nation au Kenya le vendredi 22 juillet 2005 affirmant que le rapport dévaluation sur lIle Maurice avait été rejeté au motif quil était biaisé suite à lingérence avérée du gouvernement mauricien. Les médias kenyans prétendent aussi que le rapport dévaluation sur le Rwanda a été accepté dans les mêmes conditions à cause dun enjeu de financement au développement.
Les changements de régime et les réformes démocratiques qui ont suivi ont servi de tremplin à ces pays pour sengager dans lapplication nationale du MAEP. Les nouvelles élites et administrations ayant pris lengagement de lutter contre la corruption, dassurer le respect des droits de lhomme ainsi que la primauté du droit et de gérer les affaires publiques de façon transparente et responsable, ces Etats adhéraient déjà de fait au MAEP que ses dirigeants politiques souhaitaient résolument appliquer au niveau national. Des mesures et des dispositions structurelles, y compris la création dun bureau de liaison relevant des gouvernements ou cabinets présidentiels, ont été prises pour permettre la réalisation des activités prévues dans le cadre du NEPAD. Les gouvernants ont également créé des équipes spéciales pour aider à définir les structures et les modalités opérationnelles requises. Ces équipes de travail, une fois leurs tâches accomplies, seront dissoutes.
La première activité de celles-ci a été darrêter leur programme de travail et de créer des équipes techniques sur la base de consultations avec les autorités du MAEP. Ces équipes, pour assurer une participation sans exclusive, ont organisé une série de consultations avec les parties prenantes et mis sur pied plusieurs équipes techniques chargées dadapter le questionnaire pour le rendre accessible à lensemble des parties prenantes. Différents départements gouvernementaux ont été chargés de gérer le processus.
En somme, il ressort de lanalyse de ces évaluations que les pays africains ont pour dénominateur commun une certaine tendance au confinement des appareils de direction du processus dans les cabinets des Présidents, africains qui rend difficile la transparence et la participation, nonobstant lintervention des gouvernants défendant lidée selon laquelle ils se seraient mêlés à la manipulation des rapports, faisant constater que leur intervention sinscrit tout simplement dans loptique de donner du leadership quand cest nécessaire. Cest à cette confiscation dans larène politique au sein de laquelle évoluent les dirigeants quest liée la personnalisation du processus qui conduit à une opposition farouche de certains groupes dintérêts mis à lécart des consultations et du processus décisionnel.
Cette limitation du processus à un petit groupe dintérêts ne facilite pas un échange dinformations susceptible dimpulser une dynamique de dialogue national sur la bonne gouvernance et les programmes de développement socio-économique. Cette situation ne favorise pas non plus les mesures de transparence dans le processus de prise des décisions et ne peut véritablement donner de la confiance visant à atteindre les objectifs de développement national.
Nous concluons que le MAEP a été un « mécanisme de type étatiste », qui a offert dans certains cas une opportunité de dialogue entre la société civile et le gouvernement, qui devrait être exploitée. La société civile africaine doit être encouragée dans ses efforts de surveillance des gouvernants.
En effet, malgré le fait que ces évaluations aient accueilli beaucoup de participants, elles nont pas forcément permis daméliorer le dialogue entre gouvernants et gouvernés. Les réunions ont été conçues pour générer des informations crédibles, mais elles ont trop souvent été incapables de fournir une plate-forme, tout aussi nécessaire, de dialogue participatif sur la bonne gouvernance et les programmes de développement socioéconomique des gouvernements », comme lexigent les recommandations du MAEP les principaux éléments moteurs du processus nont pas intégré : la nature scientifique du processus et la création dun environnement de dialogue.
Dans toute activité dévaluation visant la performance, il est utile de faire émerger un équilibre entre rigueur technique et scientifique des outils et processus de recherche dune part, et aspect politique dautre part, cest à dire la capacité du processus à créer un espace populaire dinteraction entre gouvernements et populations. Il est certes vrai que les rencontres des parties prenantes ont été conçues de manière représentative pour fournir les données nécessaires au travers de critères clairement établis, mais le moins quon puisse dire cest quelles ont été incapables de promouvoir un dialogue ouvert parce que, la plupart des responsables gouvernementaux ont adopté des positions défensives au lieu de sengager dans une discussion constructive sur les préoccupations des participants. Cela nest toutefois possible quavec plus de transparence et un bon accès aux informations.
La transparence dans les activités gouvernementales est une norme de base dans un Etat démocratique. Les citoyens dune société libre ont le droit fondamental de savoir ce que fait le gouvernement. Les agences de coordination technique chargées de rédiger le rapport dautoévaluation ont rencontré des difficultés dans laccès aux documents, à la fois auprès des gouvernants. Une autre difficulté a été lignorance du processus MAEP par les représentants du gouvernement et des institutions du secteur privé, conjuguée à une suspicion injustifiée et au secret encouragé par des années de mauvaise administration, auraient entraîné, dans certains cas, le refus catégorique dun accès à des documents du secteur public ou privé.
En plus des difficultés dans laccès aux informations, le processus du MAEP semble avoir souffert dun manque de transparence interne qui a renforcé sa nature « étatiste ». Le produit du travail réalisé pendant le processus du MAEP semble avoir été exclusivement contrôlé par un groupe de représentants de lEtat appartenant aux institutions au pouvoir. La faible implication de la société civile africaine est un problème tout aussi majeur. Bien quil existe un réseau dynamique dorganisations de la société civile oeuvrant pour les droits de lhomme et la justice sociale en Afrique, le processus du MAEP ne semble pas avoir une impulsé un enthousiasme aux populations. Ceci est dû en partie à la réticence du gouvernement à abandonner le contrôle du
Néanmoins, les consultations réalisées auprès de citoyens ayant une expérience dans le domaine de la gouvernance et de lélaboration doutils de recherche, ont constitué les principales réussites du processus du MAEP dans ces différents Etats. Ladaptation au niveau national du questionnaire élaboré par le Secrétariat du NEPAD en Afrique du Sud a joué un rôle majeur dans ces processus.
1.2.2. La remise en question de la légitimité du "peer review" par un Etat réformiste du NEPAD: le Botswana
Lorganisme Transparency International a conçu, sans doute avec le soutien des institutions financières internationales soucieuses dapporter leur appui aux politiques budgétaires, économiques et aux réformes institutionnelles des pays pauvres à lamélioration de laction publique et du gouvernement de leurs sociétés. Les experts dudit organisme ont tiré cinq conclusions fondamentales sur les effets de la corruption en matière de résultats économiques.
Elles traduisent la réalité des pays du NEPAD telle quelle est remarquable à travers les différents agrégats et la plupart des indicateurs macro-économiques. Cette affirmation est attestée par les résultats des IPC en 2007 et 2008 présentés dans le tableau ci-dessous et justifie en partie le comportement du Botswana, pays ayant refusé de se soumettre au système dévaluation du 3 peer review3 censé lutter contre la corruption des processus.
On ne peut manquer de souligner que ce pays est le seul avec l Ile Maurice à se situer au dessus du niveau médian des pays « propres », c est-à-dire, la Note 5. Tous les autres pays du NEPAD se situent en dessous de la note 5 et tendent vers la zone des pays très corrompus. On observe certes des fluctuations en raison de lamélioration de la situation en 2008, toutefois cet effort ne les situe pas dans la zone « propre ».
Tableau n° 9 : Indice de perception de la corruption (IPC) des pays du NEPAD
Rang mondial sur 180 paysPaysNote IPC 2008Note IPC 200736²% Botswana5,85,441²% Ile Maurice5,54,754Afrique du Sud4,95,162²% Tunisie4,44,267²% Ghana3,93,780²% Burkina Faso3,52,985Sénégal3,43,692²% Algérie3,23,092Lesotho3,23,396Gabon3,13,396²% Mali3,12,796²% Bénin3,12,7102Tanzanie3,03,2102²% Rwanda3,02,8102²% Djibouti3,02,9115²% Mauritanie2,82,6115²% Malawi2,82,7115²% Zambie2,82,6115Egypte2,82,9121²% Togo2,72,3121²% Nigeria2,72,2121Sao Tome-et-Principe2,72,7126²% Ethiopie2,62,4126Ouganda2,62,8126²% Libye2,62,5126Mozambique2,62,8141Cameroun2,32,4147Kenya2,12,1158Congo-Brazzaville1,92,1158Sierra Leone1,92,1158Angola1,92,2166Zimbabwe1,82,1171RDC1,71,9173Soudan1,61,8
²% Pays ayant amélioré leur performnance
Source : Transparency International, Rapport Mondial, 2008
Ce tableau illustre parfaitement lanalyse sur la mauvaise gestion des entités étatiques du NEPAD, identifiable par leur incapacité à gouverner et à sextirper du sous-développement, de la pauvreté, confortant ainsi la position du Botswana qui fait la différence. En effet, après une année 2007 marquée par un satisfecit global en matière de lutte contre la corruption soit six places gagnées, le Gabon passe du 84ème rang mondial au 96ème sur 180 pays et flirte à nouveau avec la zone rouge des pays ayant un niveau de corruption considéré comme endémique.
Le dernier rapport de lONG Transparency international a de quoi rompre les espoirs du gouvernement gabonais dans sa lutte contre la corruption, et partant, de sa Commission nationale de lutte contre lenrichissement illicite (CNLCEI) dont la visibilité demeure à ce jour quasi-nulle. Les mauvaises habitudes semblent, en effet, durablement ancrées dans les administrations publiques. La corruption prend des proportions considérables au moment où les campagnes publicitaires visant à son éradication sont des plus dynamiques. Cest dire quen lespace dun an, le Gabon a perdu 12 places. En Afrique, il se classe désormais à la 16ème place alors quil était 11ème en 2007 soit cinq places en moins. Les causes de cette rechute ne sont pas clairement expliquées par lONG britannique dans son rapport. Mais les critères quelle utilise pour mesurer le degré de corruption dun pays donnent une piste de réflexion.
En effet, Transparency international définit la corruption comme étant labus dun pouvoir officiel dans un intérêt personnel, en mettant laccent, par exemple, sur lacceptation de pots-de-vin par des fonctionnaires dans le cadre des marchés publics. Pour cela, elle se fonde sur des enquêtes menées par dix organismes indépendants auprès des milieux daffaires, des analystes et des résidents des pays concernés. La note comprise entre 0 et 10 est attribuée à chaque pays en fonction de lampleur de la corruption. En dautres termes, les pays où la perception de la corruption est la moins forte la note tendent vers 10, à linverse ceux où elle est la plus forte elle tend vers 0. Avec une note de 3,1/10 en 2008, le Gabon est donc en passe de réintégrer le club des pays ayant un niveau de corruption considéré comme endémique (note inférieure à 3/10). Finalement les politiques de bonne gouvernance ressassées à longueur de journées par le gouvernement gabonais, cachent-elles une réalité plus brutale sans cesse en rapport avec un penchant inconscient pour les pots-de-vin et le clientélisme politique ?
Cette situation justifie labsence dun rapport statistique national sur le degré de corruption dans les différents secteurs du pays, toutes les hypothèses sont valables. Cependant, la corruption nest pas un phénomène isolé au Gabon. Les pays du NEPAD lespace sous-régional de la zone CEMAC sont principalement au rouge, le cas du Cameroun 141ème, pourtant bien parti sur sa lancée amorcée en 2007 avec notamment la vaste opération anti-corruption « pervier », qui renoue avec ces pratiques condamnables, en perdant trois places par rapport à 2007.
On constate dans les rapports précédents, que la bonne gouvernante reste laffaire des inconditionnels que sont le Botswana et lIle Maurice qui ravit la 2ème place continentale à lAfrique du Sud relégué cette année à la 4ème place. De manière générale en Afrique, certains du NEPAD ont gagné des places tandis que dautres en ont perdu ou sont restés stables. Les plus fortes progressions en 2008 sont à inscrire à lactif du Nigeria, du Togo et du Burkina Faso qui gagnent respectivement 12, 11 et 10 places. On observe que cette note montre que le Gabon, bien quayant accompli de progrès discutables sur le plan législatif avec en particulier ladoption de dispositifs de lutte contre la corruption, doit poursuivre ses efforts. Son action doit viser tant le renforcement de la transparence de la vie publique que la mise en oeuvre de ses engagements internationaux. Au-delà de ladoption de nouvelles règles, il est essentiel que lEtat gabonais veille à leur application effective » pour être en phase avec les engagements du NEPAD. Pays relativement riche en ressources naturelles mais encore confronté à une dépression économique, le Gabon figure encore parmi les pays perçus comme les plus corrompus. Le rang occupé par lEtat gabonais est essentiellement justifié. Plus ce pays génère de revenus pétroliers, plus ces revenus vont directement ou indirectement dans les poches des dirigeants. Il y a beaucoup de corruption dans le secteur public, par exemple lorsque des contrats sont négociés directement entre les dirigeants dentreprise et un ministre, sans passer par un processus dappel doffres international. Cest dautant plus le cas des travaux publics menés dans tout le pays sans grand succès au regard de létat des routes.
Par ailleurs, la chute du Gabon reflète une triste réalité : la corruption endémique. Toutes les couches de la société sont touchées. La situation est devenue catastrophique avec les gouvernements actuels actuels du Président Bongo. Le Parti démocratique gabonais étant presque seul aux commandes du pays, les contestataires et opposants sont réduits au silence. Le manque de volonté politique et labsence dun système de justice indépendant ont abouti à une acceptation résignée de la corruption dans la vie publique. Les populations ont baissé les bras dans la lutte contre la corruption et trouvent cela normal.
En effet, Huguette Labelle de Transparency International constate que « les pays les plus pauvres sont minés par des systèmes judiciaires corrompus et linefficacité du contrôle parlementaire. Juguler la corruption exige un contrôle étroit exercé par le parlement, lapplication effective des lois, lexistence de médias indépendants et dune société civile dynamique. Et lorsque ces institutions sont faibles, la corruption se développe et échappe à tout contrôle avec de terribles conséquences pour la société ». Elle explique que « dans les pays les plus pauvres, la corruption peut être une question de vie ou de mort, lorsque, par exemple, elle touche aux ressources destinées aux hôpitaux ou aux réseaux de distribution deau potable ». Elle ajoute que « la persistance dun niveau élevé de corruption et de pauvreté dans de nombreux pays pauvres conduit à une situation humanitaire désastreuse et ne peut être tolérée. Mais même dans les pays les plus riches, linégale mise en oeuvre des mesures de lutte contre la corruption est préoccupante. Ladoption de politiques plus strictes de lutte contre la corruption est nécessaire ».
Le refus du "peer review" au Botswana est lillustration du rejet par un nouveau modèle dEtat réformateur membre du NEPAD. Lapplication des instruments du "per review" au Botswana a été rejetée par les plus hautes autorités de ce pays, à lexemple du ministre Mompathi Merafhe qui, apparaissant dans le cadre des problématiques contemporaines sur la télévision de Botswana, avait avancé largument selon lequel le "peer review mechanism" du NEPAD est, en fait, un double de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Partant de ce raisonnement simpliste mais empreint de réalisme, le ministre a expliqué quil serait inutile de dépenser de largent sur le mécanisme du NEPAD. Au contraire, il serait plus utile de dépenser cet argent sur dautres projets. Il a ajouté quil ne savait pas combien cela pouvait coûter à chaque pays africain pour participer au "peer review mechanism" du NEPAD, estimant ainsi quil nétait pas capable de soutenir ou de contredire largument du gouvernement botswanais qui estimait que ce mécanisme reviendrait trop cher à lEtat en termes de coût financier.
Néanmoins, ce qui peut paraître tout aussi paradoxal cest lattitude du gouvernement à vouloir convaincre son peuple sur le fait que les institutions internationales, cest-à-dire la Banque mondiale et le FMI, pourraient être en phase avec les objectifs du "peer review mechanism" du NEPAD. Si lon retient cette hypothèse, quest ce qui peut dans le même temps justifier que le Botswana soit apparemment hostile à ce mécanisme contrairement à la grande partie des Etats africains qui ont adhéré ou même des gouvernements des pays développés qui ont insisté sur lexistence et lefficacité dun tel mécanisme avant leur soutien au NEPAD ?
Depuis laccession à lindépendance du premier pays africain il y a plusieurs décennies, lAfrique indépendante a essayé sans succès de développer ses économies diverses et son peuple. A côté de ces efforts, les pays développés ont contribué de manière différente au développement de lAfrique. Néanmoins, la vérité cest que tous ces efforts nont abouti à rien et que la plupart des nations de lAfrique indépendante continuent dêtre pauvres et il ny a pas despoir que la situation saméliore dans lavenir proche.
Plusieurs raisons ont été évoquées pour justifier cette situation désespérée et parmi celles-ci figurent la corruption, la mauvaise gestion et gouvernance dans la majorité des gouvernements africains. Cest suite à la reconnaissance de ces défauts avérés et constatés, que les chefs de gouvernements africains ont conçu cette approche nouvelle du développement du continent. Ce programme est basé sur la démocratie, la gestion efficace des ressources, la transparence, la bonne gouvernance et le soutien économique de la part des pays développés. Cette nouvelle approche du développement a rapidement attiré lattention des pays riches qui ont exprimé leur soutien inconditionnel pour sa réalisation.
Toutefois, ce soutien dépendrait du succès des pays africains dans la lutte contre la corruption, la consolidation de la démocratie et lévaluation de la performance des Etats à travers le "peer review mechanism". Les gouvernements africains, et leurs partenaires éventuels dans ce nouvel effort, ont mis laccent sur le fait que tout Etat qui narriverait pas à satisfaire des conditions déclarées dans le "peer review mechanism" serait exclu des avantages du NEPAD. Il est donc évident quen rejetant le "peer review mechanism" dune manière si affirmée, le gouvernement botswanais prend beaucoup de risques. Il ny aura pas de règles particulières ou favorables au Botswana ou à nimporte quel autre pays. Le résultat de la commission africaine de lancien premier ministre britannique, Tony Blair, dépendait de la volonté des pays africains à exécuter des principes exprimés dans le concept du NEPAD.
Au regard de toutes ces considérations, lon sinterroge sur les motivations véritables qui conduisent le gouvernement du Botswana sur son positionnement autour du "peer review mechanism" du NEPAD. « Quattend le gouvernement de cette politique ? Y aurait t-il peut-être quelque chose que le gouvernement botswanais veut dissimuler à dautres gouvernements africains ? ». Le souhait de certains journalistes des medias botswanais est de voir le gouvernement reconsidérer sa position sur le "peer review mechanism". Ce dautant plus que largument relatif à la similitude de rôle avec la Banque mondiale et le FMI est, selon ces derniers, dépourvu de tout fondement.
Pour certains, le "peer review" de lUnion africaine a une valeur ajoutée qualitative. Pour la presse du Botswana, pendant des années, le public na cessé dattendre en vain une voix de nos leaders politiques concernant les violations des droits de lhomme dans la région. En effet, la décision de non adhésion du Botswana à une déclaration faite par la SADC à Abuja concernant la résolution sur la suspension et/ou le retrait des Nations du Commonwealth permet davantage de comprendre la position de ce pays à lUA sur le "peer review".
Cependant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, des éditoriaux des journaux nationaux du Botswana ont exprimé leur déception face à la position de leur pays pour le "peer review mechanism". Lidée du "peer review" comme faisant partie du NEPAD vise à faciliter lassociation potentielle (partnership) entre les partenaires au développement membres du G8 et lAfrique. De plus, il est important de souligner que le "peer review mechanism" est une partie intégrale du NEPAD produite, conçue et régulée par lAfrique. En effet, avec le "peer review", lAfrique proclame fièrement : le continent peut soccuper de ses affaires selon les politiques convenues.
Ce concept est attirant grâce à sa valeur dans le contexte du NEPAD mais aussi, grâce à sa valeur en ce qui concerne la promotion des droits de lhomme dans la région et dans le continent. Les droits de lhomme constituent lune des questions les plus importantes dans le monde moderne. Ils représentent une charge symbolique en tant quélément intrinsèque des programmes du développement humain.
Théoriquement, on parle déjà des droits de lhomme dans plusieurs protocoles régionaux et continentaux et dans les organisations internationales. Mais pratiquement, ce nest pas ce qui se passe. En refusant le "peer review mechanism", il est possible denvisager que lEtat botswanais pense que ce serait faire preuve dhypocrisie en soutenant le mécanisme lorsquon sait dans le même temps que les violations des droits de lhomme au Zimbabwe continuent à se perpétrer sans aucune sanction. Dans ces conditions, il est tout à fait possible que tous les militants des droits de lhomme sinscrivent dans le positionnement pris par le Botswana.
Le Botswana est considéré comme un exemple brillant de la réforme et de la démocratie. Depuis la mise en uvre du mécanisme africain dévaluation des pairs, plus dune vingtaine de pays ont sollicité auprès du comité de pilotage des chefs et de gouvernement du NEPAD leur participation à ce programme dauto-institution.
Après lévaluation de quelques Etats, il ressort dans lensemble un bilan positif mais controversé. Pour ce qui est des aspects positifs, notons que les Etats déjà évalués lont été conformément aux dispositions prévues dans le mécanisme. La plupart de ces Etats ont mis en place des instruments de légitimation de la bonne gouvernance avec la participation de tous les acteurs de la société.
En ce qui concerne les aspects négatifs, nous tenons à signaler que plusieurs manquements ont été répertoriés. En dépit de cela, il na été question daucune sanction dinéligibilité à lexercice du MAEP dun Etat si ce nest que de simples recommandations qui ont été faites de la part du panel des éminentes personnalités.
Cette absence de sanctions peut justifier en revanche certaines inquiétudes qui se font vives à propos de la valeur et du rôle véritable de ce mécanisme. Et ce dautant plus quun Etat, considéré comme exemple de démocratie, le Botswana, a refusé de souscrire au mécanisme dévaluation des pairs en raison de labsence de sa valeur ajoutée par rapport aux instruments africains existants et, garantissant la bonne gouvernance.
Tableau n° 10 : Les Etats réformistes et les antiréformistes du NEPAD
Réformistes antiréformistes
Afrique du Sud
Mozambique
Botswana
Ghana
Mali
Ouganda
Zambie
Bénin
Sénégal
Tanzanie
Ile Maurice
Togo
Nigeria ?
Kenya
Lesotho
Tunisie
Malawi
Zimbabwe
Egypte
RDC
Cameroun
Ethiopie ?
Burkina Faso
Angola
Congo Brazzaville
Gabon
Algérie ?
Libye
Rwanda
Sierra Leone
Sao Tome-et-Principe
Soudan
Source: Réalisation de lauteur
A partir du tableau ci-dessus on peut comprendre lattitude du Botswana qui na pas accepté lidée quon fasse des concessions aux antiréformistes aux dépens des réformistes.
Le Botswana est le pays de lAfrique australe qui sest rangé fermement dans lidée dun groupe étroit autour du NEPAD et donc dans le camp démocratique réformiste. Pour ce pays, certains membres dautres régions posent des problèmes importants de gouvernement. Il sagit notamment des représentants de lAfrique du Nord qui ne sont pas des démocraties multipartites vraiment libres, et aucun des ces Etats ne se conforme aux types de droits politiques ou humains. Le Cameroun et le Gabon, en Afrique centrale, ont également de sérieux problèmes de corruption à un haut niveau et tous deux des démocraties formelles autoritaires, gouvernées par les mêmes dirigeants depuis près des décennies. En Afrique de lEst - lOuganda et la Tanzanie - ont été exclus du processus de décision. Alors que lIle Maurice est un modèle de démocratie stable et réformiste, lEthiopie connaît dimportants problèmes avec les droits démocratiques et possède un régime très bureaucratique, restrictif pour les investissements étrangers. La situation est la même au Rwanda qui malgré la poursuite de sa libéralisation économique possède un système politique très restrictif. Cest donc fondamentalement cet élargissement de la direction du NEPAD aux Etats non-réformistes et mal gouvernés que le Botswana a décidé de se mettre en marge du 3 peer review3 lorsqu on sait que l aspect du NEPAD qui était susceptible d impulser le changement et le développement c était la bonne gouvernance. Et pourtant, les initiateurs du programme ont manifestement choisi de ne pas mettre en place un système dévaluation clair distinguant les « bons » et les « mauvais » pays, et doù tout le problème est de savoir comment vont réagir les évaluateurs face au cas gabonais dont le dirigeant est très influent dans la région.
1.2.3. Le dirigeant gabonais face à laffaire du système du (peer review(: évaluer ou mesurer lincommensurable ?
La multiplicité de conditionnalités fait du NEPAD une structure oscillant autour dune série dinitiatives et de projets, mais dont le rapport à une dynamique véritable ne semble pas se concrétiser. Contrairement à une idée répandue par les promoteurs du NEPAD sur loriginalité du (peer review(, il convient de rappeler que ce mécanisme sinspire de celui de la revue par les pairs européens. En réalité, ce mécanisme de revue par les pairs africains (APRM) nest que la reproduction du mécanisme OCDE-CAD (Organisation pour la coopération et le développement économique/Comité daide au développement) dexamen par les pairs. A cette réserve près que ce mécanisme fait figurer la gouvernance politique à côté de la gouvernance économique et du gouvernement dentreprise. On ne doit donc pas minimiser la délicatesse de cet exercice, qui est pourtant au centre du NEPAD.
Cela dit, lors de lexamen du respect par les pays de la zone euro des principes de gestion budgétaire, définis par le Pacte de stabilité et de croissance, il a été démontré quil pouvait y avoir des compromis. De plus, le NEPAD ne dispose pas de moyens concrets pour pouvoir assurer la paix même sil est prévu, dans le cadre du (peer review(, des mécanismes de gestion de conflits et de crises dans un continent où la conflictualité se régionalise à travers des dynamiques « du dedans » quévoque George Balandier et où la guerre semble être érigée, dans certains cas, comme un instrument politique de pillage grâce aux dividendes de la violence issus des opportunités frontalières. Et dans le même temps, elle devient un mode daccès au pouvoir politique pour différents entrepreneurs de la vie politique, si lon en juge des situations de conflit en Côte dIvoire et au Congo démocratique. Aujourdhui, lon serait tenté de sinterroger sur les moyens avec lesquels agira le (peer review( sur le terrain lorsque lon sait que la corruption des processus gangrène la société gabonaise et que tous les canaux de transmission de demandes ou de revendications populaires sont acquis à la cause des dirigeants au pouvoir, à lexemple des « sociétés civiles » locales ou de lensemble des organisations de façade du monde associatif. Cest à ces groupes dintérêts que sadressent les évaluateurs sur le terrain pour mesurer le degré de gouvernance de lappareil de décision afin de rendre compte aux populations.
Cest dire quil nest pas certain que le NEPAD et son mécanisme aient les effets attendus dans lappareil dEtat gabonais et même sur lensemble des acteurs étatiques. Il est presque évident que, si le président gabonais Omar Bongo Ondimba est mal évalué par ses pairs, il pourra user de son influence de « doyen des chefs dEtat » de façon à ce que les valeurs quantifiables de lévaluation ne soient pas disponibles ou falsifiées. A ce propos, on peut à juste titre citer la non-publication des résultats daudits financiers entrepris par le passé dans le cadre de la réforme de lEtat au Gabon à propos du comportement de lélite politique et intellectuelle au pouvoir. Et pourtant, ce travail a été mené sous légide des organisations internationales avec la pleine participation des experts nationaux et internationaux. Cependant, cet audit na pas été suivi deffets attendus. Et il nest donc pas risqué daffirmer que le mécanisme dévaluation des pairs du NEPAD puisse faire face à la « Realpolitik », mieux, il peut être voué à léchec comme la plupart des projets initiés dans le passé par les Africains eux-mêmes. Il nest donc pas probable, de ce point de vue, quil serve dinstance véritable de décision panafricaine puissante et adaptée au point de modifier les pratiques profondes, voire ataviques de certains pairs dans leur rapport au pouvoir et à ses dividendes.
De plus, le fait pour les pays membres du G8 davoir proposé au départ de placer le NEPAD sous la tutelle de la Banque Africaine de développement (BAD) était déjà le signe de lannonce dun aveu déchec potentiel du mécanisme de contrôle et de son inadaptation aux réalités diverses des sociétés réceptrices. Ces partenaires au développement craignent un fossé entre la part de réalité et de lillusion de la propagande officielle sur les indices de mesure que les dirigeants africains peuvent nourrir avec des chiffes officiels pour justifier la bonne gouvernance comme il en est de la fabrique dimage messianique de certains dirigeants autocrates. Dans cette perspective, est-il besoin de rappeler que le Gabon a souvent été classé dans les pays à revenus intermédiaires (PRI) pour justifier sa stabilité économique à travers un produit intérieur brut (PIB) significatif en raison de sa faible démographie. Alors quen réalité, un autre indicateur, lindice de développement humain (IDH) le place dans les rangs des pays pauvres. Cest dire que les évaluateurs, en dépit des codes, normes et critères, nauront que des clichés transparents de la réalité sociale gabonaise. Dans ces conditions, le NEPAD peut porter en lui même les germes de son échec à lintérieur même du (peer review( quand on sait que les dirigeants africains préfèrent la coopération entre les Etats plutôt que laliénation véritable dune partie de leur souveraineté, même sils proclament que lAfrique ne peut sen sortir en dehors de la promotion dun espace régional, lequel offre un plus grand marché aux industries et de plus grandes possibilités pour les investissements étrangers.
En outre, le NEPAD comme nouveau mode de gouvernement a suscité des attentes considérables. Et pour la société civile, il est difficile de mettre en uvre un mécanisme de surveillance réciproque par les pairs et des scepticismes se font jour. Autrement dit, comment imaginer que des pays prennent le risque de sanctionner lun dentre eux, à lexemple du président gabonais, pour des pratiques quils ne sont pas sûrs déviter eux-mêmes à lavenir ? Il est on ne peut plus illusoire de croire quil soit possible de déclarer « inéligibles » à lexercice des Etats jouant dans le continent un rôle important, à lexemple des puissances émergentes de lAfrique au Sud du Sahara que sont le Nigeria et lAfrique du Sud, que ce soit par leur taille ou par le charisme et laura de respectabilité de leurs dirigeants. Le cas du Président Omar Bongo Ondimba du Gabon, qui utilise des ressources symboliques à lextérieur pour exercer son influence dans les autres parties du continent en se plaçant au centre, et souvent comme médiateur est un indicateur incontestable. Pire encore, lorsquon sait quil y a une charge symbolique dans les relations quentretient ce dernier avec certains de ses pairs et partenaires au développement, à lexemple de la France, il est utopique de penser quun chef de lEtat puisse évaluer correctement un président aussi charismatique que le chef de lEtat gabonais, qui a la faculté, grâce à des réseaux dalliances et damitiés, de destituer ou de participer à la défection dun de ses pairs.
Par ailleurs, depuis son adhésion au NEPAD et au MAEP, létat des lieux à mi-parcours permet de dire que lEtat gabonais a mis en place un ensemble darrangements institutionnels pour la bonne gouvernance. Cest dans ce sens que le chef de lEtat gabonais a créé un département ministériel en charge du NEPAD. Dans le même temps, le gouvernement gabonais, sur les recommandations de son Président, a initié au plan national un projet dappui à la bonne gouvernance et à la consolidation de la démocratie à travers la mise en place du mécanisme africain dévaluation par les pairs (MAEP). Le gouvernement du Gabon se propose de mettre en oeuvre ce projet relatif au renforcement de la gouvernance démocratique, politique, économique et des entreprises. Les objectifs du projet sont particulièrement appropriés dans le contexte politique et socio-économique actuel du Gabon où, en plus des problèmes liés aux institutions politiques constitutionnelles - problèmes nés prioritairement des exigences des institutions financières internationales - un certain nombre de questions interpellent sur le champ de la responsabilisation du fait de la faible implication de certaines catégories dacteurs au processus décisionnel. Cet état de choses est lié, entre autres, à linsuffisance dadhésion à la culture démocratique, à linsuffisance de la représentation du secteur privé et de la société civile, à linsuffisance de lindépendance et de lautonomisation de la société civile, à linadéquation de laccès à linformation, à linsuffisance du rôle de la société civile dans la résolution des conflits, et dans la promotion de la transparence ?
En effet, le développement politique du Gabon, pendant les années qui ont suivi lindépendance (1960-1980), a été caractérisé par une période de gloire et une stabilité très prononcée de ses institutions politiques sous le régime du monopartisme. Suite aux conséquences des politiques dajustement structurel, la République gabonaise a connu, pendant près dune décennie, une crise sociopolitique due à la misère que connaissait sa population. Vers la fin des années 1980, les insuffisances du mécanisme mis en place ont fini par conduire le parti démocratique gabonais (PDG), parti au pouvoir, sous lancien régime du parti unique à envisager des réformes de démocratisation et de libéralisation du système socio-économique. Ces réformes avaient reçu une consécration à la conférence nationale de mars 1991 avec lavènement du renouveau démocratique. Ainsi, une nouvelle Constitution a été élaborée et adoptée en décembre 1991 sur la base des principes classiques de la démocratie libérale. Depuis 1990, le pays a organisé, dans un environnement pacifique et de pluralisme politique de convenance, plusieurs élections municipales, législatives, sénatoriales et présidentielles. Depuis lavènement de la démocratie, en dépit de trois élections présidentielles organisées en 1993, 1998 et en 2005, aucune delle ne sest traduite par une alternance politique. Avec la Constitution de 1991, le Gabon a renoué avec un régime politique de démocratie libérale avec séparation des pouvoirs dans un contexte de multipartisme intégral biaisé.
Le système démocratique ainsi mis en place a fait montre dune stabilité remarquable nonobstant les quelques moments de tension apaisée connus au début des années 1990. Malgré cette stabilité politique sur fond de paix larvée et linstallation effective de toutes les institutions prévues par la Constitution, le risque de remise en cause du respect de lEtat de droit nest pas totalement absent. Or, sans une bonne gouvernance et des capacités institutionnelles fortes, les objectifs daccélération de la croissance et de réduction de la pauvreté ne pourraient pas être atteints, quelle que soit la qualité des différentes politiques et réformes menées. Convaincu de cette réalité, le gouvernement gabonais a prévu de faire de la promotion de la bonne gouvernance un des objectifs majeurs de son programme de politique générale. Une des manifestations de cette volonté est linscription des mesures nationales de lutte contre la corruption et lenrichissement illicite comme stratégie nationale de bonne gouvernance et comme un des axes majeurs du document stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP). Pour lEtat gabonais, le mécanisme africain dévaluation par les pairs (MAEP), auquel il a adhéré le 14 avril 2004, représente un outil indiscutable de renforcement de ses capacités.
Le Nouveau Partenariat pour le Développement de lAfrique (NEPAD), initiateur de cet outil, sert lui-même de cadre politique stratégique et de programme de développement socio-économique de lUnion africaine (UA). La vision du NEPAD est « déradiquer la pauvreté et de placer les pays tant individuellement que collectivement sur le chemin dun développement et dune croissance durables, tout en les amenant à participer très activement à léconomie et à la politique mondiales ». Ceci fait appel à une meilleure gouvernance de toutes les structures privées et publiques aussi bien quà des plans daction esquissant les objectifs réalistes du développement durable (tels que le DSCRP), renforçant les meilleures pratiques, identifiant les insuffisances et évaluant les besoins pour le renforcement des capacités dans tous les pays africain. Suivant lesprit du NEPAD, le Gabon fait loption de lesquive des sanctions des IFI en se plaçant en modèle réformateur. Cest dans ce sens que les autorités ont associé, au processus délaboration du DSCRP, non seulement toutes les composantes de la société gabonaise (secteurs public et privé, société civile, parlementaires,
), mais aussi lensemble de ses partenaires au développement. Ce faisant, il tente de confirmer le choix quil a fait de poursuivre ses efforts dans la consolidation de lEtat de droit dont il a entamé lédification depuis le début des années 1990. Cest donc fidèle à cet engagement que le Gabon a pris part à la cinquième réunion du Panel des éminentes personnalités du MAEP tenue à Johannesburg, les 29 et 30 avril 2004 où il a proposé de se faire évaluer par ses pairs.
Cest pour accompagner les pays africains dans cette démarche que le présent mécanisme a été initié. Il se veut un appui du gouvernement à la relève des défis de développement auxquels fait face le Gabon et tels quils ressortent du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) 2003-2005, dans la perspective de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) du Gabon à lhorizon 2025. Le processus dévaluation par les pairs doit conduire à analyser en profondeur limpact des politiques nationales mises en uvre par le Gabon sur la stabilité politique et la croissance économique à lintérieur et à lextérieur du territoire national gabonais. Il peut encourager en cas de volonté politique, lobligation mutuelle de rendre compte et la réplique des meilleures pratiques, et doù la nécessité dune évaluation avec ce qui se dans les pays anglophones pour apprécier le cas gabonais.
Section 2 : Le NEPAD et le nouveau « temps mondial » : comparaisons des logiques internes démancipation à partir des terrains anglophones
Le Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique est une réponse au nouveau temps mondial. La fin de la guerre froide a conduit au retour du régionalisme sur la scène internationale. Les enjeux de ce phénomène conduisent les Africains à imaginer de nouveaux modèles dintégration avec des soutiens extérieurs, notamment les puissances occidentales qui participent de la division de la puissance en Afrique.
2.1. LOccidentalisation de lautorité et du pouvoir en Afrique
Depuis près de deux décennies, la coopération internationale sest accrue grâce aux politiques multilatérales des institutions internationales. En ce qui concerne les acteurs les moins dominants de la scène internationale, la fin de cette guerre froide a mis fin au phénomène « overlay effect » (réalité bipolaire) qui a longtemps recouvert les développements politiques dans les pays en voie dindustrialisation. Le régionalisme est dans ces pays un moyen déviter leur confinement à la périphérie de la politique mondiale. Doù la volonté face au « puissant mouvement de régionalisation de léconomie mondiale » de certains acteurs africains supposés comme les « champions de la démocratie africaine », de rompre avec la tradition africaine du politique, cest-à-dire qui ôte lengagement pour le « bon gouvernement », et qui peut amener à parler dune « redéfinition des critères de pertinence qui traversent le globe », notamment dans un continent où la « nébuleuse dintérêts économiques (
) ignorent la marginalisation supposée ».
Aujourdhui, on assiste à une tentative dintégration de lAfrique à la mondialisation. Elle se produit par la voie du NEPAD mais aussi grâce à linstrumentalisation par les acteurs dominant le système des dysfonctionnements de cette nouvelle organisation régionale. Cest le cas des grandes puissances qui recherchent de la visibilité par le biais dune « ingérence interposée » aux relents coloniaux - les puissances colonisatrices ont instrumentalisé par leurs soutiens certains leaders africains pour maintenir leur mainmise sur le continent et ont, grâce à leurs relations personnelles, favorisé ces acteurs au moyen de leurs appartenances à des valeurs communes et suivant une logique de redistribution néopatrimoniale de lautorité - en tentant dimpulser une nouvelle division internationale du pouvoir (NDIP). Ainsi, face à ce régionalisme transétatique, le NEPAD apparaît comme une réponse politique à linstitutionnalisation de ces mécanismes dans la région africaine afin de valoriser la mondialisation par un rôle dacteur et non plus de spectateur des pays africains sur le « concert des nations », idée à lorigine lancée par les principaux acteurs du NEPAD, Afrique du Sud et Nigeria lors de la création « dune commission binationale » entre les deux Etats. Ce nouveau contexte a « préparé le lit » à lémergence de nouveaux acteurs régionaux, dont le leadership collectif ne saurait masquer les rivalités entre agents au regard de « la fragilité des régimes politiques institués, (
) les processus dintégration régionale sont dautant plus solides lorsquils sont complémentaires et non plus en opposition des intérêts internationaux ».
Le nouveau partenariat au développement demeure le cadre dexpression du consensus libéral. En effet, il est vrai que léchec des politiques dajustement menées par le FMI et la Banque mondiale ont conduit les bailleurs de fonds à assouplir leurs exigences. Mais cela na pas permis fondamentalement au NEPAD de se démarquer de la ligne de fond des IFI.
Cette conformité idéologique illustrerait, selon les opposants au NEPAD, une dépendance à légard de lOccident au niveau même des normes instituant la légalité des institutions. Ce dautant plus que ces dernières ne peuvent renoncer à demander des comptes pour des initiatives en cours quelles suivent de très près et financent telles que celles des PPTE et des DSCRP. La réalité, cest que les partenaires au développement assouplissent ou abandonnent leurs conditionnalités drastiques mais gardent la possibilité dapprécier globalement si les pays africains mettent en place de bonnes politiques de façon à mériter une audience sur la scène internationale, notamment en matière daide. A ce titre, le NEPAD reste emprunté au consensus de Washington, mais innove par lappropriation qui a permis aux Etats africains de compléter leur programme par une politique de réduction de la pauvreté dici à 2015.
Le NEPAD est une initiative africaine, avec une forte charge néolibérale (stabilité monétaire, équilibre budgétaire, libéralisation du commerce et des flux de capitaux) qui garde lempreinte des institutions financières internationales. Et cest à ce niveau quune « guerre interposée » de puissance aux relents coloniaux trouve toute son expression. En effet, derrière cette volonté protectrice sur fond dingérence, qui consiste à se faire lavocat du continent africain, les puissances colonisatrices ont vraisemblablement des intérêts politiques.
Il se cache des intérêts en arrière-fond de cette stratégie de rescousse à lAfrique. Ce jeu porte-t-il sur la montée en puissance de nouveaux acteurs, de nouvelles élites qui instrumentalisent une apparence de théorisation à une simple substitution de ce groupe à la vieille garde politique ? Sagit-il plutôt dun simple habillage qui assure le maintien des anciennes élites ? Ou sommes-nous en présence au contraire dune transformation profonde qui affecte véritablement les manières de gouverner et la nature du pouvoir ? Au fond, ce dont il sagit cest de savoir, qui gouverne dans ce processus de mutation ?
2.1.1. Le rôle des « puissances tutélaires » dans la recomposition interne du continent africain
La volonté daction de la France pour le continent africain a toujours été justifiée. Cette ancienne puissance colonisatrice explique sa mise en mouvement par un simple devoir dingérence ou dassistance contre la dérive dun continent en proie à la pauvreté. Cette réalité est authentique, si lon considère « la politique africaine de la France » comme indicateur.
Cette authenticité du discours français à lendroit du peuple africain illustre bien la nécessaire mainmise de la francophonie dans son bastion dinfluence. La politique africaine de la France est sans doute lun des dossiers les plus importants inscrits sur lagenda de sa politique extérieure. « Cest aussi, en France comme à létranger, lun des sujets les plus controversés. Cest enfin lun des plus actuels, compte tenu des conflits et des tensions qui ont déchiré et déchirent encore le continent africain ».
Cest depuis plus de deux siècles que la France porte un intérêt à lAfrique, et dix - huit des cinquante Etats - membres de lorganisation de lUnité Africaine sont issus danciennes colonies ou territoires français. On peut y ajouter le Rwanda, le Burundi et lIle Maurice, ce sont vingt-deux Etats où le Français est la langue locale de socialisation, et donc officielle. Selon Louis de Guiringaud, plusieurs de ces Etats, même après avoir accédé à lindépendance, ont d'ailleurs pendant quelques années été associés sur une base constitutionnelle avec la France au sein dune institution originale, créée par le général De Gaulle, la « Communauté ». Cependant, les mécanismes de cette association sont assez vite tombés en désuétude. Mais ils ont été, en fait, presque partout, remplacés par des accords de coopération (vingt-et-un) qui maintiennent entre la France et cette région du monde des liens sans équivalent ailleurs.
Depuis les indépendances, le continent africain a connu une mutation profonde. Au début des années 1960, les leaders africains de lAfrique subsaharienne étaient attachés à la France - et ceux de l'Afrique anglophone létaient naturellement à la Grande-Bretagne et dans une moindre mesure, aux USA. Ces derniers nont pas suffisamment soutenu le NEPAD pour une raison simple: la géopolitique américaine accorde la priorité à lAsie du Sud et à lAsie centrale même si lapparition en Afrique de lOuest de nouveaux pays pétroliers tend à modifier cette approche. La sécurité de lAfrique, naguère assurée par la France et la Grande-Bretagne, devient une préoccupation américaine comme en témoignent les visites des Présidents Clinton et G.W. Bush en Afrique. De fait, limpérialisme paraît être remis à lhonneur en Afrique. La politique française sest tournée essentiellement vers une vision densemble dassistanat à lAfrique subsaharienne tandis que les puissances de langlophonie sintéressaient aux problèmes qui se posaient dans lespace anglophone et lusophone du continent noir. La tendance actuelle des deux géants coloniaux - anglophones et francophones - est à lélargissement réciproque de leur politique en direction des « Afriques », longtemps négligées de part et dautre selon les jeux dintérêts (passé colonial) : francophone, anglophone et lusophone ainsi que l'Afrique australe.
Larrivée au pouvoir de Tony Blair a profondément modifié lapproche de la politique étrangère de la Grande-Bretagne en Afrique. Cette nouvelle doctrine a fait considérablement progresser les préoccupations, désormais classées au cur de la diplomatie britannique. Cette tendance sest renforcée au tournant du millénaire lorsque Tony Blair a annoncé en 2001 son soutien au Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) en se faisant, comme le Président français dalors Jacques Chirac, lavocat dun continent devenu « une plaie dans la conscience du monde ». En termes économiques, cet engagement se traduisait par lallocation du gouvernement Blair dune aide publique au développement estimée à 1 milliard de livres sterling pour lAfrique dici 2006. Un tel intérêt ne pouvait susciter que des débats après ce changement radical en direction dun continent longtemps relégué aux oubliettes dans la hiérarchie des priorités de la diplomatie britannique. A lévidence, lhypothèse la plus plausible avancée était lexpérience peu avérée du nouveau Premier ministre en matière de politique extérieure. Ce qui le conduit, dans un souci de rupture et dadaptation aux évolutions mondiales, à placer lAfrique parmi les dossiers de politique étrangère les plus importants, grâce à ses conseillers les plus dignes de confiance dans ce domaine, Jonathan Powell et David Manning. Derrière cette volonté daider le continent africain, on pouvait lire une certaine personnalisation dans la manifestation de cette « action salvatrice » sur fond dopportunisme politique. Une autre explication « souligne limportance accordée par Blair à lopinion du président américain Bill Clinton. Celui-ci lui conseilla semble-t-il de donner à lAfrique une plus grande place et détablir des relations solides avec ladministration à venir de George W. Bush ». On ne peut dissocier de ces explications la situation dramatique densemble du continent. Au tournant du millénaire, plusieurs maux affectent lAfrique et confortent sa marginalisation de la nouvelle donne mondiale. Les conflits, la pauvreté, la dette et limpossibilité dadaptation à la démocratie sont autant déléments qui ont attiré lattention britannique avec un gouvernement aux postures éthiques suivant la conception dune « troisième voie ».
Cette attention particulière de Blair à lAfrique fut tout aussi facilitée par un ensemble de transformations sociales contemporaines émanant dun petit groupe de dirigeants africains - ayant intégré les aspects de la mondialisation - et qui va aboutir à la création du NEPAD. Cette initiative africaine sinscrit dans « un horizon de sens libéral du politique », cest-à-dire dans le répertoire britannique des hommes dEtat africains mus par la même vision libérale et de léconomie de marché que Tony Blair. Cette coopération entre dirigeants responsables sadresse aux partenaires extérieurs à lAfrique. La notion de partenariat est centrale pour comprendre les comportements politiques des acteurs qui ont rédigé le NEPAD face à linfluence des organisations internationales. Ce dautant plus que cette orientation vers les puissances révèle une faiblesse des dispositifs dinstitutionnalisation et, donc, les contraintes des relations régionales en Afrique ne sauraient être dissociées des transformations du contexte international dans son ensemble.
Cette ingérence dans les affaires africaines est authentique, sans pour autant occulter des jeux dintérêts. La France et le Royaume-Uni, toujours soucieux de leur rayonnement sur la scène internationale et de leurs influences respectives en Afrique, participent activement à la surenchère actuelle des bailleurs de fonds. Ainsi, du côté britannique, les recommandations de la Commission pour lAfrique du gouvernement Blair formulées dans la perspective du G8 font clairement référence au NEPAD. Le « Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique » adopté en 2001 est certes une initiative de plusieurs chefs dEtats africains ayant pris des engagements sur la bonne gouvernance pour mobiliser laide internationale et attirer des capitaux privés. Mais le NEPAD, dont lAfrique du Sud assure le leadership, est aussi le fruit de laction conjointe de Tony Blair et de Thabo Mbeki et donc le résultat dun processus continu de coopération et daccommodement entre des intérêts divers et conflictuels (...) autour des arrangements informels (
) quils perçoivent être de leurs intérêts ».
En effet, tout processus de création dinstitutions est généralement « centré sur la notion daccord volontaire entre les acteurs intéressés ». A ce titre, les réformes à travers le NEPAD sont à inscrire dans un mouvement général pavé de bonnes intentions mais qui dessine vraisemblablement le chemin du leadership et de la « parole autorisée » continentale. Cest aujourdhui un succès pour la diplomatie anglaise pour le NEPAD est le vecteur par lequel cette puissance colonisatrice espère atteindre ses objectifs en Afrique ; objectifs liés fondamentalement à la restauration de léquilibre budgétaire dans les pays africains grâce à une maîtrise des dépenses dans les Etats et de libéralisation de léconomie sur le plan intérieur et vis-à-vis des marchés internationaux. De ce point de vue, le continent africain a « reçu une attention toute particulière et inhabituelle de la part de Blair, surtout depuis 2001 ; ses interventions personnelles ont été importantes, notamment dans son soutien aux initiatives de ceux dans lesquels il voit des dirigeants progressistes de lAfrique, comme lUnion africaine et le NEPAD » et des Etats anglophones relativement puissants: lAfrique du Sud, le Nigeria, le Kenya, la Tanzanie, lOuganda, le Ghana et le Zimbabwe.
Les relations économiques de la Grande-Bretagne avec lAfrique sont essentiellement orientées vers lEtat sud-africain. En 2001, « les cinq principaux exportateurs africains à destination de la Grande-Bretagne étaient, par ordre décroissant, lAfrique du Sud, le Nigeria, le Kenya, le Ghana et lAngola (principal marché africain pour les Britanniques en dehors du Commonwealth). Pour ce qui est des importations en provenance de Grande-Bretagne, les principaux clients sont lAfrique du Sud, le Botswana, Maurice, la Namibie et le Kenya ». Parallèlement, à cette expansion sud-africaine, le Sénégal est apparu avec le plan Omega pour soutenir la représentation de lAfrique francophone. Ce pays est certes économiquement faible, mais possède toutefois une aura de respectabilité en matière de politique étrangère. Appartenant au bastion de la francophonie, le Sénégal est un acteur de politique étrangère influent dans la région qui a renforcé des années de compétition avec le Nigeria, acteur régional puissant au plan économique et militaire. Autour de cette affirmation de puissance entre les acteurs, sest substituée la rivalité entre la France et les pays anglophones par le biais de Wade et de MBeki/Obasanjo. Leurs stratégies de développement économique diffèrent sur le fond. Le « french boy » est en rupture nette avec les théories néo-classiques et sinscrit dans une tradition keynésienne en proposant une vision de rattrapage économique par des investissements massifs alors que les « english boys » producteurs du MAP comme plan de stratégie de relance sud-africaine inspirée par le GEAR, proposent des investissements directs étrangers pour linsertion à léconomie mondiale. Il sagit dun consensus fort entre pays puissants dont les résolutions impliquent les intérêts et les ambitions purement nationales de ces deux pays leaders : la recherche du leadership sous-régional avec une concurrence polarisée autour de la représentation continentale et internationale. Lobjectif pour ces Etats est de devenir les locomotives du continent.
Le MARP met fondamentalement laccent sur les dimensions politiques du développement tandis que le plan Omega sappuie sur les expériences historiques des années 1930-1940 aux Etats-Unis avec la politique du « new deal », notamment avec le développement des infrastructures et de la politique des grands travaux. Somme toute, le NEPAD apparaît comme un champ éclaté et partagé entre une multitude dacteurs qui visent la promotion des intérêts dinfluence des grandes puissances. Loin « dun ensemble de valeurs et dintérêts communs, produits et partagés par des sociétés politiques », le NEPAD représente une béquille politique et éthique de pesée idéologique, dhégémonie économique et de majorité politico-institutionnelle des pays « donateurs » sur les choix politiques des pays africains continûment assistés. Cette concurrence entre des partenaires bilatéraux met évidemment au devant de la scène africaine la France et la Grande Bretagne, voire même les Etats-Unis ; des puissances qui du reste se discutent de façon très peu feutrée le leadership mondial.
2.1.2. Le « sommet de Paris » sur le NEPAD : les dessous de la Realpolitik
Lallégeance néocoloniale dOmar Bongo à la Françafrique ne fait lombre daucun doute. Lalignement de son pays sur ces réseaux ne saurait occulter la garantie des intérêts français en Afrique au moment où les acteurs africains de lespace anglophone tentent dimprimer une nouvelle configuration des relations interafricaines et internationales avec les partenaires au développement.
Lhistoire nous enseigne que le Président Bongo est la pure expression africaine de la Françafrique. Ce terme désigne une nébuleuse d'acteurs militaires, politiques et économiques, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisée sur laccaparement de deux rentes: les matières premières et l'aide publique au développement. Cest un réseau dinfluence auquel le Président Bongo appartient. Chef dune ancienne République coloniale, il sest toujours maintenu au pouvoir avec le soutien de lEtat français à qui « il doit tout et qui lui doit autant ». Produit néocolonial arrivé à la magistrature suprême grâce à Jacques Foccart sur les recommandations de Charles De Gaulle pour assurer le relais des affaires françaises en Afrique. Ce qui fait dire à lauteur de Noir silence que « le Gabon a été une excroissance de la République dirigée conjointement par Jacques Foccart, le parti gaulliste et Elf. En 1993, le président Bongo sest maintenu au pouvoir grâce à un "coup dEtat électoral'', opéré avec la bienveillante neutralité du gouvernement français ». Il est devenu ainsi pour la France « un ami de longue date (
) qui a témoigné de sa fidélité à (
) une certaine idée franco-africaine ». Président vassal de la Françafrique, Bongo a fait de son pays une véritable « chasse gardée » de la France. Selon la division que propose Samy Cohen des cercles concentriques sur le modèle français, la « chasse gardée » en tant que première sphère est le domaine dont les questions relèvent de lautorité directe du Président de la République ou quil entend connaître personnellement.
Les interventions du Président de Bongo depuis 1964, date à laquelle le premier Chef de lEtat du Gabon est démis et rétabli dans ses fonctions, vont faire de lui un « type valable » selon Charles de Gaulle. Cest dans cette perspective que Jacques Foccart, conseiller gaulliste pour les affaires africaines, prendra en compte cette caractéristique prêtée à Omar Bongo pour lui confier le pouvoir. Cest ainsi quen 1967, suite à un bricolage constitutionnel, la « marionnette » devient le garant des intérêts français à limage de son homologue Houphouët Boigny. Il est aujourdhui à la suite de la mort des dirigeants africains de sa génération et après plus de quarante années de règne, « le plus ancien homme politique françafricain » à garantir le retour de la politique française par de nombreux « réseaux cachés et ses relations familiales bâties sur le modèle dune stratégie matrimoniale inimitable et irremplaçable ».
Pour bien cerner les liens entre Bongo, le NEPAD et la France, il est nécessaire quon sempare des thèmes politiques existants dans une perspective historique et idéologique. Cest le cas de la préoccupation épistémologique énoncée par R.M. Smith lorsquil aborde lapproche relevant de linstitutionnalisme historique comme une tentative « (
) détablir des ponts entre lhistoire de la pensée politique et les institutions politiques concrètes » accordant ainsi toute leur importance « (
) aux idéologies enchâssées dans les institutions et à la compréhension de type interprétatif des idées et du sens des actions (
) ». Si lon reprend la présentation que fait R.M. Smith de linstitutionnalisme historique, il nous faut au préalable remonter aux origines de ce quon appelle la « Françafrique ».
Cest grâce à ce contexte historique que naît politiquement Omar Bongo. Et cest au sein de cette arène quil a évolué. De manière générale, au tournant du millénaire, la quasi-totalité des pays africains est informée de linitiative de démarginalisation du continent sur la scène internationale, ce programme rencontrant des échos de plus en plus favorables auprès des partenaires au développement et des IFI. Mais le Président Bongo et son Etat-major recherchent de la visibilité autour du processus et la France par le biais de Jacques Chirac ne souhaite pas la dépendance des anciennes colonies vis-à-vis des dirigeants anglophones producteurs de ce projet appuyé par le Royaume-Uni, et ce pour au moins deux raisons. Dun point de vue économique : lAfrique permet à la France daccéder aux matières premières stratégiques comme luranium ou le pétrole. Elle est également source de profits pour de nombreuses sociétés françaises (transport maritime dans le domaine import/export, commerce du cacao, bananes, bois, café, etc). Sur le plan politique : en pleine période de mondialisation, la France, alliée du camp occidental, souhaite éviter la propagation de langlophonie dans ses sphères dinfluence (anciennes colonies).
Face au soutien politique des dirigeants africains initiateurs du NEPAD par le Royaume-Uni, la France enclenche le processus de création du NEPAD en 2001 au cours dun sommet parisien. Suivant une logique similaire, les sommets franco-africains restent un cadre important du « marketing partenarial » de la France. Mais le partenariat proposé au continent africain par la France sinscrit toujours dans une logique partenariale dans laquelle la France prend en charge lAfrique. Suivant le discours de Jacques Chirac : « la France (
) sest faite partout votre avocat. (
) et souhaite construire un véritable partenariat avec lensemble du continent ». A travers le NEPAD, la « France (
) entend rester fidèle à ses partenaires traditionnels, notamment francophones, et souvre plus que jamais sur lensemble de lAfrique ». Cest la politique de louverture et de la fidélité, et la France entend rester « porte-parole » de lAfrique.
En effet, lun des éléments de la stratégie occidentale depuis les dernières décennies du XXème siècle, cest de fabriquer des personnes sur le continent africain pour constituer des relais au niveau local, dont le rôle est de servir la stratégie globale des grandes puissances à léchelle mondiale, dans leur politique locale. Avant que la presse nattribue la paternité du projet à cinq présidents africains, plusieurs dirigeants occidentaux et non des moindres, avaient déjà parlé du NEPAD, en avaient vanté les énormes mérites et avaient commencé den assurer la promotion. Mais tout en proclamant ce nouvel état des relations internationales avec lAfrique, en aparté, au cours dune discussion avec les chefs dEtats africains, le Président Chirac a chargé son « ami de longue date » Omar Bongo de défendre au sein des organisations africaines aux côtés de Wade les positions des pays dAfrique francophone sous la tutelle française par un ensemble de moyens informels, illégaux et occultes. Parallèlement, pendant toute cette période, les différents gouvernements ont tenté de se parer des discours normatifs pour simposer sans véritable consistance autour des valeurs engagées publicitaires comme des évidences : la France ''meilleure amie de lAfrique et du développement'', ''patrie des Droits de lhomme'', la France en ''lutte contre linfluence hégémonique anglo-saxonne'', etc.
Le projet du NEPAD est donc en partie la fabrique de la « Françafrique », dont les mécanismes sont amplement et précisément décrits dans une littérature de combat. Le Président Omar Bongo est un personnage très influent et puissant sur le continent : doyen des chefs dEtats, il est au centre de la plupart des affaires africaines au delà des frontières de son pays. Il va brillamment orchestrer cette mission ''dimposition/intégration'' des Etats dAfrique francophone pour une gestion institutionnelle partagée au sein de larène de décision de la nouvelle organisation panafricaine. Sa principale stratégie sera la mise en place de dirigeants africains favorables à la France par le truchement daccords diplomatiques (défense de linitiative auprès du G8) et économiques (aide publique au développement pour le soutien financier des régimes ''amis de la France'') passés avec les dirigeants de ces pays, permettant de maintenir la francophonie face à langlophonie. A cette période, le leader de la gauche libérale britannique, Président tournant du G8, mettait à profit cette position de leadership, certes conjoncturelle mais doublée de la présidence quassurait la Grande-Bretagne à la tête de lUnion Européenne, en vue de valoriser et de capitaliser ce passage à la place de porte-étendard des pays les plus riches de la planète capable de lui faire gagner des points à divers niveaux sur le plan international. A en juger par son offensive vers lAfrique, se plaçant dans une trajectoire ascendante, Tony Blair ne ratait quasiment aucune occasion au moment des tractations sur le lancement du NEPAD pour plaider le développement en faveur de lAfrique. Ce fut le cas au Forum de Davos qui réunissait plusieurs figures politiques et économiques mondiales.
2.1.3. Lisolement du guide libyen et le cas Mugabe : enseignements dun « new deal » circonstanciel
Paris, la capitale française, a été le lieu où le partenariat africain pour le développement a trouvé à la fois toute son expression et mis en lumière les intérêts politiques des différentes parties en présence. Organisé à linitiative de lancien Président français Jacques Chirac, le sommet de Paris sur le NEPAD réunissait autour de ce dernier treize chefs dEtats africains de différentes sensibilités géopolitiques : francophone, anglophone et du Maghreb. Il sagissait de débattre au cours de ce sommet informel de la nouvelle approche africaine de développement qui demeurait encore au stade embryonnaire.
Lenjeu réel était de permettre au Président français de réaffirmer lintérêt de la France pour lAfrique au moment où la Grande-Bretagne de Tony Blair, comme on la dit, déployait dénormes moyens pour réactiver la politique africaine du Royaume Uni. Devant cette tentative insidieuse de réécriture de lhistoire par les leaders de langlophonie, cétait là une occasion pour lui de trouver un accord avec ses pairs de lAfrique anglophone - qui, depuis la fin des années 1990, jouent un rôle croissant dans le règlement des conflits qui la déchirent. A ce titre, on voit se multiplier les participations africaines à des opérations de maintien de la paix dans leurs volets diplomatiques et militaires. Deux pays occupent en la matière une position dacteurs de premier plan, le Nigeria et lAfrique du Sud. En vue dintégrer dans le processus décisionnel certains chefs dEtats de lAfrique francophone, notamment Omar Bongo, Jacques Chirac avait tenu à le citer, en faisant ainsi le point central de son intervention pendant une réunion à huis clos. Cela dit, cette réunion scellait en quelque sorte lacte de naissance du NEPAD et lacceptation des initiateurs anglophones dassocier au plus haut niveau le Président gabonais, « Bongo le Français », en dépit du fait quil ne correspondait pas à la conception anglophone « dune démocratisation étrangement apolitique et favorable aux élites, compatible avec le discours de la Banque mondiale et léconomie de marché, conception qui na que peu de soutiens en Afrique en dehors des élites en place ». Il nest pas excessif de le qualifier ainsi, Bongo est lun des dirigeants africains qui sest personnellement occupé du relais des affaires françaises en Afrique. Très peu de ses pairs dans lespace francophone du continent sen sont préoccupés avec autant de désintéressement, de générosité et de persévérance comme le Président Bongo, devenu la « marionnette des réseaux africains de la France ».
Le consensus avec les pays de lespace francophone, et précisément avec le leader gabonais, permettait à lAfrique du Sud de sallier une coalition de pays pour faire face à lhostilité du guide libyen. Cette collusion dintérêts politiques a mis de côté les priorités éthiques que défendait lAfrique du Sud en tant que puissance continentale dont lambition de départ était de sallier les hommes dEtat africains qui partageaient le même état desprit que ce pays, cest-à-dire des dirigeants progressistes - les quelques autres Etats anglophones relativement puissants, le Nigeria, le Kenya, la Tanzanie, lOuganda et le Ghana (intérêts principalement centrés sur les pays du Commonwealth et de la SADC) - et avec lesquels Thabo Mbeki pouvait travailler à des objectifs communs dEtats réformateurs. Cette vision sinscrit dans les problématiques contemporaines de la science politique nées de la nature du gouvernement présenté comme « bon » et ayant fait lobjet décrits divers. Elle éclaire les transformations sociales en uvre au sein du continent depuis le début du millénaire dans des domaines variés, notamment avec la configuration nouvelle des relations internationales africaines, la définition dun nouveau « référentiel » de conduite des politiques locales de développement et de ladoption dune vision particulière du continent avec léconomie de marché. Cétait sans doute ignorer la vigilance de la « marionnette » francophone, défenseur de la rhétorique grandiloquente du discours sur lunicité du continent, doù lobservation des écarts sérieux entre cette approche sélective du gouvernement envisagée en amont, et sa pratique effective en aval. Car, « linstitution qui a le plus de chance de survivre, de se pérenniser est celle qui est suffisamment flexible pour sadapter aux conditions mouvantes permettant daccorder toujours plus de bénéfices aux acteurs intéressés par linstitution. La nouvelle gouvernance sinscrit dans cette perspective dans la mesure où elle vise précisément à optimiser les gains tirés de la coopération sans se figer dans un mode précis et définitif de gouvernement. Elle napparaît pas comme un simple toilettage institutionnel, mais comme linvitation à un profond bouleversement ».
Lenjeu était la reconnaissance implicite de la légitimité du Président Bongo comme le « doyen » incontournable dans les institutions africaines, doù le partage institutionnel du pouvoir au sein du processus de décision du NEPAD. Dun point de vue philosophique, un consensus sest manifestement dégagé au sein de lappareil de direction du NEPAD sur lintérêt dune participation équilibrée des Etats sous obédience francophone. Une illustration concrète de ce consensus est donnée par lentrée des « Etats consommateurs » tels que le Gabon dans des appareils de décision, en dépit de la subsistance de désaccords significatifs sur les questions de leadership régional. On peut affirmer, de ce fait, que la pratique na pas rejoint la théorie puisque Omar Bongo se retrouve au sein du comité de mise en uvre, - instance la plus importante de délibération et centre du pouvoir du NEPAD en tant que lieu de décision collective - et les questions de politique étrangère restent éclatées et marquées par des tractations aux limites des exigences morales et des intérêts politiques des agents. En revanche, les pays anglophones, initiateurs du programme bénéficiaient dun gain symbolique important : lisolement de Kadhafi et de Mugabe plutôt que leur implication, comme lavait fait le Président Chirac en invitant le second au sommet France-Afrique de février 2003, invitation qui avait suscité des oppositions du gouvernement britannique qui reprochait à la France des « petites combines » avec ses amis africains, à limage des présidents du Gabon et du Congo qui enregistrent de maigres performances en termes de gouvernement selon la vision de Jean Leca, à en juger par les bases patrimoniales de leurs régimes. Ici, le politique nest pas soumis à la société africaine malgré linscription de lidéologie néolibérale dans la nouvelle pratique gouvernementale souhaitée par les dirigeants africains, mais sincarne davantage dans un espace où le jeu des acteurs sarticule autour des valeurs et des intérêts. En pratique, la politique sud-africaine a été entravée par son influence limitée sur Kadhafi et son incapacité à influencer le gouvernement de Mugabe au Zimbabwe. Ces deux dirigeants ne sont certainement pas démocrates ou réformateurs mais leur exclusion des appareils du NEPAD ne peut sexpliquer. Ce dautant plus que « les transactions parisiennes » ont accordé une attention particulière aux régimes du continent les moins démocratiques comme ceux de lAfrique francophone, notamment du Gabon, du Congo et du Cameroun. Désormais, dans le domaine international, la notion de « bon » gouvernement est utilisée davantage pour désigner ce qui apparaît comme une transformation de la politique internationale qui nest plus lapanage de lactivité des seuls gouvernements mais devient le champ des « mécanismes informels, non gouvernementaux par lesquels des personnes et des organisations qui agissent, satisfont des besoins et atteignent des objectifs ». Ce jeu dintérêts entre acteurs africains et occidentaux obéit à la lecture de M-C. Smouts sur ce quelle désigne par conception « réaliste » des relations internationales qui insiste sur le rôle des Etats comme constituant chacun une unité souveraine et fondamentalement distincte des autres.
2.2. Analyse des situations nationales du NEPAD : comparaison binaire dans les aires anglophones
Le Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) marque le retour dun programme de développement et daction et, nonobstant ses carences conceptuelles, il offre aux différents pays africains de bénéficier dun renouvellement et dun regard commun sur les impératifs et les défis de développement continental. Lextension de cette étude à lanalyse dans les aires anglophones est enrichissante parce quelle permet grâce à la comparaison de mieux apprécier la situation du NEPAD au Gabon et dans sa sous-région et den évaluer limpact. LAfrique du Sud et le Nigeria ont été les principaux pays à apporter leur soutien à cette initiative, notamment à travers leur intense implication dans lébauche du plan. Ici, « comparer cest expliquer » le phénomène à partir des terrains anglophones pour mieux le comprendre dans les espaces francophones, tel le cas gabonais. Cette comparaison a à la fois une valeur heuristique et interprétative. Car, il sagit bien de saisir lobjet social NEPAD « tel quil se donne à voir » au-delà du Gabon. Pour éviter un travail « gabono-centré », nous eassayons de trouver des éléments de comparaison. La préférence des pays choisis permettra de répondre à la question du rôle du NEPAD dans des « sociétés comparables », cest-à-dire dans des pays présentant des analogies fondamentales, lobjectif étant de faire ressortir celles-ci et les différences dans un ou plusieurs domaines avec le cas étudié. La justification dans ce cas est pertinente puisquil sagit dune part des pays qui ont choisi la voie du gouvernement, et à linverse, des Etats où les dirigeants choisissent de se maintenir au pouvoir comme au Gabon. Le tableau qui suit montre clairement que lAfrique du Sud et le Nigeria à travers leur PNB global constituent deux grandes puissances au niveau du NEPAD et de la région africaine en général.
2.2.1. LAfrique du Sud et le Nigeria : deux géants de lAfrique subsaharienne
La puissance du PNB global chez les deux géants du NEPAD, explique un certain niveau développement institutionnel atteint dans ces deux pays, notamment avec la dynamique impulsée par Nelson Mandela depuis la fin de lapartheid et larrivée au pouvoir dOlusegun Obasanjo après la mort du dictateur Sani Abacha. Ce confort macro-économique, conférant une certaine légitimité naturelle, a permis à ces deux pays denvisager de nouvelles marges de manuvre pour arrimer les autres pays du continent vers une dynamique endogène de développement économique et politique.
En effet, Afrique du Sud larrivée au pouvoir de Thabo Mbeki en juin 1999 avait marqué un nouveau tournant dans la politique étrangère sud africaine impulsée par Nelson Mandela, dont les objectifs reposaient sur linstauration de la démocratisation et les droits de lhomme. LAfrique du Sud qui se trouve être dans une position de responsabilité politique, va amener Thabo Mbeki à concilier à la fois politique étrangère et intérêt national. Pour y parvenir, le nouvel homme fort sud-africain va se servir du discours politique de la « renaissance africaine » afin de bénéficier dun charisme et de ne pas rester dans lombre de Mandela. Cette « idée à caractère performatif » repose sur une stratégie de communication visant à perpétuer la nouvelle tradition de pays démocratique.
Au-delà de cette fonction interne dun discours de légitimation personnelle, cette idée incarne la nouvelle orientation de la politique étrangère de Thabo Mbeki en tant quinternationaliste convaincu. En faisant loption dun discours unificateur, lancien Président sud-africain Mbeki poursuivait la normalisation de son pays avec le reste du continent, qui avait été déjà amorcée par Mandela. Par cette intégration au continent, Thabo Mbeki va combler un vide idéologique continental véhiculant la nouvelle manière de produire la modernité. Ce discours en tant quoutil de politique étrangère nest utilisé que lorsque lintérêt national est en jeu, afin de le légitimer et, comme le font remarquer Dominique Darbon et Michel Foucher : « le discours moral sarrête là où les intérêts économiques commencent ». Au delà de cette opportunité, le NEPAD va servir deux doctrines politiques conciliant intérêts nationaux et avenir continental : « lAfrique dabord et lambition continentale aussi ».
Le programme du NEPAD a bénéficié dune attention particulière sans précédent et a suscité par la même occasion de nombreux débats et controverses en Afrique du Sud. Parmi les questions importantes débattues figure celle du manque de consultation de la société civile au moment du lancement du programme. En effet, de lavis général des analystes, le fait que le NEPAD soit un mécanisme « top down » dont « le développement et la mise en uvre résulte den « haut » est la cause première de lopposition en Afrique du Sud ». Cette contestation est surtout liée à la nature hiérarchique du NEPAD qualifié de projet « dafricanisation du GEAR » avec un arrière fond de compromis politique consenti entre ses auteurs. Le débat porte à la fois sur un défaut de conception selon une méthode très bureaucratique et un défaut dapplication parce que le programme est mené par le gouvernement sud-africain qui sinspire des paradigmes néolibéraux de la BM, du FMI et de lOMC, à ce titre il ne peut refléter véritablement un plan populaire. Il a été élaboré par des experts dans un processus isolé et vise la « communauté des bailleurs de fonds ».
Bien que le projet ait été lobjet de discussions continuelles entre Thabo Mbeki et certainsde ses pairs, le confinement de son élaboration à une poignée de personnes na pas été apprécié par les Sud-africains dans le grand public et dans le mouvement ouvrier. Cest pourquoi largumentation de la population repose sur le rejet du programme parce quil ne propulse pas le continent mais le lie aux plans impérialistes. Selon un autre débat, le NEPAD doit être soutenu car il sagit dune occasion pour unir le continent africain à la mondialisation. Un dernier argument au plan national veut que le NEPAD sengage vigoureusement dans lidentification de ses faiblesses et de ses imperfections et fasse campagne sur de nouvelles alternatives. Tout de même, ce pays reste une puissance régionale et demeure un exemple de démocratie participative même si le cadre hiérarchique du NEPAD impose des politiques économiques qui ne sont pas générées par un mécanisme démocratique participatif. Le gouvernement sud-africain a la capacité de conduire un développement national.
LAfrique du Sud est un Etat africain « fort » à ne pas confondre avec des pays nationalistes autoritaires qui gouvernent sans beaucoup prêter attention aux désirs de leurs peuples. Ces Etats africains « faibles » de par leurs structures hiérarchiques et leur manque du sens des responsabilités envers leur population, se sont révélés très vulnérables à la saisie et à lexercice du pouvoir par les élites ou du moins par des dictateurs. Cest le cas des pays dAfrique francophone tels que le Gabon et le Cameroun, membres du comité de direction du NEPAD et principaux responsables du programme en Afrique centrale. LEtat « fort » sud-africain désigne un ensemble de réussite démocratique qui joue un rôle actif dans la promotion du développement humain soutenu et facilite limplication des communautés locales dans la prise de décisions politiques et leur mise en uvre. Cest à ce niveau que cet Etat se distingue de ses voisins. Les institutions politiques, judicaires et administratives existent, contrairement aux pays francophones où elles sont en souffrance ou esquivées. Le NEPAD est une « machine de légitimation » pour les intérêts de lAfrique du Sud et saccompagne dun élargissement ou redéploiement des relations bilatérales avec ses pairs africains et en tout premier lieu, lautre puissance régionale et potentiellement rivale du continent, le Nigeria.
Le pays le plus peuplé du continent est à la reconquête dun leadership sous-régional et continental et cherche à retrouver une position dominante sur le continent et en particulier dans sa sous-région. Avec une population évaluée entre 124 et 130 millions dhabitants, un potentiel de puissance économique grâce à une croissance annuelle de 3% et une dimension militaire sans commune mesure, ce pays est un des plus influents. LEtat nigérian constitue 2% de la population mondiale avec 374 groupes ethniques et deux grandes religions, le christianisme et lislam. Ce pays reste résolu à endosser un rôle hégémonique continental. Léconomie du Nigeria repose sur le pétrole qui représente 95% environ des recettes dexportation. Mais le pays a connu une baisse de son économie, due en partie à la mauvaise gestion des énormes revenus provenant de la rente pétrolière, qui nont malheureusement pas pu générer un changement significatif dans le quotidien des populations vivant dans une pauvreté.
Sur le plan politique, le Nigeria a opté pour le fédéralisme. Il comprend 36 Etats avec plus de 700 gouvernements locaux. Pendant trente ans, ce pays a souffert de la dictature militaire privant les populations des droits politiques et humains. En dépit de lorganisation délections libres après la dictature militaire, les pratiques peu orthodoxes nont pas permis à ce pays dêtre en mesure de coordonner une transition démocratique réussie. Larrivée au pouvoir dObasanjo va impulser une nouvelle dynamique de redressement économique dinspiration néolibérale. Celle-ci comprenait la privatisation, la libéralisation, linvestissement étranger direct, lintroduction des stratégies de lutte contre la corruption. Plusieurs réformes ont été menées dans le cadre du NEPAD au Nigeria.
Cependant, en dépit de la promotion visible du NEPAD à laquelle sest livrée le Président Obasanjo au niveau continental et mondial, il ny a pas eu beaucoup de débats autour du NEPAD au Nigeria. En effet, la mise en place du projet par le gouvernement nigérian sest limitée à la nomination dun conseiller spécial sur le NEPAD auprès de la Présidence. Comme partout ailleurs, notamment en Afrique francophone et du Sud, lessentiel des membres de la société dite civile nont pas eu dinteraction importante avec le gouvernement sur ce programme. Toutefois, quelques organisations de la société civile, à lexemple de la confédération syndicale du Nigeria, le centre pour la démocratie et le développement et un petit nombre dautres ONG ont été associés au processus pour lanalyse du document cadre du NEPAD. Ces organisations ont découvert que le texte du programme était très restrictif, dautant plus que beaucoup dorganisations nont pas connaissance à ce jour de lexistence du document rendant public le contenu du NEPAD.
De manière générale, on peut constater que la société civile nigériane a conduit plusieurs actions du NEPAD en faveur de la promotion du rôle des travailleurs, notamment avec les initiatives de communication sur le développement centré des populations mais aussi sur le développement des ressources locales. Le rôle de la presse a été aussi déterminant sur la diffusion des analyses du contenu du NEPAD dans les médias et dans tout le Nigeria. Toutefois, lidentification des difficultés nest pas en reste. On peut noter la faible participation de la société civile et le peu de discussions avec le gouvernement, « un manque danalyse de la politique et de son contenu dans la société civile organisée, un manque de structure établie pour la coordination de la mise en place de la politique, une base de ressources limitées dans la société civile, et un désaccord entre la position externe du gouvernement et les engagements locaux dans le mécanisme ». Cette situation est révélatrice du peu de travail réalisé entre gouvernement et société civile dans la mise en uvre du processus. Et tout ceci est à inscrire au pendant lacunaire du NEPAD qui voit grand dans ses visions et ses objectifs et moins dans sa stratégie de mise en place. Le problème fondamental vient de ce que le NEPAD ne remet pas en cause fondamentalement les institutions et les politiques qui perpétuent la marginalisation du continent, avec la focalisation du NEPAD sur lAPD et le recours régulier aux institutions internationales. Le NEPAD doit réviser sa stratégie dans ses alliances politiques et sociales au niveau local. Cette alliance doit inclure toutes les catégories sociales. Il ne fait donc aucun doute que la situation socio-économique et politique du Nigeria reflète la réalité générale des pays francophones et du continent en général tout en se distinguant davantage par ses efforts à gouverner.
2.2.2. Le Zimbabwe et le Malawi : analyse du NEPAD dans deux Etats-parties à impact limité
La mise en uvre du NEPAD au Zimbabwe na pas suscité de grands débats. Comme nous lavons évoqué, ce pays faisait partie de la coalition dEtats frondeurs hostiles à la naissance du NEPAD dans ses premiers développements. Ce pays anti-NEPAD manque de démocratie et de bonne gouvernance à limage du Gabon. Cette situation rend difficile toute promotion du NEPAD pour lobtention des financements et il est donc incertain denvisager de grandes réalisations dans un pays où les performances économiques sont maigres. Pire encore, le NEPAD omet dans ses prescriptions la prise en compte des femmes. Elles constituent une partie du secteur informel, ce qui est évidemment un problème. Cest donc en partie, la situation de crise socio-économique et politique qui a détourné lattention du NEPAD.
En effet, dans ce pays la population accorde beaucoup plus dintérêts au climat politique et économique en déclin aux dépens du NEPAD. De ce point de vue, la participation de la société civile et de la population est très insignifiante. Il existe de fortes tensions dans les rapports entre gouvernants et organisations syndicales, au point où la mise en uvre du NEPAD ne peut susciter ladhésion effective de ces organisations. Au Zimbabwe, les syndicats sont considérés comme les alliés de lopposition ; il est donc difficile de garantir le jeu de la représentation populaire. Tout aussi important est le défi que représentent les syndicats pour le NEPAD. Les organisations syndicales doivent servir leur cause première, à savoir la défense et la protection des droits des travailleurs et lamélioration de leurs conditions de travail. Ce fait se révèle très important dautant plus que les syndicats protègent la sécurité des travailleurs et il est on ne peut plus difficile que le NEPAD soit accepté dans ce pays en raison du caractère néolibéral présenté par les politiques du programme panafricain. Il ny a donc pas de possibilité denvisager ladoption du NEPAD dans ce pays. En termes de conséquences du NEPAD sur le genre, il est bien connu quactuellement, au Zimbabwe, les femmes représentent la grande partie de la population précaire, avec 80% des personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour, les femmes constituent près des 65%. Le NEPAD en tant que réduplication du modèle néolibéral, a manifestement des conséquences désastreuses sur la population féminine, « en augmentant leur pauvreté et le fardeau que représente le fait dêtre porteuses denfants, dassurer les soins, etc ». Il sagit là des vrais problèmes à examiner à la lumière du NEPAD et du genre et qui entravent la démocratie et la vraie gouvernance au Zimbabwe.
Au Malawi, le NEPAD représente linitiative africaine la plus récente. Ce pays réalise et apprécie les buts, les efforts et la vision du NEPAD, contrairement au Zimbabwe. Ce qui a conduit aux débats sur la manière dont le NEPAD entend mettre en uvre ses ambitions. Les organisations de la société civile débattent des avantages du NEPAD au Malawi. Certaines questions qui ont été débattues concernent la croissance que ce programme panafricain peut impulser au Malawi. Le NEPAD est certes un enfer pavé de bonnes intentions pour les populations du Malawi. Pour ces dernières, les mesures économiques proposées ne sont pas acceptées par sa population parcequelle considère que le NEPAD semble reculer face à la dette internationale. Au Malawi, les débats actuels portent sur le développement économique et la valeur ajoutée réelle du NEPAD. On note également « quaucun programme sur le NEPAD na été mis en place au Malawi, en dehors dune réunion entre le ministre des affaires étrangères et les organisations de la société civile en 2002 » Durant, cette rencontre les parties en présence ont débattu des points cruciaux négligés par le programme au Malawi, notamment la question prioritaire de la pauvreté dans ce pays et labsence de toute forme daide extérieure, remarquant que le programme accorde plus dintérêt à la question sécuritaire dans dautres pays membres.
La société civile du Malawi estime que le continent africain doit mettre en place des stratégies de promotion de développement social et économique sur le continent. Pour y parvenir, il faut tout dabord satisfaire le besoin dune bonne gouvernance économique, faire preuve de transparence, notamment dans les priorités accordées au budget. Les obstacles structurels qui ont entravé le développement du continent semblent avoir un effet sur le NEPAD, dont la tendance est de les aggraver plutôt que de les surmonter. Lexemple des PAS est révélateur. Leur inefficacité na pas permis de régler la question de la dette, les subsides y ont été supprimés, rendant les pays africains incapables de promouvoir le développement. Lobjectif du NEPAD se concentre sur le fait que les pays africains doivent être indépendants, mais cela na pas empêché laugmentation de la pauvreté au Malawi.
Finalement, le NEPAD met en place de nouvelles politiques qui ont recours aux financements extérieurs. En matière dinfrastructures, le Malawi est très pauvre. Très peu de personnes ont accès aux routes et aux nouvelles technologies de linformation et de la communication (NTIC). Et le NEPAD pourrait avoir de plusieurs manières un impact au Malawi en ce qui concerne le commerce et le chômage. Par exemple, le chômage augmentera parce que lajustement structurel rend le pays dépendant des importations et des produits manufacturés et des exportations de matières brutes. Le NEPAD ne peut régler les problèmes relatifs à la croissance économique puisquil naborde pas, par exemple, les durs effets découlant du non-respect des conditions des bailleurs de fonds. En conséquence, ces fonds ne sont pas pleinement utilisés.
En somme, comme on le remarque, en dehors de lEtat sud-africain, la situation nationale de ces pays des aires anglophones nest pas tout à fait différente des Etats francophones si lon en juge par la carence des institutions et linstabilité économique qui condamnent leurs différentes politiques extérieures à suivre les remous de leur situation politique domestique qui conduit généralement à la rigidité sur certains dossiers importants afin de gagner en crédibilité interne. Malgré leur importance démo-géographique, ce sont des Etats faibles qui utilisent la scène extérieure pour pallier leurs maigres performances gouvernementales. Cest ainsi que le NEPAD, outre leur dimension internationale de projection des ambitions de domination sur la région, est destiné à leurs populations dans un objectif de resserrer les soutiens autour de ces dirigeants. Les liens unissant la situation interne de ces pays et celle du continent africain sont tellement infrangibles que lenjeu du NEPAD est de permettre le développement des infrastructures dont ces pays ont tant besoin.
Laction dOlesegun Obasanjo au sein du NEPAD, lui a permis de se fabriquer une image positive devant la communauté internationale, notamment à travers sa participation au sommet du G8 de Kananaskis en juin 2002 puis dEvian en juin 2003, et de redorer son blason dans les médias internationaux. Une initiative positive qui a du mal à faire oublier tout de même la situation économique catastrophique de son pays, malgré les richesses pétrolières, due en partie à une corruption frappante.
2.2.3. Les divisions internes entre les promoteurs anglophones du NEPAD
Le processus dinstitutionnalisation du NEPAD sest accompagné doppositions vives entre ces deux géants des aires anglophones autour de la nature et de la transparence du « peer review » du NEPAD. Les deux chefs dEtat initiateurs défendaient chacun en ce qui le concerne une position personnelle sur la question. Cest suite au discours du Président du NEPAD devant lAssemblée de lUnion que lopposition entre les anciens Présidents Thabo Mbeki et Olusegun Obasanjo est apparue sur la scène publique. Lors de sa présentation de lévolution du NEPAD, Olusegun Obasanjo a longuement fait part de son attachement à la conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération (CSSDCA) sans pour autant faire allusion au NEPAD qui était lobjet de la rencontre. Tout en indiquant clairement son attachement personnel pour le NEPAD, le chef dEtat nigérian navait pas caché sa préférence pour linstrument de la conférence, qui est dabord une émanation nigériane.
Cet engagement pour la CSSDCA vient du fait que cest lui-même qui avait impulsé sa création en 1991 lors du Forum sur le leadership en Afrique réunissant à cette époque lOUA et lUNECA. Cest dans cette perspective que la déclaration de Kampala envisageait lors de ce sommet la mise en place dune institution de discussion et de décision intergouvernementale de manière à ce que le continent influence à la fois son destin politique et ses rapports avec les autres parties du monde. Cette déclaration, présentée par les analystes comme l« Helsinki » africain, dressait clairement un parallélisme avec la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe tenue de juillet 1973 au 1er août 1975, date des accords du même nom, entre 33 pays européens, les USA et le Canada. La conférence avait pour objectif de formaliser et dentériner le statut quo territorial en Europe à la suite de lédification du mur de Berlin, en 1961, et la séparation de lAllemagne en deux Etats aux régimes distincts.
Laccord permettait une « détente » des rapports entre les blocs socialistes et capitalistes et lintensification des relations Est/Ouest, gage de la paix et de la sécurité du continent. Les relations étaient axées autour de quatre « corbeilles » de travail, cette terminologie nest pas sans rappeler le programme africain initié par Obasanjo dont la réflexion sarticulait autour de quatre « calabashes », qui après les réunions devraient être suivies des recommandations aux membres des gouvernements nationaux. Cette procédure devait être suivie dun sommet des chefs dEtats à peu près à la même date que celui de la conférence de Durban en 2002. Cest dans ce cadre que le Président Obasanjo, constatant dans les faits que le NEPAD éclipsait la réunion décisive pour lavenir du forum de la CSSDCA, na pas hésité à renouveler son attachement indéfectible à une initiative quil avait personnellement conduite.
En effet, pour tenter de comprendre ce retournement de position de la part dun initiateur et artisan du NEPAD, il est important de revenir sur la situation interne dans lEtat nigérian au moment de lorganisation du sommet de Durban. A cette époque, les élections présidentielles se préparaient dans lopposition et le président nigérian justifiait sur le plan national dun bilan peu brillant en termes de performance gouvernementale. De plus, sur la scène continentale, le Nigeria devrait faire face au conflit frontalier maritime qui lopposait au Cameroun au sujet de la souveraineté sur la presquîle de Bakassi, un territoire limitrophe, riche en hydrocarbures, conflit qui entache les relations entre les deux pays depuis huit ans. Ce conflit frontalier a été tranché par la cour internationale de justice en faveur du Cameroun, qui exerce depuis 2002 la souveraineté sur la péninsule. Lancien dirigeant nigérian subissait donc un affront diplomatique avant les élections et il avait fini par accepter la décision de justice. Comme on le voit, cest donc un Président affaibli par son autorité mise à mal dans son propre pays et dont le prestige est écorné ou amoindri par cette affaire et qui vient défendre sur la scène régionale son apport personnel à lavenir dun continent. Face aux ambitions claires et nettes du Président Thabo Mbeki de faire du NEPAD son projet personnel, son allié Obasanjo se devait de réagir en sopposant à la réalisation des visées hégémoniques sud-africaines et par là même simaginer ou sinventer une stature de Président du pays africain le plus peuplé.
Par ailleurs, le Nigeria avait pour objectif de faire de la CSSDCA la base dadoption des critères dévaluation pour le 3 peer review3 , un moyen de court-circuiter durablement son concurrent en permettant la participation de tous les pays membres de l UA. Contrairement au NEPAD qui prévoit une exclusivité à son programme, la conférence était favorable à tous les pays africains, ce qui a valu à Obasanjo de rallier une coalition de soutien parmi ses pairs. De plus son opposition au 3 peer review3 proposé par le Président Mbeki va au-delà de cet élément puisqu il va concerner un autre partenaire engagé dans ce processus : lUNECA. Lopposition dObasanjo au mécanisme dévaluation, justifiée par son caractère emprunté et non africain, a porté un coup fatal au processus et à son producteur Mbeki qui envisageait que les normes dévaluation reprennent celles élaborées par lUNECA dans son projet de gouvernance. Cet élément diplomatique met en jeu la question densemble des critères de mesure, dont lenjeu concerne la survie des dirigeants africains, par ailleurs membres de lUA. Cette compétition politique entre les deux principaux leaders anglophones initiateurs du NEPAD est similaire à celle que connaissent les deux principaux dirigeants de la sous-région dAfrique centrale, à savoir le Gabon et le Cameroun dans la création parallèle des institutions régionales telles que les Bourses des valeurs mobilières dAfrique centrale (BVMAC).
Au demeurant, on peut avancer quau terme de ce chapitre, létude à travers cette partie a voulu rendre compte de « lentrée du Gabon dans la dynamique du NEPAD », ce qui sy joue en ce qui concerne les dynamiques dexpression dans les faits de lautorité africaine et les processus de diffusion à léchelon planétaire de cette division institutionnelle du pouvoir, en général, et africain en particulier des dirigeants politiques. Le NEPAD, en tant que nouvelle politique de coopération du monde africain avec les partenaires au développement, apparaît non seulement comme une des multiples manifestations de la monopolisation libérale du marché, mais aussi comme une politique internationale des pays africains dans léconomie mondiale.
Cest à ce niveau que pourrait se situer lentrée Gabon au sein du NEPAD : le phénomène de la puissance ou lexpression du pouvoir constitue un enjeu important qui marque la nouvelle dynamique de transformation sociale et politique des sociétés africaines à légard de la communauté internationale. Dans ce processus dinclusion au monde libéral à travers ce nouveau programme panafricain, lEtat gabonais tente de modifier sa position internationale en se projetant dans les institutions africaines par le biais de leur réappropriation qui est elle-même porteuse dune réorganisation de la structure des positions continentales et internationales des pays africains. Enfin, si le NEPAD met en évidence les préoccupations de responsabilité et de solidarité entre les nations, il intègre aussi dans le cas du Gabon les motivations purement géostratégiques. Doù une solidarité réaliste qui, progressivement structure les nouvelles relations entre pays africains.
LAfrique du Sud devient désormais la plus importante puissance morale et culturelle du continent. Ce pays dispose dun charisme éthique qui repose dabord sur son histoire sociopolitique, notamment son modèle transitionnel conciliateur et harmonieux réalisé à travers la technique du « dialogue » et de la « réconciliation » qui représente aujourdhui, à léchelle continentale, le modèle dune sortie négociée et réussie du conflit. « Son icône politique, Nelson Mandela, symboliquement sublimé par lattribution du prix Nobel de la paix en 1994, représente aujourdhui la personnalité morale la plus influente au monde. Il est lécran sur lequel est perçue lAfrique du Sud à lextérieur et se perçoivent les Sud-Africains eux-mêmes ».
La démarcation éthique sud-africaine peut se lire également à travers un discours de légitimation de la « destinée africaine » du pays, évoquée par Nelson Mandela en 1994, élaborée et portée par Thabo Mbeki sous le projet de « renaissance africaine ». Il sagit, dune part, dun discours de consécration de lafricanité et, dautre part, de lappel au leadership sud-africain. En clamant « je suis Africain », Thabo Mbeki tente de construire le continent africain en un espace de sens (dominé par lAfrique du Sud), cest-à-dire en « un ensemble de valeurs et dintérêts communs, produits et partagés par des sociétés politiques qui ne sont ni égales ni homogènes mais qui aspirent à se projeter collectivement dans le champ international à des fins daffirmation identitaire ou stratégique ». Lancien Président Thabo Mbeki envisage la destinée continentale à partir dune position nationale spécifique, ce qui constitue symboliquement un comportement de puissance. Par ailleurs, le discours de la « renaissance africaine » est une vision panafricaine qui a pour effet de faire de lAfrique du Sud, ne serait-ce que dans le domaine de la production normative légitime, un Etat pivot régional.
Le discours de la renaissance africaine est un discours moral de légitimation du leadership continental de lAfrique du Sud. Il se traduit concrètement par la promotion des valeurs de lEtat de droit, de la sécurité économique et humaine. Le Président sud-africain est le chef dEtat le plus important du NEPAD, tout comme il se fait le principal porte-parole à lextérieur. « La déclaration de lUnion africaine sur les élections, la démocratie et la gouvernance en Afrique, connue sous le nom de déclaration de Durban, contribue au prestige symbolique de lAfrique du Sud comme lieu de la production normative continentale. De nombreux centres et instituts comme lElectoral Institute of South Africa (EISA), lElectoral Independent Commission (EIC), lAfrica Institute of South Africa (AISA), lAfrican Human Security Initiative (AHSI), etc », sont des structures qui contribuent à la légitimation et au rayonnement de lAfrique du Sud comme « poste avancé » de la civilité politique internationale. En suscitant avec succès la création de la CSSDCA et son incorporation dans les programmes daction de lUnion africaine, le Nigeria tente aussi de se construire la figure dune puissance morale. Les valeurs politiques consacrées par la CSSDCA étant les mêmes que celles du NEPAD, le Nigeria consolide sa position privilégiée dans le champ des producteurs de normes.
Toutefois, le domaine dans lequel le Nigeria construit sa distinction et sa démarcation éthique est celui de la pacification, de la résolution des conflits. Sur ce champ, le Nigeria jouit dune véritable domination quasi hégémonique en Afrique de lOuest et y fait référence pour attester sa probité morale et son altruisme dans le concert africain. Cest ce qui ressort du plaidoyer du Nigeria à la Cour internationale de justice dans le différend qui loppose au Cameroun au sujet de la presquîle de Bakassi : « le Nigeria nest pas une nation belligérante ; il nest pas non plus intéressé par lexpansion de ses frontières au détriment de ses voisins. Au contraire le Nigeria est lun des pays les plus pacifiques en Afrique, avec une très bonne réputation en ce qui concerne le bon voisinage (peaceful neighbourliness) ». Si lon tient compte du fait que la résolution des conflits et le maintien de la paix sont des critères dexpression de la puissance post-guerre froide, le Nigeria, pacificateur numéro un en Afrique, est une puissance militaire et morale régionale. Il est une puissance de paix. Toute puissance de paix est une puissance morale.
CONCLUSION
1. Lélaboration du NEPAD au Gabon : problème politique de présentation et bilan critique
Le phénomène de mondialisation constitue, après celui de la guerre froide, lun des événements majeurs des transformations économiques et politiques contemporaines. Ces mutations ont conduit à la reconfiguration de lespace monde et des relations internationales. Dans cette perspective, le régionalisme est apparu comme lune des réponses à la faveur de ces changements économiques au niveau global et de lexemple historique sans commune mesure du NEPAD. Cest dire que la coopération inter-étatique est dominée dorénavant par la dynamique de partenariat.
Le partenariat au développement est aujourdhui devenu un des thèmes politiquement parlant des relations internationales à lère du nouveau régionalisme. Il sagit dun événement international qui, sur le plan théorique, renouvelle et enrichit lanalyse internationale en combinant flux transnationaux et formation des institutions et, sur le plan pratique, diffuse tout une vision du monde en redéfinissant le jeu de la puissance mondiale. Avec linstitutionnalisation du NEPAD, le continent africain tente de sarrimer à la mondialisation mais aussi essaie de modifier sa position marginale internationale afin déviter son retrait comme spectateur inconditionnel du système international. En cela, le NEPAD est à la fois une réponse politique au fait international de régionalisation et une alternative à la souffrance des institutions, mieux un moyen de réagir face à limpossibilité de la démocratie qui fonctionne mal sur ce continent. De fait, il sagit bien dun mécanisme de mise en uvre effective et pratique de la puissance africaine à partir dun changement de mode de légitimité grâce au mécanisme africain dévaluation par les pairs (African peer review mechanism). Ce glissement de légitimité du pouvoir au comptable, cest-à-dire de la légitimité électorale vers une légitimité de type technocratique, est un des changements politiques nouveaux empruntés aux modèles de lOCDE.
Lentrée du Gabon dans cette dynamique transnationale est due avant tout à linspection externe des bailleurs de fonds. Il sagit donc pour ce pays de transformer une contrainte dinspection externe en ressource politico-stratégique interne afin de se conformer à la loyauté du système international et régional. En sattachant à appréhender les figures du pouvoir dans leur banalité, on peut se rendre compte que la diplomatie gabonaise essaie de sadapter au « temps mondial », en se donnant des marges de manuvre, en vue de se faire passer pour modèle dapplication des injonctions internationales. Ce faisant, ce pays fait ainsi preuve dinventivité avec des jeux tantôt desquive, de ruse, mais également de contournement. Dans ces conditions, ici lénonciation du politique se nourrit, en effet, de cet imaginaire particulier fondé sur la dérision et dont le résultat est daboutir à des régimes hybrides et inédits où les dynamiques formelles et informelles sagencent pour donner sens à la durée du système au pouvoir depuis plus de quatre décennies. A travers ladaptation gabonaise aux contraintes externes, les autorités de ce pays transforment les directives régionales et internationales en ressource politique locale. Le NEPAD en tant que nouvelle politique de coopération tente de promouvoir une certaine homologie sociale et institutionnelle entre les pays africains et le monde développé. Cest dans ce cadre que le Gabon a anticipé en sadaptant à cette nouvelle donne mondiale. On peut donc à juste titre dire que le NEPAD participe à la compréhension du développement institutionnel en Afrique.
On peut ainsi comprendre le Gabon et le NEPAD à partir de la nouvelle dynamique concrète dorganisation continentale aussi bien des ses principes dordonnancement, les jeux et les acteurs. Le Gabon est un pays dAfrique centrale dirigé par un système au pouvoir. Dans le cadre du NEPAD, le jeu des acteurs renvoie aux dynamiques dexpression de la puissance et aux processus de diffusion à léchelle continentale de lidéologie de léconomie de marché. Le NEPAD est à la fois une manifestation de la monopolisation libérale mais aussi une politique dintégration de lAfrique dans léconomie mondialisée. Cest à ce niveau quont peut situer lintérêt historique sur ce programme : les phénomènes daffirmation de puissance des acteurs et les processus de linclusion du NEPAD dans le libéralisme. Le continent tente ainsi de modifier sa position et son rôle sur la scène internationale par une réappropriation et une réinvention porteuse dune réorganisation de la structuration continentale avec une prise en compte des enjeux géostratégiques.
Le NEPAD offre une alternative à limpossibilité de la démocratie qui ne marche pas dans les sociétés africaines. Ce faisant, on glisse vers un nouveau type de légitimité issue du "peer review": la légitimité technocratique. On assiste désormais au renoncement de lévaluation des politiques par les électeurs avec la mise en place sur le modèle de lOCDE et des bailleurs de fonds, du mécanisme africain dévaluation des pairs, espèce dauto-institution de la société africaine au cours de ce millénaire, organe dont les défauts et paradoxes sapent la légitimité mais qui structure progressivement la nouvelle sociologie des relations internationales en Afrique.
La principale critique qui peut être formulée à la présentation du NEPAD, cest la mise à lécart de la société gabonaise dans la conception de la structure nationale. Les autorités gabonaises ont passé beaucoup plus de temps à faire accepter le programme aux repésentants locaux de la communauté internationale et presque pas de temps pour la diffusion de linitiative à son peuple. Les structures locales du NEPAD ont été élaborées à huis clos, sans la consultation du monde universitaire, des milieux daffaires, de lensemble des parlementaires et du grand public. Longtemps évincée des discussions sur les politiques nationales et aux débats du NEPAD, la population gabonaise sest vue imposer ce programme. Il sagissait pour le parti au pouvoir et son dirigeant de se servir de ce programme comme un stratagème utilisé pour donner limpression quils pratiquent des réformes. De plus, le NEPAD na pas cessé dalimenter les divergences profondes entre pouvoir et opposition sur la vérité de lhistoire économique et politique du Gabon depuis près de quatre décennies. Le besoin de démocratie et de gouvernement est largement accepté par les populations gabonaises, mais il existe une profonde conviction - chez les hommes politiques de lopposition, les universitaires et une certaine presse - que la cause immédiate et certaine de léchec des politiques économiques, du blocage de la démocratisation et de la souffrance des institutions, cest le cadre sociopolitique qui a été mis en place par le pouvoir.
Lajustement structurel, la libéralisation des marchés et les privatisations nont pas permis daméliorer les conditions de vie des populations et damorcer un développement social. Cette situation valide lhypothèse de linsuccès du NEPAD au Gabon qui aurait mieux gagné à se pencher tout dabord sur les raisons des mauvaises politiques produites par le régime. Celles-ci découlent du manque de capacité à gouverner. Le système gabonais est dysfonctionnel, les dirigeants ne rendent pas compte de leurs actions au public. Ils se contentent de défendre des budgets devant les parlementaires acquis en majorité au pouvoir. Le contrôle étatique des médias, la manipulation des lois électorales et la mise en place dune doctrine à caractère ethnique sont autant de maux que connaît ce système.
De plus, le NEPAD na pas permis depuis lors de revigorer un système démocratique. Mieux, la fixation des normes de gouvernement na pas fait lobjet dun processus de consultation publique qui auraient fait que les populations soient informées des engagements pris par les chefs dEtat, et donc dêtre en mesure de demander des comptes. En galvanisant le pouvoir démocratique du peuple, la démarche du NEPAD qui propose de lutter contre la mauvaise gouvernance par larbitrage externe dune bureaucratie propre au même NEPAD, nest quun échec au Gabon tant que le système central ne sera pas reformé.
2. Le NEPAD et le Gabon : la bonne gouvernance et la mondialisation au XXIème siècle
La bonne gouvernance politique et économique est un aspect majeur du NEPAD. Là encore, elle nest envisagée que comme un moyen de remédier aux dysfonctionnements concernant la gestion de laide et de créer un climat plus attractif pour les investissements. Au niveau politique, les principaux objectifs visés consistent à respecter les normes mondiales en matière de démocratie (pluralisme politique, organisation périodique délections démocratiques libres, justes et transparentes
). Le respect des droits de lhomme est formellement mis en avant. Sur le plan économique, le NEPAD entend promouvoir des programmes concrets, assortis dun échéancier, visant à améliorer la qualité de la gestion économique et des finances publiques ainsi que la gouvernance des entreprises dans tous les pays africains. Le texte du NEPAD conditionne le respect des objectifs de bonne gouvernance au renforcement du cadre politique et administratif des pays participants. Lapproche régionale du développement se manifeste avant tout par lobjectif dintégration économique des différents espaces africains.
Dans le cadre de cette thèse, il nest pas question daborder la démarche liée à la recherche définitionnelle du concept de mondialisation, car notre sujet sinscrit dans une perspective plus restreinte qui exige de recourir à une grille de littérature mettant uniquement laccent sur les effets économiques et politiques de la mondialisation. Ainsi entendu, il apparait que lapproche théorique dominante est celle de léconomie néolibérale qui tend à associer le phénomène de la mondialisation à celui des échanges internationaux. Pour les tenants de léconomie de marché, la mondialisation est caractérisée par une idéologie qui vient légitimer une allocation des ressources au sein de laquelle le marché et lentreprise privée occupent une place centrale, et de fait accaparent des pouvoirs qui relevaient auparavant du domaine réservé à lEtat. Au total, la mondialisation serait donc un phénomène dont les recommandations et les stratégies « favorisent louverture des espaces économiques par lintermédiaire de politiques de libre-échange, de déréglementation, de libéralisation du secteur financier, de privatisation et du retrait de lEtat des sphères de la production et de la planification ».
La notion de « bonne gouvernance » accorde limportance des Etats dans lefficacité des programmes financés. La Banque mondiale arrive alors à définir la gouvernance comme étant « la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales dun pays ». Elle sest ainsi départie de ses statuts lui interdisant de traiter des questions politiques, et elle a commencé à fustiger le comportement des élites politiques des pays africains dont lenrichissement avide et la corruption ont miné lefficacité de leurs pays. Ainsi les Etats de lAfrique subsaharienne, comme tous les autres pays sous-développés éligibles de la Banque mondiale, se voient désormais imposer non seulement des conditionnalités économiques, mais aussi des conditionnalités politiques. La démocratie pluraliste apparaît aux yeux des bailleurs de fonds étatiques et institutionnels comme une condition du développement. Cependant, la question densemble qui reste posée au regard de cette levée de bouclier de la part des institutions financières internationales contre la mauvaise gestion publique en Afrique, est celle didentifier et dévaluer les effets générés par limposition de ce paradigme de la bonne gouvernance dans les pays en voie de développement, principalement ceux de lAfrique noire subsaharienne. Les exigences de la bonne gouvernance ne débouchent pas nécessairement, dans ces pays, sur le développement économique et le bien-être des populations. Mieux, il nest pas non plus certain que cette bonne gouvernance participe à lintégration tant souhaitée de ces pays dans le processus de la mondialisation économique.
Suivant une typologie quil donne sur la façon dont les pays occidentaux interprètent la gouvernance selon leurs besoins de stratégies et de coopération avec les pays africains, Angel Saldomando distingue quatre types de pratique de la gouvernance dont une est particulièrement intéressante. Il sagit de ce quil nomme « la gouvernance de lajustement et de la réforme économique dans le cadre des pressions en faveur des ensembles intégrés ». Celle-ci vise la mise en application de réformes économiques si impopulaires soient-elles, - les résistances de la société civile étant étouffées par autoritarisme et négociation - et se traduit par une importante exclusion sociale et par laffaiblissement des institutions de lEtat.
En effet, les constats faits dans le contexte des pays dAfrique subsaharienne démontrent que « lajustement structurel a abouti à la mise en place dinstitutions de façade et dune parodie de démocratie parlementaire dont le rôle consiste à mener à bien la restructuration économique ». Plusieurs critiques et réserves ont été formulées à lendroit de la politique de la gouvernance, notamment à propos de conditionnalités politiques. Certains estiment quil existe « une relation de cause à effet entre lajustement et lautoritarisme » tandis que dautres affirment que « lajustement accroît les régimes forts et ne peut créer les conditions propices à la démocratisation ». Ainsi en Afrique subsaharienne, « la démocratisation nest au mieux quune vitrine de droit libéral laissant en dehors le plus grand nombre et nabritant que la petite fraction de population apte à sintégrer et à participer au système économique mondial ». Un intellectuel africain va plus loin en dénonçant le fait que « la libéralisation politique en Afrique ne serait quune récupération par des pouvoirs mafieux destinée à encadrer à leur avantage les recompositions induites au titre de lajustement structurel ».
Cependant, les tenants du libéralisme ont toujours soutenu que la mondialisation serait lexpression même de la « modernité », notamment en ce quelle marquerait la victoire des « forces du marché » enfin libérées au moins partiellement des entraves nocives mises en place pendant un demi-siècle autour de lEtat. Dans cet environnement où le rôle prédominant de lEtat-nation est remis en question par les auteurs du libéralisme économique qui suggèrent son déclin, voire sa disparition, il faut constater que les grandes entreprises multinationales capitalistes, les institutions financières et les investisseurs des marchés financiers se sont substitués désormais aux administrations publiques et aux Etats dans la prise de décisions dintérêt national, et même celles pouvant intéresser lhumanité toute entière. Ils agissent de façon anonyme et irresponsable, en dehors de tout contrôle démocratique externe.
Il nempêche que la mondialisation reste encore aujourdhui cet espace de rivalité où sexerce un « ensemble de rapports de domination et de dépendance politiques entre Etats ». Le processus de la mondialisation a accentué les facteurs de hiérarchisation entre les pays, ainsi que labîme qui les sépare, en renforçant la domination économique et politique des pays développés sur les pays en voie de développement. Grâce à leur supériorité technologique et financière, les pays développés « imposent aux autres pays les règles du jeu qui leur conviennent le mieux et qui sont calquées sur les besoins du capital financier à caractère rentier ». Du fait de leurs positions dominantes au sein des institutions qui règlent la finance et le commerce international, telles la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, lOrganisation Mondiale du Commerce, les pays développés « imposent aux pays les plus faibles les politiques de libéralisation et de déréglementation qui achèveront de plonger les masses dans le dénuement le plus total ». Certains pays dAsie orientale semblent néanmoins résister à cette dépendance et arrivent à concurrencer sans peine les économies des pays occidentaux. Il nen est pas de même pour les pays de lAfrique subsaharienne dont les économies vacillent depuis leur sortie de la colonisation.
En effet, plus que tous les autres pays en voie de développement, les pays de lAfrique noire subsaharienne subissent, depuis les années 1960 qui ont suivi leurs indépendances, une double dépendance internationale qui finalement hypothèque leur développement économique et le bien-être social de leurs populations. Il sagit de la dépendance internationale économique et financière dune part, et de la dépendance internationale politique de lautre. La dépendance internationale économique et financière résulte de la dette contractée durant les années 1960 à 1980 par les pays africains nouvellement indépendants pour financer leur développement économique. La crise de lendettement des années 1980, provoquée par laugmentation exponentielle de taux dintérêts des emprunts et par la chute des cours des matières premières et des produits agricoles, a conduit les pays dAfrique subsaharienne à se soumettre aux mesures drastiques du FMI en vue de bénéficier de nouveaux prêts, du rééchelonnement des remboursements des dettes antérieures, de leur réduction ou de leur suppression. Les mesures imposées par le Fonds Monétaire International provoquent la perte de souveraineté et la domination des Etats africains par des multinationales et des entreprises occidentales dans un cadre étatique affaibli et corrompu. Doù toutes les interrogations que peut susciter la bonne gouvernance dans cet environnement délétère. La dépendance internationale politique découle de la première, du fait que les pays occidentaux qui contrôlent le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale imposent désormais aux pays dAfrique noire leur domination politique, économique et commerciale momentanément escamotée lors des indépendances. Cette double dépendance des pays de lAfrique noire subsaharienne, si elle nest pas lunique cause de la pauvreté, des inégalités et du blocage du développement, les amplifie néanmoins.
Cest pour sortir de cette double dépendance internationale que plusieurs économistes et scientifiques saccordent à mener une réflexion approfondie sur les stratégies et les mécanismes à mettre en place pour permettre le développement économique des Etats de lAfrique noire subsaharienne, moteur essentiel de son indépendance politique. Et cest dans cette perspective que les dirigeants africains ont jugé nécessaire de répondre au phénomène de mondialisation en mettant en place le NEPAD comme alternative à limpossibilité de la démocratie et donc comme cadre dexpression de la bonne gouvernance. Cest dire que la nouvelle organisation continentale sinscrit dans le cadre de la décharge en ce sens quelle apparaît comme un processus de subversion de lordre économique et politique mondial dominé par les tenants de léconomie de marché. Les acteurs du NEPAD à travers cette appropriation des réformes (ownership) salignent au paradigme du remodelage des stratégies existantes qui oppose dune part par la stratégie de la soumission à la logique du marché mondial, et dautre part la stratégie de la rupture totale. Ce faisant, loption qui est choisie par les dirigeants africains devrait ressembler à ce qui peut paraître comme une rupture tranquille, passive, voire lucide.
Il y a, en effet dans les prescriptions du NEPAD à la fois un emprunt du modèle libéral de Rostow qui soutient la théorie de la croissance transmise grâce à la logique du marché mondial, modèle prétendu être à lorigine du développement des pays du Nord à partir du XIXème siècle en même temps quelles sarriment au contraire à lanalyse marxiste de Samir Amin, dEmmanuel Arghiri ou encore de ces autres auteurs Mohamed Bedjaoui, Chive Thomas, Walter Rodrey, qui soutiennent la stratégie de la rupture totale en prônant le développement endogène des pays en voie de développement. On peut également comprendre le NEPAD à partir de lapproche comparative inspirée par le miracle économique asiatique dont la Banque Mondiale se fait lécho en fustigeant le manque de vision stratégique du développement de la part des élites politiques africaines, incapables danticiper lintégration des économies de leurs pays dans lespace économique mondial et dassurer par ce fait le bien-être social de leurs populations. Comme laffirme Roland Pourtier, lapplication du libéralisme économique peut entraîner la disparition à terme de lagro-industrie du Gabon. Dans cette analyse, la mauvaise gouvernance dans lEtat ne peut donc être justifiée par lintervention extérieure et la domination des pays développés sur les pays du Sud.
Depuis son indépendance lEtat gabonais a toujours tenté de produire sa modernité pour se conformer aux directives de la civilité internationale en matière socio-économique et politique. Il sagissait le moins quon puisse dire dun défi majeur mais difficile comme la été le processus de construction de lEtat-nation ailleurs, notamment en Occident. Toutefois, plus de quarante ans après cette tentative de modernisation de lEtat, le constat que lon peut faire, amère soit-il, mais globalement identifiable à lensemble des pays africains, notamment subsahariens, cest que le pouvoir politique na pas été capable de produire une modernité propre en fécondant simultanément la modernité universelle de manière à édifier les pratiques de « bon gouvernement » observables ailleurs et qui auraient pu promouvoir un véritable développement économique et social. Lexplication principale à cette situation est la souffrance des dispositifs dinstitutionnalisation. Dans cette perspective, nous empruntons volontiers la direction de Guy Rossatanga-Rignault qui affirme : « pour expliquer une telle situation, nombre de facteurs ont été identifiés et lun des principaux demeure la faiblesse des capacités institutionnelles et humaines. En effet, lEtat se caractérise encore aujourdhui par la faiblesse de ses institutions qui ne parviennent pas à fonctionner efficacement en fournissant aux usagers des services de qualité. Ladministration peine à sinstitutionnaliser et à assumer sa neutralité du fait dagents ayant perdu le sens du service public et plus enclins à se servir quà servir. Tous ces dysfonctionnements freinent lesprit dentreprise, pénalisent linvestissement nuisent à la croissance économique et partant au développement économique ». Et pourtant, poursuit lauteur « des plans dajustement structurel, en projets divers de renforcement des capacités, le Gabon semble avoir expérimenté toutes les recettes devant permettre dassurer sa sortie de crise. Or, limpression dominante est que toutes ses médications proposées par les médecins attitrés que sont les partenaires au développement ne sont que modérément acceptées par le patient. Pis, lagenda du développement du Gabon apparaît toujours comme le produit dun pensé et dun construit externe nayant que peu de prise sur la réalité gabonaise doù une faible participation du sujet gabonais. De fait, le développement multisectoriel du Gabon ne peut reposer que sur un agenda de définition et dinspiration locales qui tiendrait néanmoins compte des contraintes dun monde globalisé ».
En effet, cest donc pour répondre à la question de la bonne gouvernance en Afrique que le Gabon essaie autour du NEPAD dimpulser son développement économique, social et politique pour être en phase avec les contraintes nouvelles de la bonne gouvernance. Et ce dautant plus que lEtat gabonais na pas enconre atteind cette virtualité dont les éléments essentiels sont la consolidation dun Etat de droit, dun système démocratique, de la responsabilité politique et la participation de tous les acteurs (étatiques et non étatiques) dans la conduite de laction publique. Dailleurs Guy Rossatanga Rignault constate que « sagissant du Gabon, il apparaît que la gouvernance dans sa triple dimension institutionnelle, politique et économique se caractérise aujourdhui par de nombreuses faiblesses dont les principales suivent : faible organisation de la société civile, faible capacité dintervention de la société civile dans la vie politique, manque de rigueur et de transparence dans la gestion des ressources publiques, faible capacité des juridictions judiciaires à remplir leurs missions en toute indépendance, forte personnalisation des institutions; climat dimpunité ambiante généralisé, démission et déresponsabilisation de lensemble du corps social ».
Cest dire que la stratégie dentrée du Gabon dans la dynamique du NEPAD peut ainsi sexpliquer par linstrumentalisation politico-politicienne de la bonne gouvernance par son dirigeant qui tente dintégrer la mondialisation à partir dun positionnement sur le concert régional des nations. Lapplication des conditionnalités devient alors une ressource politique que tente de mobiliser la diplomatie gabonaise en transformant les contraintes en ressources pour apparaître comme modèle dapplication. Lenjeu majeur visible de la fin du siècle dernier et du début de ce XXIème siècle sur la scène publique internationale est, à nen point douter, la maîtrise de léconomie mondialisée. LEtat gabonais comme lensemble des pays de lAfrique subsaharienne semble être mal engagé dans cet enjeu, car parti sur une base faussée par le blocage de la démocratie malgré une libéralisation autocratique, la souffrance des institutions et lendettement quil narrive pas à rembourser et qui bloque tout espoir de développement véritable. Ce pays se retrouve depuis lors dominé par ses créanciers qui profitent de leur position pour perpétuer une exploitation éhontée de ses ressources naturelles.
Les mécanismes mis en place par les bailleurs de fonds censés aider cet Etat à se développer se révèlent comme de nouvelles stratégies insidieuses qui tendent à le maintenir dans la dépendance internationale. Des modèles économiques de développement lui ont été proposés et appliqués depuis plusieurs années, comme le modèle libéral, développé par Rostow, qui décrit le développement économique comme un processus composé dune succession détapes devant être suivi plus ou moins par tous les pays sur la base de lexpérience des pays du Nord qui lont appliqué de 1830 à 1975 et qui leur a permis datteindre le développement économique quils ont aujourdhui. Cependant, ce modèle a échoué sans même avoir commencé, la dette contractée pour assumer la réalisation des projets tirés de ce modèle ayant été mal utilisée par les services nationaux de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), et ayant servi à « quelques pôles de croissance bien ciblés par des investisseurs du Nord favorisant plutôt un mal développement et un endettement énorme ».
Certains économistes de la Banque mondiale ont soutenu lEtat gabonais pour lapplication de ce modèle en citant pour exemple le décollage économique des pays dAsie du sud-est. Il nempêche quil a été largement démontré que ces pays avaient réussi par la forte capacité dintervention de lEtat et grâce à des choix appropriés dinsertion dans léconomie mondiale de ces mêmes Etats en partenariat avec les entrepreneurs privés locaux, contredisant la théorie avancée à leffet de miser principalement sur le marché et subsidiairement sur lEtat. Ce qui a été occulté par la Banque Mondiale, cest lincapacité du dirigeant gabonais à gouverner son pays. Un pays gouverné est celui dans lequel fonctionnent normalement les institutions et où les politiques publiques aboutissent. Cest cette manière de gouverner quont choisi les nouveaux pays industrialisés (NPI) dAsie du sud-est. La réciproque nest pas justifiée pour le Gabon où lEtat ne gouverne pas en raison de son incapacité à assurer des conditions de vie meilleures à ses populations, à garantir des conditions normales de gestion de laction publique, à définir des règles de jeu politiques claires qui reconnaissent la compétitivité ou la concurrence comme un gage de la démocratie ; compétition, concurrence et contradiction qui, même en sciences, nous renseignent à travers la logique positiviste quils font avancer dans les débats.
Faisant suite à léchec de ce modèle, certains pays africains tentent aujourdhui dans le cadre du nouveau programme africain de se tourner vers le modèle « dépendantiste » du développement, tiré de lanalyse marxiste du développement, et qui considère que les pays africains sont dans une « situation de blocage issu de lintervention des pays du Nord dans le Sud au temps de la colonisation et, par la suite, par une présence technologique et économique déterminante dont les entreprises multinationales ont été et sont les fers de lance ». Parmi les éléments de blocage retenus par ce modèle pour expliquer la dynamique du NEPAD à la recherche du bon gouvernement, figure par exemple, lidée de linsuffisance du développement par les nouvelles élites dirigeantes de lAfrique, corrompues et complices des prédateurs du Nord. Soutenue par Samir Amin, entre autres, cette théorie de la rupture avec le modèle libéral postule que le sous-développement des pays dAfrique subsaharienne est identifié comme le résultat dun environnement international systématiquement défavorable lié à une domination du Nord sur le Sud qui insère dans léconomie mondiale une division internationale où le Sud est toujours perdant. Partant de ce postulat, la conclusion reposant sur léconomie de marché est devenue simple surtout que le bloc socialiste sétant effondré et ayant rejoint lidéologie libérale, le modèle de développement prôné na plus dadeptes, dautant plus que le monde daujourdhui est dominé par lidéologie capitaliste libérale.
Aujourdhui, lanalyse faite par cette théorie de la rupture reste valable et dune actualité criante. Ainsi, en ce qui concerne lAfrique subsaharienne dans son ensemble, une conclusion paraît simposer : ajustement structurel ou pas, bonne gouvernance ou pas, aide au développement ou pas, les économies africaines continuent à seffondrer, à en juger par le cas du Gabon, tant au niveau des performances macro-économiques (dette, déficits budgétaires, croissance annuelle du PIB, investissements) quau niveau des réformes de politiques économiques et dune manière générale au niveau des stratégies dinsertion dans le marché mondial. Toutes les solutions adoptées par ce pays ou celles proposées par certaines institutions internationales semblent vouées à léchec en raison du cadre sociopolitique créé par son dirigeant au pouvoir depuis quatre décennies. Ce nest pas non plus, à notre avis, celle qui est proposée par son intégration au NEPAD qui pourrait sortir le Gabon de son contexte de crise.
En effet, le "peer review" du NEPAD censé encadrer les logiques de « bon gouvernement » ne se montre pas sévère envers les dirigeants africains en reconnaissant tout de même implicitement que lidée couramment répandue de la mauvaise gouvernance est tout simplement lhéritage des gouvernements africains irresponsables et corrompus. La vérité cest que les programmes de réformes sont mal conçus et ne sont généralement pas appliqués comme cela devait lêtre et lattitude « passive ou complice » des créanciers occidentaux est un élément extérieur qui devrait nécessiter dans le cadre de la surveillance des pairs la définition des sanctions draconiennes et claires à lendroit des dirigeants qui ne gouvernent pas ou des pays jugés irréformables. Loption dune position tendant à rechercher le bénéfice de la réduction ou lannulation pure et simple de la dette extérieure des pays en voie de développement contractée entre 1985 et 1995 dans le cadre des programmes dajustement structurel et sous la surveillance étroite des institutions de Bretton Woods est rétrograde.
Les problèmes de gouvernement se posent dans la société africaine. A juste titre, il sagit dun véritable défi à relever par la classe politique africaine qui a toujours prospéré dans des régimes monolithiques, rongés par le népotisme et le clientélisme, sources de tensions et dinsécurité. Depuis son indépendance en 1960, le Gabon sest notoirement fait remarquer par la faiblesse des dispositifs dinstitutionnalisation et de gouvernement ; lavènement du président actuel au pouvoir en 1967 a accentué la corruption des processus dans ce pays grâce au dédoublement par les dirigeants des structures institutionnelles de pouvoir en réseaux personnels et informels autrefois structurés autour du parti au pouvoir depuis le parti unique.
Cette corruption des processus est dautant plus remarquable dans labus des fonds publics par des hauts fonctionnaires de lEtat installés aux commandes des cercles de souveraineté et dautres institutions de gouvernement pour leur avantage personnel, tant dans la forme dune corruption volontaire ou obligatoire par des citoyens pour obtenir des services pour auxquels ils devraient en principe avoir droit. Au Gabon, lincidence de la corruption au quotidien dans les services publics est devenu un indicateur majeur des problèmes de gouvernement et empêche la promotion dun espace démocratique dans le champ politique gabonais et rend insuffisant lintérêt de la société pour la réforme politique de lEtat. Avant laccession du président Bongo à la magistrature suprême en 1967, lEtat gabonais était dirigé par Léon Mba, son ancien patron. Durant sa période de direction, lEtat disposait, toutes proportions gardées, dune économie saine et dun cadre institutionnel relativement fort après lindépendance qui garantissait le pluralisme politique et les élections pluralistes.
Ce système a été rompu par son successeur qui instaura le parti unique et sa cohorte de difficultés : gestion fiscale faible et dépenses publiques inefficaces. Celles-ci ont limité les possibilités dinstauration des vrais mécanismes de gouvernement et ce en raison de la faiblesse des institutions, de la corruption, du clientélisme et des actions gouvernementales insuffisamment coordonnées. Ce qui ne peut laisser augurer des espoirs de transformation politique, en dépit des pressions internationales, puisquon assiste toujours à la continuité du « système Bongo », qui a déçu les espérances en termes de politique dans ce que les Gabonais rêvaient du retour au multipartisme et à la démocratisation et qui conforte la corruption des processus plutôt que de la démanteler. Ce comportement peut attester dun manque criard de volonté politique du gouvernement. Le pouvoir politique gabonais « joue un rôle important dans la création et la persistance de la pauvreté » et il semblerait que le pouvoir politique ne déploie simplement pas des efforts suffisants pour lamélioration du gouvernement. Comme exprimé par Joseph Stiglitz « il semblerait intuitivement évident que les réformes institutionnelles réussissent rarement à moins quun gouvernement partage la conviction quelles sont essentielles, plutôt que dêtre daccord sur des mesures avec lhésitation » ou manque de volonté politique.
Les populations gabonaises ont droit au bien-être social. Létat de paupérisation dans lequel elles sont plongées semble le résultat de lincapacité des dirigeants à les gouverner et qui tendent à les maintenir dans cette situation de dégradation des conditions de vie. On peut observer que dans le contexte de mondialisation économique et de globalisation financière seuls les Etats gouvernés plus puissants triomphent. Les Etats forts sont légitimes parce que cette légitimité vient du peuple qui choisit dans la transparence ses gouvernants à travers le suffrage universel.
3. Le NEPAD et laction en Afrique: quelles solutions possibles face à linvention marginale
Cette étude rend compte du « NEPAD en acte », de ce qui sy joue en ce qui concerne les dynamiques dexpression de la puissance et les processus de diffusion à léchelon international, en général, et régional en particulier de léconomie de marché. Cest dire quaujourdhui la sociologie internationale qui sintéresse à la diffusion des universaux de « bon gouvernement » offre une alternative qui permet de comprendre les modalités et les effets.
Les travaux de Dezalay et Garth soulignent lexistence dhomologies sociales et institutionnelles entre les pays « exportateurs et importateurs », et révèlent les effets de reproduction de lordre politique induit par cet échange. Le Gabon et le Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique (NEPAD) est à situer dans le cadre plus global dun cadre éthique du jeu de la puissance symbolique. Le champ politique régional africain est aujourdhui caractérisé par la production des normes et des codes de « bon gouvernement » qui doivent guider les conduites internationales des « petits-Etats ». La bonne gouvernance apparaît comme une nouvelle valeur la compétition interétatique. Dans cette perspective, les leaders africains veulent se doter dune image « pontificale », avec en toile de fond laffirmation de lautorité comme enjeu interne de pouvoir. Les Etats africains sont en luttes de pouvoir pour le leadership à léchelle régionale, assurant dans le même temps la diffusion de linfluence morale des grandes puissances internationales qui investissent le champ de la production normative légitime. La bonne gouvernance devient dans les relations interafricaines et internationales, un site de transactions collusives entre acteurs.
Laffirmation de puissance à travers cette détermination des normes politiques continentales légitimes a conduit les « puissances africaines » dans une lutte acharnée pour lhégémonie morale. En effet, depuis près des années lEtat libyen, a toujours cherché à se repositionner sur la scène régionale et internationale. Ainsi, ce pays tente de se faire passer pour le porte-étendard du continent africain en proclamant la marche vers lunité véritable du continent. Par ailleurs, les valeurs politiques sur lesquelles se bâtissent le NEPAD, à savoir la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de lHomme, etc, font de ce programme un lieu de mise en uvre effective du changement dans la société africaine. Les valeurs du regroupement et de lintégration sont mobilisées et mises au service de la distinction symbolique de la Libye sur la scène africaine. Cest sur ce même terrain de léthique politique que va aussi se jouer le déclassement symbolique de la Libye sur la scène continentale.Cependant, pour des enjeux à vocation régionale, la Libye, système autocratique na pu abriter le siège de lUA ni celui du NEPAD. La guerre de palais avec Thabo Mbeki autour du partenariat au développement a été favorable lAfrique du Sud. La communauté diplomatique africaine a en effet estimé que la Libye nincarnait point les valeurs politiques promues par ce programme et ne pouvait par conséquent prétendre à lavantage symbolique de laccueil du sommet inaugural de cette organisation régionale. Ce qui a permis à dautres pays africains de sactiver diplomatiquement pour passer de modèle éthique, le cas du Gabon malgré un système à réputation peu démocratique.
De son côté, le Sénégal, qui a souvent joui dune influence culturelle et intellectuelle considérable depuis lépoque où la négritude senghorienne constituait le point de ralliement de lintelligentsia africaine, sengage dans le jeu de la puissance morale par la proposition du Plan Oméga. Ne voulant pas laisser à lAfrique du Sud, à la Libye et au Sénégal le monopole de la production des normes continentales clés, le Nigeria, pour sa part, appuie la création de la CSSDCA. Le pays en assure dailleurs en grande partie le financement. Il sagit là dune stratégie de contre-balancement de linfluence sud-africaine sur le NEPAD.
Le NEPAD en tant que nouveau programme de coopération du continent africain et du système international, apparaît comme une des multiples manifestations de la monopolisation libérale du système mondial, mais également comme lexpression dune politique dintégration du continent africain dans le temps mondial, à en juger par la « congruence sociale et professionnelle entre acteurs internternationaux et locaux » validée par lintroduction du 3 peer review3 au sein du NEPAD, et dont le but est l aboutissement à l allignement des gouvernements locaux sur les normes internationales. C est à ce niveau que peuvent se situer les apports de ce travail. L alignement africain au libéralisme a conduit à une réactualisation des imaginaires internationaux à travers lesquels le continent était pensé, ainsi quà une transformation des catégories traditionnelles de sa perception et de son positionnement. Cest dire que le continent africain fait sens dans la communauté internationale où on célèbre désormais Washington la « nouvelle génération de dirigeants africains (...) déterminés à réaliser lautonomie, léradication de la pauvreté (...), une bonne gestion gouvernementale, létablissement de structures durables et lélaboration des solutions africaines à des problèmes africains ». En Europe, lAfrique est également perçue comme un continent en pleine mutation et dont la valeur politique et stratégique à lère de la mondialisation saccroît considérablement. Cest ainsi que la France « souvre plus que jamais à lensemble de lAfrique » et « modernise ses relations avec le continent », en se situant dans la perspective de la « non-ingérence, sans désengagement ».
Tout dabord, le phénomène de civilisation et de la puissance est devenu le principal enjeu qui marque la nouvelle sociologie de la coopération internationale. Ensuite, dans ce processus dinclusion au monde libéral, le continent africain tente à travers le NEPAD de modifier son positionnement international en se projetant collectivement sur le terrain du partenariat par le biais de sa réappropriation et de sa réinvention, qui est elle-même porteuse dune modification de la structure des positions continentales et internationales des pays africains.
Enfin, le NEPAD tente de réagir aux préoccupations de la responsabilité et de lunification entre les Etats, il intègre également les motivations géostratégiques et géocivilisationnels, doù lidée dune solidarité et dune éthique réalistes qui progressivement transforment la dynamique des relations interafricaines et internationales. De ce fait, le rapport du NEPAD à lextérieur ne doit pas seulement se lire suivant une logique de totale soumission des acteurs locaux à des enjeux externes et à lordre politique interne, ni comme un moyen démancipation totale par rapport aux organisations internationales. Lextraversion est une ressource aux effets mitigés, qui doit être appréhendée à partir des conditions sociales et historiques dans lesquelles elle est utilisée. Cest dans cette perspective que notre étude a fait sienne lidée selon laquelle le NEPAD nest pas un projet africain qui regorge de qualités universelles en reflètant les conditions socio-historiques du cadre continental dans lequel il opère, mais se contente de dupliquer et de diffuser le modèle de léconomie de marché. Cette hypothèse ne peut être opérationnelle que dans la mesure où les pays africains entretiennent des relations avec les pays occidentaux dont les politiques diffèrent et les pratiques se concurrencent, ce qui ne peut pas permettre limposition dun modèle unique de « bon gouvernement ».
Nous en concluons que le NEPAD est un programme ambitieux et enthousiasmant pavé de bonnes intentions, mais le rapport à lexistence dune dynamique vériatble paraît évanescent si lAfrique ne prend pas en compte ses atouts en matière de richesses naturelles et de capital humain. Ce dautant plus, quà travers la bienveillance carnassière de la communauté internationale, on voit bien que la question économique perturbe sans arrêt un jeu démocratique dautant plus aléatoire que les partis politiques nont pas de militants, faute pour ceux-ci - entre autres raisons - de pouvoir sacquitter de leurs cotisations. La débauche de moyens de certains candidats quand dautres nont pratiquement rien fausse la compétition électorale. Le paradoxe cest que des régimes habiles comme celui du Gabon suscitent la création de formations doppositions, mais pour mieux diviser les adversaires.
Malheureusement, on constate que les « observateurs internationaux » valident les résultats et ne semblent vraiment regardant que lorsque le régime mis en cause nest pas un « bon élève » en économie. Cest dailleurs lune des explications à linélligibilité de certains pays aux plans des partenaires au développement. Le partenariat tel que nous lentendons fait du NEPAD un marché de dupe passé entre les partenaires au développement et le continent africain, où celui-ci promet dassurer une bonne gouvernance et la paix en échange dune plus grande assistance, dun allègement plus important de la dette et dun plus grand accès aux marchés. Le partenariat suppose un accord pour assurer certaines choses à certaines époques, avec des procédures bien définies au cas où une des parties ne répondait pas aux attentes. Bien que les dirigeants africains promoteurs du NEPAD naient pas pensé à établir une définition contraire du partenariat, il est aujourdhui évident de constater que la relation envisagée ne correspond pas à celle imaginée par les puissances occidentales.
La conditionnalité qui sous-tend la bonne gouvernance est un indicateur au regard du heurt des points de vue à partir de la situation zimbabwéenne. Le Zimbabwe représente la grande incompatibilité de vues qui a un lien étroit avec la conditionnalité. Plus précisément, le NEPAD est resté vague sur la manière de traiter les pays qui violent les principes. Lincompatibilité des discours sur lEtat que dirige Robert Mugabe a affecté le projet du NEPAD, du moins en ce qui concerne son financement. Pour les donneurs daide, la mollesse des Africains sur le Zimbabwe est un signe que les promesses du NEPAD seront toujours aussi faibles sinon tout au moins la preuve dun mode de pensée qui défend la piètre gouvernance. Cest dailleurs dans ce cadre quon peut intepréter léchange épistolaire entre Jean Chrétien et Thabo Mbeki lorsque le Canada insistait sur le mécanisme dévaluation par les pairs du NEPAD. De cet échange on peut comprendre quune aide supplémentaire du G8 (des pays riches) à lAfrique ne serait possible que si le nouveau plan de redressement économique du continent fonctionne correctement.
Par ailleurs, un ancien ministre du Commerce canadien Pierre Pettigrew en visite en Afrique du Sud lavait dailleurs déclaré en affirmant que Thabo Mbeki, en réponse à lancien premier ministre canadien Jean Chrétien, alors président du G8, avait écrit une lettre aux dirigeants des pays développés dans le but dassurer que les soi-disant examens par les pairs en Afrique étaient sur la bonne voie. Mbeki soulignait toutefois que les examens seront effectués par lUnion africaine (UA), plutôt que par le NEPAD, comme il était initialement prévu. « Pettigrew avait déclaré à Johannesburg que le soutien du G8 pour le NEPAD, a été conditionné sur son fonctionnement ».
Les débats, très anciens sur larticulation dynamique entre démographie et développement ont alimenté la société mondiale pendant le siècle précédent. Il sagissait pour les théoriciens de cette époque de montre que la population était soit un obstacle au développement ou au contraire un atout pour la croissance. Dans cette perspective, les décennies de laprès seconde guerre mondiale étaient marquées par lopposition de deux théories. Dune part la théorie malthusienne mettait laccent sur linefficacité de la croissance démographique et postulait que laugmentation de la population représentait un danger pour lenvironnement. Dautre part, lapproche de Jean Bodin ou dite populationniste sinspirait de son affirmation : « il ny a point de richesse ni de force que dhommes. Aujourdhui, on ne peut nier linteraction entre les deux variables. Les ressources humaines ainsi que naturelles constituent des éléments fondamentaux pour impulser une dynamique développementaliste.
Cest dire que le développement de lAfrique ne se fera pas sans doute autour du NEPAD dans les conditions actuelles de son ordonnancement et de sa dynamique concrète. Ce plan est sans doute ambitieux et donc une utopie positive à limage des plans antérieurs toujours largement imposés ou empruntés de lextérieur. Ce qui nous fait dire quil sagit avant tout dun répertoire de projets faramineux non hiérarchisés ni séquencés et dont les mécanismes sont largement empruntés aux organisations internationales. De ce point de vue, il sagit dun programme pavé de bonnes intentions mais le rapport à lexistence dune dynamique véritable paraît évanescent, à en juger par le caractère très conventionnel de sa conception, noffrant ainsi aucun éclaircissement particulier sur les échecs du développement. Le NEPAD ce nest pas le « bon gouvernement » mais un système élitiste dintérêt dun genre nouveau. Pour créer une dynamique, le NEPAD doit revoir la négativité rampante de ces mécanismes empruntés aux institutions internationales et faire participer le public africain à un vrai débat sur le gouvernement.
En létat, le NEPAD ne peut pas être la voie du changement politique régional. Ce nest pas avec cette continuité des politiques préconisées depuis vingt ans par les institutions internationales, que le NEPAD pourrait impulser un développement à venir du Gabon au XXIème. Il est à limage de tous les projets développementalistes passés qui nont pas rendu possible toute perspective de développement national dans ce pays. Le NEPAD pose un problème important de légitimation interne. Les mesures choisies conditionnent et dictent la place de lAfrique dans un ordre mondial dont la construction échappe aux dirigeants du continent.
Cette vision techniciste du développement est une stratégie qui permet à certains dirigeants de résoudre leur crise de légitimation vis-à-vis des bailleurs des fonds en appliquant leurs recommandations économiques, le cas du Gabon. Le développement du Gabon ne se fera pas avec les élites politiques actuelles qui manquent de vision objective de lEtat ni autour du NEPAD. Ce programme africain de développement est artificiel dans le dispositif gabonais. Les dirigeants gabonais à travers le NEPAD essaient de répondre à des injonctions internationales pour arrimer leur pays aux directives des partenaires au développement et des acteurs régionaux. Ce qui permet au Gabon dêtre toujours présent dans le champ politique régional. Il est impossible pour lheure de développer lEtat par les institutions au Gabon. Lélite dirigeante actuelle a pour projet politique primordial la permanence du système. Et non son changement ou une véritable révolution de palais à la fois des acteurs et des idées. Sans ambition réformatrice du système, le résultat sera toujours la régression de la société gabonaise.
Lambition gabonaise autour de ce programme est la captation de laide publique au développement (APD), doù la nécessité pour ce pays de présenter une inspection correcte pour passer en modèle dapplication et bénéficier des avantages symboliques du pouvoir dans sa sous-région. Lexercice dévaluation est vouée à léchec, ce nest un outil efficace contraignant susceptible de déclarer inéligible à lexercice lEtat gabonais en cas de non-respect des normes, pas plus quil ne lest dans les organisations internationales. Le NEPAD est en lui-même emblématique des défaillances dans sa démarche de politisation des enjeux sociaux et économiques et donc de légitimation des antiréformistes. Le développement ce nest pas la fidélité et la conformité à lOccident ni la réduplication ni une quelconque prétendue universalité de la civilisation de lordre politique mondial mais la capacité du continent africain à produire sa propre modernité par un processus de subversion de lOccidentalisation à partir de ses ressources naturelles et humaines. Il sagit là de « la politique de la fidélité et de la décharge ».
Les potentialités de lAfrique subsaharienne sont immenses pour les ressources naturelles et humaines. Les premières sont mal valorisées et ne peuvent impulser une dynamique véritable de développement, tandis que les secondes sont à peine prises en compte. On peut reconnaître avec J.P. Warnier que le développement de « lAfrique ne se fera pas à coup de programmes dajustement et par transfert dethos et de procédures de gestion importées et ignorant les réalités et les capacités du terroir.... Les civilisations comme le développement sont les produits dun bricolage incessant. Personne au demeurant na jamais réussi à faire table rase daucune civilisation, rien ne change que par reprise de lhéritage.
Le capital humain a tout son sens ici dans son rapport au développement. Les populations du Cameroun nont pas attendu les injonctions des institutions internationales pour prendre en charge leur développement, le cas des campagnes dont le développement rendu possible par les citadins a revêtu diverses formes, allant du financement de la mutation agricole pour nourrir les villes à la construction d'équipements collectifs (écoles, collèges, universités, dispensaires, hôpitaux, foyers culturels, édifices religieux), à celle d'infrastructures routières (routes, ponts). La reconnaissance par les autorités camerounaises de lUniversité des Montagnes (UDM, établissement denseignement supérieur privé du Cameroun, mise en place en 2000 de la volonté de plusieurs universitaires, hommes daffaires et professionnels camerounais regroupés au sein de lAssociation pour lEducation et le Développement (AED) est un autre exemple, qui illustre parfaitement la prise en charge du développement en Afrique. La création et lurbanisation de Touba au Sénégal sont luvre de la confrérie mouride. Enfin la prise en charge du développement de la région de Kayes au Mali ou linformatisation des campagnes par la diaspora prouvent que les Africains ont su mettre la globalisation au service du développement du continent. On doit toutefois regretter le peu dattention que de nombreux Etats accordent à leurs peuples.
A linstar des diasporas chinoises, indiennes ou coréennes aux Etats-Unis qui pilotent et/ou participent aux investissements publics et privés américains dans leur pays dorigine, la diaspora africaine doit se placer comme interlocuteur indispensable des investissements internationaux sur le continent en sunifiant. Il y a là une ressource et un capital à organiser et à structurer. Une véritable coordination des savoirs, des connaissances et des réseaux manque afin dassurer une intégration pleine et entière des Africains dans toutes les sphères internationales de décision et pour servir de tremplin aux transferts des connaissances et des ressources financières vers lAfrique. Encore faudrait-il que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international imposent le droit de vote de ces Africains de la diaspora dans leurs pays respectifs, comme une « conditionnalité », pour que nos chefs dEtat prennent conscience de leur poids économique, financier et relationnel.
En Afrique, cette stratégie initiée autour du NEPAD pour aborder la marginalisation du continent et les enjeux de la mondialisation permet, le moins quon puisse dire, de ne plus ressasser le passé et de sinventer un avenir possible. Dans la dynamique de loccidentalisation, les Africains sont en quête de repères et doivent pouvoir simposer. Dans un cas comme dans lautre, les élites dirigeantes de lAfrique doivent pouvoir compter sur leurs peuples. Car ce nest quà partir de la « maison africaine », que ce continent peut trouver son intellection dans la société mondiale. Car selon un adage bien connu, « quand on ne sait pas où on va, on doit pouvoir regarder doù on vient ». Nous posons ici toute la question de la responsabilité de lAfrique dans le partenariat international, elle-même consubstantielle à la problématique de la relation entre Africains sur le continent et de la diaspora avec lAfrique. A titre dexemple, on peut sappuyer sur la coopération scientifique internationale à partir dun pays africain comme le Botswana.
En effet, « ce petit pays presque désertique na ni pétrole, ni forêt, seulement des diamants et du nickel. Pourtant, malgré la menace du VIH/Sida, luniversité de Gaborone saffirme au fil des ans comme une référence dans le domaine de la chimie. De nombreux universitaires et chercheurs camerounais y trouvent les équipements qui leur font défaut ». Le NEPAD doit tenir compte de cette réalité parce que « lâme dun peuple étant le caractère ontologique particulier qui le différencie celui-ci davec un autre peuple », et ce dautant plus que lAfrique du Sud et le Nigeria, pays promoteurs du NEPAD tout comme le Zimbabwe et le Kenya possèdent, selon la commission Economique pour lAfrique (CEA) une base scientifique et technologique relativement développée. Ces pays peuvent, avec un investissement supplémentaire relativement réduit, mettre sur pied des établissements technologiques et scientifiques de haut niveau susceptibles dêtre bénéfique à toute lAfrique. La technologie est un facteur qui na pas été abordé autour du développement, ou qui a été complètement négligé.
Aujourdhui, cest la technologie qui menace de couper davantage le continent africain de léconomie mondiale parce que lAfrique à négligé sa propre base technologique - lagriculture - pendant que la population a augmenté ces quatre dernières décennies. Nous partageons lopinion de Jared Diamond lorsquil affirme : « du fait des particularités de son climat, de sa flore et de sa faune, lAfrique a possédé un nombre et une abondance bien moindres de plantes et danimaux domesticables que le Moyen-Orient (lancien croissant fertile de Mésopotamie) et la Chine, les deux premiers centres dune agriculture sédentaire (
). Les surplus agricoles ont permis ensuite de constituer bien plus tôt des Etats, des armées, et une administration centrale. Ils ont permis de libérer des parties de ces sociétés pour la poursuite des sciences et des techniques, qui leur ont donné une avance technologique que lAfrique et dautres régions sous-développés nont jamais pu surmonter ».
Ce sont là des défis majeurs en matière de développement que lAfrique qui a absorbé un large éventail de techniques durant le siècle précédent doit pouvoir surmonter pour pouvoir enregistré dans les décennies futures comme au Nord et en Asie un développement véritable propulsé par le patrimoine naturel et humain, notamment par lagriculture et la technologie. On peut affirmer que le développement du Gabon ne se fera pas avec le NEPAD. Ce pays a complètement raté son développement économique et social par la mauvaise gouvernance de la rente pétrolière même si on peut reconnaître aujourdhui que la démocratisation a permis de réaliser progressivement certains défis : affirmation de lEtat de droit, amorce de réformes institutionnelles et économiques, etc.
En aspirant à une biodiversification de son économie, lEtat gabonais gagnerait à adopter ce type de schéma une fois son système central reformé. Car, lorsquon y regarde de près la crise constatée de lEtat, avant dêtre un échec structurel et institutionnel, cest dabord une crise de morale et des valeurs. Ce faisant, il est possible denvisager une alternative en se demandant si finalement, le développement du Gabon et de lAfrique au cours de ce millénaire ne nécessiterait-il pas une « révolution de palais » autour des acteurs, des comportements et des idées politiques ?
ANNEXES
ANNEXE 1
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
AAF-SAAP: African alternative framework to structural adjustment programme
ACCT: Agence de cooperation culturelle et technique
ACDESS: African center for development and strategic studies
ACP : Afrique-Caraïbes-Pacifique
ACP : Accord de commerce préférentiel
AEF : Afrique équatoriale française
AGRIPOG : Agriculture de Port-Gentil
AGROGABON : Agriculture du Gabon
AGOA: Pacte africain de la croissance et des affaires
AGP : Agence gabonaise de Presse
ALF : African leader forum
ANC : African national congress
APD : Aide publique au développement
APIP : Agence pour la promotion des investissements privés
APPER : Association pour la promotion des énergies renouvelables
APRM : African peer review mechanism (mécanisme africain dévaluation par les pairs)
ASDR: African security dialogue and research
BAD : Banque africaine de développement
BDG : Bloc démocratique gabonais
BEAC : Banque économique dAfrique centrale
BGD : Banque gabonaise de développement
BGFI : Banque gabonaise et française internationale
BM : Banque mondiale
BICIG : Banque internationale pour le commerce et lindustrie du Gabon
BVMAC : Bourse des valeurs mobilières dAfrique centrale
CAA-PAS : Cadre alternatif au programme dajustement structurel
CAD : Comité daide au développement
CAR : Compact for African Recovery
CASS: Center for advanced social studies
CDRT: Center for democratic research and training
CEA : Commission économique africaine
CEDAW: Convention on the Eradication of Discrimination Against Women
CEDEAO : Communauté économique des Etats de lAfrique de lOuest
CEEAC : Communauté économique des Etats de lAfrique centrale
CEMAC : Communauté économique monétaire dAfrique centrale
CEPAL : Commission économique pour lAmérique latine
CER : Communautés économiques régionales
CES : Conseil économique et social
CFG : Compagnie forestière du Gabon
CICMG : Compagnie industrielle et commerciale des mines du Gabon
CIJ : Cour internationale de justice
CIPS: Center for international political studies
CIRA: Commission interministériel de réforme administrative
CGRA : Commissariat général à la réforme administrative
CNC : Conseil national de la communication
CNE : Commission nationale électorale
CNES : Conseil national économique et social
CNLCEI : Commission nationale de lutte contre lenrichissement illicite
CODESRIA: Council for development and social science research in Africa
COMILOG : Compagnie minière de lOgooué
COMESA : Marché commun de lAfrique orientale et australe
COSATU: Congress for South African trade unions
CRVD: Companhia Vale Do Rio Doche
CSSDCA: Conference on Security, Stability, Development and Co-operation in Africa DCRP : Document de croissance et de réduction de la pauvreté
DG : Directeur général
DGCP : Direction générale de la comptabilité publique
DSCRP : Document stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté
EAC : East african community (communauté est-africaine)
ENA : Ecole nationale dadministration
FAO : Fond alimentaire mondial
FDC : Fondation pour le développement communautaire
FEANF : Fédération des étudiants dAfrique noire en France
FIDES : Fond dinvestissement pour le développement économique et social
FMI : Fond monétaire international
FOMUC : Force multilatérale des nations unies pour la Centrafrique
FPCL : Fond de péréquation des collectivités locales
FRELIMO : Front de libération du Mozambique
G77 : Groupe des 77 (pays en développement)
G 7 : Groupe des 7 (pays les plus industrialisés avant lentrée de la Russie)
G8 : Groupe des 8 (pays les plus industrialisés)
G5 : Groupe des 5 (pays initiateurs du NEPAD)
GEAR: Growth, Employment, and Redistribution Programme. Il sagit dun plan macro-économique national adopté par le gouvernement sud-africain en 1996 pour la croissance, lemploi et la redistribution.
HCR : Haut commissariat des réfugiés
HEVEGAB : Hévéaculture du Gabon
IBW : Institutions de Bretton Woods
ICG : International crisis group
IDE : Investissement direct étranger
IDH : Indice de développement humain
IFI: Institutions financières internationales
IGSR: Institute for governance and social research
IPS: Inter press service
MAEP : Mécanisme africain dévaluation par les pairs
MAP : Millenium African Partnership (partenariat africain du millénaire)
MARP: Millenium partnership for the African recovery programme (mécanisme africain de revue des pairs)
MCD: Mouvement commun pour le développement
MISAB : Mission de sauvegarde des accords de Bangui
MNA : Mouvement des non-alignés
MNRG : Mouvement national pour la révolution du Gabon
NAI: New African initiative
NEPAD: New partnership for Africas Development
NIA: Nouvelle initiative africaine
NDIP : Nouvelle division internationale du pouvoir
NIIA: Nigerian institute for internationa affairs
NISER: Nigerian institute for social and economic research
NPI : Nouveaux pays industrialisés
NTIC : Nouvelles technologies de linformation et de la communication
OATUU: Organisation for African trade union unity
OCDE : Organisation de coopération pour le développement économique
OCI : organisation de la conférence islamique
OCTRA : Office des chemins de fer Transgabonais
OHADA : Organisation pour lharmonisation du droit des affaires en Afrique
OMC : Organisation mondiale du commerce
OMD : Objectifs du millénaire pour le développement
ODI : Objectifs de développement international
ONG : Organisation non-gouvernementale
ONU : Organisation des nations unies
OPDAS : Organisation des premières dames dAfrique pour le VIH/sida
OPEP : Organisation des pays exportateurs de pétrole
OPT : Office des postes et télécommunications
OUA: Organisation de lUnité africaine
PAAERD: Programme of action for Africas Economic recovery and development
PAM : Programme africain du millénaire
PAS : Programme dajustement structurel
PDG : Parti démocratique gabonais
PCA : Président du conseil dadministration
PEA : Perspectives économiques en Afrique
PGP : Parti gaboanis du progrès
PIB : Produit intérieur brut
PIPE : Panel indépendant des personnalités éminentes
PMA : Pays moins avancés
PME/PMI : Petites et moyennes entreprises/Petites et moyennes industries
PNAE : Programme nationale daction pour lenvironnement
PNB : Produit national brut
PNBG : Programme national de bonne gouvernance
PNUD : Programme des nations unies pour le développement
PPTE : Pays pauvres très endettés
PRI : Pays à revenus intermédiaires
PSD : Parti social démocrate
PVD : Pays en voie de développement
RECAMP : Renforcement des capacités africaines au maintien de la paix
RENAMO : Résistance nationale du Mozambique
RDC : République démocratique du Congo
RDPC : Rassemblement démocratique du peuple camerounais
RSA : République sud-africaine
RAS : République dAfrique du Sud
SADC : Southern African Development Community
SDN : Société des nations
SEEG : Société dénergie et deau du Gabon
SIDA : Syndrome de limmunodéficience acquise
SNAT : Société nationale de transit
SNBG : Société nationale des bois du Gabon
SOSUHO : Société sucrière de lOgooué
TICAD: Tokyo international conference on African Development
UA : Union africaine
UDSG : Union démocratique et sociale gabonaise
UE : Union européenne
UEMOA : Union économique et monétaire ouest-africaine
UJPDG : Union des jeunes du parti démocratique gabonais
UGDD : Union gabonaise pour la démocratie et le développement
UNECA : Commission économique des nations unies pour lAfrique
UNESCO : Organisation des nations unies pour léducation, la science et la culture
UNICEF : Fond des nations unies pour lenfance
UNITA : Union nationale pour lindépendance totale de lAngola
UPC : Union du peuple pour le changement
UPG: Union du peuple gabonais
USA: united States of America
VIH : Virus de limmunodéficience humaine
ANNEXE 2
LISTE DES TABLEAUX
Tableau n° 1 : Correspondances des conditionnalités au développement-----------------------101
Tableau n° 2 : Récapitulatif des universaux de gouvernement entre
lAfrique et le système international-------------------------------------------------------------------128
Tableau n° 3 : Structure de direction du NEPAD----------------------------------------------------185
Tableau n° 4 : Le Comité de mise en uvre des Chefs dEtat du NEPAD-----------------------189
Tableau n° 5 : Tendances de lIndicateur de développement humain
des Etats du NEPAD (1990-2005)----------------------------------------------------------------------304
Tableau n° 6 : Le PNB global des pays membres du NEPAD en 2006-----------------------------307
Tableau n° 7 : Le PIB par habitant des pays membres du NEPAD en 2005-----------------------309
Tableau n° 8 : Classement africain de la qualité de vie en 2008-------------------------------------312
Tableau n° 9 : Indice de perception de la corruption (IPC)
des pays du NEPAD----------------------------------------------------------------------------------------448
Tableau n° 10 : Les Etats réformistes et les antiréformistes du NEPAD----------------------------455
ANNEXE 3
LISTE DES ENTRETIENS
Les entretiens ont été réalisés à Libreville entre 2005 et 2007. Ceux-ci ont été loccasion pour les enquêtés de nous expliquer le rôle du NEPAD ainsi que du mécanisme davaluation aussi bien au plan interne quinternational.
% BEKALE NTOUTOUME Aloïse Le 10 janvier 2006 et le 02 février 2007
Directeur de cabinet du Minsitre gabonais en charge du NEPAD.
% BIYOGHE MBA Paul Le 02 février 2007
Ministre gabonais en charge du NEPAD et du développement régional.
% EKONDO Ada Florence Le 28 Janvier 2006 et le 17 février 2007
Secrétaire générale du ministère du NEPAD.
% NGOZO ISSONDOU Maxime Le 10 janvier 2006 et le 02 février 2007
Conseiller juridique du Ministre gabonais en charge du NEPAD et coordonateur national du NEPAD.
% ONDIMBA Edouard Le 05 février 2007
Commissaire général du MAEP au Gabon.
% OTHA Patrice Le 03 et 17 janvier 2006 et le 09 février 2007
Directeur adjoint de cabinet du président de la République chargé des questions économiques et principal promoteur du NEPAD au Gabon.
¡% PIHI Joseph Le 17 février 2007
Représentant résident du PNUD au Gabon.
ANNEXE 4
LES CINQ PAYS INITIATEURS ET LES AUTRES MEMBRES DU COMITE DE DIRECTION DU NEPAD INCLUDEPICTURE "http://www.iss.co.za/Pubs/Papers/70/NEPADCOR.gif" \* MERGEFORMATINET INCLUDEPICTURE "http://www.iss.co.za/Pubs/Papers/70/NEPADHSI.gif" \* MERGEFORMATINET
Source: Jakkies Cilliers, Peace and Security through Good Governance, Institute for security studies, Paper n° 70, avril 2003.
ANNEXE 5
RELATION ENTRE NEPAD/UNION AFRICAINE ET ORGANISATION DU MAEP
Figure 1: Relation entre le NEPAD et lUnion africaine
INCLUDEPICTURE "http://www.iss.co.za/Pubs/Papers/70/Fig2.gif" \* MERGEFORMATINET
Figure 2: structure du MAEP au sein du NEPAD
INCLUDEPICTURE "http://www.iss.co.za/Pubs/Papers/70/Fig3.gif" \* MERGEFORMATINET
Source: Jakkies Cilliers, Peace and Security through Good Governance, Institute for security studies, Paper n° 70, avril 2003.
ANNEXE 6
ATELIER SUR LA MISE EN UVRE DU NEPAD EN AFRIQUE CENTRALE : DISCOURS DU MINISTRE GABONAIS DU NEPAD ET TEXTE DORIENTATION
ANNEXE 7
DECRET DINSTITUTIONNALISATION DU MAEP AU GABON
ANNEXE 8
INTERVENTION DU MINISTRE DU NEPAD SUR LES ENJEUX DU PROGRAMME PANAFRICAIN AU COURS DE LA RENTREE POLITIQUE DU GROUPE PARLEMENTAIRE DU PDG A LASSEMBLEE NATIONALE
ANNEXE 9
NEPAD ET APPUI INTERNATIONAL
ANNEXE 10
RAPPORT DU GABON SUR LE « PEER REVIEW MECHANISM »
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
% Ouvrage, thèse et mémoire.
¡% Article, numéro spécial de revue et autres documents.
I/ Ouvrages et articles généraux
¡% Agrikoliansky (E), « Carrières militantes et vocation à la morale de la LDH dans les années 1980 », Revue française de science politique, vol. 15, n° 1-2, février-avril 2001, pp. 27-46.
% AIPLF/ PARDOC-IBISCUS, Le développement institutionnel. L Etat de droit pluraliste : action conjointe de la puissance publique et de la société civile, Paris, octobre 1993, p. 6.
% Aghion (Ph) et Howitt (P), Théorie de la croissance endogène, Paris, Dunod, 2000, 750P.
% Almond (G) et Verba (S), The Civic Culture: Political Attitudes and Democracy in Five Nations, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1963
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- HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://www.saiia.org.za/index.php%3Foption%3Dcom_content%26view%3Darticle%26id%3D802:the-african-peer-review-mechanism-lessons-from-the-pioneers%26catid%3D3:books%26Itemid%3D137&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhibVg1IYm2g_LmgRzKx6fibDBteLQ" \o "http://www.saiia.org.za/index.php?option=com_content&view=article&id=802:the-african-peer-review-mechanism-lessons-from-the-pioneers&catid=3:books&Itemid=137" The African Peer Review Mechanism: Lessons from the Pioneers , Ross Herbert and Steven Gruzd, South African Institute of International Affairs, March 2008 ( HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&sl=en&u=http://www.saiia.org.za/index.php%3Foption%3Dcom_content%26view%3Darticle%26id%3D802:the-african-peer-review-mechanism-lessons-from-the-pioneers%26catid%3D3:books%26Itemid%3D137&prev=/search%3Fq%3DThe%2BAfrican%2BPeer%2BReview%2BMechanism:%2BLessons%2Bfrom%2Bthe%2BPioneers%26hl%3Dfr%26rlz%3D1B3DVFA_frFR252FR255&usg=ALkJrhibVg1IYm2g_LmgRzKx6fibDBteLQ" \o "http://www.saiia.org.za/index.php?option=com_content&view=article&id=802:the-african-peer-review-mechanism-lessons-from-the-pioneers&catid=3:books&Itemid=137" Le Mécanisme dévaluation par les pairs: les leçons de pionniers, Herbert Ross et Steven Gruzd, lInstitut sud-africain des affaires internationales, Mars 2008).
Nous préférons travail politique à volonté politique parce quil renvoie au fait dagir sur un projet avec pour but dobtenir des résultats concrets. Lactivité de gouvernement nécessite que toute action entreprise aboutisse à des résultats.
Les conflits contemporains de nature interne et inter-étatique sont remarquables sur le continent africain depuis la postcolonie. En effet, avec 480 millions de personnes, soit plus de 60% de la population africaine, lAfrique est la partie du monde où lon compte le plus grand nombre de guerres civiles et de conflits qui sont le fait des luttes de pouvoir au niveau national ou régional en vue de lappropriation de la richesse de la nation et des dividendes de la violence issue des opportunités frontalières. Certains pays africains ont une certaine propension à instrumentaliser la guerre à des fins daccès au pouvoir politique et économique. Cette situation nous autorise à parler dune « Afrique des crises » permanentes.
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Pour une littérature sur les transitions politiques en Afrique, durant le début des années 1990, lire : Buijtenhuijs, R, et Thiriot, C, Démocratisation en Afrique au Sud du Sahara, 1992-1995 : un bilan de la littérature, Leiden, Centre détudes africaines ; Pessac, Centre détude dAfrique noire, 1995 ; Van Walwaren, K, et Thiriot, C, Démocratisation en Afrique au Sud du Sahara : transitions et virage, un bilan de la littérature (1995-1996), Leiden, Centre détudes africaines ; Pessac, Centre détude dAfrique noire, 2002. Voir également Quantin, P et Daloz, J-P, (dirs), Transitions démocratiques africaines, Paris, Karthala, 1997 ; Pour un débat sur les théories relatives à linstallation de la démocratie hors de lOccident, voir Jaffrelot, Ch, Démocraties dailleurs, Paris, Karthala, 2000.
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Cynthia Hewit De Alcantara, Du bon usage du concept de gouvernance, Revue Internationale de Sciences Sociales, n° 155, mars 1998.
Pour une connaissance plus approfondie de cette intense activité du leader gabonais, voir le recueil des médiations sur Omar Bongo Ondimba en faveur de la paix en Afrique qui a été publié aux éditions Raponda Walker de Libreville. Il sagit dun ouvrage rétraçant les médiations du Chef de lEtat, El Hadj Omar Bongo Ondimba et particulièrement dans la sous-région. Cette uvre du documentaliste Pierre R. Saulet est constituée dune série darticles du Quotidien gabonais lUnion. Lauteur présente les différentes étapes des médiations du Président gabonais dans différentes crises qui ont sécoué le continent : Afrique du Sud, Angola, Burundi, Centrafrique, Congo-Brazzaville, RDC, Côte dIvoire, Madagascar, Sao Tome-et-Principe, Soudan et Tchad. Lors dune présentation officielle en octobre 2008, Guy Rossatanga-Rignault, co-auteur avec Flavien Enongoue de lintroduction de cet ouvrage, explique que le format uniformisé de la présentation actuelle de louvrage a pour but de faciliter la lecture et la réflexion sur les actes diplomatiques du dirigeant gabonais en matière de médiations pour la paix. Il poursuit en affirmant que « la paix dans sa racine originelle relève dun arbre que lon sème et qui grandit avant de donner des fruits », mieux cet ouvrage participe de la « propagande » sur lhistoire dun dirigeant incontournable sur la scène politique et diplomatique en Afrique et qui est toujours aux commandes de son Etat depuis plus de quarante ans. Dans cette production Omar Bongo Ondimba nest pas lobjet « étudié » mais le sujet « héroïsé ». Ce qui conduit incontestablement à une confusion entre lactivité dun seul acteur et du rôle de son Etat, ce dernier se confondant au sujet valide ainsi la thèse défendue par Jackson et Rosberg sur le « règne personnel ». Le moins quon puisse dire, cest que ce comportement politique -indigne et en indélicatesse avec la responsabilité politique dun homme dEtat- assure une simple perpétuation du système au pouvoir. P. R. Saulet, Les médiations dOmar Bongo Ondimba, Libreville, éd. Raponda Walker, 2008, 364 P.
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Pour une synthèse des travaux de sociologie historique, voire Y. Deloye, Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, 1996 ; sur les néo-institutionnalismes voir, P-A, Hall et R-C-R, Taylor, « La science politique et les trois néo-institutionnalismes », Revue française de science politique, vol. 47, n° 3-4, juin-août 1997, pp. 469-495 ; A ; Stone, « Le néo-institutionnalisme : défis conceptuels et méthodologiques, Politix, 4ème trimestre 1992, pp. 155-168.
C. Toulabor, Op. cit.
Lexpression est de J-F. Bayart, in P. Chabal (ed.), Political domination in Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, pp. 109-125.
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FMI, Institutions et gouvernance, consultable sur HYPERLINK "http://www.imf.org" http://www.imf.org; P. Quantin, Institutions et Gouvernance, (11/05/2007), HYPERLINK "http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/IDEP/UNPAN015920.pdf" http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/IDEP/UNPAN015920.pdf./
Sur lévolution du « Consensus de Washington » voir : Hakim Ben Hammouda, Léconomie politique post-ajustement, Paris : Karthala, 1999.
A. Pouillade, La bonne gouvernance, dernier né des modèles de développement, (19/07/2005), disponible sur http://www. ideas.repec.org/p/mon/ceddtr/37.html.
Sur lanalyse de cette conception, lire Adrian Leftwich, Government, democracy ant development in the third World, cité par Patrick Quantin, Op. cit.
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Linstitutionnalisation désigne simplement la nature du pouvoir spécifique de lEtat.
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Le « rideau rouge », TV 5, février 2003.
Certains dirigeants dEtats africains sont arrivés au pouvoir avec lonction des bailleurs de fonds, comme la Présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf. Parmi les acteurs des années récentes, Alassane Dramane Ouattara, ex-directeur général adjoint du FMI, a été premier ministre en Côte dIvoire ; Nicéphore Soglo, ancien gouverneur du FMI, a été Président du Bénin ; Ngozi Okonjo-Iweala, ministre des finances du Nigeria, est ancienne secrétaire générale de la Banque mondiale ; des hommes daffaires tel que le Président malgache Marc Ravalomanana, ou les banquiers, comme le premier ministre ivoirien Charles Konan Banny, ancien gouverneur de la Banque centrale des Etats de lAfrique de lOuest (BCEAO), ont les faveurs des institutions financières internationales.
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Pour les positions libérales optimistes sur le développement continental à partir du NEPAD, voir AL- Sayyid. (Mustapha Kamel), NEPAD : questions of Ownership, South African Journal of International Affairs, Vol. 11, n° 1, été/automne 2004 ; Edozie. (R-Kiki), Promoting African Owned and Operated Development: A Reflection on the New Partnership for African Development, African and Asian studies, Vol. 3, n° 2, 2004, pp.145-173 ; Nsouli. (Nsaleh M), The New Partnership for Africas Development: Macroeconomics, Institutions, and poverty, African Development Bank, International Monetary Fund, World Bank, Jointe Africa Institute, 2004; Scmidtt (Rodney), Propriété et partenariat dans la stratégie de développement de lAfrique, in Institut Nord-Sud, Le Rapport sur lAfrique: une évaluation du nouveau partenariat, 2002, pp. 7-19. Consultable sur http://www.nsi-ins.ca/fran/pdf/africa_report/intro_scmiddt_f.pdf. Pour les critiques, voir Melbert. (Henning), Between a Rock and a Hard place? NEPAD, the G8 and the UA, Papier présenté au Colloque Africa: Partnership as Imperialism, The Monor House, Université of Birmingham, 5-7 septembre 2003. Consultable sur www.africa.no/noop/file.php?id=3935; Tandon. (Yash), NEPAD and Foreign Direct Investments (FDIS), Symmetries and contradictions, Paper presented at the African Scholars Forum on the NEPAD, Nairobi, April 2002, pp. 26-29. Consultable sur http://www.web.net/iccaf/deptsap/nepadfdis.htm; Campbell. (Bonnie), Un « partenariat » avec lAfrique ?, Relations, n° 676, mai 2002, pp. 5-6.
Premier institut de recherches sur les questions internationales en Afrique du Sud, cet organisme est une cellule de réflexion indépendante, non-gouvernementale, dont les objectifs stratégiques principaux sont dapporter une contribution efficace à la politique du gouvernement et dencourager un débat plus large et mieux informé sur les affaires internationales. Cest à la fois un centre de recherche dexcellence et un lieu de rencontre pour stimuler les discussions publiques. Les articles dans cette collection présentent des analyses thématiques acerbes et offrent un ensemble de perspectives sur les politiques-clés et questions de gouvernance en Afrique et au-delà. Depuis 2002, le Programme de Gouvernance et du MAEP du SAIIA a permis la promotion de débats publics et la production détudes sur les questions de gouvernance critique et de développement en Afrique et au-delà. Le projet a travaillé sur le Mécanisme Africain dEvaluation par les Pairs et sur la gouvernance dans presque 20 pays dAfrique.
Herbert Ross et Steven Gruzd, The African Peer Review Mechanism: Lessons from the Pioneers, http://www.saiia.org.za/index.php?option...802:the-african-peer-review-mechanism-lessons-from-the pioneers&catid... - 23k - HYPERLINK "http://209.85.135.104/search?q=cache:pMHgt67vUZ4J:www.saiia.org.za/index.php%3Foption%3Dcom_content%26view%3Darticle%26id%3D802:the-african-peer-review-mechanism-lessons-from-the-pioneers%26catid%3D3:books%26Itemid%3D137+The+African+Peer+Review+Mechanism:+Lessons+from+the+Pioneers&hl=fr&ct=clnk&cd=2&gl=fr"
Cet institut est aussi lun des quatre organismes dappui technique qui a aidé le processus du MAEP dans la recherche. Cet organisme dispose dimportantes ressources qui concilient à la fois la nécessité de rigueur académique et de compétences techniques avec la facilité d'usage que le style est caractéristique d'un grand nombre de publications du SAIIA sur le NEPAD et le déroulement de lévolution des processus du MAEP, certains auteurs comme Ross Herbert analyse les questions en jeu autour du NEPAD. Voir Ross Herbert, Mise en uvre du NEPAD : une évaluation critique, in Institut Nord-Sud, Le Rapport de lAfrique : une évaluation du nouveau partenariat, pp. 111-158, (15/09/2008), http://www.nsi-ins.ca/fran/pdf/africa_report/ch5_herbert_f.pdf
Alex Vines, head of Chatham Houses Africa Programme, review in The World Today, Vol 64, n° 7, July 2008; du même auteur voir lexamen dans le monde d'aujourd'hui, Vol 64, n ° 7, Juillet 2008.
Institut électoral dAfrique australe (EISA).
Ozias Tungwarara, Africa Governance and Monitoring Program (AfriMAP), Open Society Initiative for Southern African (OSISA), forthcoming in Global Dialogue, Octobre 2008.
Brendan Boyle, South Africa rejects African Peer Review Mechanism, (13/05/2007), disponible sur HYPERLINK "http://209.85.135.104/translate_c?hl=fr&langpair=en%7Cfr&u=http://www.suntimes.co.za/&prev=/translate_s%3Fhl%3Dfr%26q%3DLe%2BMAEP%2Ben%2BAfrique%2Bdu%2BSud%26tq%3DThe%2BAPRM%2Bin%2BSouth%2BAfrica%26sl%3Dfr%26tl%3Den&usg=ALkJrhicbl29_Ag0EGl-0f4md172RDGvZQ" \t "_new" http://www.suntimes.co.za.
Membre de lOpen Democracy Advice Centre.
Il est professeur titulaire à lUniversité Omar Bongo de Libreville.
Lobjet de ce travail nest pas de traiter parallèlement du Gabon et du NEPAD mais de manière interactive, afin de faire communiquer les histoires et processus des deux instances. Les ouvrages sur le Gabon ont permis de comprendre les mécanismes dans ce pays et de les articuler avec la dynamique continentale du NEPAD. Parmi les auteurs, voir : G. Rossatanga-Rignault, LEtat au Gabon. Histoire et institutions, Libreville, éd. Raponda Walker, 2000, 485 p ; du même auteur, La modernisation de lEtat au Gabon. Petite chronique dune ambition proclamée, LAfrique politique, Paris, Karthala/CEAN, 2001, pp. 65-84 ; G. Rossatanga Rignault (dir.), Le Gabon malgré lui, Rupture-Solidarité, n° 6, Paris, Karthala, novembre 2005 ; F-P. Nze Nguema, LEtat au Gabon de 1929 à 1990. Le partage institutionnel du pouvoir, Paris, LHarmattan, 1998 ; J. Ping, Mondialisation, Paix, Démocratie et développement en Afrique : lexpérience gabonaise, Paris, LHarmattan, 2002, 212 p ; D. Gardinier, Gabon, Oxford, Clio Press, 1992 ; T. Auracher, Le Gabon, une démocratie bloquée. Reculs et avancées dune décennie de lutte, Paris, LHarmattan, 2001, 135 p ; R. Pourtier, Le Gabon : Espace-Histoire-Société, t. 1, Paris, LHarmattan, 1989, 254 p ; M. Edzodzomo Ela, De la démocratie au Gabon. Les fondements dun renouveau national, Paris, Karthala, 1993 ; D. Etoughe et B. Ngadi (dirs.), Refonder lEtat au Gabon. Contributions au débat, Paris, LHarmattan, 2003 ; E-A. Auge, Le recrutement des élites politiques en Afrique subsaharienne. Une sociologie du pouvoir au Gabon, Paris, LHarmattan, 2003 ; C. Messi Me Nang et A. Moundziegou (dirs.), Le malaise gabonais. Elites et sociétés au Gabon, Paris, LHaramattan, 2005 ; E. Mandjouhou Yolla, La politique étrangère du Gabon, Paris, LHarmattan, 2003 ; M-L. Midepani, Elites politiques et démocratisation au Gabon. Contribution à une sociologie de la construction démocratique en Afrique Noire, Thèse de Doctorat, France, Université dAmiens, novembre 2005 ; G. Bertin Madébé et N. Ovono Edzang (eds), Figures du Gabon contemporain. Réflexions et perspectives, Paris, éd. Danoïa, 2007; les ouvrages dOmar Bongo, Gouverner le Gabon, Libreville, 1968; Bongo par lui même, Libreville, éd. Multipress, 1983; Blanc comme Nègre, Paris, Grasset, 2003; et enfin J. Barnes, « Gabon, Beyond the colonial legacy », London, Oxford, 1992 ; Douglas Andrew Yates, The Rentier State in Africa. Oil Rent Dependacy and Neocolonialism in Republic of Gabon, Trenton, Africa World Press, 1996, 249 p; David E. Gardinier et Douglas A. Yates, Historical Dictionary of Gabon, in African History, vol. 48, 2007, 528 P.
D-C. Martin, La découverte des cultures politiques ; Esquisse dune approche comparatiste à partir des expériences africaines, Les Cahiers du CERI, n° 2, 1992.
M. Foucault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard.
Lautorité est entendue ici comme une forme dinfluence qui ne rencontre pas dopposition.
J-F. Médard, « LEtat patrimonialisé », in Politique africaine, n° 39, 1990, p.25.
Lire les travaux de J-P. Daloz sur Elites et représentations politiques. La culture de léchange inégal au Nigeria, Pessac, presse universitaire de Bordeaux, 2002, 174 p ; et dans le cas du Gabon, dAugé sur le recrutement des élites politiques en Afrique subsaharienne. Une sociologie du pouvoir au Gabon, Op. cit.
Linstitution ne se donne pas à voir à lobservation immédiate cest pourquoi il est utile dentrer dans lintériorité des mécanismes pour découvrir le fonctionnement réel de ceux-ci. Linstitution a donc une face visible (côté jardin) et une face cachée (côté cour) comme un iceberg.
Concept connu sous la terminologie anglaise downership.
Il faut entendre ici, les institutions de Bretton Woods (IBW), parmi lesquelles, la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI).
B. Conte a consacré des écrits sur lajustement, (20/08/2005), http://www.conte@montesquieu.u-bordeaux.fr.
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Le partenariat entre lAfrique et les partenaires au développement repose sur des fondamentaux : respect des droits de lhomme, démocratisation, bonne gouvernance. Ces éléments fonctionnent comme des contraintes axiologiques du moins comme des valeurs politiques.
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Elle renvoie à la négociation dun contrat contre un principe.
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James G. March et Johan P. Olsen, Rediscovering Institutions: the Organizational Basis of Politics, New York, The Free Press, 1989, p. 2.
Lire par exemple Jane Jenson, « Canadas Shifting Citizenship Regime: The Child as Model Citizen », in Decentralisation and Regionalisation: Canada and the United Kingdom Compared, sous dir. De Michael Keating et Trevor C. Salomon, Montréal, McGill-Queens University Press, 2001, p. 107-124. Voir également Paul Pierson, Dismantling The Welfar State? Reagan, Tatcher and the Politics of Retrenchment, Cambridge University Press, 1994; et The New Politics of Welfare State, Oxford University Press, 2001; Denis Saint-Martin, Building the new Managerialist State: Consultants and the Politics of Bur aucratic Reform in Britain, Canada and France, Oxford University Press, 2000. Cette approche est largement portée en France par les auteurs sur les politiques sociales. A ce propos, le numéro spécial sur les approches cognitives des politiques publiques de la Revue française de science politique, notamment avec Pierre Muller, « Lanalyse cognitive des politiques publiques : vers une sociologie politique de laction publique », vol. 50, n° 2, 2000, p. 189-207. Lire aussi Patrick Hassenteufel et Bruno Pallier, « Le social sans frontières ? Vers une analyse transnationale de la protection sociale », Lien social et politique, n° 45, 2001, p. 13-27.
Gabriel Almond et Sydney Verba, The Civic Culture: Political Attitudes and Democracy in Five Nations, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1963; et The Civic Cultures Revisited: An Analytic Study, Boston, Little Brown, 1980.
Bertrand Badie, Le développement politique, Paris, Economica, 1994.
J. G. March et J. Olsen, « The New Institutionalism: Organisational Factors in Political Life », American Political Science Review, vol. 78, 1984, p. 734-739. Leur article pionnier permet de comprendre les points de convergence et de divergence entre le néo-institutionnalisme et les approches qui lont précédé. Peter A ; Hall et Rosemary C. R. Taylor, « La science politique et les trois néo-institutionnalismes », Revue française de science politique, vol. 47, n° 3-4, 1997, p. 469. Leurs écrits mettent en lumière les variantes néo-institutionnalistes.
David Apter, « Un regard neuf sur linstitutionnalisme », Revue internationale de sciences sociales, n° 129, 1991, p. 505. Au sujet de la complexité de cette approche, lire aussi, Walter W. Powell et Paul J. Di Maggio (dir), The New Institutionalism in Organizational Analysis, New York, The Free Press, 1991.
S. Huntington, Political Order in Changing Societies, New Haven and London: Yale University Press, 1968, p. 1. Traduction française : « la plus importante distinction politique entre les pays ne concerne pas leur forme de gouvernement mais leur degré de gouvernement. Les différences entre la démocratie et la dictature sont moins que les différences entre ces pays dont la politique incarne le consensus, les produits, la communauté, la légitimité, lorganisation, lefficacité, la stabilité et ces pays dont la politique est déficiente de ces qualités ».
P. Quantin, Démocraties et autoritarismes en Afrique Subsaharienne : acteurs et enjeux de la construction des catégories, Table ronde n° 4, 8ème congrès de lAFSP, p. 2, 2005.
Juan Linz et Alfred Stephan, The Breakdown of Democratic Regimes: Crisis, Breakdown and Reequilibration, Baltimore, The John Hopkins University Press, 1978. Voir aussi, Guillermo ODonnell, Modernization and Bureaucratic Authoritarianism: Studies in South American Politics, Berkeley, University of California Press, 1979. Voir Guillermo ODonnell, Philippe Schmitter et Lawrence Whitehead, Transitions From Authoritarian Rule, (en 4 volumes), Baltimore, John Hopkins University Press, 1986.
Nicolas Guilhot et P. Schmitter, « De la transition à la consolidation : une lecture rétrospective des democratization studies », Revue française de science politique, vol. 50, n° 4-5, 2000, p. 619.
J.G. March et J. P. Olsen, The New institutionalism, p. 738.
Michael Bratton et Nicolas Van de Walle, Democratic Experiments in Africa: Regimes, Transitions in Comparative Prospective, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 41-43.
J-G. March et J-P. Olsen, Rediscovering institutions : the organizational basis of politics, New York-London, The Free Press, 1989; Lire également P. Pierson, qui a évoqué la capacité des institutions à modeler les contextes dans lesquels elles prennent place et à imposer des configurations spécifiques.
P. Bourdieu, Propos sur le champ politique, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 52.
P. Bourdieu, La représentation politique. Eléments pour une théorie du champ politique, Actes de la recherche en Sciences sociales, n° 36-37, février-mars 1981, p. 5.
P. Berger et T. Luckmann, La construction sociale de la réalité, Paris, Méridien-Klinckseck, 1994.
J-G. March et J-P. Olsen, Rediscovering institutions: the organizational basis of politics, New York-London, Free Press, Op. cit; voir également P. Pierson, Dismantling: The Welfare State? Reagan, Thatcher and the politics of Retrenchment, Op. cit.
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J-C. Kaufmann, Lentretien compréhensif, Paris, Nathan, 1996, p. 146.
Ce retrait est relativement nécessaire pour ne pas confondre un entretien avec une conversation ordinaire, et de contenir les effets dimposition et de suggestion engendrés par lengament de lenquêteur dans léchange. Voir à ce propos, N. Mayer, « Lentretien selon Pierre Bourdieu ». Analyse critique de la Misère du monde », Revue française de sociologie, vol. 36, pp. 355-370.
La réception dans les cabinets des « dignitaires du régime » exige un code protocolaire où le style vestimentaire technocratique fait sens : port du costume avec une cravate nouée au risque de vous voir interdire laccès au bureau bien feutré et scintillant de ceux-ci.
E. Goffman, Les cadres de lexpérience, Paris, éd. De Minuit, 1991, p. 18.
B. Latour, La fabrique du droit : une ethnographie du Conseil dEtat, Paris, La Découverte, 2002.
M. Cahen, Les bandits. Un Historien au Mozambique, 1994, Paris, centre culturel Calouste Gulbenkian, 2002.
R. Quivy et L. Campenhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 1989, 213P.
G. Rossatanga-Rignault, La modernisation de lEtat au Gabon, petite chronique dune ambition proclamée, Op. cit. Dans ce numéro, lAfrique politique a consacré un numéro spécial sur les réformes en Afrique.
Voir M-J. Georges, New Institutionalist Explanations for Institutional Change: A Note of Caution, Politics, 2001, pp. 137-145.
Pour ces auteurs, les institutions reflètent des rapports de forces, et selon que ce rapport sera en faveur des pro- ou des anti-démocrates, les nouvelles institutions seront plus ou moins effectives. Voir M. Bratton et N. Van De Walle, Democratic Experiments in Africa. Regime transition in perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.
A. Przeworski, Some Problems in the Study of Transitions to Democracy, in G. ODonnell et al, Transitions from Authoritarian Rule: Comparative Perspectives, Baltimore-London, The John Hopkins University Press, 1986, pp. 47-63.
Nous reviendrons par la suite sur la trajectoire politique du Gabon caractérisée par un système de pensée unique de 1967 à 1990, un régime autocratique et autoritaire géré par le Président Omar Bongo jusquà la fin des années 1980. Au cours de cette année on voit se généraliser un ensemble hétéroclite de mouvements de contestation en Afrique auxquels lEtat gabonais néchappera pas.
P-J. Di Maggio et W-W. Powell, The Iron Cage revisited: Institutional Isomorphism and collective Rationality in Organizational Fields, In P-J. Di Maggio et W-W. Powell (éds), The New Institutionalism in Organizational Analysis, Chicago, University of Chicago Press, 1991, pp. 63-82.
Au sortir de la colonisation lun des défis de lEtat gabonais était celui dédifier ex nihilo un Etat. Ce qui explique en partie le recours à des méthodes dimportation exogène et expliquant dans une large mesure les ambiguïtés dune vie politique provoquée par des pratiques de domination usant parfois des croyances surnaturelles et des modes clientélistes complexes.
L. Monnier et Y. Droz, Côté jardin, côté cour. Essai sur léconomie de la maison africaine, Op. cit, p. 25.
Suite à une procédure dadjonction de nom, celui-ci a sans doute ajouté au sien celui de son père HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Omar_Bongo_Ondimba" \o "Omar Bongo Ondimba" Ondimba et devient désormais Omar Bongo Ondimba. On peut lire dans cet acte une charge symbolique même si rien ne permet de dire quil sagit dune gymnastique symbolique puisquil peut lavoir fait conformément à la loi ; cest un citoyen.
J. Lafargue, Contestations démocratiques en Afrique. Sociologie de la protestation au Kenya et en Zambie, Paris, Karthala, 1996, p. 36.
LAfrique subsaharienne est la seule partie du monde en développement où lespérance de vie à la naissance est retombée à son début des années 1970 et reste inférieure à 50 ans.
J-F. Dupaquier, « de la Françafrique à la maffiafrique », Mouvements, 17 mai 2002.
Dans le prolongement de lanalyse des institutions, les structuralistes accordent une importance primordiale aux structures. Ils établissent un lien entre développement et structures. Pour ces derniers, le développement est à situer dans la durée des infrastructures et des dynamiques dencadrement relatives aux progrès technologiques et aux ressources humaines mais aussi à une transparence des règles du jeu social et politique et aux mentalités. Ils reprochent la mauvaise conception et austérité des PAS qui entrainent la pauvreté et rendent impossible latteinte de certains objectifs déclarés. Lire Gerald M. Meiler et Dudley Seers, Les pionniers du développement, Paris, Economica, 1988 ; Philippe Hugon : La pensée française en économie du développement, Revue déconomie politique, n° 101, mars-avril 1991, pp. 183-184.
Elaborés par le FMI et la Banque mondiale, les DSCRP décrivent les politiques et les programmes macroéconomiques, structurels et sociaux dun pays sur plusieurs années ainsi que ses besoins de financement extérieurs.
Consultable sur htpp://www.un.org/french/mi llenniumgoals.
Cest le cas des différents courants de la tradition économique dinspiration néoclassique quon peut regrouper en quatre catégories : les « éclectiques », les « partisans de lajustement à visage humain », les « radicaux » et « les deux temps forts de la critique structuraliste ». Les premiers à linstar des structuralistes reconnaissent limportance des structures et des institutions pour le succès du développement économique et social ; les deuxièmes auparavant issus des Nations unies (Unicef) mettent en exergue les effets désastreux des PAS sur les populations les plus vulnérables ; les troisièmes rangés dans le courant dépendantiste et néomarxiste considèrent que les relations économiques et financières internationales sont un moyen de lexploitation de la périphérie par le centre pour entretenir le sous-développement et enfin les derniers centrent leurs critiques sur les structures mais celles-ci ont évolué avec les néostructuralistes qui considèrent les préceptes du FMI et de la Banque mondiale comme étant sans effet pour la croissance et évoquent un ajustement par le « bas ». Pour une connaissance plus approfondie, lire Radha Sinha, Economic reform in developing countries : some conceptual issues, World development, vol. 23, n° 4, 1995, pp. 557-575 ; G.A Cornia, R. Jolly et F. Stewart, Adjustment with a human face, vol. 1, Protecting the vulnerable and promoting growth, vol. 2, Ten countries cases, Oxford, Clarendon Press, 1987.
Les deux autres directions sont celles de la croissance endogène et de la nouvelle micro-économie. Pour de plus amples informations, pour la première lire Philippe Aghion, Peter Howitt, Théorie de la croissance endogène, Paris, Dunod, 2000, 750 P ; pour la seconde, voir Pierre Cahuc, La nouvelle microéconomie, Paris, Repères, La Découverte, 1998, 122 P.
Les néoclassiques ont cherché à démontrer que la qualité des institutions économiques publiques et privées, la structure particulière de la gouvernance et limportance du capital social affectent le développement. Voir la traduction française du texte Janine Aron, « Growth and institutions, a review of evidence », The World Bank Research Observer, vol. 15, n°1, 2000, pp. 99-135. Consultable par Bernard Conte: http:// conte.montesquieu.u-bordeaux.fr; Sur lévolution du Consensus de Washington, voir Hakim Ben Hammouda, Léconomie politique du post-ajustement, Op. cit; voir : Phillipe Hugon, « Le consensus de Washington en question », in Tiers Monde, n° 157, 1999-01/03, pp. 11-36. Sur les conventions, lire : Philippe Batifoulier (éd.), Théorie des conventions, Paris, Economica, 2001 ; sur les institutions, voir : Olivier E. Williamson, Les institutions de léconomie, Paris, Interéditions, 1994. La nouvelle économie institutionnelle (NEI), sattache à une théorie des institutions pour analiser les faits économiques. Voir John Williamson, « What Washington means by policy reform, in John Williamson (éd.), Latin American Adjustment: How Much Has Happened? Washington DC, Institute for Internatioanl Economics, 1990.
Moisés Naim, une camisole de force pour les pays pauvres. Avatars du Consensus de Washington, Le Monde diplomatique, mars 2000, p. 20.
Nous préférons celui de gouvernement parce que la bonne gouvernance est une notion « fourre-tout » dont la logique nest pas forcément scientifique. Sa forte charge normative lui vaut parfois dêtre qualifiée de « machin ».
Lire Hakim Ben Hammouda sur lévolution du consensus de Washington, Op. cit.
B. Conte, Le G8 et le NEPAD : un coup dépée dans leau
dEvian ?, Editorial n° 10, (20/06/2008), Consultable sur http:// conte@montesquieu.u-bordeaux.fr.
Ce concept a émergé du fait de la compression des dépenses publiques, les bailleurs de fonds constatant également que les administrations nationales nétaient pas à mesure daccompagner les réformes structurelles et institutionnelles.
Edouardo Aninat, Renforcer la stratégie de réduction de la pauvreté, Delopment Policy Forum, Berlin, 15 juin 2000.
Sur lévolution du consensus de Washington, lire Hakim Ben Hammouda, Léconomie du post-ajustement, Op. cit ; voir Bernard Conte, Financement du développement, aides et dette, sur http://conte@montesquieu.u-bordeaux.
Il sagit dun dispositif global de réduction de la pauvreté des pays très endettés qui appliquent des programmes dajustement et de réformes appuyés par le FMI et la Banque mondiale.
Lire, « The 25 million dollars question », The Economist, Londres, 2-8 juillet 2005.
J-P. Foiry, LAfrique : continent davenir ?, Ellipses, coll. « Transversale Débats », Paris, 2006.
Rédigé à linitiative de Anthony Blair, ce rapport est consultable sur http://www.commissionforafr ica.org/french
Pour une connaissance approfondie sur les élites, leur mode de recrutement et la sociologie du pouvoir au Gabon, voir les travaux de Axel Eric Augé, le recrutement des élites politiques en Afrique subsaharienne. Une sociologie du pouvoir au Gabon, Op. cit. Andy Makindey, Le personnel gouvernemental gabonais. Etude prosopographique (1977-1990), Thèse de Doctorat en Histoire politique, Université Bordeaux 3, 8 avril 2005.
PNUD, Rapport sur le développement humain, 2005.
Projet personnel du Président Omar Bongo conduit sans le soutien des bailleurs de fonds qui ny voyaient pas de valeur ajoutée réelle.
Ministère de léconomie et des finances, Tableau de bord de léconomie gabonaise, 2006.
On peut manger une brochette à 5000 FCFA dans un restaurant chic ou bien acheter au coin de la rue une brochette certes plus petite à un marchand ambulant à 500 FCFA.
Art. 13 de la Constitution du 11 mars 1991.
Lire F. Grignon, sur la juxtaposition de réseaux et de générations politiques au sein des mouvements, in Le multipartisme au Kenya ? Reproduction autoritaire, légitimation et culture politique en mutation (1990-1992), Travaux et documents de lIFRA, n° 12, Nairobi, 1993, pp. 42-43 ; voir aussi A. Haugerud, The Culture of Politics in Modern Kenya, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 19 ; voir également M-E. Pomemerolle, A quoi servent les droits de lhomme ? Action collective et changement politique au Kenya et au Cameroun, Thèse de Doctorat en science politique, CEAN/IEP de Bordeaux, 2005.
Voir pour le titre original et la traduction française Y. Dezalay et Bryant G. Garth, The Internationalization of Palace Wars. Lawyers, Economists and the Contest to Transform Latin America, Chicago, Chicago University Press, 2002 ; ou La mondialisation des guerres de palais. La restructuration du pouvoir dEtat en Amérique latine, entre notables du droit et « Chicago boys », Paris, seuil, 2002.
Terme utilisé en 1990 pour désigner laccord du gouvernement américain et des organisations multilatérales de Washington concernant le modèle dEtat et de politique économique appropriés pour résoudre les difficultés financières de lAmérique latine. Sujet à de nombreuses controverses, cette expression est aussi utilisée de manière critique pour dénoncer la généralisation des politiques néolibérales, encouragées - sinon imposées - par les bailleurs de fonds de Washington.
Expression qui fait référence aux intellectuels de la nouvelle génération, aux ambitions croissantes de la libéralisation politique. On les retrouve au Gabon dans les courants des « rénovateurs » - avec à sa tête Ali Bongo Ondimba fils aîné du dirigeant gabonais - par opposition aux « caciques » du régime dOmar Bongo et des « appelistes » dirigés par Paul Toungui grand argentier et gendre du président, représentant la génération intermédiaire entres les deux premiers courants.
Sur la base sociopolitique des mouvements de contestation populaire des années 1990-1991, voir G. Rossatanga Rignault, LEtat au Gabon. Histoire et institutions, Op. cit ; F-P. Nzé Nguema, LEtat au Gabon. Le partage institutionnel du pouvoir, Op. cit ; A. Mehler, Cameroun : une transition qui na pas eu lieu », in J-P. Dalloz et P. Quantin, Transitions démocratiques en Afrique, Paris, Karthala, pp. 102-115 ; Jeune Afrique, « Alerte à Bamenda », n° 1536, 11 juin 1990.
Ces deux pays africains tiennent lieu de modèles de transition réussie depuis les années 1990. Il nest point question ici de revenir sur leurs trajectoires politiques qui ont été caractérisées par une instabilité, notamment dans le cas du Bénin de 1960 à 1972, sous un régime militaro-marxiste dirigé par Mathieu Kérékou jusquen 1989, avant que ne surviennent les mouvements contestataires ayant conduit au renouveau politique à partir de 1990. Lire à ce propos, Théophile E. Vittin, « Bénin : du système Kérékou au Renouveau démocratique, in Etats dAfrique noire. Formations, mécanismes et crises, J-F. Médard (dir.), Paris, Karthala, 1991, pp. 93-116 ; voir également Francine Godin, Bénin 1972-1982. La logique de lEtat africain, Paris, lHarmattan, 1986, 321 p ; Maurice A. Glélé, Naissance dun Etat noir. Lévolution politique et constitutionnelle du Dahomey de la colonisation à nos jours, Paris, LGDJ, 1969.
P. Quantin, Personnalisation et néo-patrimonialisme dans la médiation des conflits africains, in the challenges of Europe-Africa relations: an Agenda of priorities, conférence internationale, 23-24 octobre 2003. Cet article a été repris par lauteur, Omar Bongo, médiateur des conflits africains, in J. Faget (dir.), Médiation et action publique. La dynamique du fluide, Presses universitaires de Bordeaux, 2005, pp. 101-115.
Lire à ce propos, S. Smith et A. Glaser, Ces Messieurs Afrique. Le Paris-Village du continent noir, Paris, éd. Calmann Lévy, 1992, pp. 9-209 ; S. Smith, Négrologie. Pourquoi lAfrique meurt, Paris, éd. Calmann Lévy, 2003.
Allocution du Président Nelson Mandela au Forum économique mondial de Davos (Suisse) le 29 janvier 1999.
Le groupe de Brazzaville représentait une approche gradualiste de lunité africaine et préconisait une association assez lâche des Etats africains. Le groupe de Casablanca, par contre, appuyait la création dEtats-Unis dAfrique selon le modèle fédéraliste. Il y avait en outre un troisième groupe idéologique - le groupe de Monrovie - qui rejetait toute forme dintégration politique mais insistait sur les principes de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires internes de lEtat.
J-R. Heilbrunn, Corruption, Domocracy, and Reform in Benin, in A. Schedler, L. Diamond et M-F. Plattner (dirs.), The Self-Restraining State: Power and Accountability in New Democracies, Boulder, Lynne Rienner, 1999, pp. 227-244.
Banque mondiale, « Au-delà du Consensus de Washington : les institutions comptent », Rapport, 1998.
Voir R. Smith, Political Jurisprudence, The New Institutionalism and the future of Public law, American Political Science Review, 1988, pp. 89-108; D-C. North, Institutions, Institutional Change and Economic Performance, Cambridge, Cambridge University Press, 1990; P. Di Maggio et W. Powell, The New Institutionalism in Organizational Analysis, Op. cit; S. Steinmo, K. Thelen et F. Longstreth, Structuring Politics: Historical Institutionalism in Comparative Analysis, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
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Pour une meilleure connaissance de cet objet, il faut remonter aux années 1980 avec le changement dorthodoxie dans la pensée économique dominante et loccurrence de la dette a permis dimposer aux pays en développement le « Consensus de Washington ». Il débute au début des années 1980 lorsquon évoque lajustement et a été formulé en 1990 par John Williamson à travers les dix commandements (préceptes).
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Sur lanalyse de cette conception, lire Adrian Leftwich, Government, democracy ant development in the third World, cité par Patrick Quantin, Op. cit.
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La liberté, est entendue ici, comme une valeur importante de toute condition humaine. Elle est imaginée comme une construction collective, qui appelle à lamélioration du bien-être, tant à léchelle de lindividu quà celle de la société.
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Les lieux à partir desquels sorganise la mondialisation (
) se situent pour lessentiel dans les grandes mégalopoles du Nord. Lire O. Dollfus, Op. cit, pp. 38-39.
Lire à ce propos louvrage sur « Le NEPAD et les enjeux du développement de lAfrique. Une réponse africaine à la mondialisation », Op. cit.
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Les pays en développement représentent encore une partie de lhumanité où subsiste encore la « barbarie », il est donc utile pour être à labri des « turbulences de lhistoire » daccéder à la civilisation universelle afin de lui permettre de sinsérer dans la détermination de lagenda universel légitime.
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Charte de lOUA et les documents sur lUnion africaine cités sur cette page sont disponibles sur le site Internet www.africa-union.org.
Lire la déclaration qui a été adoptée dans le cadre du sommet extraordinaire de lOUA organisé à linitiative de la Libye. Celle-ci contient lengagement des chefs dEtat et de gouvernement des Etats participants à lUnion africaine.
LActe constitutif de lUnion africaine, HYPERLINK "http://www.africa-union.org/root/AU/employment/2008/ea_nepad/ToR%20FOR%20STUDY%20ON%20THE%20INTEGRATION%20OF%20NEPAD%20STRUCTURES%20-%20French.pdf" http://www.africa-union.org/root/AU/employment/2008/ea_nepad/ French.pdf.
Ces textes sont disponibles en anglais sur le site Internet www.uneca.org/nepad et en français sur www.nepadsn.org/french_version/nepad_french_version.pdf.
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Voir L. Monnier et Y. Droz (dirs.), « Côté jardin, côté cour. Anthropologie de la maison africaine », Nouveaux cahiers de lIUED, Paris, PUF, 2004.
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Mawaba Boukali, Gabon. Bongo contre-attaque, Jeune Afrique Economie, n° 324, du 5 au 18 février 2001pp. 52-54.
M. Edzodzomo-Ela, De la démocratie au Gabon. Les fondements dun renouveau national, Op. cit ; F-P. Nzé-Nguema, LEtat au Gabon de 1929 à 1990, Op. cit, p. 164.
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S. Froidevaux, « Du microcosme au macrocosme. Habitat, sociabilité et pouvoir au Burkina Faso », in Laurent Monnier et Yvan Droz, Op. cit, pp. 71-86.
Conseiller aux affaires africaines sous de Gaulle et Pompidou.
J-D. Geslin, Op. cit.
En réalité il ny a pas à notre avis de différenciation majeure entre les Républiques.
G. Rossatanga-Rignault, LEtat au Gabon. Histoire et institutions, Op. cit, p. 283.
J-D. Geslin, La Méthode Bongo, Op. cit.
Omar Bongo sappuie principalement sur son bilan (mitigé) en faveur de la paix en Afrique pour justifier son incapacité à diriger en interne une société complexe. Il détourne lattention sur les difficultés économiques du pays, la criminalisation de lEtat et a qualifié ses concurrents dimpertinence alors même quil na pas été capable de mener un véritable travail politique autour de ces projets successifs (le Processus démocratique et concerté, le Nouvel élan, la Refondation et les Actes pour le Gabon) qui ont tous échoué sur lautel de la ploutocratie.
Elle implique ici, les traditions, les institutions et les processus qui déterminent la manière dont le pouvoir est exercé dans la société gabonaise par les différents acteurs, comment les citoyens sont invités à participer à la gestion de lEtat et comment se prennent les décisions qui concernent les problématiques publiques par les services publics de lEtat.
P. Duran, Penser laction publique, Op. cit, p. 18.
Lexpression est empruntée à Norbert Elias dans son discours sur la civilisation des murs repris par Edgar Morin dans la « politique de civilisation » et qui alimente les débats dans la vie politique française avec son utilisation par Nicolas Sarkozy, président de la République. Voir N. Elias, La civilisation des murs, Op. cit, p. 19 ; mais également la Société de cour.
P. Bourdieu, Le capital social, Actes de la recherche en sciences sociales, n° 31, pp. 2-3.
Lieu de travail et de résidence dOmar Bongo, le jardin relève de son espace public, où ses collaborateurs peuvent informer le peuple, cest aussi le lendroit par lequel les visiteurs ou les invités passent pour être reçus dans les locaux destinés à cet usage. La cour, quant à elle, se situe derrière ce palais ; cest lendroit où les hôtes et les invités non officiels sont annoncés discrètement au Président Bongo.
F. Eboko, Institutionnaliser laction publique en Afrique. La lutte contre le sida au Cameroun, in P. Quantin (dir.), Gouverner les sociétés africaines. Acteurs et institutions, Op. cit, p. 278.
En 1979, des divergences apparaissent à loccasion de lopération « un bateau pour le Vietnam », Bernard Kouchner défendant lidée quil faut affréter un navire, avec à son bord médecins et journalistes, afin de pouvoir soigner et aussi témoigner des violations des droits de lhomme sur le terrain. Cette opération est jugée trop médiatique par les autres dirigeants : Kouchner et une quinzaine de responsables quittent lassociation pour fonder, en mars 1980, Médecins du Monde. Cest une association de solidarité internationale qui sappuie sur lengagement bénévole de ses membres (professionnels de la santé) pour porter secours aux populations les plus vulnérables dans le monde et en France. Lassociation a choisi de conserver une taille moyenne pour une réelle flexibilité. Elle est composée d'une structure associative et dune structure permanente.
P. Janssen, A la cour de Mobutu. Fracassantes révélations du gendre de lex-président zaïrois, Paris, éd. Michel Lafon, 1997, p. 86.
Lire à ce propos, Blanc comme nègre, paru chez Grasset en février 2001.
J-D. Geslin, La Méthode Bongo, Jeune Afrique Intelligent, Op. cit ; Voir également Blanc comme nègre, Op.cit.
Il a été lun des instigateurs de louvrage Blanc comme nègre, livre dentretiens entre le Président et le journaliste Airy Routier, publié en février 2001 chez Grasset.
A. Coutrot et Isabelle Boussard (dirs.), Quarante ans de cabinets ministériels, Paris : Presses FNSP, 1982. Plus récemment, Luc Roubain, « les cabinets ministériels 1984-1996 », Revue administrative, 1997, n° 297, pp. 253-267, n° 298, pp. 373-388, n° 299, pp. 499-509.
Ezra Suleyman et Guillaume Courty, Lâge dor de lEtat. Une mutation annoncée, Paris : Seuil, 1997, p. 132.
Voir lanalyse édifiante dEric Axel Augé sur la sociologie du pouvoir au Gabon à partir de son étude sur le recrutement des élites politiques en Afrique subsaharienne qui constitue, toutes proportions gardées, une des constructions sociologiques les plus importantes de ces dernières années sur létude des élites au Gabon. Lauteur démontre à partir de plusieurs liens (sociaux, ethniques, claniques, régionaux, parenté, fraternels
) comment le pouvoir sest construit au Gabon et a réussi avec succès à se maintenir.
Ph. Braud, Sociologie politique, Op. cit, p. 456.
P. Muller, Les politiques publiques, Op.cit, p. 70.
Voir M. Weber, Economie et Société, Paris, Plon, 1971, pp. 226-227 ; Jürgen Habermas, Théorie de lagir communicationnel, t. 2, Paris, Fayard, 1987, p. 336.
J-B. N. Wago, Zone franc: outil de développement ou de domination? , Paris : LHarmattan, 1995.
Maître duvre et grand architecte de la politique africaine de la France qui sinspire des méthodes établies sous De Gaulle et Pompidou.
Douglas Andrew. Yates, The Rentier State in Africa. Oil Rent Dependency and Neo-colonialism in the Republic of Gabon, Trenton: Africa World press, 1996, p. 111.
Cest le cas du groupe Bolloré dans le domaine industriel, de Bouygues dans la maçonnerie, dAndré Tarallo dans le pétrole, etc.
T. Auracher, Le Gabon, une démocratie bloquée, Op. cit, p. 51.
F-X. Verschave, La Françafrique, le plus long scandale de la République, Paris, 1998, p. 135.
J. Foccart, Foccart parle, Entretiens avec Philippe Gaillard, Fayard : Jeune Afrique, 1995. Bongo lui-même confirme cela dans son ouvrage Blanc comme nègre, Entretiens avec Airy Routier, éditions Grasset.
Lire à ce propos Douglas Andrew Yates et Pierre Péan.
Expression empruntée à Daniel Bach, partie de cours sur le régionalisme et la régionalisation des conflits en DEA APAPS de Science-Po Bordeaux, 2003-2004. Nous lutilisons ici, pour désigner, dune part, lopposition permanente au relent successoral, entre jeunes et vieux, ou entre cadets et aînés sociaux, susceptible de conduire à un processus de scission au sein du pouvoir en place au Gabon qui se manifeste par des comportements égocentriques et incondescendants et par lémergence dune nouvelle élite de leaders sociaux. Cette scissiparité est associée à une temporalité cyclique, celle des générations sociales. Et dautre part, chaque courant aspire à faire accéder son dirigeant aux sommets de lEtat. Ce qui explique la structuration de ces courants au moyen dun rituel particulier. Les systèmes générationnels commandent que lalternance politique soit ordonnée entre les différentes générations sociales pour parvenir à un consensus par le ralliement des oppositions - ce qui peut expliquer la naissance tardive du courant des appelistes (tranche dâges intermédiaires entre jeunes et vieux) - pouvant abou k l ´ ¶ È É Ê Ë Ó Ô ß à á î ó
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