souvenirs - La 2e Division Blindée Historique de Leclerc
Honnêtement je dois dire que lorsque j'évoquais cette perspective je passai pour
..... La libération des cavaliers d'active laissa espérer que désormais les officiers
.... ministre du cabinet Blum en 36, C. professeur de l'enseignement technique.
...... trois Sections d'infanterie, trois Sections de Chars, un Peloton de T.D., une ...
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ont les miens, et non ceux de tel ou tel, que ces jugements sont les miens, et par conséquent ils ne sont pas, je lespère du moins, ni incolores, ni sans saveur. Ils sont essentiellement ceux dun soldat qui aurait toujours voulu être Chrétien sans cesser dêtre Français, et Français sans cesser dêtre Chrétien, tant dans ses actions que dans ses jugements.
Pour les gens de mon âge, il a toujours été assez simple dêtre Français : avant 1914 il sagissait deffacer 1870 en allant reprendre Strasbourg et Metz, les Oberlé et Colette Baudoche. Après 1918 il apparut vite que la paix nétait quune trêve, et après 1940 le problème revint le même quaprès 14. A partir de 1945, si les termes changeaient, les données demeuraient : au lieu daffronter les Allemands pour lAlsace, il fallait affronter les Américains, Anglais, Russes, pour l'empire ou plus simplement, plus amèrement peut-être : pour lHonneur. Au sens où la entendu St Exupéry écrivant à "l'Otage ".
C'est que toutes ces notions simples - simplistes ? - de Patriotisme, d'Amour de la France, paraissaient mal s'accorder avec les valeurs dégagées d'un approfondissement du Christianisme, comme avec tous les "ismes" contemporains.
Il a fallu, sans rien renier, refaire l'Unité. Grâce soit rendue à Jean Guitton, grâce à qui les mois et les années qui n'auraient pu être que de désespoir, 1940/1943, furent l'occasion de cette découverte essentielle que l'unité doit toujours se chercher vers le haut. Par le dépassement.
Si maintenant vous savez pourquoi j'écris, il me reste à dire comment je vais ordonner ces souvenirs. Le plus simple me parait être de suivre l'ordre chronologique, quitte à revenir sur tel fait, tel aspect d'une question quand cela me paraîtra en valoir la peine.
Les morts vont vite .... Hitler connais pas .... Cela, 20 ans après la fin de la tuerie la plus élaborée qui ait jamais été. Parmi mes enfants eux-mêmes, toujours si avides de savoir ce que j'ai pu faire, quelle différence entre les aînés qui ont vécu, si jeunes fussent-ils, tous ces événements de 1939/45, puis ont connu la Tunisie de Papa, m'ont suivi par la pensée en Indochine ou en Algérie, et les plus jeunes, qui ne connaissent tout cela que par ouï-dire.
Pierre Debray
CAHIER N° 4
17 Juin 1940, HIVER 1945 à St Germain en Laye
CaptivitéetLibération de la France
18 Juin 40 ... l'Appel ...Je ne l'entendis pas, et pour cause.
Après être descendu en fin d'après-midi de mon side-car, je rejoignis un pâté de maisons où étaient déjà parqués un certain nombre d'officiers. Je me jetai sur la paille et commençai à dormir longuement. Et puis le lendemain il fallut s'organiser : rechercher de quoi manger, se vêtir aussi. Je me rappelle un brave paysan vite revenu chez lui qui me donna une vieille chemise, ce qui me permit de laver la mienne ...
Quand on repense 36 ans après à cette période, on peut se demander comment on fut assez stupide pour ne pas tenter de s'évader. J'ai déjà dit ma répugnance à quitter l'uniforme - il faut aussi invoquer la fatigue. Près de 150 km les 15, 16 et 17. Une blessure profonde sur un tendon d'Achille et puis surtout la question sans réponse : où aller ?.
Les souvenirs de 14-18 où même les civils ne pouvaient quitter Beauvais, prendre le train sans être munis de "sauf-conduits", et c'était en France non occupée, me faisaient imaginer qu'à fortiori les Allemands devaient exercer un contrôle rigoureux. Et puis dans l'immédiat comment parvenir à franchir la mer car il n'y avait plus de lutte sur le continent. Bref je n'avais pas encore compris que la volonté d'être libre doit tout balayer - au risque d'être folle.
Au bout de quelques jours nous fûmes amenés au camp de Mailly. En traversant Troyes, dans un faubourg, un de nos gardiens se précipita sur un ouvrier serrant un gros pain contre lui et le lui arracha pour nous le donner. Mais Gay, un narbonnais capitaine au 80, malgré les hurlements de nos gardes sortit des rangs et rendit son pain au pauvre homme qui détala sans demander son reste.
Mailly ... le camp de la mort lente ... a-t-on écrit. Nous y restâmes près de 6 semaines. Et déjà, sans nous en rendre compte, nous fûmes soumis à la plus subtile propagande. Certes les grosses ficelles à but politique : collaboration, lutte pour l'Europe ou contre les Juifs, firent long feu. Mais il y eut tous ces chuchotements sur une proche libération. Il y eut les récits de Dunkerque aux effets anglophobes.
Très vite tout de même nous eûmes vent de la prise de position de de Gaulle. A vrai dire, à part les Messins, bien peu d'officiers, même d'active, le connaissaient. Pour moi dès ce moment là il ne fit aucun doute, connaissant les rapports Pétain - de Gaulle à travers le dossier de celui-ci (dont j'avais la garde à Metz) que tous les deux, quelles que soient les apparences d'hostilité qu'ils devaient adopter, mèneraient le même combat, subtil en France, ouvertement hostile à l'extérieur.
Mes réminiscences historiques me faisaient rappeler l'histoire prussienne après Iéna : Frédéric Guillaume et la reine Louise endormant Napoléon tandis que Stein, Gneisenau, Scharnorst ou bien continuaient la lutte avec les Russes, ou bien animaient et préparaient le soulèvement populaire.
Honnêtement je dois dire que mes convictions étaient peu partagées ... Si personne, du moins je veux le croire, ne se réjouissait ouvertement de notre défaite, chacun cherchait à en rejeter sur le voisin la responsabilité, l'unanimité ou presque, se faisant sur le dos des Anglais.
La faim que personne ne connaissait auparavant, faisait ses ravages dressant les meilleurs amis les uns contre les autres quand était distribuée la soupe : brouet clair où pour vingt personnes, flottaient deux ou trois déchets animaux de un à deux cm3 ! ! Ce fut la grande époque du troc. Ayant récupéré du tabac lors de nos marches pour venir à Mailly, je l'échangeais peu à peu pour du pain - cet affreux pain allemand que je dégustais gourmandement !. (sic)
C'est dans ces moments de dénuement physique, moral, intellectuel, qu'émergèrent successivement le R.P. Dillard, Jean Guitton, le Général Buisson. (
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La boulimie intellectuelle, rassasiée par des conférences en tout genre : religieuses, politiques, littéraires, économiques, agricoles, juridiques et j'en passe, réussissait à faire oublier la faim. La faim qui vous prend aux entrailles, donne envie de voler, d'étrangler celui qui parvient à préserver quelque provision sauvée Dieu sait comment.
Plusieurs milliers d'officiers - deux ou trois dizaines de milliers de sous-officiers et hommes de troupe soigneusement séparés par les Allemands, n'empêchèrent pas qu'on se retrouvât. C'est ainsi que je pus établir l'état des lourdes pertes de ma Compagnie.
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Surtout je fus très touché de recevoir un jour la visite de deux de mes hommes, arrivés avec un dernier renfort, originaires de la Lorraine de Moselle. les Allemands les employaient et ils m'apportaient du lait, des figues, du fromage de Hollande ... toutes choses dont je ne mangeais pas, encore un mois plus tôt et qui, lait mis à part que je réservais à des camarades malades, me parurent savoureuses. Ils revinrent plusieurs fois et sûrement m'aidèrent ainsi que les camarades de ma chambre . Nous étions une douzaine à tenir le coup.
Habilement, de temps à autre les Allemands libéraient telle ou telle catégorie, toujours très réduite en nombre. On vit ainsi partir les gendarmes - à deux ou trois exceptions près, quelques fonctionnaires agricoles - voire un ou deux hommes politiques. Par exemple ce capitaine de Cavalerie, réserviste, Conseiller municipal de Paris, qui venait de très bien se battre sous les ordres de de Lattre, et qui un ou deux ans plus tard devait être Président du Conseil Municipal de Paris ... Il y eut beaucoup d'espoirs déçus chez les médecins ... ce ne fut pas faute pourtant, pour la plupart d'entre eux, d'avoir multiplié les courbettes devant le vainqueur. Seuls, dès le début, firent exception les médecins israélites, ils soignèrent sans autre souci que d'être fidèles à leur vocation, sans la moindre concession aux Allemands.
Même à petites doses, les libérations entretenaient l'espoir idiot d'une libération totale, étouffant toute velléité d'évasion. Cela dura jusqu'au moment où ayant embarqué un après-midi en wagon à bestiaux, nous nous réveillâmes à Luxembourg. Alors que sur le quai de la gare de Mailly encore, un brave homme, le lieutenant colonel Elichondo, ami d'Ybarnégaray, alors ministre de Pétain, nous disait : "d'après un renseignement que j'ai tout lieu de croire sérieux, nous allons être dirigés sur Massy-Palaiseau où fonctionne d'ores et déjà un centre de libération." ! ! ! !
Osterode -X I - A
Il fallut bien se rendre à l'évidence : la libération ... c'était un rêve évanoui.
A Luxembourg il était sûrement possible de s'évader, les cheminots du coin ne nous cachaient pas leur sympathie. Dans la nuit, dès qu'après Chalon on avait compris que l'on prenait la direction de l'Est, un de nos camarades de wagon, Phalip, capitaine au 80, décida de tenter sa chance en profitant d'un ralentissement et nous sûmes plus tard qu'il avait rejoint Marseille.
A Luxembourg j'appris aussi le départ de D. ; sur le moment je lui en voulus. Du camp à la gare de Mailly j'avais un moment cheminé près de lui et lui avais dit que l'évasion était probablement la solution la plus sûre. Très fermement il m'en avait dissuadé "vous savez que les Allemands ont pris nos noms et adresses, et ont promis des représailles sur les familles en cas d'évasion - vous n'avez pas le droit de faire courir ce risque à vos enfants".
Et il est bien vrai que les Allemands à plusieurs reprises avaient évoqué cette menace de représailles sur les familles. On avait même su que le père ou la femme de tel ou tel, évadé de Mailly, avait été fusillé ou déporté - ce qui empêchait de prendre les menaces à la légère.
Quant à connaître nos identités, en fait ils n'en savaient que ce que nous leur avions déclaré et ils n'avaient bien sûr aucun moyen de vérification. Il eût donc été bien facile de donner état civil et adresse fantaisistes. Mais il me fallut encore quatre ans pour apprendre de la bouche de l'archiprêtre d'Avallon, arrêté puis relâché par la Gestapo qui n'avait pu le prendre en défaut, "qu'on ne devait pas la vérité à ses ennemis" ...
Bref nous arrivions à Osterode am Harz un matin - le 15 août 1940 je crois. Un petit officier avantageux, le rein cambré, la fesse ondulante, stick sous le bras parcourait nos rangs, bousculant l'un, bousculant l'autre, visiblement satisfait de nous humilier et plus encore de voir la servilité que certains ne pouvaient cacher.
Quand tout le monde fut sur le quai avec ses quelques hardes il fut demandé à ceux qui voulaient être "épouillés" à sortir du rang.
J'avais découvert, quelques jours plus tôt ces parasites et c'est ce jour là que je pris conscience de notre misère et de notre humiliation ... Je me présentai donc, moins soucieux du "qu'en dira-t-on" que de me sentir propre ! ! Je me retrouvai avec mon cousin B, lieutenant dans un G.R. et qui, à Mailly, m'avait reconnu pour m'avoir vu ... le jour de mon mariage ! - et avec D., mon ancien lieutenant qui m'avait succédé au 80 et était capitaine à titre temporaire. Nous montâmes tout de suite vers le camp, ancienne caserne de l'armée allemande et que venaient d'évacuer les Officiers polonais détenus depuis 10/11 mois.
Aussitôt arrivés on nous distribua de grandes écuelles en faïence avec une cuillère et on nous les remplit de semoule au lait ... Malgré mon horreur du lait je n'en laissai rien et en repris même une seconde. Après avoir subi la douche et autres traitements, tandis que dans le plus simple appareil nous attendions que nos vêtements revinssent de la désinfection, je m'aperçus qu'un soldat polonais employé comme ordonnance par les Allemands avait subtilisé dans mon sac la bouteille d'eau de Cologne qu'il s'apprêtait à avaler goulûment ! ! ! !
Rhabillés nous fûmes logés. Bernard B., D. et moi eûmes la chance d'être dirigés sur une baraque en bois certes, mais sur fondations pierre et dotée de lavabos et autres commodités. Nous pûmes avoir une petite chambre où on ne pouvait bouger : les trois lits à étage, la table et un petit poêle occupant toute la place. Les lits : des planches pour sommier, une paillasse garnie de sciure de bois pour matelas, un drap et deux couvertures de coton. Nous nous retrouvâmes donc à six et parmi les trois autres, celui qui devait longtemps être notre providence, grâce à ses colis remarquables, le sous-lieutenant Quèbre, en situation d'activité au régiment de transmissions de Nancy et qui était le seul officier de l'État-major de la 14ème D.I. (commandée par de Lattre) à être prisonnier !.
En fin de journée rejoignirent tous ceux qui n'avaient pas été volontaires pour l'épouillage ... et beaucoup s'entassèrent dans de mauvaises baraques en bois posées à même le sol et sans confort (!), et quelques jours plus tard, volontaire ou pas, repassa ou passa à l'épouillage avec matelas et couverture !
Il y eut les séances d'immatriculation. Il y eut les fouilles et j'y perdis le magnifique gilet de cuir doublé drap, don du Major Malcolm. Me furent pris aussi et j'en fus catastrophé, mes comprimés de Tréparsol - seuls à calmer mes crises d'amibes.
L'abondant repas de semoule ne se renouvela pas ... Dès le lendemain nous fûmes au régime du jus d'orge grillé le matin, d'une soupe claire avec quelques pommes de terre en robe des champs à midi et vers 17h, 200 gr de pain K.K. avec un peu de charcuterie ou un affreux fromage que l'on dirait fait avec de la graisse de poisson ! Cela ne suffisait pas à apaiser une faim qui nous mettait tôt au lit où nous croyions l'apaiser en nous confiant des adresses de restaurant, des recettes et des projets de menus ... pour la Libération !.
L'atmosphère était, de la part de nos geôliers, à tendance amis-amis, et hélas ça prenait assez bien. Dans chaque chambre il y avait un responsable et c'était le plus ancien dans le grade le plus élevé, et dans ma chambre c'était donc moi. A ce titre je reçus un beau jour, après Mers El-Kébir, des affiches énormes 1m50 sur 1m environ, montrant entre autres un marin français perdant son sang en abondance essayant à la nage de se sauver au milieu des bateaux français en flamme. Je refusai de la placarder et la laissai roulée dans un coin, mais je dus faire preuve d'autorité vis à vis d'un petit lieutenant pourtant un brave garçon, mais disant : "puisque les Allemands sont vainqueurs ils ont le droit de nous commander et puisque nous sommes vaincus nous n'avons qu'à obéir".
Il ne comprenait pas davantage que je m'obstine à ne pas vouloir saluer les Allemands rencontrés dehors et que pour cela je sorte toujours tête nue. Il est bien certain que les tenues des uns ou des autres n'avaient pas grand chose à voir avec des gravures de mode ! J'avais pour ma part bien vite adopté les sabots, distribués par les Allemands, comme chaussures de chaque jour. J'avais un pantalon de troupe et un manteau de troupe également. Je réservai ma culotte - en piteux état d'ailleurs - souliers, leggings et vareuse d'officier pour quelques réunions de camarades et surtout ... pour la Libération qui tout de même viendrait bien le jour où les boches à leur tour subiraient le sort que nous venions de connaître.
Honnêtement je dois dire que lorsque j'évoquais cette perspective je passai pour fou, illuminé ou ... traître, comme ne me l'envoya pas dire, en Octobre je crois, un brave capitaine de Réserve que j'avais bien connu et qui cinq ans plus tard très exactement, publiait dans un hebdomadaire littéraire un grand article où il racontait comment d'un bout à l'autre de la captivité il avait gardé une foi inébranlable dans la victoire finale ! ... Fermez le ban !
En attendant, cinq ans plus tôt devant le perron de sa baraque de l'Oflag XIA, il m'accusait de "saboter l'amitié naissante entre Français et Allemands tout comme ce vieux c ... de Pétain qui aurait déjà dû signer la paix, alors qu'à atermoyer comme il faisait il allait fâcher ces bons Allemands et qui est-ce qui en subirait les conséquences ? Nous, mon Vieux, nous qui serons encore là à Noël, au lieu d'être chez nous".
Tous n'avaient pas cette franchise d'expression mais beaucoup n'en pensaient pas moins, et quand un jour je déclarais, comme je le pensais, que "mieux valait rester 10 ans en tôle et que les fritz soient battus", je faillis être lynché !!
L'évasion de D. produisit au début quelque flottement quant à l'animation, mais l'impulsion restait et bientôt autour du général Buisson, de Jean Guitton et de quelques autres, les cours, les conférences reprirent.
Nous disposions d'une grande baraque, tantôt amphi, tantôt salle de spectacle car sous l'impulsion d'un scout Pierre Roux, d'un jeune abbé, Saint Martin, d'un cavalier, officier des Haras, le capitaine de Laurens, et d'un étonnant petit sous-lieutenant, A. devenu la vedette féminine de la troupe, une compagnie de comédiens s'était formée. N'ayant d'autre matière première que le papier et des gouaches ils faisaient décors et costumes, et réussirent à monter des pièces qui obtinrent un succès énorme et ... stupéfièrent les teutons.
Les nourritures terrestres se firent plus attendre .. Pendant plusieurs mois selon que l'on était de zone occupée ou de zone prétendue libre, on ne pouvait recevoir dans le premier cas que des colis de 1kg mais dans le deuxième cas ils pouvaient atteindre 5kgs. Comme il fallait en outre avoir des étiquettes envoyées par nous aux éventuels expéditeurs, le système fut long à démarrer. Je ne crois pas que les premiers colis arrivèrent avant le courant du mois d'Octobre et le courrier ne fonctionna guère plus tôt. Nos geôliers en début de mois nous distribuaient lettres et cartes - deux et trois il me semble - et une partie détachable servait pour la réponse. Dans chaque baraque il y avait un vaguemestre qui chaque jour après l'appel distribuait le courrier et donnait les noms de ceux qu'un colis attendait ... moment de beaucoup d'espoirs et de beaucoup de déceptions ! ! Déception aussi parfois en allant retirer le colis ... plein d'effets chauds, quand on attendait des nourritures substantielles ! Il est bien certain qu'à de rarissimes exceptions près, ni nous ni nos familles n'avions jamais connu la faim, la vraie, celle qui donne des hallucinations, qui devient une obsession. Il faut honnêtement reconnaître que les envois de vivres du gouvernement de Vichy marquèrent, lorsqu'ils parvinrent, la fin de la faim.
Fractionnant la journée pour tous, il y avait les appels : un à 9h un autre à 16 ou 17h. Chaque Compagnie, en gros une baraque, se rangeait, sur le marchfeld, en ligne sur trois rangs, le responsable, deux pas en avant du centre. Quand arrivait l'officier allemand passant l'appel, flanqué de l'interprète français, des sous-officiers allemands se répandaient devant et derrière chaque compagnie et comptaient les files ; puis ils multipliaient par trois, mais il était bien rare qu'il n'y eut pas une dernière file creuse. Parfois on en créait sournoisement une au centre de la ligne, tant et si bien que jamais les chiffres trouvés ne coïncidaient avec ceux attendus et l'on recommençait imperturbablement - pour notre plus grande rigolade ! - et de temps à autre la fureur des gardiens, mais c'était plutôt rare.
En fait ces braves gens étaient tellement persuadés que nous ne pouvions qu'être reconnaissants de la façon dont nous étions traités, qu'ils furent choqués comme d'une ingratitude quand un matin de Noël ils découvrirent que trois officiers, dont deux frères, cavaliers, les Vignon, s'étaient évadés. Cela nous valut quelques jours plus tard une fouille de la Gestapo. Arrivée impromptue pendant l'appel du matin elle fouilla le moindre recoin de nos chambres, tandis que par quelques degrés sous zéro nous attendîmes des heures qu'ils eussent terminé.
Dans ma baraque une grande pièce avait été aménagée en chapelle, Melicourt, un architecte, l'avait décorée de quelques fresques et chaque matin les nombreux prêtres du camp célébraient la Messe à partir de 7h. Le Dimanche, la grand-messe avait lieu dans la salle de jeux/conférences. Il y avait un responsable de l'aumônerie : un Dominicain, le Père Genevois- de la province de Toulouse, au parler chantant et à la magnifique barbe noire ; un autre Dominicain : le Père Delalande secrétaire du Père Gillet, général de l'Ordre à Rome, ce qui lui vaudra de recevoir des colis de chocolat au lait fort ... recherchés ! !
Il y avait de nombreux prêtres normands, ayant appartenu à la 53ème D.I. formée de réservistes de Haute et Basse Normandie. Parmi eux Mr Vernhet - aveyronnais mais Sulpicien prof. au Grand Séminaire de Bayeux - et l'abbé de Mathan, recordman de rapidité : treize minutes entre le moment où il revêtait son aube et celui où il l'enlevait !
La Messe, les Appels, il restait encore beaucoup d'heures. La rédaction des lettres ou cartes prenait beaucoup de temps car il fallait faire tenir en quelques lignes tant et tant de choses ... et si peu de choses que l'on pût accepter de laisser lire par les censeurs ...
Il y avait les conférences, les cercles. Tout s'organisait, se structurait : cours d'histoire, de géo, de droit, de langues mortes ou vivantes ; et puis on refaisait la France. Pineau, un ancien collaborateur de Gignoux au Patronat français et qui bientôt libéré, et avant de plonger dans la clandestinité, devait un temps être commissaire au rapatriement des prisonniers. Join-Lambert un Conseiller d'État, Druon, grand garçon d'une bonne volonté et d'un dynamisme incomparables, Chalvron, conseiller d'ambassade, en poste à Berlin en 1939 ... Pouënel un agrégé d'histoire ; ces deux derniers eurent l'autorisation des Allemands de nous communiquer sur le réseau radio intérieur (il y avait un haut parleur dans chaque chambre) une synthèse hebdomadaire de la presse allemande qu'ils dépouillaient. Et il faut rendre hommage à la qualité et à la subtilité de leurs laïus, disant ce qu'ils voulaient, les Allemands n'y voyant que du feu !.
Chaque semaine un programme des cours, causeries etc. ... était affiché et comme cela se passait dans des salles nues, chacun apportait son tabouret porté sur les épaules : à longueur de temps des colonnes se croisaient, dans les cours ou les couloirs, tabouret sur le dos. En d'autres temps c'eût été drôle.
Nous étions munis d'une écuelle en faïence et par chambre un ou deux des occupants allaient à midi chercher la soupe à la cuisine, dans un seau qui avait jadis contenu des confitures, le même seau servant à aller chercher, le matin, le jus d'orge ! Le soir on percevait je l'ai dit pain et charcuterie ou confiture et de retour dans la chambre c'était le partage, chacun le surveillant d'un oeil jaloux !
Avec les colis, certains sur les poêles de chambre firent de la cuisine le soir, et des effluves rarement agréables en résultaient. Il y avait en particulier dans notre bâtiment un lieutenant marocain qui reçut 5kgs de sardines à l'huile qu'il fit frire pendant des jours ! Je dois avouer qu'un jour notre chambre fut l'objet de toutes les protestations : l'un de nous avait reçu un magnifique saucisson, complètement abîmé hélas, mais nous avions faim. Alors comme tout de même nous ne voulions pas être malades, notre popotier le charmant sous-lieutenant Quèbre le découpa en petits morceaux qu'il fit revenir sur le poêle ... Affreux, épouvantable, jamais reniflé pareille horreur ... mais nous avions faim et nous fûmes au moins deux à en manger.
Brun pour sa part s'était remis au foot, malgré son grand âge ! les matches étant organisés par Gamblin, vieille gloire 20 ans plus tôt de l'équipe de France, et présentement capitaine de réserve du Génie.
Les bobards continuaient à circuler. De temps en temps une libération redonnait espoir aux uns, excitait la jalousie du plus grand nombre. Les mécomptes anglais en Grèce, en Crète, avaient éteint l'optimisme de la plupart. Et c'est alors qu'il y eut le coup de tonnerre : Juin 41, de la guerre avec la Russie. Un de nos prêtres, de Belfort, parlant bien l'allemand, quand le matin de très bonne heure entendit les haut-parleurs ressasser, entre des marches triomphantes, les premiers succès foudroyants de la Wehrmacht, s'approcha des deux vieilles sentinelles déambulant l'arme à la bretelle dans le camp et leur demanda ce qu'ils en pensaient "nous ne savons pas, répondirent-ils innocemment, on ne nous l'a pas encore dit", et ils furent étonnés quand il leur demanda "ça ne vous rappelle pas Napoléon ?" - mais ça les dépassait nettement !.
C'est à cette époque que le XIA fut dissout. Dans un premier temps on parla d'un desserrement, les plus jeunes et les volontaires furent envoyés aux XA à Hambourg. Nous eûmes alors plus de place mais en fait, la majorité de vieux birbes qui restaient n'étaient pas drôles, et nous ne regrettâmes pas de partir à notre tour un mois plus tard, sans savoir où nous allions tomber.
Oflag IV D
C'est le 15 Août 41 exactement je crois, que nous arrivâmes au IVD - à Elster-Host, où nous attendaient quelque 4 000 camarades, dont certains étaient là depuis Mai 40. Parmi eux certains avaient été pris dès Septembre 39 comme ce malheureux la Tour du Pin, laissé blessé sur le terrain, et que l'on avait cru tué.
Je retrouvai de nombreux camarades, du 5ème marocains entre autres et parmi eux le Père Bardel, un dominicain, Héliot et plusieurs autres camarades de promotion.
En raison de notre grand nombre, le camp était divisé en blocks séparés les uns des autres par des réseaux de barbelés percés de portes, hermétiquement fermées lors des appels.
Ceux-ci étaient encore plus loufoques que ceux du XIA. Les Allemands nous rassemblaient par baraque et nous fractionnaient en paquets de cinquante. Je ne me rappelle pas si c'était dix files de cinq ou cinq files de dix ; mais toujours est-il qu'étant 200 et quelques dans une baraque, il y avait forcément un paquet très incomplet. Par ailleurs dans les paquets de cinquante les files couvraient mal ; on s'arrangeait pour qu'au milieu il y ait une file creuse. Bref ce n'était pas bref du tout !.
Dans la meilleure hypothèse l'appel durait vingt minutes - et souvent 1/2h ou 3/4h. Lorsqu'il était terminé, on pouvait rompre les rangs mais les portes de communication entre les blocks étaient maintenues fermées tant que les appels de tous les blocks n'étaient pas tous terminés, et en particulier, cela empêchait d'aller aux cours, conférences, etc. ... etc. ... car il y avait un block réservé à toutes les activités culturelles ou de détente.
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Parmi les anciens du 5ème Marocains, l'un d'eux : d'Ersu avait une très grande notoriété. Pince sans rire, il avait monté un numéro que rappelle maintenant celui des Frères Jacques, mais surtout il était à la tête d'une agence d'évasion, l'agence Fantomas ou Libertas, ayant pignon sur rue. L'idée de génie de d'Ersu avait été de faire évader "fictivement" un camarade. De la sorte lorsqu'une évasion avait lieu, pendant deux ou trois appels le "clandestin" prenait la place de l'évadé. Le reste du temps il parvenait à vivre, en changeant de baraque de temps à autre et en utilisant lettres, cartes ou étiquettes de colis que d'autres lui donnaient.
L'agence en outre se chargeait de tous les renseignements, des plans, voire de la préparation des accessoires, mais elle traitait plus volontiers avec des groupes qu'avec des individus. Une des meilleures opérations qui dura plusieurs jours, à raison de deux ou quatre départs chaque jour, fut montée avec la complicité des ordonnances - soldats ou sous-officiers prisonniers qui vivaient dans l'Oflag où ils faisaient les gros travaux de la vie quotidienne tant au bénéfice des officiers français que des gardiens allemands. En particulier le matin à 6h, une corvée portait le "jus" au poste de police situé près de la sortie ouest du camp. D'Ersu à l'affût de tout ce qui était insolite, une ou plusieurs fois prit la place d'une des ordonnances pour voir les possibilités offertes par cette corvée et il découvrit ainsi que la fenêtre des w.c. du poste donnait sur l'extérieur, en dehors des barbelés ! ! Et tout de suite le plan fut mis à exécution. Les officiers candidats au départ prirent plusieurs matins de suite la place des ordonnances - sauf un ou deux. Après avoir distribué le jus aux fritz ils passaient par les W-C., y laissaient les vêtements militaires, un rétablissement et vive la liberté ! !
Les ou la véritable ordonnance de la corvée ramassait les vêtements, les brocs ayant servi à distribuer le jus, et rentrait au camp dans la nuit noire sans que quiconque posât la moindre question. Et les Allemands s'arrachaient les cheveux ne parvenant pas à trouver la faille qui avait permis une douzaine de départs en quelques jours. Il fallut qu'un jour les évadés de service hésitassent au dernier moment à franchir la fenêtre et préférèrent rentrer au camp ... mais l'ordonnance était déjà partie avec brocs et baluchon de tenues militaires et ils durent essayer de regagner leurs chambres en civil et les bras ballants. Ils furent repérés, les Allemands comprirent alors et ... d'Ersu dut chercher autre chose.
L'évasion était la grande préoccupation de tous dans ce camp d'âge moyen assez jeune. Le procédé le plus courant était le creusement des tunnels, qui nécessitaient un boisage important, en raison de la nature du sol sablonneux. Aussi très vite, nombre de baraques se trouvèrent sans double plancher, par contre l'intervalle entre sol et plancher était souvent comblé par la terre sortie des tunnels. Il fallut aussi prévoir des aérations, des travaux d'évacuation des eaux et tout cela donnait lieu à des débauches d'imagination et à des trésors d'ingéniosité.
Un ancien mécanicien de chars, lieutenant auto (sic) du Bataillon d'oncle Henry, était passé maître en la matière. Il avait construit, à base de boîtes de conserves, des rails et des wagonnets pour évacuer les déblais ; construit des pompes d'exhaure, n'hésitant pas, quand il y avait un pépin, à rester 24h au fond, le clandestin le remplaçant aux appels. Mais très vite les Allemands pensèrent à ce moyen de départ et à l'aide de "poêles à frire", les détecteurs de mines, ils parvinrent à localiser les tunnels.
Un cependant leur échappa, et s'il n'y avait eu une trahison du dernier moment, c'eût été le coup le plus spectaculaire. Une cinquantaine d'officiers à plat ventre dans le tunnel, la tête dans les fesses de celui qui était devant, s'apprêtaient à sortir dans un petit bois peu surveillé parce que se trouvant face à un block inhabité dont les baraques servaient dans la journée à toutes les activités culturelles. Comme dans chaque block, il y avait à une vingtaine de mètres des pignons des baraques, entre elles et l'enceinte extérieure, un bâtiment surélevé où côte à côte étaient établis une vingtaine de sièges W-C. sans porte, comme tous les W-C. militaires allemands. Ce block culturel étant à une extrémité du camp, le pignon du bâtiment plus ou moins W-C se trouvait ainsi à une vingtaine de mètres du réseau de barbelés qui, lui-même, comme ses abords, était moins surveillé la nuit, puisque inhabité et dont les portes se fermaient à la tombée de la nuit. D'où l'idée : un courageux descella, en plusieurs fois, la cuvette la plus proche du pignon et ... descendit pour vérifier le mur de la fosse. Rassuré sur sa friabilité, avec quelques camarades il se mit à l'ouvrage ... Il fallut assurer une espèce de garde, car tout de même dans la journée des rondes étaient effectuées. Aussi la cuvette mobile soigneusement remise en place après la descente de l'équipe au travail était-elle en permanence occupée avec relève plus ou moins fréquente mais toujours après une ronde, en tout cas. Cette permanence de l'occupation finit par attirer non pas, heureusement, l'attention des Allemands, mais celle de quelques officiers. Et pour éviter qu'ils bavardent ils furent cooptés. Si bien que le travail terminé, ils étaient une bonne cinquantaine. Les derniers préliminaires eurent lieu comme prévu. Le dernier soir, les candidats nous quittèrent après l'appel, se laissèrent enfermer dans le block, s'empilèrent dans leur souterrain et à l'heure prévue celui qui était en tête fit sauter la dernière plaque de terre le séparant de la liberté et son rétablissement pour émerger le mit nez à nez .... avec le général commandant l'Oflag, hurlant, vociférant, n'ayant eu le temps d'enfiler qu'une seule botte, et en toute hâte quelques posten mettaient un F.M. en batterie sur l'orifice. Dans le tunnel tout le monde avait compris. Mais seuls les deux ou trois derniers purent sortir par où ils étaient entrés, avant que le bâtiment ne fût investi. Ils purent se camoufler et rentrer dans leurs baraques. Tous les autres furent repris. Les Allemands les isolèrent pendant quelques jours, puis les envoyèrent à Colditz. Parmi eux se trouvait le Père Congar, l'illustre théologien. Il était resté un an avec nous, et même dans ma chambre, nous étant arrivé après une première tentative d'évasion.
Des évasions individuelles quelques unes furent spectaculaires ; tel un officier qui ayant repéré que des couvreurs travaillaient sur les toits des baraques entraient ou sortaient du camp sans qu'on leur demandât rien, même pendant leurs heures de travail. Il s'empara un jour d'une échelle et d'un vélo, mit l'une à l'épaule, enfourcha l'autre et ayant choisi le moment où le samedi la relève de la Compagnie de garde obligeait de laisser ouvertes les portes de la double enceinte, il sortit en pédalant tranquillement et quelque temps après ses camarades de chambre reçurent une carte de ... Turquie, après en avoir eu une de Hongrie où il avait abandonné le vélo ! !.
En fait c'est l'observation minutieuse, méticuleuse, qui permit la plupart des évasions. C'est ainsi que dès l'été 40 un officier s'était systématiquement intéressé à la façon dont s'effectuait la relève des sentinelles et la circulation dans le camp des soldats allemands isolés ou en groupe. Petit à petit il avait remarqué que périodiquement les hommes de garde, logés dans un casernement distant de 500m environ de l'Oflag et dont il évaluait l'effectif à un Bataillon, étaient relevés. Pendant les mois où il était là ce Bataillon assurait le service par Compagnies qui se relevaient dans l'Oflag même, tous les samedis matins avec musique et fanfare. Il avait aussi remarqué que tous les jours, matin et soir, arrivaient en rang, sous le commandement d'un des leurs, les censeurs du courrier et des colis. Cependant une fois par semaine, le mercredi après-midi, ils ne venaient pas - en raison pensa-t-il, et c'était vrai, de l'exercice des employés - en outre la relève du poste à la porte par laquelle ils passaient se faisait entre leur entrée et leur sortie.
De tout cela cet observateur minutieux conclut que le premier mercredi suivant l'arrivée d'un nouveau Bataillon de garde, il y avait de fortes chances pour que les chefs de poste ignorassent que les censeurs ne devaient pas venir et que par conséquent, le chef de poste du soir ne serait pas surpris d'en voir sortir à l'heure habituelle. Mais pour que de faux censeurs avec de fausses tenues pussent passer sans encombre encore fallait-il que la sortie se fît de nuit et que le faux censeur prenant le commandement du détachement parlât parfaitement le teuton.
Lorsque nous arrivâmes au IVD celui qui mijotait ce coup avait déjà tout préparé. Les camarades correspondant au nombre de censeurs étaient prévenus. La préparation des tenues se faisait sans hâte puisqu'il fallait encore attendre au moins trois mois pour que la nuit soit tombée à l'heure voulue. Il ne manquait que le chef de détachement ... il était parmi nous, il s'agissait d'un jeune Cyrard de la promo 38 ou 39, Mauduit, Alsacien élevé en partie en Allemagne, ayant même été inscrit aux "Hitler Jugend". L'homme rêvé. Très vite il fut contacté, mais l'affaire ne fut pas vite conclue pour autant car il mit, pour condition de son acceptation, que son ami le Lieutenant de Witasse fût du coup. Finalement ils furent acceptés tous deux. Et quelques jours avant Noël, toutes les conditions étant réunies, surveillés mine de rien par de rares camarades au courant, le détachement se présenta à la première porte, à l'est du camp, et avec des hurlements du meilleur style feldwebel, Mauduit secoua le posten un peu lent à ouvrir. Aussi la deuxième porte s'ouvrit-elle d'elle-même et sans autre formalité qu'un tonitruant "Heil Hitler", toute la petite troupe passa, douze ou treize d'un coup si je me rappelle bien, et la plupart parvinrent au but. Et c'est à Paris, avec la 2ème D.B. que je devais retrouver Witasse.
Pour si parfaitement montées qu'elles fussent, toutes les tentatives ne furent pas si heureuses, même si leur dénouement fut plus cocasse que tragique. Ainsi ce scénario parfaitement monté par un interprète - Bolo : grâce à ses fonctions, ayant su capter la confiance de l'officier allemand qu'il suivait chaque jour à l'appel de son block, Bolo avait pris la mesure de bien des rouages de nos gardiens. Il leur avait fait dire en particulier qu'au cas d'un grave incident de santé nocturne atteignant un prisonnier, il serait toujours possible de le faire transporter au "Lazaret" se trouvant à l'extérieur du camp, à peine quelques centaines de mètres mais au-delà d'une petite langue de bois. Aussi une nuit Bolo accompagnant un médecin (faux), deux brancardiers (faux) portant un malade (faux) se présentèrent-ils au poste de police. Il gelait à pierre fendre et le chef de poste, connaissant l'interprète Bolo si bien vu de ses chefs, se laissa facilement convaincre de rester au chaud dans son poste plutôt que d'aller jusqu'au Lazaret. Et nos cinq compères se voyaient déjà à la faveur du petit bois, jetant leurs défroques aux orties quand ils tombèrent sur un brave soldat allemand un tantinet éméché, qui voulut absolument aider ces malheureux brancardiers. Plus on voulait l'en dissuader plus il y tenait ... et finalement tout ce beau monde se retrouva au Lazaret et ... au petit jour réintégrait l'Oflag ... pestant contre les Allemands au grand cur ! !
C'est au IVD qu'insidieuse d'abord, puis très ouverte, commença la propagande pour inciter à aller travailler. A vrai dire elle eut très peu de succès. Dans notre petit coin il y eut un volontaire c'était ... un communiste - ne s'en cachant pas - qui était en prévention de conseil de guerre en Mai 40, avait reçu mission en Juin de barrer une route aux Allemands dans les environs de Clermont-Ferrand mais avait préféré se rendre aux alliés de Staline. Est-ce que les Allemands connurent ses opinions, c'est possible, car sa demande ne fut pas acceptée.
L'homme de confiance était un colonel d'Artillerie, Meunier, qui sut, je crois, être toujours digne à l'égard des Allemands. De bonne taille, imposant, teint brique et cheveux blancs, ayant une tenue d'officier en bon état, il savait parfaitement invoquer la Convention de Genève. Ce que n'aimaient pas du tout ces bons Allemands qui à bout d'arguments hurlaient "nous ne sommes pas des barbares". On peut même dire que ceux au moins à qui nous eûmes affaire étaient inhibés par divers complexes. Ainsi pour éviter les évasions il était interdit de détenir des boîtes de conserve non ouvertes. Aussi au reçu d'un colis le préposé allemand devait, contre reçu, mettre les boîtes en dépôt, ou les ouvrir si on voulait les emporter. Le grand jeu consistait donc à emporter le plus possible de boîtes fermées, ce qui n'était pas bien difficile, aucun Allemand ne résistant à quelques cigarettes et encore moins à un peu de chocolat. Il y eut même un camarade qui se fit rapatrier en remettant - avec discrétion bien sûr - deux plaques de chocolat à un médecin ! ! Toujours est-il que chaque paquetage était plein de boîtes illégales - la chose n'échappant pas à nos gardiens - et pour cause : chaque samedi pendant l'appel du matin une de nos baraques était investie, fouillée de fond en comble et vidée des boîtes mais aussi parfois d'autres objets. Tout cela était mis pêle-mêle dans un grand chariot que traînait vers le corps de garde une équipe de nos gardiens. Tout le camp se massait des deux côtés de l'allée centrale parcourue par la charrette et hurlait "vendus", "voleurs" et autres amabilités. Prévenu par ces hurlements, le Colonel Meunier se précipitait chez le général allemand, invoquait le droit de propriété, la Convention de Genève; après vingt minutes de palabres, ordre était donné de ... tout restituer ! et ceci se répétait tous les samedis ...
Autre petite histoire caractéristique : un prince de Broglie, ancien X, lieutenant d'Artillerie, petite taille, lunettes, cheveux en brosse, toujours nu-tête et vêtu d'une cape traînant par terre, faisait chaque jour vers midi des tours de camp à toute allure. Remarquant un jour trois ou quatre Allemands aux ordres d'un caporal en train de creuser un trou, il s'arrêta puis dans le meilleur Allemand se mit à les injurier : "Fainéants, embusqués, vous devriez être en Russie, mais vous êtes des sal ....ds, vous laissez les autres se faire tuer à votre place."
D'abord impavide le caporal poliment répond "Monsieur on obéit aux ordres qu'on nous donne, nous sommes polis avec vous, laissez nous tranquilles"; Broglie alors, fulmine "comment tu oses me parler" ... et pan, pan pan, lui tombe dessus. A ce moment les autres interviennent pour prêter main forte au caporal, maîtrisent Broglie et l'entraînent à la Kommandantur. Là mon Broglie rouspète de plus belle. A l'officier de permanence il hurle : "Vous ne savez pas à qui vous parlez : duc en France, prince du St Empire Romain Germanique, Grand d'Espagne" tant et si bien qu'abasourdi, l'officier bat en retraite et prévient le général qui sur le champ se dérange; mais Broglie n'a pas désarmé, se plaint très fort que de misérables soldats aient porté la main sur sa très noble personne ... à laquelle le général marmonne quelques paroles qu'il consent à prendre pour des excuses, est relâché et rentre triomphant et rigolard dans sa baraque !
Tout ne se terminait pas toujours aussi bien. Ainsi pour ce malheureux Priou, de mes grands anciens de St-Cyr. Observateur en avion, breveté avant 39 et bien que fantassin, il fut dès la guerre comme cela était de règle alors, affecté dans une escadrille d'observation. Abattu en Juin 40, son avion hors service, lui non blessé, il fut mis à la disposition de l'État Major de la 14ème D.I. commandée par de Lattre, car il n'y avait plus d'avions.
Un beau jour, l'hiver 41 probablement, il fut convoqué à la Kommandantur du camp. Il en revint pas trop troublé, ayant été confronté à un aviateur allemand qui le reconnut et l'accusa de l'avoir giflé alors qu'il venait d'être fait prisonnier. Quelques jours plus tard il fut prévenu de se préparer à partir. Ce fut vite fait, sous la surveillance d'un "posten" et on n'eut plus jamais directement de ses nouvelles, mais l'interprète de notre block apprit qu'il avait comparu devant un conseil de guerre, avait été condamné à mort et exécuté. Il faut dire que ce Priou, bon gros garçon incapable de faire du mal à une mouche, s'était laissé aller à ce geste au moment où aviateurs allemands et italiens, vers les 12/13 Juin, faisaient des cartons sans gloire sur les colonnes de réfugiés encombrant les routes.
Avant de disparaître, Priou avait eu le temps d'apporter un témoignage personnel sur un point d'histoire : le 14 juin 40, le général de Lattre l'avait placé à un pont sur la Marne avec mission de faire sauter ce pont lorsqu'il en recevrait l'ordre écrit de sa main. Cet ordre arriva vers 13h, porté par un motard qui repartit aussitôt. Priou, lui, attendit que le pont ait sauté ; il s'assura que la destruction avait bien joué et monta dans sa voiture pour rejoindre le village où fonctionnait le P.C. de de Lattre. Il avait à peine fait un ou deux km, qu'il croisait le motard revenant à sa rencontre et qui lui demanda "savez-vous mon capitaine où est parti le P.C., il n'est plus au patelin". Priou n'en savait rien et n'en sut rien avant d'avoir retrouvé dans les barbelés le petit sous-lieutenant Quèbre, qui au XIA était dans ma chambre, et qui pendant toute la campagne avait été adjoint au commandant des transmissions de la 14ème D.I. .
Le 14, de Lattre avait donné l'ordre de faire mouvement vers le Sud et ce soir là État-major de la 14ème D.I. coucha à Chatellux sur Cure. Le lendemain obliquant vers l'Ouest, il franchit la Loire à Nevers où le général s'arrêta pour se raser. Dans l'après-midi les voitures de son État-major étant à bout de souffle, de Lattre, malgré les protestations du colonel chef État-major s'empara des voitures toutes neuves de État-major de la 5ème région (d'Orléans qui se repliait) et à ce moment là il s'aperçut qu'il avait oublié à Nevers son nécessaire de toilette. Il ordonna à Quèbre d'accompagner son caporal-chef ordonnance pour aller le rechercher. Malheureusement les Allemands entre temps étaient arrivés et quand la voiture se présenta devant le pont, une rafale tua le caporal-chef, blessa le chauffeur qui fut fait prisonnier, ainsi que le pauvre Quèbre qui se retrouva, ainsi que de nombreux artilleurs de sa Division qui, grâce à lui, grâce à Priou et au Général Buisson, comprirent pourquoi à partir du 14 à midi ils n'étaient plus parvenus à avoir d'ordres ni des régiments d'infanterie qu'ils appuyaient, ni de la Division. Le général Buisson était dans le coup, à titre de victime car, commandant la 3ème Division Cuirassée qui se battait encore du côté des camps de Champagne, il avait appris le 14 que de Lattre avait d'autorité pris ses camions de ravitaillement en carburant et munitions, faisant vider ceux qui étaient pleins, pour y faire monter ce qui lui restait d'infanterie et leur faire prendre la direction du Sud - oubliant de prévenir ses artilleurs, les laissant à leur triste sort, non plus que les unités voisines, ce qui explique que ma Division, la 42, ait eu alors un trou important sur sa droite, tout comme elle en avait un sur sa gauche depuis le 9 juin.
Il fallait entendre alors Buisson fulminer contre de Lattre quand il racontait toute cette histoire "je le ferai passer en Conseil de guerre, et je le ferai fusiller" ... (
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Autant il était violent à l'encontre de de Lattre, autant Buisson ne tarissait pas d'éloges sur deux officiers affectés à son État-major dans les dernières semaines : l'un, un gendarme dont je n'ai pas retenu le nom, l'autre un Cavalier, le capitaine de Hautecloque dont il ne cessa de m'entretenir tandis que nous faisions des tours de cour le jour où la Gestapo vint fouiller le XI A.
Leclerc, ce devait être lui, avait été affecté à l'État-major de Buisson après sa première évasion, quand il réussit à éviter d'être pris dans le Nord avec la 4ème D.I. et qu'il réussit à rejoindre nos lignes après avoir franchi le canal à Flavy-le-Martel, pas très loin de Guiscard. Et Buisson ayant exalté ce jeune capitaine qui "à pied emmenait les chars sur leur objectif" lors d'une des dernières contre-attaques, ajoutait "et après la guerre je lui ferai avoir la Rosette" ...
Nous avions au XIA un autre général, Bertin-Boussier, un ancien X, commandant en 40 la 3ème D.I. d'Amiens, jumelée avec la 3ème D.Q (ou D.O ?) et qui comme elle, s'était très bien battue à Stone.(orth ?) Il y eut aussi un intendant général - mais j'ai oublié son nom. Bertin-Boussier pâtissait du rayonnement de Buisson. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'avait pas la cote - quoique le plus ancien dans le grade le plus élevé ! Mais ces généraux lors de la dissolution du XIA furent dirigés sur le camp des généraux d'où Giraud devait spectaculairement s'évader, à la fureur des Allemands, en Février ou Mars 42 ... et, comme bien d'autres, je devais en être victime ! ! voici comment.
Continuant leur action psychologique, si bien commencée à Mailly, les Allemands de temps à autre annonçaient - longtemps à l'avance ! - la libération d'une catégorie de prisonniers. Généralement, sinon toujours, les officiers d'active étaient exclus. Aussi fûmes nous très surpris à notre arrivée au IVD de voir libérer, quelques jours plus tard, un certain nombre de cavaliers d'active pour aller encadrer des unités destinées en Afrique occidentale à la défendre voire à reprendre les Colonies ayant fait dissidence au profit de la France Libre - et parmi ceux qui partaient ainsi il y avait Marc Rouvillois.
Quelque temps après, fut annoncée à son de trompe la libération des anciens combattants de 14-18 et celle des pères de quatre enfants et plus. La libération des cavaliers d'active laissa espérer que désormais les officiers d'active ne seraient pas exclus des mesures de libération. En fait ces faux espoirs démobilisèrent un certain nombre de candidats à l'évasion - ce qui était bien le but des fritz.
Une seule voie pourtant, en dehors de l'évasion, restait ouverte : le rapatriement sanitaire - être "D.U" (prononcer Dé-Ou) - et de temps à autre il y avait quelques départs isolés ou petits groupes. Le signe prémonitoire était une convocation à une visite par le médecin allemand. C'est ce qui m'arriva un après-midi d'Octobre 41. J'étais dans ma baraque quand un "posten" vint me chercher pour cette visite ; et cela déclencha un murmure de mes camarades présents "D.U Libéré" etc. .......
Le médecin allemand était jeune. Quand j'entrai il se tenait debout derrière son bureau. Au mur derrière lui une grande carte de Russie ; un fil rouge appuyé sur des épingles jalonnait la pénétration allemande. Il faisait déjà sombre, une lampe de bureau éclairait mal le reste de la pièce et je ne distinguai pas tout de suite celui que je sus être l'interprète, mais qui joua les figurants muets, le médecin parlant bien français.
-"Monsieur vous êtes malade ?" me dit-il d'entrée de jeu sur un ton qui ne me plut pas. Et sans plus réfléchir je répondis sèchement
-"Non". Il fut désarçonné, jeta un coup d'il sur un papier et me dit
-"Mais Monsieur vous avez la malaria"
-"Non, répondis-je, je l'ai eue"
-"Vous avez eu une pneumonie et une congestion pulmonaire"
-"Oui, et même j'ai eu la coqueluche, la rougeole et la varicelle". A ce moment il me fit déshabiller, m'ausculta, me fit rhabiller et me dit de le suivre. Nous sortîmes du camp. C'était étonnant, pour aller au Lazaret. Je passai à la radio, puis un "posten" me ramena à ma baraque "Libéré, libéré" me fut-il lancé. Je répondis "sûrement pas" et j'étais sincère.
Dans la soirée j'allai à une réunion et quand je revins mes camarades : Boitel, Grégoire, Vernhet, Mac Leod, Clinchamp et autres, très excités me dirent "mon Vieux, ça y est, tu es D.U., l'interprète de l'infirmerie te cherchait. Quand le médecin est rentré du Lazaret, il lui a dit "je ne sais pas si cet officier est malade, mais comme il est le premier à me dire qu'il ne l'est pas je le rapatrie" ! !
Sur le moment je n'en crus rien mais quelques jours plus tard je me rendis à l'évidence : une liste d'officiers libérés pour raison de santé, était affichée et mon nom y figurait. La date de départ ne devait être fixée que plus tard. Quand elle le fut, Blondel, notre dévoué popotier, décida de faire un festin la veille au soir. J'y aidai de mon mieux en ouvrant les boîtes de conserve, lorsque, comme chaque soir, on vint lire la "Décision" du commandement allemand et j'entendis : "Premièrement, en raison du mauvais esprit et des évasions, les officiers dont les noms suivent sont maintenus en otage : n°1 Hauptmann Debray ..."
Je n'en entendis pas davantage et j'avoue être resté groggy quelques instants. Le menu de Blondel me réconforta et tous les camarades furent épatants. Cela devait se passer fin Novembre, et c'est le moment que choisit un nommé D.M. pour venir de Paris avec la double bénédiction de Vichy et des fritz mettre en train un "cours de préparation aux affaires". Les otages étaient au premier rang de l'assistance - et ils étaient les seuls...
Et on arriva en Janvier 42. Il gelait à pierre fendre. A l'issue d'un appel, et les rangs rompus, je fus appelé par l'officier allemand ; ayant deux ou trois jours plus tôt écrit une carte où je stigmatisais Laval et la collaboration, je pensais qu'il pouvait y avoir un rapport. Aussi ne compris-je pas du tout la question qui me fut posée avec un sérieux accent tudesque : "Monsieur, où vous vous retirez ?" et devant mon ahurissement il reprit : "oui, Monsieur, vous êtes libéré, où vous vous retirez ?". En un éclair je repensai à une carte reçue de mon épouse, alors au Cap Ferrat.
J'aurais donné l'adresse de Beauvais - alors en zone occupée - je serais parti le lendemain matin - mais cela je ne le sus qu'après.
Bref quelques jours plus tard, vers la fin du mois, un camarade en courant, arriva dans la chambre - "tu pars demain, va voir à l'affichage"
- "ça va, lui répondis-je, on m'a déjà fait le coup une fois". Mais il insista tellement que j'allai voir. Effectivement il y avait une liste, une date, le lendemain, un lieu de destination : Mühlberg, un stalag, qui était la gare où embarquaient les libérés et où on ne séjournait pas plus d'un ou deux jours. Si bien que, sans optimisme particulier, je pouvais en moins d'une semaine espérer être sur la Côte d'Azur, d'où, pensais-je, il n'y avait qu'un pas pour être en Afrique ...
Le lendemain je partageais donc mes trésors : tabac, savon, une magnifique paire de souliers, donnai procuration pour que soient perçus les colis arrivant à mon nom après mon départ - et je partis le bagage aussi léger que le coeur et le pied.
A Mühlberg nous fûmes logés à l'infirmerie. Nous étions 25 environ je crois, pour la plupart de vieux colonels, et les moins de 40 ans étaient dans l'ensemble bien mal en point. Je me trouvai avec deux ou trois d'entre eux ; Buridan, un garçon du Nord, sourd comme un pot, Poix, un instituteur bourguignon.
Tout de suite le contact fut pris avec les responsables français du camp et nous découvrîmes avec stupeur la façon dont étaient traités les prisonniers travaillant dans l'industrie ...... au contraire de ceux disséminés dans les fermes. Nous fûmes étonnés aussi de voir comme il était relativement facile de sortir de ce stalag et combien cela était peu mis à profit pour tenter l'évasion ; et en même temps nous admirions comment, malgré les pires brimades, une part importante de sous-officiers refusaient, s'appuyant sur la Convention de Genève, d'aller travailler.
Deux jours, puis une semaine se passèrent et notre petit groupe commençait à se demander ce qui arrivait ... Pour moi je commençai à perdre mes illusions. J'avais trouvé un petit sergent de mon ancienne Compagnie du 80, Vinay, qui ne m'avait pas caché que le patron réel du camp était le sous-officier, secrétaire du colonel qui était d'un rang élevé dans la hiérarchie du parti et qui était décidé à nous empêcher le plus longtemps possible de partir. Des trains sanitaires passaient en gare ... nous n'y montions jamais, et au bout de trois mois ce fut le coup de tonnerre : évasion de Giraud, annonce de représailles ; et un matin nous reprîmes le train pour ... revenir au IVD.
Depuis le début, depuis Mailly, depuis surtout que j'entendais les uns et les autres se rendre mutuellement responsables de la défaite, je pensais qu'il était urgent moins de chercher les responsables que de chercher à savoir ce qu'il fallait faire pour ne plus jamais connaître cela à l'avenir.
C'était tout le problème de la place de l'Armée dans la Nation. Je pensais que l'occasion d'en discuter ne se représenterait jamais aussi favorablement ; qu'à cela au moins notre malheureux sort fût bon.
Je crois l'avoir déjà signalé, dès les premiers mois on vit éclore de multiples cercles, bientôt centrés sur la Révolution Nationale ce qui leur fut fatal au fur et à mesure qu'il apparut plus clairement que la Révolution Nationale n'était en fait que le camouflage de la collaboration.
Du moins restait-il cette tendance à étudier des problèmes entre gens de milieux, formations, professions, divers. C'est avec un agrégatif d'histoire, Richard, que je mis sur pied ces cercles, mal vus des militaires d'active d'un certain âge. En gros on peut dire que les plus de 35 ans n'y croyaient pas du tout. Dans les milieux civils il y eut moins d'a priori, mais parfois des réactions étonnantes, telle celle de cet important banquier, lieutenant de réserve d'Artillerie. Il avait fait son service actif dans un régiment où, me dit-il, les anciens X lui avaient paru minables et "comme a priori je les pensais être les meilleurs des officiers d'active, j'en conclus que les officiers étaient tous de très pauvres types ; et je suis étonné de voir comme j'ai pu me tromper".
Autre réaction typique, celle d'un socialiste, qui avait été chef de cabinet de Spinasse, ministre du cabinet Blum en 36, C. professeur de l'enseignement technique. Il voyait bien que le problème de base était de donner aux Français la volonté de le demeurer, mais pour y parvenir il ne voyait qu'un moyen : enrégimenter de la naissance à la mort - et impossible de l'en faire démordre.
Ces réunions "Armée-Nation", d'autres sur des sujets divers, réussirent à faire passer le temps. Du moins l'évolution de la guerre commençait-elle à ouvrir les yeux et à susciter des reconversions ! !
Coup sur coup on apprenait le débarquement en Afrique du Nord et l'on crut la flotte détruite par les Allemands après une héroïque résistance - et un service solennel fut célébré pour ces héros ... Hélas, il fallut déchanter, la réalité fut moins glorieuse pour la Marine.
Je n'ai pas parlé car je crois que son influence fut nulle du "Trait d'union" tout de suite, et partout, surnommé le "Petit Menteur". Journal largement diffusé par nos geôliers, édité à usage des prisonniers et rédigé hélas par des prisonniers - et certains généraux, réputés de gauche avant guerre, n'eurent pas honte d'y collaborer.
Moyennant finances nous pouvions nous procurer quelques journaux se prétendant français sous les vieux titres de "Le Matin" ou "Le Petit Parisien". Ils rivalisaient dans la flagornerie et la servilité. Nous leur préférions les journaux belges qui avaient encore quelque apparence de dignité. Parmi les hebdomadaires il faut citer "La Gerbe" qui au moins ne cachait pas la couleur et sous la direction de Châteaubriant, était le thuriféraire inconditionnel du nazisme. En contre-propagande les bruits, les tuyaux, la plupart incontrôlés et incontrôlables, circulaient, issus de messages cachés dans un cake ou dans le pli d'un vêtement reçu de France. Il y avait tout de même quelques postes de radio, soigneusement camouflés. Mais à moins d'un renseignement de première main, ou de première oreille, il fallait se méfier.
Finalement la meilleure source de renseignements était tirée des journaux allemands eux-mêmes. Au XIA les Allemands, une heure par semaine, livraient le réseau de diffusion intérieure soit à Poessel un agrégé d'histoire, soit à Chalvron, un diplomate, qui nous diffusaient avec force et habiles sous-entendus, une remarquable synthèse des événements qu'ils tiraient d'une lecture attentive de la presse allemande. Au IVD, ce système n'existait pas, mais il y avait néanmoins des camarades qui passaient tout leur temps à dépouiller de A à Z tous les journaux allemands qu'ils pouvaient se procurer.
Dans cet hiver 42-43 qui vit l'échec de Stalingrad, qui laissait entrevoir la fin de Rommel en Afrique du Nord, l'esprit avait complètement changé. Plus personne ne misait sur la victoire allemande, mais il n'en fallait pas moins être patient.
Pour moi j'avais abandonné tout espoir de retour anticipé, quand vers Pâques une commission de médecins suisses vint visiter le camp et s'indigna que des malades fussent maintenus dans ces baraques de bois, humides, difficiles à chauffer ; si bien que quelques semaines plus tard les D.U furent transférés au VID à Münster.
Nous trouvâmes là de grands bâtiments en dur - à peine un millier d'officiers - dont chaque mois une bonne vingtaine étaient reconnus D.U et rentraient en France. Depuis le temps qu'aucun D.U. n'était parti du IVD (où nous étions près de 5 000) nous arrivions près d'une centaine. Il était humain que notre arrivée ne fût pas bien vue de ceux qui sur place espéraient être d'un prochain départ.
Le médecin allemand du VI D, professeur à la Faculté catholique de Fribourg, catholique pratiquant n'était, à cause de cela, que caporal infirmier dans le militaire. Mais il n'en était pas moins le dispensateur de l'étiquette D.U et c'est lui qui envoyait chaque mois la liste des gens à rapatrier.
Devant notre arrivée en force et constatant que ses propositions étaient toujours acceptées, il s'enhardit, en proposa 25 en Mai qui partirent, 50 en Juillet qui partirent ; alors, enhardi, en Août il proposa le reliquat - une centaine. Mais cette fois c'était trop ; ça ne passa pas et il y eut une contre-visite de médecins allemands, sévère, éliminant en particulier les jeunes et les officiers d'active en priorité. Étant l'un et l'autre, je n'aurais eu aucune chance si .......
Si ... je n'avais été mis en cellule quelques jours auparavant. C'était en été, l'appel avait lieu dehors, et je ne sais pour quelle raison alors que tout était fini on ne nous autorisait pas à rompre les rangs. Le jeune officier fritz nous regardait de façon qui me déplut, aussi, sortant ostensiblement mon porte-cigarettes, je pris une cigarette et l'allumai.
Ce fut comme si je lui avais fait claquer un pétard dans le derrière. Il se précipita sur moi en hurlant, je fus tout de suite entouré de trois ou quatre posten et entraîné vers le corps de garde. Je me retrouvai bientôt dans une petite cellule éclairée par une lucarne haute empêchant de voir à l'extérieur ; un lit à deux couchettes superposées, une table, une chaise (ou un tabouret ?) occupaient toute la place, et j'eus la surprise de trouver un occupant, un très sympa lieutenant de réserve d'Artillerie, Krotoff. Il devait malheureusement être élargi après la soupe de midi. Du moins me laissa-t-il "Autant en emporte le vent". Là on était de vrais "tôlards", lacets de soulier, ceinture, bretelles enlevés, tous objets personnels saisis, "rien dans les mains, rien dans les poches" ... et l'ordinaire : de l'eau chaude un peu grasse.
Heureusement mes camarades de chambre furent épatants, et dès midi, Denefe, un vieux capitaine du 151, m'apportait de substantiels suppléments. C'est par lui que j'appris la venue de la commission médicale faisant passer une contre-visite aux D.U.
Ayant pu avoir un bout de crayon j'envoyai par le truchement du chef de poste une demande au commandant du camp, pour être présenté à la commission, en tant que D.U. Il me fut répondu qu'ayant été insolent à l'égard du Grand Reich je pouvais crever ! ! Sur ce, je sortis de cellule, mais fus changé de block, et me présentai à l'infirmerie pour protester contre la discrimination dont j'étais l'objet.
J'eus la chance, encore une fois, que le médecin-infirmier parlât assez bien Français. Je lui expliquai mon cas et comme il me demandait "qu'est-ce que vous avez comme maladie ?" je lui sortis le papier remis au IVD lors de notre fausse libération de Janvier 42 et que, chose étonnante de la part de ces Allemands si méticuleux, ils ne nous avaient pas repris lorsque nous étions revenus trois mois plus tard à l'Oflag.
Ce brave homme parcourut ce papier, ne put cacher sa stupéfaction et me dit
"Mais Monsieur vous êtes libéré depuis 20 mois qu'est-ce que vous faites ici ?"
"Croyez bien, lui répondis-je, que ce n'est pas moi qui ai demandé à rester" .
"Eh bien, Monsieur, me dit-il, le premier train qui passera je vous mettrai dedans" - Il tint parole et c'est ainsi que le 18 ou le 20 Octobre 1943, je quittai le IVD avec quelques camarades. (
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Autant que je puisse m'en souvenir il s'était bien écoulé six à sept semaines entre mon entrevue avec le médecin allemand et mon départ. J'avais pendant ce temps subi de nombreux examens car il est probable que le médecin allemand eut à fournir pas mal d'explications. Ma chance fut probablement qu'à ce moment là précisément arriva au camp, envoyé par Vichy au titre de la relève des médecins prisonniers, un jeune médecin lieutenant d'active qui avait vu mon beau-père à Paris, par un étonnant hasard ; et c'est lui qui me fit un certain nombre d'examens, sédimentation entre autres, dont il força un peu les résultats !
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Au départ du camp nous fûmes d'abord transportés à une centaine de km dans une gare où s'arrêtaient les trains sanitaires de rapatriement. Seul rescapé de Mühlberg 18 mois plus tôt, j'attendais la suite ... elle vint très vite. Nous n'attendîmes que quelques heures. Impossible de dire l'émotion de prendre place dans des wagons français, avec un personnel français ... Tout de même j'attendais le passage de la frontière. Il eut lieu de nuit. Dans la matinée halte à Nancy. - café - civils français - et en fin d'après-midi arrêt à Chalons sur Saône, départ des médecins et autres militaires allemands qui étaient d'ailleurs restés invisibles durant tout le trajet.
Notre train se coupait en deux - une partie repartait sur Lyon avec les D.U de l'ex zone libre, tandis que nous devrions être dirigés sur Paris. Nous étions stationnés, en attendant, sur des voies de garage où vint nous voir un médecin que j'avais eu à Autun en 31 ! et il nous apportait le premier quart de vin depuis Juin 40 ! ! !
Voyant que nous ne repartions pas, je demandais si nous étions là longtemps
- "plusieurs heures" me fut-il répondu. Je demandais alors à téléphoner, et tout naturellement appelai
. ; tout de suite, j'eus mon beau-père au bout du fil. Il fut d'autant plus long à comprendre qui était au bout du fil, quand je lui dis "c'est Pierre", que, dans la journée, il avait attendu vainement un Docteur Pierre qui lui avait demandé un rendez-vous pour un de ses malades. Enfin nous nous comprîmes.
Et ce fut ma dernière nuit en chemin de fer - vers 8h 00 nous débarquions ... à Montparnasse ! venant de Chalons/Saône c'était original - et quelle ne fut pas mon émotion de voir sur le quai mon beau-père et mes deux beaux-frères. (
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Libérés des Allemands nous étions dans la main de l'administration française et fûmes aiguillés sur divers hôpitaux, pour ma part sur Bégin, à Vincennes.
Il faut reconnaître que médecins, infirmiers, ou administratifs, firent tout pour nous faciliter les retrouvailles familiales. Après un déjeuner, le premier aussi depuis trois ans et demi, j'étais dans le jardin quand tout à coup je reconnus, franchissant la grille d'entrée, une silhouette à qui je n'avais cessé de penser depuis tous ces jours qui nous avaient séparés - mais elle m'avait devancé, courait et se jetait dans mes bras.......
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Quand je sentis que mes ennuis de santé étaient surmontés, je cherchais à entrer en relation avec des gens qui pourraient m'aider à passer en Angleterre, ou en Afrique du Nord car il ne me paraissait possible de reprendre la lutte, de façon efficace, que de cette façon. Je pus entrer en relations grâce à Pierre J-L, du Conseil État, connu à l'Oflag avec P. rapatrié pour être à Vichy Commissaire aux Prisonniers avant qu'il ne plonge dans la résistance. C'est chez Mme P. que je les vis tous deux.
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Comme je ne voulais pas rester les bras croisés, tandis que d'autres se battaient, j'essayai d'entrer en contact avec les résistants du Morvan. Ce n'était pas très facile et surtout, ce que je pouvais en savoir ne faisait pas sérieux. Un de ceux qui en parlaient le plus, et le plus imprudemment, était un vicaire de St Lazare, l'abbé M.. Malgré toute sa sincérité ses propos faisaient très "tartarin". C'est alors que, grâce aux W, je fus mis en relation avec Max B., gendre de Vallery-Radot, châtelain des Alleux, ancien chef de cabinet de Mandel.
Celui-ci me promit de me faire rencontrer le chef de la Résistance du Morvan dont l'implantation du P.C au Moulin Cadou était un secret de polichinelle. Malheureusement à deux ou trois reprises Brusset décommanda les rendez-vous qu'il m'avait fixés. Si bien qu'un jour ne sachant s'il y avait mauvaise volonté, négligence ou méfiance, et voulant en avoir le coeur net j'allai, en vélo, tout droit au Moulin Cadou. Je n'y trouvai qu'un brave garçon, seul en l'absence du patron et de ses principaux adjoints, il me dit tout de suite "je suis sergent-chef d'active de l'Armée de l'Air, et je n'ai rien contre les gens d'active mais j'aime mieux vous dire tout de suite qu'ici ils n'en veulent pas." et tout cela était dit très gentiment.
Autant qu'il m'en souvienne cela devait se passer peu après le débarquement du 6 juin 1944. C'est alors par le truchement de Jean M. que je cherchais à prendre des contacts avec la Résistance militaire.
Ce garçon que je connaissais depuis que j'étais rentré car ses enfants étaient en classe avec les nôtres, s'occupait du traitement du bois pour emploi dans les gazogènes, qui seuls équipaient les voitures roulant encore. Il était depuis longtemps en relation avec divers mouvements de résistance et malgré cela ne m'en avait jamais parlé, ce qui était très caractéristique des relations amicales de cette époque, où la méfiance était la règle suprême.
Par lui j'obtins enfin d'être conduit près de ce mystérieux et inaccessible chef quelque part dans la région du Crescent. Nous partîmes donc un beau matin par la route de Lormes dans sa poussive camionnette à gazogène ; nous arrivions essoufflés au carrefour des cabanes, quand à 20 mètres devant nous surgit des bois sur notre droite un brave garçon n'ayant de militaire que le casque et un vieux revolver 92, dont il nous menaçait bras droit tendu en direction du pare-brise. Nous fûmes aussitôt entourés, invités à descendre et emmenés sous bois, tandis qu'un de ces braves garçons prenant le volant disparaissait. On nous demanda nos papiers, et on nous les confisqua. Machavoine dit que nous étions attendus. Nous n'eûmes pas de réponse, mais peut-être ½h peut-être 2 h après, on nous rendit papiers et camionnette et nous pûmes arriver à destination.
Nous ne réussîmes pas à voir le chef, mais déjeunâmes avec un adjoint de M. , un très gentil garçon que je devais retrouver quelques semaines plus tard engagé volontaire à la 3ème Compagnie du 501. En attendant il était très ennuyé car son beau-père, présentement ingénieur chez Tecalemit, mais ci-devant capitaine de frégate, furieux de savoir qu'il était, dans ces bois, plus ou moins enchevillé avec la Résistance, devait venir le voir pour le dissuader de lier partie avec "ces brigands". En effet quelques jours plus tard ce T. arrivant de Paris à vélo, passait à la maison et nous faisait un tableau apocalyptique du déroulement des opérations : "bloqués en Normandie, les Alliés allaient bientôt être rejetés par les Allemands, qui pourraient alors tranquillement se retourner contre les résistants et les détruire en toute quiétude" - on ne savait ce qui l'emportait du défaitisme ou de la bêtise .......
Pour ma part c'est le jour même que je pris ma décision : j'allais partir pour Paris, chez Tante V., pour essayer, par elle, de me raccrocher à un organisme quelconque qui me permît de ne pas seulement assister à la Libération mais d'y participer.
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Grâce à Machavoine j'avais un vélo qui me permettait d'aller aux environs quêter beurre, oeufs essentiellement car le ravitaillement n'était pas facile, c'est le moins qu'on puisse dire. Par les B. j'avais eu l'adresse d'une femme de Magny qui, chose extraordinaire, ne voulut jamais être payée qu'aux prix taxés ... Les fermiers des parents n'avaient pas les mêmes scrupules, mais gênés vis-à-vis de nous, préféraient dire qu'ils n'avaient rien !
Un jour cependant lui nous apporta un peu de beurre - et quelques oeufs - pris sur les redevances de son fermage ; malgré le sacrifice que c'était alors, je lui offris un paquet de tabac ... il m'en remercia en me disant "oh c'est bien pour vous faire plaisir, parce qu'on en a plus qu'on peut en fumer" ! ! ! Heureusement il y avait tante A., mère de Didier, tué à Saumur en 40, et de Gérard, vicaire à Paris. Elle habitait les Granges, près de Lormes, à 20 bons km et venait de temps en temps à Avallon en voiture à cheval, ou c'est moi qui y allais à vélo.
Tous n'avaient pas nos difficultés de ravitaillement ; un jour nous fûmes invités à déjeuner par de vieux amis des parents - il y avait un gigot - et le vieux monsieur furieux, de dire à sa femme - "tu aurais pu trouver autre chose, j'en mange tous les jours du gigot" ........
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Pour mémoire rappelons les voyages Paris-Avallon. Des poèmes, si l'on peut dire, dans des wagons généralement bondés, des trains jamais sûrs d'arriver. Une fois je restai en rade à Auxerre et passai la nuit dans un bureau, les Allemands exigeant que la gare fût fermée, et je rejoignis Avallon par un train de marchandise où avait été accroché un wagon de voyageurs : nous mîmes 6h je crois pour faire les 60kms ! ! !
Dans l'hiver, en Décembre probablement, étant à Bégin, j'allais dîner chez mes beaux-parents et je remontais le boulevard Malesherbes, côté numéros impairs, dans une obscurité totale - pas de lune et bien sûr complet "black-out". Tout à coup à hauteur de la rue de Lisbonne je faillis heurter un homme descendant le boulevard et que je n'avais pas vu. Il me sembla que nous nous étions déjà rencontrés et presque en même temps que je me disais "P
." j'entendis "mon Capitaine" - eh oui ! c'était bien ce Sergent qui en Mars 40 à Thiaucourt m'avait dit que guerre ou pas il devait d'abord penser à son métier - et comme là je lui demandais ce qu'il était devenu il me répondit - "la parfumerie c'est fini - j'ai dû trouver autre chose - je suis dans la police" - et je ne pus m'empêcher de lui rappeler ce que je lui avais prédit ...
Paris - la Libération
Pensant, après l'arrestation de Brusset,qu'il était temps de prendre le large, d'autant que je n'avais aucune chance de pouvoir faire quelque chose dans le coin, je décidai de partir pour Paris - ce qui put se faire grâce à M., toujours lui, qui me trouva une place sur un camion de bois car les bombardements alliés sur les voies ferrées, en particulier sur le nud de Laroche, rendaient illusoires les transports par chemin de fer.
Je quittai donc Avallon par un bel après-midi de la fin de Juillet 1944, en compagnie de Madame P., femme d'un futur bâtonnier parisien, dans un gros camion conduit par un gros chauffeur. Probablement à cause du couvre-feu, on ne pouvait rouler la nuit et nous fîmes halte à Appoigny.
Je me rappelai les cousins M., dont avec mon beau-père et votre Maman j'étais venu enterrer l'ancêtre juste avant la guerre. Ils furent on ne peut plus accueillants et nous pûmes dîner et dormir.
Le lendemain nous reprenions la route très tôt mais notre voyage s'arrêta à Sens ! Sans ménagement, des fritz nous firent descendre, ordonnèrent au chauffeur de ranger son camion sur un boulevard où plusieurs autres déjà attendaient, et vers midi ils nous signifièrent d'avoir à l'abandonner sur place et d'aller se faire pendre ailleurs "et plus vite que ça" ! ! Notre gros chauffeur se débrouilla comme un chef, ne nous laissa pas tomber, et en fin d'après-midi, chacun ayant cherché de son côté, c'est lui qui trouva un camion déjà surchargé et dont l'aspect ne semblait pas garantir une mécanique de qualité ; il nous prévint, et c'est juchés sur des ballots divers que en fin d'après-midi nous prîmes, par Montereau, la direction de Paris. On croisa des groupes d'Allemands se dirigeant vers l'Est et semblant surtout soucieux d'emporter un butin débordant de carrioles, charrettes toutes hippomobiles. Irrésistiblement on pensait aux dessins de Hansi ...... Bien sûr c'étaient les planqués de l'arrière et entre eux et les libérateurs, il y avait encore d'autres fritz qui se battaient et se battaient bien - mais tout de même ça faisait plaisir.
Sans histoire, sinon quelques risques de défaillance de notre moteur, nous arrivâmes au petit jour le lendemain à Paris. Mais là le couvre-feu était encore en vigueur et je passai les dernières heures avant qu'il ne fût levé, dans la gare de Lyon !
Ayant téléphoné à tante V. je rejoignis l'Avenue Gabriel dès que le Métro fonctionna. Était déjà hébergée chez Tante Violette, une cousine, A. G., à peu près notre contemporaine et qui, si je compris bien, était la secrétaire d'un important personnage de la Résistance que, par la suite, je supposai être Georges Bidault, mais à l'époque son nom ne m'eût rien dit.
Par M. j'avais eu le nom d'un garçon Claude R.-D., travaillant à Paris dans un organisme chargé de distribuer le bois conditionné pour les gazogènes. Son bureau était proche de l'Avenue Gabriel. J'allai le voir dès que possible - et nous eûmes je crois tout de suite pleine confiance. J'appris ainsi que son organisme livrant sur réquisition du bois aux Allemands, il transmettait aussitôt aux Alliés les points de destination. Il me présenta à un de ses jeunes collègues de bureau qui avec lui collectait et transmettait les renseignements. Jamais je crois je n'ai rencontré de garçons aussi désintéressés, sans autre souci que de servir pour délivrer la Patrie. Ils étaient hélas sans illusion, profondément écurés de voir tous ces Résistants, certains très authentiques, de plus en plus soucieux, au fur et à mesure que devenait plus certaine une proche libération, d'obtenir places et prébendes - les postes de sous-préfet étant les plus recherchés.
Malheureusement dans l'immédiat ils ne pouvaient m'aider à trouver une activité.
A.G. voulut bien s'entremettre et vers le 10 ou le 15 Août elle m'obtint un rendez-vous avec de grands personnages. L'entrevue devait avoir lieu un dimanche vers midi, j'en profitai pour aller à la grand-messe à Notre-Dame où je vois encore le Cardinal Suhard sortant en "cappa magna" donnant son anneau à baiser à un gros officier allemand. Rue Séguier, je crois, j'entrai à l'adresse indiquée dans une cour pavée d'un vieil hôtel ; des poules picoraient, il y avait des fleurs, une petite fontaine, on était à 100 lieues de Paris. Je fus introduit dans un petit salon avec l'impression désagréable que derrière chaque porte, chaque tenture, j'étais épié, observé. Bientôt plusieurs personnes, quatre ou cinq je crois, me rejoignirent ; l'une devait être - je ne sais plus comment je l'appris plus tard - un Monsieur de St PH.. Tous très aimables, je racontai ma tentative sans succès d'Avallon .... et je me convainquis bien vite qu'il en allait de même !
Avant ou après, peu importe, j'avais aussi repris contact avec mon ancien instructeur de Cyr : Gobilliard qui surpris par l'invasion de la zone libre en Novembre 42, était revenu à Paris où il avait une situation dans la banque. Par ailleurs il était en relation avec son ami M. qui avait pris la tête d'un réseau à base d'officiers d'active ne tenant pas, semblait-il, à partager avec d'autres les avantages qu'ils comptaient obtenir.
Gobillard à l'époque habitait rue Crevaux, dans le bas de l'Avenue Bugeaud et j'allais le voir en empruntant l'itinéraire : Avenue Montaigne, Alma, Square des États-Unis, rue Hamelin, Place Victor-Hugo.
Nous échafaudions des projets sans conclusion hélas !. Je retrouvai aussi, comment ? à quelle occasion ? je ne sais plus, le jeune V., un petit sous-officier que j'avais connu en 42 au Stalag IVD, lors de mon rapatriement manqué. Son nom était celui d'une importante chocolaterie liée à mes souvenirs de petite enfance à cause d'une réclame où une grosse vache témoignait de la qualité du "chocolat au lait V." ! ! ! Pour lors, en raison de dissensions familiales, mon V. était exclu de l'affaire. Mais le chocolat aussi disait-il, et il était dans un ministère du côté de la rue de Grenelle il me semble. Très débrouillard il avait des "tuyaux" de ravitaillement, et j'étais très fier de mériter l'admiration d'Oncle Maurice et de Tante Violette quand je parvenais à leur apporter quelques macaronis ou quelques pommes de terre.
Bien sûr il n'y avait plus de tramways, pas davantage de bus et le métro fonctionnait mal ou pas du tout ; et puis mieux valait occuper le temps, et je faisais à pied tous mes déplacements. Quelques mois plus tôt lors d'un séjour à Bégin Jean D. m'avait prêté un vélo et j'avais ce jour-là traversé tout Paris de l'Avenue Foch, où il habitait, jusqu'à Vincennes : sans auto, sans feux - quelques voitures hippos, et d'autres vélos !
Oncle M. malgré la paralysie générale continuait chaque jour à aller à son bureau de la Place Vendôme, d'où il était en relation - le téléphone ne cessant pas de fonctionner - avec des gens assez bien placés pour qu'il eût des nouvelles autant des opérations militaires de Normandie ou de Provence, que de ce qui se tramait dans la coulisse, ou plutôt dans les coulisses, à Paris. Il y avait d'abord les débats proprement français sur ce qui allait se passer au départ des Allemands et c'était la course aux places, et les mesures d'épuration. Tout cela hélas avait des aspects bien sordides. Il y avait surtout, je crois, les tractations entre le Consul général de Suède et les Allemands pour limiter au minimum, et si possible éviter, toute destruction et ce n'allait pas tout seul. D'abord parce qu'il ne manquait pas d'Allemands voulant tout casser pour se venger, et ensuite parce que des actions sans réelle utilité de tardifs résistants leur fournissaient des prétextes pseudo-militaires.
Le spectacle de ces dernières journées d'août était assez surprenant. Par exemple les terrasses des cafés des Champs Élysées, débordant largement sur le trottoir, regorgeaient de monde tandis que sur la chaussée passaient continûment des convois chargés de troupes, ou de matériel divers, transformés en buissons par une profusion de feuillage. Dans tous les immeubles occupés on déménageait.
Le 24 (Août 1944), après le déjeuner, me rendant chez G. par mon itinéraire habituel, je fus étonné de voir des officiers allemands, mitraillettes au poing, protégeant la pose de rails dans des alvéoles préparées à cet effet, tout autour du Majestic. Il paraissait régner assez de nervosité pour que le soir je préfère retourner Avenue Gabriel par l'Avenue Victor-Hugo, l'Étoile et les Champs-Élysées.
Après que nous soyons passés dans l'après-midi à la mairie du XIVème entièrement occupée par de nombreux jeunes, vieux des deux sexes n'ayant guère d'autres armes que leurs brassards tricolores et harcelés par de bien plus nombreux jeunes et vieux sans brassard mais en quémandant, et de surcroît espérant au passage rabioter quelques gauloises qui paraissaient abondantes !
Je quittai la rue Crevaux vers 18h 15. L'ami Gilbert me proposa un pas de conduite, nous nous engagions dans l'Avenue Victor-Hugo à peu près totalement déserte : pas un seul véhicule, en mouvement ou en stationnement, et sur notre trottoir gauche, vers l'Étoile, un couple d'amoureux marchant lentement à notre rencontre. L'heure avançant nous étions arrêtés et allions nous séparer, quand retentirent des rafales, de F.M. probablement, semblant tirées vers l'Étoile. Les amoureux se ruèrent vers une porte cochère et disparurent ; je ne voulus pas retourner chez lui avec G. et le quittant, repris ma marche vers l'Étoile. Sporadiquement des rafales retentissaient ; certaines proches, dont je pus vite situer l'origine : une espèce de pain de sucre percé d'une meurtrière à peu près à ras du sol situé sur le trottoir de droite en regardant l'Étoile et à l'angle de la rue ......, d'autres rafales paraissaient plus lointaines. Comme, au moins pour le tireur du pain de sucre, il n'y avait aucun objectif visible, moi mis à part, mais il ne tirait pas sur moi, je pensai que ses rafales soulageaient son inquiétude et qu'à me voir, mon calme le tranquilliserait. C'est ce qui se passa et je passai sans qu'il tirât. Quand je débouchai à l'Étoile c'était autre chose : aux angles des immeubles de la Place et des avenues Victor-Hugo, Kléber, Iéna, Marceau, Champs-Élysées, il y avait des pains de sucre protégeant des tireurs qui manifestement n'appuyaient sur la détente de leur F.M. que pour détendre leurs nerfs, car il n'y avait pas un chat à limite de vue.
Je marquai un temps d'arrêt, pour réfléchir. J'espérais bien que les divers tireurs en me voyant tout seul bien tranquille, auraient le même réflexe que leur petit camarade de l'Avenue Victor-Hugo. Seulement il y en avait au moins cinq et peut-être dix, devant lesquels il allait me falloir défiler avant de rejoindre les Champs Élysées. Je ne me pressai pas d'ailleurs de passer à l'action car à ce moment trois chars débouchaient des Champs Élysées, en file, les chefs de char assis sur la tourelle scrutant les alentours à la jumelle. Ils contournèrent l'Arc de Triomphe en sens inverse des aiguilles d'une montre et les voyant disparaître à mes yeux je me rendis compte pour la première fois que l'Étoile était bien sur une petite éminence. Mais dès que le char de tête était, probablement, parvenu à défilement de tourelle, il avait ouvert le feu, imité, chacun à son tour, par ses deux suivants : tirs de mitrailleuse de capot et je crois bien deux ou trois coups de canon.
Les chars disparus, probablement par la Grande Armée, je me décidai. Il me sembla que ma meilleure chance pour passer était de me montrer entièrement à découvert.
Je gagnai donc le milieu de la chaussée que je ne quittai plus, tant sur la Place même que sur les Champs-Élysées, et ... ça réussit. Aucune rafale ne me salua et je me voyais déjà arriver au Rond Point, seul, tout seul, absolument seul sur l'axe : Arc de Triomphe/Obélisque, quand brusquement un miaulement bien connu me rappela à la réalité et je m'aperçus qu'un vieux débris de l'Organisation Todt, en train de déménager ses locaux à peu près à hauteur de la rue (laissé en blanc dans le texte) m'avait pris pour cible.
Un changement de tactique s'imposait. Je gagnai le trottoir de gauche en descendant et profitant du défilement à peu près continu que m'offraient les arbres, je pus effectivement gagner sans autre alerte l'Avenue Gabriel.
La soirée était merveilleuse, Oncle M. qui avait été à son bureau de la Place Vendôme comme si de rien n'était, pensait que nous approchions du dénouement, et, brusquement, en effet, le téléphone sonna. C'étaient des amis : "les soldats français sont à l'Hôtel de Ville" ... et immédiatement on téléphona aux uns, aux autres ; puis d'un seul coup ce fut cet extraordinaire carillon : toutes les cloches de tous les clochers de Paris sonnant la plus merveilleuse fanfare de tous les temps.
Du balcon cependant nous voyions encore des Allemands, et même une colonne de camions était arrêtée au début de l'Avenue Matignon. Le lendemain matin je descendis aux nouvelles. Des gardes républicains, mousqueton au poing, faisaient des bonds de porche en porche dans la petite rue .... tandis que des Kriegsmarines isolés refluaient à travers les jardins des Champs-Élysées
Je rentrai et je crois que c'est ce matin là que les Allemands attaquèrent au canon les sous-sols du Grand Palais où il n'y avait qu'un cirque ! Mais c'est quelques jours plus tôt que sortant de la Messe à St Philippe j'achetai au kiosque voisin le premier numéro du Figaro librement publié ! (je possède cette édition originale)
Dans la matinée on apprit l'entrée de plusieurs colonnes de la Division que l'on savait déjà être Leclerc, j'estimai donc que les fritz ne risqueraient plus de me rechercher chez mon beau-père, je lui téléphonai et allai déjeuner chez lui.
Il fut très ulcéré, je crois, que je sois resté si longtemps à Paris sans me manifester !. Je sortais de chez lui vers 15h et traversai le Parc Monceau m'apprêtant à aller rejoindre mes jeunes amis R-D. et son camarade, quand j'entendis une fusillade vers l'Avenue Hoche et je marchai en cette direction.
Il y avait des attroupements ; certains criaient très fort qu'il y avait des "collabos" qui tiraient depuis les toits et des F.F.I armés de vieux Lebel s'engouffraient dans les escaliers pour leur donner la chasse. Continuant à remonter l'Avenue Hoche il y avait de moins en moins de monde et, comme la veille au soir, j'étais à peu près seul quand je débouchai sur l'Étoile. Un bruit de moteur, le bruit sourd aussi d'une clameur m'attirèrent vers l'Avenue Victor-Hugo, sans même que je pense à faire attention aux pains de sucre. J'y arrivai à peine quand en déboucha une, puis deux, drôles de petites voitures. c'était Massu et son adjoint, suivis de drôles de véhicules, mi-roues, mi-chenilles. La colonne s'arrêta, je me précipitai vers ce grand commandant, me présentai, et il me répondit : "Massu ; Koufra, Fezzan, Tripolitaine, Tunisie, Normandie" ... j'étais abasourdi ; mais déjà j'étais séparé de lui, bousculé, emporté par une véritable marée humaine, alors qu'un instant auparavant il n'y avait personne !.
Combien de temps cela dura ... impossible à dire. Mais tout d'un coup des coups de feu claquèrent, et la foule hurla que cela venait du haut de l'Arc. A peu près au même moment une colonne de half-tracks américaine remontait les Champs Élysées et de toutes ses armes de bord, se mit à tirer. Il y eut de la panique mais immobile si je puis dire, car la densité de la foule était telle qu'elle ne pouvait même pas se coucher, tout juste s'accroupir.
Et puis le calme revenu ce fut la ruée vers ... les cigarettes et les rations, que les petits marsouins du II/R.M.T distribuaient généreusement. Il est juste de dire pour l'honneur des Parisiens, qu'ils distribuaient généreusement, eux, les bouteilles de vin qui souvent paraissaient de derrière les fagots !
J'avais réussi à retrouver l'adjoint de Massu, c'était un de mes grands anciens; officier d'A.I ayant rejoint la D.B au Maroc. Il m'expliqua ce qu'ils venaient de faire, me dit que depuis le débarquement ils acceptaient des engagements - sauf d'officiers, il faudrait que je m'adresse au 1er bureau de la Division.
J'étais fébrile ; il me semblait que l'occasion était là de régler ce compte vieux de plus de quatre ans avec les Allemands. Revoir des soldats français à Paris, les Allemands chassés, c'était bien, mais cette image du journal "Le Matin" vue à Mailly - des soldats allemands du haut de Montmartre et Paris à leurs pieds - pour qu'elle ne vienne plus nourrir mes cauchemars il fallait que, moi, je rentre dans la lutte.
En roulant ces pensées je rentrai dîner. Oncle M. avait eu la surprise, au début de l'après-midi, de voir arriver deux dirigeants américains de Morgan ; ils étaient arrivés à Paris dans les pas de Leclerc ! Sitôt le dîner achevé je me précipitai à la recherche de l'adjoint de Massu, ils avaient bougé mais je pus sinon le retrouver lui, au moins un très aimable capitaine s'occupant des engagements et qui me confirma que, pour les officiers, il fallait passer par le 1er Bureau de la Division, et il put me dire qu'à partir du lendemain matin, un Dimanche, État-major de la Division s'installait à la vieille caserne Latour-Maubourg.
Inutile de dire que le lendemain, après une Messe de bonne heure, je me trouvai vers 9h dans un couloir de Latour-Maubourg où m'avaient précédé d'autres gaillards, la plupart des lieutenants, désireux de repartir.
Notre attente dura, dura, et quand enfin se manifesta le grand chef dont notre sort dépendait, le commandant Q., chef du 1er Bureau, ce fut pour nous entendre signifier de déguerpir, pas besoin de personne, etc., etc. ....
J'étais désespéré, il me semblait que tout s'écroulait autour de moi. Au déjeuner la pauvre tante V. eut pitié de moi et me conseilla d'aller voir le général Detroyat, père de Robert, le marin tué par les vichystes en Syrie, d'Arnaud qui avait été notre garçon d'honneur, et qui allait être tué dans les Vosges.
Ce que je fis. Il ne connaissait pas personnellement Leclerc, mais pensait pouvoir le faire toucher par le Général Bricard. Je n'étais guère rasséréné ; mais sortant vers 15 ou 16h je me hasardai à retourner à Latour-Maubourg bien que, le matin, il nous eût été dit qu'il serait inutile de revenir. Et là, changement total, Q. était parfaitement urbain, ayant pu prendre une douche, rasé de frais, ce n'était plus le même. Il me reconnut et m'appelant "mon ancien" long comme le bras, se confondit en excuses pour son accueil du matin. Malheureusement rien à faire pour moi : des lieutenants, des capitaines à la rigueur, un Commandant impossible;
"à moins, voyant ma consternation, qu'un des Commandants de groupement accepte de me prendre".
Je lui demandais leurs noms. Le premier cité : Billote ; inutile d'aller plus loin. Billote était un de mes très bons camarades de St-Cyr, nous étions voisins de table ! ! au réfectoire.
Restait à le joindre. Q., décidément très chic, passa des coups de fil à gauche et à droite et me fit conduire au 4ème Bureau dont le chef, le commandant L., devait aller faire une liaison à État-major de Billote.
Là encore je tombai sur un type épatant, et quelques jours plus tard je roulais en Jeep, à côté de L. vers la Croix Catelan où Billote avait son P.C.....
Grâce à L., je franchis facilement un seuil inaccessible à beaucoup qui attendaient ; mais le colonel, me dit-on, était occupé ; que je veuille patienter. En fait le propriétaire de la Croix Catelan qui n'avait pas fermé sa porte aux Fritz, prenant les devants, offrait le champagne. Je n'eus pas longtemps à attendre, Billote sortit bientôt mais très digne, sans un signe alors que j'allai m'élancer, il passa devant moi et prit l'escalier pour monter à son appartement. Je crus à nouveau toucher le fond de l'abîme, mais déjà un planton me disait :
"mon commandant, voulez-vous me suivre, le colonel vous attend". Quand j'entrai après avoir été annoncé, Billote gardait son air de grande dignité ; mais à peine le planton sorti, alors que j'allais lui marmonner quelques respects, il me flanqua quelques grandes tapes dans le dos, et me dit :
-"Qu'est-ce que tu as attendu pour nous rejoindre ?"
- "D'être sorti des pattes des Fritz" et je lui racontai toute mon histoire.
- "Bon, eh bien viens demain on t'habillera et tu prendras le sous-groupement que j'avais confié à mon chef État-major que je veux récupérer près de moi"
Comme je protestai qu'après 4 ans d'inaction il fallait se remettre dans le bain, Billote me dit :- "On est intelligent ou on ne l'est pas, et je crois que tu l'es"
Je ne sais plus comment je rentrai Avenue Gabriel, mais le roi n'était pas mon cousin !
Comme prévu le lendemain je me retrouvai à la Croix Catelan et une demi-heure après j'étais habillé en Américain, et je réussis même dès le soir à avoir un magnifique képi tout neuf. Je ne disposais néanmoins pas de voiture, mais j'avais été pris en compte par un capitaine d'Artillerie, officier de liaison de son groupe XI/64 auprès de Billote, le capitaine B., extrêmement gentil, surtout quand il vit que son commandant de groupe T. était un vieux camarade du Maroc ......
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Autre souci, les radios s'en donnaient à coeur joie pour annoncer des succès alliés, la prise de Nancy, la prise de Metz étaient annoncées - avec anticipation - et la 2ème D.B restait à Paris. J'étais désespéré, je me disais qu'au train dont allaient les choses, tout serait fini avant que moi j'aie pu recommencer.
Entre temps j'avais revu Gobilliard, en avais parlé à Billote qui l'aimait bien, mais ne pouvant le prendre l'avait adressé à Dio, un autre de nos camarades de promo, qui commandait un autre groupement ; celui-ci avait envoyé Gobilliard à son Bataillon d'Infanterie qui devait subir les furieux assauts d'une Division allemande arrivant du Nord, sur le terrain du Bourget. Leclerc était venu sur place et avait manifesté de l'humeur de voir un officier supérieur qu'il ne connaissait pas, et n'avait pas voulu entériner son affectation. Mais le camarade de Gobilliard, M., était plus ou moins en train de former un Bataillon avec de jeunes F.F.I. et Leclerc aurait donné son accord pour l'absorber, et Gobilliard se raccrochait à cet espoir.
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Débarrassé de l'dème je n'avais plus qu'un but : rejoindre la D.B ; Gobilliard qui était venu me voir, me raconta être allé voir Leclerc pour lui livrer son Bataillon ... sans succès hélas, car d'autres l'avaient devancé, ayant avec des véhicules de bric et de broc suivi au plus près la D.B en lui fournissant l'infanterie dont elle manquait parfois.
Par Gobilliard je sus qu'après des émotions - Dompaire et Chatel - la course vers l'Est était à peu près stoppée au pied des Vosges, l'intendance ne suivant pas. Mais tout cela ne me donnait pas les moyens de rejoindre cette D.B. Et je ruminai un après-midi mes tristes pensées en arpentant, képi sur la tête, les couloirs et escaliers du Val, quand je tombai sur un civil qui me demanda poliment
"Pardon mon commandant, ne seriez-vous pas de la 2ème D.B"
- "Oui, et même je cherche à la rejoindre"
-"Bravo, nous allons nous arranger : je me présente, S., mon fils s'est engagé au 1er Spahis il y a quelques semaines et je voudrais bien aller le voir ; je suis délégué de la Croix Rouge, j'ai de l'essence, des autorisations de toutes les autorités, civiles ou militaires, françaises ou étrangères, mais si vous voulez venir avec moi je serai plus tranquille avec un officier, surtout un commandant, dans ma voiture".
Pensant à Dehen qui brûlait aussi de sortir, je lui demandai s'il n'aurait pas une autre place
"Bien sûr" Et nous prîmes rendez-vous pour le lendemain 06h dans la cour du Val.
Au moment d'embarquer nous étions trois car il y avait un petit Spahi, Jardel. La voiture était un cabriolet, mais avec deux places dans le spider où, pelotonnés l'un contre l'autre, Dehen et Jardel réussirent à résister au froid et à la pluie ; et après bien des tours et détours, sur la fin du jour, je débarquai vers 18h 30 au P.C du G.T.V que Billote avait quitté deux jours plus tôt et qu'avait pris le lieutenant-colonel de Guillebon, un Bigorre, ayant toute la confiance du Général.
Il fut surpris de me voir arriver ; personne ne lui ayant parlé de moi. Mais m'ayant considéré, ayant écouté ma petite histoire, il eut une de ces phrases historiques dont il a le secret "Eh bien, mon cher, je ne vous connais pas, mais il est toujours agréable d'avoir un adjoint près de soi, on a l'esprit plus libre pour se faire tuer - je vous garde !"
"Cependant, devait-il ajouter, je ne puis vous donner le Sous/Groupement promis par Billote : Lahorie le conserve et c'est le commandant Puig, un jeune Bigorre, qui le remplace".
Je me trouvai donc sans rôle bien précis à jouer, mais quoi qu'en pensât Billote j'avais beaucoup de connaissances à mettre à jour - dans le domaine des transmissions en particulier. Et là je bénéficiai de la grande amabilité du capitaine Boullègue, un X des Eaux et Forêts du Maroc.
Quelques jours après ce retour, eut lieu une opération de rectification du front : il s'agissait de prendre Rambervillers. Hélas une reconnaissance préalable la veille, se termina mal : deux capitaines du III/R.M.T. Jeffroy et Dubus furent tués parce que, apparut-il très vite, un autre W. - n'avait pas respecté les ordres reçus. Le lendemain je devais suivre la manoeuvre auprès du commandant Cantarel, commandant du 501ème Chars et du sous-groupement G.. Comme il n'y avait pas de Jeep prévue pour moi on m'affecta une petite Opel de récupération, conduite par Dominique Legrand, dont le père était l'adjudant d'Escadron du P.C et n'était autre que ... Jean Nohain, dit Jaboune, frère de Claude Dauphin, lui aussi à la D.B ......
Bref j'avais rejoint Cantarel, mais je ne voulais pas le gêner en le serrant de trop près, et je me trouvai seul, un moment donné, près des postes radios, képi sur la tête, quand arriva le Général Leclerc qui lui avait le casque en tête, il fonça sur moi ;
- "Qui êtes-vous, qu'est ce que vous faites là ?"
Je me voyais déjà exécuté comme ce pauvre Gobilliard au Bourget et je bafouillai, parlant Oflag IVD, Billote, Val de Grâce.
- "Alors vous ne connaissez pas mes ordres, le casque" ... Heureusement le capitaine Sarazac, commandant la 10ème Cie, ancien du Tchad, fit une diversion, bénéfique pour moi, la bouche en coeur, il arrivait la main au képi
- "Vous vous f ...ez de moi, aussi, Sarazac, mes ordres, le casque" .
Nous ignorions que la veille le Général avait pondu une oukase prescrivant le port du casque par tout le monde. Là dessus arriva Guillebon lui aussi en képi - c'en était trop : Leclerc devint cramoisi mais ... ne dit rien.
A midi Rambervillers était pris - mon ami Dominique Nohain se régalait de boîtes de beans froides avec un plaisir non dissimulé !.
Le soir nous nous retrouvâmes à Roville aux Chênes et Guillebon me dit : "j'ai compris que vous n'aviez pas été présenté au Général - il vous recevra demain matin, je vous conduirai". Qui fut dit fut fait et le lendemain matin Leclerc me recevait à Gerbeviller.
Tout de suite il me questionna : "qu'avez-vous fait ?" et je lui racontai : les Oflags, Avallon, et la D.B. Et tout de suite il fut détendu et me retint à déjeuner.
C'est dans les deux ou trois jours suivants que se situe un incident qui me plaça définitivement dans l'esprit de Guillebon : nous étions en train de déjeuner quand d'un seul coup, d'un seul, alors qu'on pouvait depuis notre arrivée se demander si la guerre n'était pas finie, quelques salves tombèrent sur le carrefour où était adossée notre salle à manger. Et dans l'instant nous n'étions plus que trois à table : Guillebon, un vieux chef d'Escadron nouvellement arrivé : T., et moi ; tous les autres convives, pour la plupart de jeunes hoche-queues se retrouvèrent à plat ventre, qui dans la cour voisine, qui sous la table.
Dans ce même village de Roville il y avait aussi le P.C du III/R.M.T, se confondant avec le sous-groupement P, l'un et l'autre aux ordres du commandant Putz, chef de corps du III/R.M.T. C'était une étonnante figure - Officier de réserve, fantassin, puis char, puis aviateur en 14-18 ; à la suite de blessures il s'était mal adapté aux paisibles fonctions d'employé de bureau municipal. Poussé en outre par ses options politiques, très sincères, très idéalistes, il avait saisi toute occasion de lutter sur le terrain, pas en chaise-longue, contre les fascistes - en Éthiopie, disait-on, mais il n'en parlait pas - en Espagne, et là il n'en faisait pas mystère. Admirant Malraux il était sans indulgence pour Marty qu'il considérait comme une brute et un lâche, tout juste bon à massacrer à l'abri des combattants. Ayant commandé une Division, il n'en tirait aucune vanité et il était le plus loyal et le plus discipliné des subordonnés tant à l'égard du Général Leclerc que du tout jeune lieutenant-colonel Guillebon.
Après la fin de la guerre civile il était rentré en France mais était tout de suite parti pour l'Afrique du Nord avec ses combattants que le gouvernement français y avait déportés. Après l'Armistice il travailla avec eux à ce Méditerranée-Niger, grande idée de Vichy !. Très vite quelques uns au moins des policiers discrètement chargés de surveiller ces "rouges", s'étaient sentis liés à lui par la volonté de résister et de se préparer à reprendre la lutte. S'il ne fut pas directement mêlé aux préparatifs du débarquement il n'hésita pas à s'engager à fond, lui et ses Espagnols, et ce furent les "Corps Francs d'Afrique" qui sans moyens, démunis de tout, se jetèrent dans la bataille de Tunisie et s'y battirent héroïquement.
La Tunisie libérée ce fut le rattachement à cette 2ème D.B en formation, ce qui explique qu'au III/R.M.T. une Compagnie entière, la 9 de Dronne, et une partie de la C.A. fussent composées d'Espagnols - qui tous furent d'héroïques combattants, mais dont certains furent des soldats d'exception - tel Granell, ancien élève à l'Académie militaire de Franco qu'il admirait, et ancien Préfet de Police républicain de Madrid, qui était lieutenant.
Le commandant Putz, dont beaucoup de choses auraient pu me séparer, fut au contraire tout de suite, et sans réticence, extrêmement chic avec moi. Et très vite il me proposa d'être son adjoint. J'acceptai avec reconnaissance et me sentis vraiment tout de suite admis par tous, tant au P.C. de Putz que dans les diverses Compagnies.
Après sa galopade de la Manche aux Vosges, la D.B faisait difficilement connaissance avec la guerre de position. Pas la guerre de tranchée de 14, non. On tenait des villages - qui jalonnaient la ligne de front - Xafévillers dont La Horie était maître et seigneur ; pour nous Doncières un de ces villages lorrains fier de ses tas de fumier, qu'un obus de temps à autre projetait de tous côtés.
Les Allemands occupaient à quelque 1 000/1 2000 mètres face à Doncières le château de Villiers. Chaque nuit leurs patrouilles se baladaient sur nos arrières - entretenant un climat d'insécurité que nous n'étions pas capables de leur faire subir. C'était comme en 39, et peu à peu ce château de Villiers prit l'allure d'un château hanté. On apprit qu'il appartenait à un parent du Capitaine de W., commandant la 2ème Cie du 501 qui était la Cie de chars adaptée au sous-groupement Putz et ça n'empêcha pas W. de faire sur lui des cartons dans le double but d'instruire ses jeunes engagés et de rasséréner les fantassins tenant Doncières.
C'est à cette époque qu'arriva au Bataillon le capitaine Pinhède, ancien du Tchad mais éloigné un temps de la D.B pour suivre à Rabat les cours de l'École d'E.M., alors dirigée par Lagarde. Ce me paraît un cas assez typique qui je crois peut s'expliquer par son protestantisme, plus favorable que le catholicisme à l'examen critique des faits et aux prises de position individuelles.
Méhariste de grande valeur il nomadisait en Avril/Mai/Juin 40 dans le Sahara, sans aucune liaison, avant de joindre dans les derniers jours de Juin un poste ayant la radio. Il fut surpris de voir l'air défait de l'adjudant commandant ce poste mais il n'eut pas le temps de poser de question que l'autre d'un trait lui dit - "mon Lieutenant on a signé l'Armistice ; les Allemands sont à Paris. Ils occupent toute la France" et il éclata en sanglots.
Pinhède crut qu'il était fou, mais bien vite il sut que c'était vrai. Le lendemain matin il appela son adjoint, lui dit avoir personnellement une nouvelle mission à remplir et lui confia l'exécution de la suite de la mission du groupe. Puis suivi d'un homme, il partit vers le Soudan égyptien pour continuer à se battre avec les Anglais.
Parvenu à la frontière il enjoignit à son fidèle de repartir rejoindre le groupe avec les chameaux et ... il continua à pied et ... quelques jours plus tard il se réveillait à l'hôpital de Karthoum, une patrouille anglaise l'ayant providentiellement ramassé sans connaissance et plus qu'à moitié mort de soif et d'épuisement. Très intrigués les Anglais l'interrogèrent : que faisait-il là ? que cherchait-il ? "Je veux continuer à me battre contre les Allemands" Oh ! répondirent les Anglais, il y a déjà un autre Français qui a dit ça et qui est à Londres : le Général de Gaulle." Et c'est comme cela que pour la première fois Pinhède entendit parler du Général de Gaulle. Une fois retapé il regagna l'A.E.F où quelques semaines après lui ses chefs, ses camarades, avaient suivi le Colonel Leclerc envoyé par de Gaulle - et ... on lui fit grise mine ! et je crois même qu'accusé de désertion, il avait été condamné par un Conseil de guerre dans la période où le territoire était resté dans l'obédience de Vichy !!.
Pour en revenir à Doncières nous quittâmes le coin le 31 Octobre 1944 pour prendre part, à un rang modeste, à l'opération qui devait aboutir à la prise de Baccarat par Rouvillois. Putz étant en permission de 3 ou 4 jours j'eus le commandement du sous-groupement, c'est-à-dire les 11ème,12ème Cies et C.A. du III/R.M.T, la 2ème Compagnie du 501, un peloton de Spahis, un peloton de Tanks-Destroyers et une section du Génie. J'étais en réserve, et c'était sage, car ce devait être ma première opération en vraie grandeur depuis les sombres jours de Juin 40.
Cela débuta par un gag. Pendant la mise en place, de nuit, nous avions été stoppés derrière les unités de tête. Quand le jour se leva, mon fidèle - pas tant que cela d'ailleurs - conducteur, Gonzalès, ancien conducteur de W. qui venait de quitter la D.B, prépara un bon jus qui faillit bien basculer sous l'effet d'une espèce de tremblement de terre accompagné de flammes énormes passant au-dessus de nos têtes ! ! et ça continuait : nous étions tout simplement arrêtés devant un groupe lourd américain, du 155 ou du 210, admirablement bien camouflé, et la nuit aidant, nous n'avions rien vu. Inutile de dire que nous déguerpîmes sans demander notre reste. Comme cela arrive parfois à la guerre, le hasard fit bien les choses : dans le brouillard et la fumée des explosions, Branet, commandant la 3ème Cie du 501 du sous-groupement H, La Horie, prit par erreur un patelin où fut ainsi neutralisé un gros vilain 88 qui sans cela eût été très gênant.
Ayant dans l'après-midi à relever Massu dans un patelin situé dans une vallée, Witasse, commandant la 2/501, s'étonna de ne pas l'y trouver : il était dans un autre patelin sur la hauteur - car "moi je tiens le terrain par le haut" devait péremptoirement déclarer Massu.
C'est ce soir là que Pinhède et moi tant bien que mal protégés de la pluie par nos toiles de tente assemblées en guitoune, nous essayâmes en outre de nous réchauffer par un feu de bois. Hélas nous ne réussîmes qu'à nous enfumer à en être asphyxiés et nous choisîmes la pluie. Nous apprîmes aussi par l'échelon arrière ayant quitté Roville dans la journée, que les Spahis de Morel-Deville qui nous avaient relevés à Doncières avaient jugé que le plus simple pour conjurer les maléfices du château de Villers, c'était d'y aller - qui fut dit fut fait - et on n'entendit plus parler des teutons qui l'occupaient.
C'est pendant notre villégiature à Roville que je pus reprendre contact avec mon beau-frère Henry L. Un beau jour nous vîmes arriver au P.C. de Guillebon un officier de liaison de la 1ère Armée ; c'était le premier que nous voyions, car s'il y avait déjà eu sur le terrain, (près de St Marc sur Seine, au Sud de Chatillon sur Seine) une liaison début Septembre entre 2ème D.B et 1ère Armée, c'est un peloton de l'Escadron Gaudet du 12ème Cuir qui l'avait effectuée. Tout de suite ce commandant Watson tomba dans les bras de T. - de vieux camarades. Quelques jours plus tard T. fut blessé et nul ne le revit ... entre temps on avait appris qu'il avait été de la Légion tricolore - recruté par les fritz ! ! ! ! Quant à l'ami Watson il fut à la une des journaux lors du vol des bijoux de la Bégum ...
Quoiqu'il en fût, pour l'instant je lui parlai de L, il ne le connaissait pas, mais heureusement il savait que le régiment du colonel Baillif - près de qui je me rappelais qu'était Henry - était du côté de St Dié. Un coup d'oeil à la carte, ce n'était pas trop loin ; et avec l'autorisation de Guillebon je me mis en route le lendemain emmenant avec moi Dehen qui avait de la famille dans le coin.
J'avais oublié que les km. des routes de front, contrôlées de surcroît par les US, n'avaient rien de commun avec les km. de la carte touristique ! Enfin après bien des péripéties j'arrivai au P.C. de Baillif dont Henry venait de repartir pour rejoindre dans les sommets le P.C. de son Bataillon qu'il commandait depuis la blessure de notre ancien Margaux.
Baillif le fit prévenir et en l'attendant nous parlâmes très librement. J'avais connu Baillif capitaine à Bourg, et à la veille de la guerre, il était venu me voir à Metz où il était affecté en sortant de l'E.S.G. Il commandait le 6ème Marocains, et ne tarissait pas d'éloges sur ses hommes et ses cadres.
Quand il avait enlevé de haute lutte ce signal de Cornimont, la brèche était faite, la route de la Haute Alsace ouverte - mais ... de Lattre n'y avait pas cru, il n'y avait pas de réserves et avant qu'il en arrivât, les Allemands non seulement avaient colmaté mais encore ils contre-attaquaient à tout va. Ils avaient amené un Bataillon disciplinaire, composé d'officiers et de sous-officiers cassés, à qui ils avaient dit "vous retrouverez vos galons là-haut" ; et pendant 60 heures, attaques et contre-attaques furieuses se succédèrent - mais le 6ème tint bon. Les Marocains eurent le dernier mot - de justesse - car lorsque les derniers Allemands tombèrent dans leur dernière attaque, Henry venait d'engager ses derniers survivants : ses radios et agents de transmission ...
Et Baillif, me racontant cela, ne me cachait pas l'admiration qu'il avait pour Henry qui, déjà atteint du mal implacable qui devait l'emporter 10 ans plus tard, et souffrant en silence, n'en remplissait pas moins toutes les obligations, et au-delà, de son grade. Et en même temps Baillif ne cachait pas sa sévérité pour de Lattre plus soucieux de gloriole que de sérieux.
Et Henry entra ... j'eus le coeur serré en voyant comme la maladie le marquait ! mais quel calme, quelle bonté rayonnante ... et quelle attention aux autres. Ce fut bref, mais comme nous étions heureux de nous revoir vainqueurs - oui je crois que c'est cela qui dominait chez l'un comme chez l'autre - nous pouvions nous regarder en face.
Le P.C. de Baillif était installé dans une grande propriété où on accédait - et d'où on repartait - par une rue aux multiples lacets dont certains exposés aux vues ennemies, étaient systématiquement canonnés dès qu'un véhicule y passait. Les chauffeurs du 6ème en avaient parlé beaucoup à Gonzalès qui, en montant, ne s'en était pas trop aperçu - mais impressionné par tout ce qui lui avait été raconté nous partîmes comme pour un grand prix ; mais après deux ou trois virages qui faillirent bien être les derniers, je lui donnai l'ordre de s'arrêter. II s'exécuta mais me crut fou. Je lui dis alors que à continuer comme ça, nous ne serions peut-être pas tués par un obus mais que nous le serions sûrement dans un accident de voiture !
Pour nous la stagnation continuait, nous avions simplement changé de patelin. J'avais installé le P.C. à la ferme Hadomey, près du village de Reherey et je crois n'avoir jamais eu tant de boue que dans la cour de cette ferme.
Un matin Guillebon vint m'y voir et regardant toujours droit devant lui, posa par terre un pied puis une jambe qui furent engloutis et quand imperturbable il les en arracha, son "snow-boots" ne suivit pas !!.
Pendant quelques jours nous cantonnâmes aussi dans une ferme isolée pas très loin d'Azerailles - le coin était lugubre - puis nous vînmes à Azerailles même où un soir le lieutenant-colonel Putz reçut la visite de deux mystérieux civils. En fait des anciens d'Espagne, qui mettant sur pied des unités de F.T.P venaient lui demander de prendre le commandement d'un régiment. Entre deux cantonnements nous avions eu des unités aux avant-postes ; et c'est à cette époque que je connus Boissieu, commandant alors le Peloton de protection du Général, qu'il entraînait au tir, en liaison avec le lieutenant Ettori qui commandait le Peloton d'obusiers : les lance-patates, du III/R.M.T.
Normandie, Paris, les Vosges, 600kms en un mois, et depuis deux mois : 20 kms. Le moral, la pluie et la boue aidant, en prenait un coup. Tous : célibataires, mais surtout mariés, certains séparés de leurs familles depuis 39, voire 38, aspiraient à partir quelques jours en permission. Dronne, Sarazac vinrent me le dire je réussis à les faire patienter, non à les dissuader.
Un beau jour on apprit que les U.S allaient attaquer - et bien sûr on pensa tout de suite : Strasbourg.
Deux divisions d'infanterie devaient dans notre zone rompre le front allemand et le 14 Novembre au petit matin avec Castellane, nous assistions le coeur serré au départ de ces fantassins, surchargés, sous une pluie battante, pénétrante, liquéfiant tout.
C'est à peu près en ces jours là que je reçus un journaliste de l'Humanité - un brave type mais très excité à la pensée de bientôt voir des "Espagnols rouges" - je le passai à Dronne dont la "9" alors était aux avant-postes, c'est à dire dans cette boue lorraine unique en son genre. Parti joyeux et frétillant moins de 24h après, trempé, crotté, et mis en boîte par les Espagnols, notre pauvre journaliste malgré ses efforts, ne put repasser inaperçu en direction de Paris !.
La veille ou l'avant veille du déclenchement de l'attaque U.S. Guillebon m'avait convoqué, seul je crois, ayant dû en faire autant avec Cantarel, quant à La Horie qui commandait le 3ème sous-groupement, il était bien inutile de le faire, car nul plus que lui n'était au courant, ayant tout préparé avec Leclerc, son camarade de promo.
C'est ainsi que j'appris que c'était bien Strasbourg notre prochain objectif - mais je dus donner ma parole de n'en rien dire à qui que ce soit sous aucun prétexte. Je ne pus donc que faire des allusions quand Dronne et Sarazac me dirent être décidés à partir - et je ne pus les retenir - ce qui valut à Castellane de prendre le commandement de la "9" car Granell, le lieutenant en 1er, espagnol, m'avait prévenu qu'il demanderait à bénéficier des dispositions permettant aux plus de 50 ans, je crois, à être démobilisés.
Ancien préfet de police républicain de Madrid il sentait ses compatriotes exilés en France excités par la défaite nazie, rêvant de reprendre le combat contre Franco - or me disait-il "ce n'est pas possible, il y a eu trop de sang versé ; Franco est bien trop fort, mon devoir c'est de le faire comprendre à mes amis".
A la 10ème c'est Carrage que je mis à la tête de la Cie, ce qui me valut des protestations de C. - un curieux garçon, lieutenant de Chasseurs ayant rejoint à Paris, arborant fièrement la Légion d'Honneur, mais en qui je n'avais qu'une confiance limitée ; mais Carrage m'ayant fait remarquer que Borochovitch était plus ancien, c'est lui finalement qui prit le commandement de la 10.
Le 16 Novembre j'étais l'invité de Granell pour déjeuner ; à la fin du repas l'ordre arriva de mettre sur pied la Cie. Ce n'était pas facile, car pour mieux respecter le secret, Guillebon n'avait rien changé aux emplois du temps prévus et la moitié de l'effectif était partie à Lunéville, douches ou cinéma ! L'ordre ne touchait que le sous-groupement H, mais je préférais regagner rapidement mon P.C. pour y donner quelques ordres préparatoires, car je pensais bien que le tour du sous-groupement P, que je commandais en l'absence de Putz, ne tarderait pas.
J'attendrai encore 24h et c'est le 17 que je reçus l'ordre d'aller tenir Badonviller, pris par La Horie qui continuait vers Bremenil. Vers 15h j'avais terminé une reconnaissance rapide et pus orienter sur leurs emplacements les détachements qui arrivaient : 11ème Cie et CA3 du R.M.T. et 2ème Cie /501 - ainsi que les artilleurs. C'est seulement à la nuit tombante que je rencontrai La Horie - pour la dernière fois - et son adjoint Court, un capitaine venant d'arriver en renfort, pour la première fois.
J'établis mon P.C. dans un hôtel pas très loin de la gare et trop près aussi d'un carrefour que dès la nuit les fritz prendront pour cible de temps à autre.
Le 18 dans la matinée j'allai faire le tour de mes Cies et le lieutenant Kohrmann m'offrit un magnifique Command-car allemand, qu'il venait de prendre à des chasseurs alpins allemands arrivant du Donon et parfaitement ahuris de trouver des Français et non pas des petits camarades.
Comme mon carrefour était plus fréquemment arrosé, quand je revins au P.C j'arrêtai ma Jeep sur le trottoir juste devant l'entrée de façon à n'avoir qu'un saut à faire. Peu après un planton vint me dire : "le Général vous demande, il est dehors juste en face". Arrivant près de la porte de sortie je vis ma Jeep, dans laquelle il n'y avait personne, faire un bond en avant. Un peu éberlué je m'arrêtai sur le seuil pour essayer de comprendre, quand je vis que l'arrière de la pauvre Jeep était complètement enfoncé ; au même moment, alors que j'allais poser le pied dehors, j'eus le sentiment qu'il y avait un gros truc là par terre - je regardai : c'était un culot d'obus, du gros ! 210 probablement et d'un coup je compris - et compris ma chance et celle du Général qui à moins de 20m de là ne s'était aperçu de rien : l'obus de son ogive avait frôlé la gouttière de l'hôtel puis frappé violemment l'arrière de la Jeep, la propulsant de plusieurs mètres, et s'était fiché en terre sans exploser ! !
Peu après on apprenait la mort de La Horie et du capitaine Mazieras, de la 11ème, tués par le même obus qui avait aussi sérieusement blessé l'artilleur -capitaine Jacquinet. Sur ces entrefaites Putz arrivait, et pour changer au minimum, Guillebon lui demanda de prendre la suite de La Horie.
Compte tenu du terrain très boisé, impossible d'engager les blindés ailleurs que sur la route - et ce va être le combat du char de tête et des fantassins sous bois. L'usure de la troupe est grande. Successivement la 9 a été remplacée par la 11 qui dans la soirée sera dépassée par la 10, mais cependant l'avance est bloquée devant Petitmont.
Pour voir et essayer de comprendre je me suis avancé, moins absorbé que Putz par le combat à mener. Je pense en regardant la carte que l'on peut tenter un débordement par la "Ferme du Bon Père" - mais la nuit tombe et dans cette sombre forêt le chemin qui y mène a tout du coupe gorge. C'est le Peloton du sous-lieutenant de La Bourdonnais, de la 2/501 que je lance là dedans. Il n'est déjà pas facile d'entamer le mouvement car ce mauvais chemin est en épingle à cheveux avec la route et celle-ci est encombrée de véhicules, mais La Bourdonnais, une fois qu'il a bien compris ce que j'attendais de lui, n'a pas un geste, pas un mot de protestation : il claque des talons, salue et à pied devant son char de tête il le guide avant d'y prendre sa place ; et quand son peloton a disparu, à mon tour je le suis, dans la Jeep du lieutenant Singer l'artilleur du sous-groupement. Et en effet nous passons à la Ferme du "Bon Père" ; un chien aboie et un vieux en sabot, casquette sur la tête, mains dans les poches nous regarde passer. Il n'en a sûrement jamais tant vu, d'autant que Philippe de Gaulle, alors Enseigne de Vaisseau au R.B.F.M. dit y être passé dans la journée alors qu'avec le sous-groupement Morel-Deville il allait sur Cirey/Vezouze.
Ce trajet demande tout de même du temps et quand nous parvenons à Petitmont les fritz en auront décampé.
Je me retrouve chez une bonne vieille demoiselle et y passe une nuit tranquille, dans des draps !. Le lendemain j'envoie des gens à l'Est sur Val et Chatillon, et une espèce d'ahuri, vieux lieutenant de la Coloniale réussira à mettre un T.D. dans l'oued !.
Guillebon remet de l'ordre dans son G.T. et je prends le commandement du sous-groupement H, Putz retrouvant tout naturellement son sous-groupement P. Me voilà donc à cette place que Billote voulait me donner quand il me reprit trois mois plus tôt !
J'avais un petit E.M : le capitaine Court, que j'avais vu pour la première fois à Badonviller, alors qu'il arrivait avec un renfort d'A.F.N. Char d'origine, c'était un garçon très sérieux, connaissant parfaitement son métier et je n'eus qu'à me louer de l'avoir près de moi ; avec lui deux jeunes lieutenants Menonville et Ponsard complétaient ce P.C. dont les transmissions étaient brillamment maniées par un virtuose en la matière : l'adjudant Loiseau. La troupe c'était la 9, Dronne habituellement mais Castellane pour le moment, et la 3ème Cie du 501, "l'Escadron" de Branet un jeune capitaine ; lieutenant de réserve en 39, évadé avec Billote et Boissieu par la Russie - un tempérament de feu, vivant trop sur ses nerfs, parfaitement discipliné quand il avait admis l'ordre qu'on lui donnait, mais ayant toujours 100 objections ou .... 1 000 autre solutions à proposer !.
De l'artillerie je ne puis dire qu'une chose : le XI/64 reste pour moi le groupe modèle et si son efficacité fut incomparable, c'est bien parce que tous, à l'exemple de leurs cadres, le furent aussi.
Enfin je disposai de temps à autre en tout ou partie du 3ème Escadron du 1er R.M.S.M, de la Section de l'adjudant-chef Cancel du 13ème Génie, et en partie du 2ème Escadron du R.B.F.M. Ces unités et spécialement la 9 et la 3/501 avaient été durement éprouvées dans les combats des jours précédents. Les chefs de Section de la 9 avaient été tués ou blessés - la 3 avait aussi eu ses blessés - et avait plusieurs chars hors de combat - et puis il y avait la "décompression" après ces journées si intenses.
Je n'allais pas tarder à éprouver la qualité des uns et des autres. Le 21 nous nous étions tous retrouvés à Cirey. J'avais vu chacun et je prenais mon premier repas avec mon E.M. quand parvint l'ordre de mise en route. Tout le G.T.V. allait franchir les Vosges, les trois sous-groupement à la queue leu leu ; je fermais la marche et, ce qui m'inquiétait fort, toute unité n'ayant pas dépassé Dabo à 16h devait s'arrêter sur place et ne reprendre le mouvement que le 22 au jour ...
Dans l'immédiat et malgré ma confiance dans mes subordonnés j'avais quelque inquiétude sur la façon dont chacun passerait dans les temps au point initial, car je savais que la D.C.R serait sans pitié et bloquerait tout retardataire. Aussi je poussais un ouf quand je sus tout mon monde passé, et tout allant normalement.
C'est alors, un clou chassant l'autre, que je passai mon temps à regarder ma montre car ça n'allait pas vite et l'heure tournait, tournait bien plus vite que nous ne nous rapprochions de Dabo. Nous y fûmes enfin, près d'une demi-heure avant l'heure fatidique - ou du moins j'y fus à hauteur des premières maisons et il y avait toute la ville à traverser - et derrière moi j'avais tout le sous-groupement ... et puis catastrophe ... tout s'arrêta et va savoir ce qui se passe devant. Curieusement dès que 16h furent dépassées je n'eus plus aucune anxiété - et quand la marche put reprendre, je ne pensai même plus à regarder ma montre ! ! Tout le monde suivait et vers 19h, nous nous arrêtions à Birkenwald premier village du Bas-Rhin libéré.
Au château, Guillebon fut rejoint par Leclerc, et je fus reçu par des braves gens, un garde-chasse, où il y avait sur un meuble la photo d'un général d'avant 70, propriétaire du château. C'est alors que Guillebon me dit "eh bien, Debray, pour vous remettre sur vos jambes, demain vous prendrez Marmoutier, et vous aurez Dâ (3/R.M.S.M.) en renfort".
Et le 22 (Novembre 1944) je pris Marmoutier ! L'ancien maire, le Docteur Scheffer fut rétabli dans ses fonctions - et je fus accueilli par 2 vieux ménages, beaux-frères et belles-surs, (famille Lerch) habitant la même maison et qui nous firent un somptueux dîner ! Dans l'après-midi alors que je commençais une sieste bien gagnée, je fus réveillé par mes deux phénomènes : Menonville et Ponsard : fascinés, et il y avait de quoi, par la forte personnalité de La Horie, ils avaient pris au sérieux toutes ses boutades - entre autres celle où il se promettait de débaptiser toutes les rues ou les places aux noms allemands - et tout de même gênés, ils venaient me dire qu'ils avaient prévu pour l'après-midi une prise d'armes en présence du maire et de la population pour donner le nom de La Horie à la place devant l'église.
(
) Tout se passa au mieux - je fis un laïus. Et vers 16h 30 j'étais convoqué au P.C. du G.T.V. Guillebon, qui venait de recevoir les ordres à la Division, nous les communiqua "Demain nous prenons Strasbourg".
Si les ordres du Général étaient clairs et nets ils étaient aussi fort précis, autant que concis, quatre itinéraires seulement étaient prévus, donc quatre sous-groupement, du Nord au Sud : Rouvillois, Massu, Cantarel et Putz, les deux premiers aux ordres de Langlade, les groupements Dio et Langlade étant ainsi dissociés, Dio devant liquider Phalsbourg.
J'ai dû faire pâle figure en entendant cette énumération limitative, car Guillebon à qui la veille au soir j'avais dit que mes gens ne comprendraient pas qu'après avoir été à la peine ils ne fussent pas à l'honneur me dit tout de suite "soyez tranquille, vous serez de la fête, si, au départ vous suivrez Putz sur son itinéraire, quand vous aurez atteint Ittenheim vous pourrez déboîter vers le Sud, comme tous les autres votre objectif : Kehl, mais s'il est déjà atteint, le polygone de Neuhof".
Je rentrai dare-dare à Marmoutier et réunis tous mes subordonnés, plus nombreux qu'à l'habitude, car il avait été décidé que le capitaine commandant la 3/13 Génie, Crémieux, marcherait avec moi ainsi que le lieutenant de Vaisseau Guillon commandant le 2/R.B.F.M, et j'avais mes moyens habituels : la 9ème Cie du R.M.T commandée en l'occurrence par Castellane, puisque Dronne n'ayant pas voulu croire mes allusions à peine voilées, était parti en permission dans le ... Gers ; et la 3ème Cie du 501 avec Branet et la 33ème Batterie du 64 avec le lieutenant Pierron ; enfin j'avais un Peloton de la 4ème Cie du 501, les chars légers, commandés par le sous-lieutenant Lespagnol.
Mon idée de manoeuvre, comme disent les brevetés, était très simple : dès que j'aurai pu passer Putz je foncerai assez au Sud pour pouvoir ensuite remonter Sud-Nord, vers le pont de Kehl, en suivant au plus près la voie d'eau.
Je décidai de mettre en tête le Peloton de chars légers, avec la Section de reconnaissance des marins, l'ensemble aux ordres de Guillon avec mission au cas où les fritz tiendraient l'itinéraire principal d'en trouver un autre ; l'essentiel étant non pas de liquider mais de déborder les résistances.
Je constituai ensuite trois jumelages aux ordres de Branet, Castellane et Granell - l'adjudant-chef Cancel et sa Section de Génie devait être en tête du 2ème échelon, Cancel de sa personne étant avec la tête du sous-groupement. Le Service de Santé marchait en queue, la marche étant fermée par un char sans radio. Quant à la Batterie elle suivait dans le sillage pour nous appuyer de ses feux, mais n'en restait pas moins aux ordres de son groupe si la situation exigeait des concentrations.
Le départ se fit bien, vers 07h, bien que vin d'Alsace sur fatigue eût rendu plus laborieuse la formation de la colonne. Les premiers kilomètres furent faits allègrement ; très vite, hélas, la progression fut stoppée, Putz ayant des ennuis en tête, sa queue bien sûr bloquait l'itinéraire et je ne crois pas que nous pûmes déboucher avant 11h passées.
A partir de ce moment ce fut la galopade jusqu'à midi, à peine ralentie par l'hésitation compréhensible de la tête, à franchir un pont de bois limitant la charge à ... 6 tonnes ; et puis il y eut le passage sous la voie ferrée, deux Allemands s'y affairaient mais furent vite neutralisés, et sans tarder Cancel fit déminer et neutraliser le fourneau où il n'avait manqué qu'une allumette !. C'est à ce moment que fut repérée une colonne motorisée allemande montant sur la Nationale vers Strasbourg ; les chars s'en donnèrent à coeur joie. Quand nous repartîmes nous repérâmes quelques fantassins venant prendre position dans des embryons de tranchées couverts par des barbelés - et nous arrivâmes vers 12h 15 au carrefour Sud de Lingolsheim au moment où un tram, dont c'était le terminus, s'y arrêtait. Après un moment de stupéfaction, les Alsaciens avaient compris ; et même pas dans la minute, mais dans les secondes qui suivirent à toutes les fenêtres il y avait un, deux ou trois petits drapeaux français ....
Déjà quand nous avions repris notre mouvement nous avions été acclamés le long des routes par les habitants de villages voisins de notre itinéraire, que l'on voyait, sous la pluie battante, par des chemins de terre boueux, venir du plus vite qu'ils pouvaient pour agiter devant nous des petits drapeaux, et crier "Vive la France" ...
Mais bien vite à Lingolsheim des coups de feu claquèrent - des tireurs allemands embusqués dans les arbres, dans les étages supérieurs ou sur les toits - des snipers - faisaient des cartons. Branet qui avait formé un groupe porté sur Dodge les lança avec quelques fantassins pour débusquer ces mauvais - ce fut assez vite fait - mais il fut beaucoup plus long de faire remonter qui dans son Dodge, qui dans ses Half-Traks.
A ce moment là je mis Branet en tête car il n'allait plus, en ville, être question de changer d'itinéraire ou de faire du tout terrain ; il fallait bousculer qui voudrait nous empêcher de passer. Mieux valait donc avoir en tête du 75 que du 37. Et le chef du Peloton de tête : l'aspirant Christen était chez lui, né à Illkirch, où peu après il allait tomber dans les bras de sa marraine, suffoquée de le voir surgir dans le fracas de son char.
Toute la matinée mon éloignement de l'axe principal, les épouvantables conditions atmosphériques, m'avaient coupé de toute liaison avec G.T.V. ou Division, et c'est alors seulement que j'appris que Rouvillois était déjà à Kehl. Je donnai alors à tous l'ordre de s'arrêter à Neuhof. Pour y parvenir il fallait contourner le Bagger See, la plage de Strasbourg. Personnellement je la longeai avant d'avoir su que Rouvillois avait gagné la course, et comme je tenais à être en tête à l'arrivée au Pont et le premier à le passer, je fonçais dans la Jeep radio pour rattraper le char de tête. A un moment donné d'un même mouvement mon conducteur et moi nous nous retrouvâmes plaqués au dossier tournant la tête à gauche, suivant des yeux une flamme qui venait nous semblait-il de balayer le pare-brise. Je compris vite que c'était la trace lumineuse d'un obus d'anti-aérien, utilisé en anti-char. Presque aussitôt je tournais à angle droit et comme un char léger était arrêté et tirait, je ne sais trop sur quoi, je freinai et descendis en hurlant au chef de char "en avant, en avant ! c'est pas le moment de faire du tir au lapin".
Mais le chef de char l'air complètement excité me fit de grands signes dans la direction où son canon était pointé : je mis mes jumelles sur le nez et eus froid dans le dos : à 2/300m, peut-être moins, huit canons parfaitement camouflés pour tirer à l'Ouest et au Nord du Bagger See.
Je devinai alors l'origine de la flamme qui m'avait aveuglé quelques instants plus tôt. Mais renonçant à en savoir davantage je repartis à toute allure et c'est le soir que fièrement le chef Brice, un placide Lillois, secrétaire en chef, me raconta comment avec les secrétaires et ... le cuisinier Mario il était allé voir de plus près, avait trouvé 250 artilleurs terrorisés par le déboulé des Sherman à leur barbe. L'officier qui commandait avait tiré personnellement quatre obus et s'était suicidé. Il avait un bambou, que Brice avait pris et m'offrit - et qui ne me quitta plus.
Pour en terminer avec cette anecdote mon conducteur le lendemain matin me fit remarquer qu'à 30 ou 40 cm devant le pare-brise, la peinture du capot était cloquée : la flamme du culot de l'obus ! ! !
Rouvillois étant donc au Rhin j'avais à m'établir vers le Polygone, c'est à dire au Sud et au Sud-Est de Strasbourg en liaison au Nord avec Putz ... et au Sud il n'y avait personne, sinon les fritz, dont on pouvait penser qu'ils viendraient nous tâter ! Et après la griserie de cette matinée, je prenais conscience de la légèreté de mes moyens ! : trois Sections d'infanterie, trois Sections de Chars, un Peloton de T.D., une Section du Génie - à tout casser, si l'on ose dire, une quinzaine de Half-Traks, une douzaine de chars et quatre T.D. plus quelques automitrailleuses et Jeeps de commandement des marins ....
Nous n'avions pas un quartier cossu, et j'eus du mal dans l'immédiat à trouver une salle de café assez grande pour y étaler les cartes. C'est là que j'eus la surprise de voir arriver Gonzalés, mon chauffeur, et ma Jeep, dont il avait pressé la réparation aux Ateliers Divisionnaires à Cirey sur Vezouze.
La voiture prête dans la nuit, il avait foncé sur la route, mais gêné par les convois en tous genres il était arrivé à Marmoutier au moment où la colonne se formant le sous-groupement H se mettait en place derrière le sous-groupement P ; mais Gonzalés ignorait que j'avais pris le sous-groupement H et c'est au P.C. de P qu'il demanda où j'étais. Les autres chauffeurs n'en savaient pas plus et ils lui dirent, de confiance, et c'est toujours comme cela : il est devant. Alors accélérateur au plancher Gonzalès fonça et au tout petit jour il se retrouva à Strasbourg, sans avoir rencontré âme qui vive sur la route. Ralentissant dans l'espoir d'apercevoir quelque trace de la D.B il fut étonné de voir des groupes de soldats allemands en armes, il ne douta pas un instant que ce fussent des prisonniers, mais pensa qu'on aurait tout de même dû les désarmer. Seulement les minutes passant et ne voyant ni soldat, ni véhicule français il ressentit un vague malaise et n'y tenant plus s'arrêta et interpella un civil qui passait, celui-ci heureusement le comprit, et stupéfait en comprenant qui était son interlocuteur, lui dit : "mais il n'y a pas de Français à Strasbourg, vous voyez bien, c'est encore plein d'Allemands" ! !
Me racontant cela Gonzalès était encore haletant d'émotion. Réalisant le danger il fit un demi-tour sur les chapeaux de roue et repartit plus vite si possible qu'il n'était venu. Seulement c'était moins simple qu'à l'aller - ici et là ça se bagarrait ; finalement après avoir erré il était là - tout était bien qui finissait bien.
Sans perdre de temps il se mit en quête d'une chambre pour la nuit, et bientôt il vint me dire : "Il y a une vieille dame qui voudrait vous voir." Je n'avais guère le temps de faire des visites. Assisté du fidèle et efficace capitaine Court j'essayais d'adapter au mieux les nombreuses missions aux faibles moyens de ce sous-groupement, si éprouvé les jours précédents. Il me fallait aussi chercher la liaison avec Putz - en raison du mauvais temps, de la zone urbaine où nous étions, les relations radio étaient mauvaises, voire nulles, et j'avais très peu de renseignements sur les autres sous-groupements, ou sur Guillebon lui-même. Le mieux était d'aller voir sur place. Je commençai bien entendu par mes détachements : Castellane c'était du tout solide, Branet aussi bien sûr, mais l'émotion due à la fatigue y était grande, le sapeur, l'adjudant-chef Cancel était prêt à faire Camerone ; quant à Guillon, le marin, il était prêt à contre-attaquer tous azimuts !. restait l'artillerie, la Batterie qui avait fait route avec nous avait reçu de Tranié, commandant le groupe, un ordre de regroupement ; il me restait le D.L.O., le lieutenant de Montmarin et le brigadier Lévy. Soucieux avant tout d'y voir ils avaient élu domicile dans le clocheton d'une caserne où ils étaient très seuls !. Ma tournée terminée j'eus conscience que nous n'étions pas très forts, mais je pensai, avec un optimisme raisonnable que le coup pris par les fritz ne devait pas leur avoir donné un moral à toute épreuve - et je partis à la recherche de Putz.
A vrai dire les rues et les boulevards étaient plutôt mornes en cette fin de journée noyée par le crachin, pas de lumières, aucun mouvement dans les rues - peu de drapeaux - quel contraste avec l'enthousiasme, la liesse des villages - et tout à coup, dans une cour d'immeubles Gonzalès reconnut des véhicules du III/R.M.T., c'était le P.C. de Putz.
Malgré la victoire, indéniable, nous étions à Strasbourg, les mines n'étaient pas gaies, et j'eus tout de suite l'explication. Depuis le début de l'après-midi les Allemands au hasard arrosaient la ville d'obus de gros calibres, du 280 probablement et deux de ces coups venaient d'atteindre le P.C. il y avait des morts, des blessés, du matériel détruit, les installations électriques ne fonctionnaient plus - c'était plutôt lugubre.
Heureusement il y eut une diversion, on frappa à la porte de la petite pièce où Putz et ses adjoints étaient entassés et entra le colonel de Langlade. Toujours théâtral, après s'être assuré que pas plus que lui, nous n'avions de nouvelles du Général ni de l'E.M. de la D.B, ayant lui-même rectifié la position il lança "Garde à vous" et avec sa voix des grands jours nous dit "Messieurs, en l'absence de nouvelles de notre chef le Général Leclerc, étant le plus ancien à Strasbourg, je prends le commandement" -"Repos"- et il s'en fut.
Nous éclatâmes de rire - tout le monde avait retrouvé le moral. Soulagé, je repartis vers mon propre P.C ; tout y était calme et j'allai voir, entraîné par Gonzalès, la vieille dame qui habitait l'immeuble dont faisait partie le café où était mon P.C..
Je trouvai une petite dame tout de noir habillée, un bonnet de dentelle, noir aussi, sur la tête, elle parlait français sans la moindre hésitation - veuve d'un médecin elle me raconta comment en 18 ils avaient, serrés l'un contre l'autre, vibré au spectacle de l'entrée des troupes françaises - et puis cette souffrance en 40 ... et me parlant du cafetier et de sa femme "ne restez pas chez ces gens là, Monsieur le Commandant, ce sont de purs Allemands, ils nous détestent".
Elle m'avait préparé une chambre mais je m'aperçus que c'était la sienne, car elle n'avait qu'une autre pièce, sa salle à manger et une cuisine. Alors malgré mes protestations je l'assurai que je serai très bien dans mon "bed in-roll" et j'ordonnai à Gonzalez de le mettre par terre dans la salle à manger. Et puis ayant beaucoup remercié ma vieille dame, je me retirai. Mais elle me suivit et parvenus dans la cour, commune à son appartement et au café, elle me prit la main et me tira littéralement sans un mot vers une porte qu'elle ouvrit, c'était l'escalier de la cave ; me tirant toujours elle s'y engouffra. En bas une cave à charbon banale, un tas de boulets, des fagots ; écartant ceux-ci, déplaçant le charbon à la pelle, sans que, médusés, ni Gonzalez ni moi ayons eu le temps de faire un geste, elle découvrit un grand carton plat, comme ceux où alors on emballait les vêtements. Fébrilement elle défit les ficelles qui l'entouraient, rejeta le couvercle et d'un grand geste qui le déploya, sortit un drapeau tricolore énorme "celui que nous avions mis à notre fenêtre en 18".
Tandis que la gorge nouée je ne pouvais dire un mot ... elle ajouta "comme il doit être content là-bas à Vichy, le vieux Maréchal, qui était en 18 sur son cheval blanc ..." et je ne pus que murmurer "Ah ! Madame ... si vous saviez ...".
Et le soir quand je montai me coucher le drapeau tricolore entourait mon "bedding-roll".
Alors, comme, au même moment ou presque, le Général Leclerc le disait à Dio, je pensais "Après ça, on peut crever".
En fait je ne pus même pas dormir car dans la première moitié de la nuit Branet, les nerfs à vif, me réveilla 17 fois, persuadé que les Allemands franchissaient le Rhin. Il ne me laissa tranquille que parce que, à la 17ème fois, je lui promis de l'envoyer à l'arrière sans délais.
Le lendemain un peu reposés tout de même nous pûmes faire un bilan.
Nous reçûmes la visite de braves F.F.I alsaciens qui attiraient mon attention sur les mouvements d'Allemands au Sud, dans les taillis parsemant les anciens bras du Rhin. J'envoyai Branet faire une patrouille profonde. Si je me rappelle bien il dut entrer en contact avec des Spahis vers Erstein - mais ne put rapporter aucun indice positif.
J'eus l'occasion d'aller en ville, le G.T.V. avait son P.C. à la Maison Rouge (aujourd'hui disparue) sur la place Kléber. L'atmosphère était tendue - ce n'était pas la joie sans retenue de Paris.
Il me paraissait impensable que nous ne nous précipitassions pas vers le Sud aider la 1ère Armée qui après avoir cru être là avant nous, avait de graves ennuis et était stoppée dans son élan. Malheureusement en dehors d'un seul Bataillon d'Infanterie, les U.S. ne nous avaient pas suivis, orientés qu'ils étaient vers la frontière de la Lauter.
Ils ne nous relevèrent que très lentement et c'est seulement le 27 que nous repartîmes. Dio et Langlade étaient en tête, je crois. Je marchais derrière Dio avec mission de saisir, au fur et à mesure de sa progression, les ponts sur le Rhin - en fait très tôt dans la matinée, presque au débouché, notre avance était stoppée et sans avoir été engagé j'avais perdu un char que Dronne, rentré ventre à terre du Gers à l'annonce de notre entrée à Strasbourg, avait lancé sur une mauvaise digue qui s'était effondrée sous son poids, le précipitant dans un fossé plein d'eau.
Après avoir perdu du temps pendant deux ou trois jours, tout le sous-groupement fut amené à Kertzfeld où je fus logé chez l'ancien maire, Monsieur Rohmer, qui ne cessait de me répéter "ah ! mon commandant, les boches c'est toujours les boches, ça ne change plus !".
Il faisait un froid sibérien mais les unités s'affairaient pour remettre le matériel en état - prendre en main celui qui remplaçait les pertes - amalgamer les renforts. Et c'est alors que Boissieu prit le commandement de la 3/501, Branet partant, avec son ami Buis, faire de l'action psychologique à Paris ! Pendant ce temps Putz et Cantarel avaient gardé le contact. Buis qui était du sous-groupement Cantarel s'était cassé les dents pendant 2 ou 3 jours sur le village d'Herbsheim qu'une Section de la 12, de l'adjudant Vitrac, devait, par surprise, enlever sans coup férir à l'aube du 3ème ou 4ème jour. A ce moment la D.B. avait le G.T.D de Dio entre Rhin et Canal, et le G.T.V. à l'ouest du canal.
Les mouvements de débordement n'étant guère faciles à cause du Rhin d'un côté et des Vosges de l'autre, c'est frontalement que l'on chercha à passer. Pour cela le G.T.V. renforcé d'un Bataillon du 1er Chasseurs parachutistes eut pour mission dans un premier temps d'atteindre une ligne Neunkirch (petite agglomération sur le canal) Witternheim, gros village à l'ouest environ à 2km. Les Paras devaient, progressant à pied, déborder Witternheim par l'Ouest, tandis qu'avec mon sous-groupement je devrai l'attaquer bille en tête.
La température s'étant relevée depuis quelques jours, la neige avait fondu ; il avait plu, le terrain était complètement détrempé et les Sherman étaient liés à la route - et encore plus les Half-Traks. Malheureusement la route presque tout de suite traversait un bois dont les arbres abattus l'obstruaient complètement et malgré tous ses moyens, le sapeur pensait en avoir pour 8h au moins à déblayer ces abattis, d'autant qu'ils étaient truffés de mines piégées.
Voyant cela je demandai à Boissieu d'essayer avec un ou deux chars de trouver un cheminement - mais il n'avait pas attendu que je le lui dise et, infatigablement il essayait de passer lui-même, à pied, reconnaissant le terrain.
De même, sans attendre d'en recevoir l'ordre le lieutenant Dehen de la 9ème Cie avait mis sa Section à terre et en utilisant au mieux le terrain, tombait au carrefour de Witternheim, surprenant totalement les Allemands procédant à leurs ablutions matinales.
Il les rassembla rapidement et les envoya vers les abattis pour aider au déblayement. Dronne rejoignit avec le reste de la Cie et je dis à Boissieu de ne pas continuer ses essais car il avait déjà dix à douze chars embourbés dont on ne savait quand ils seraient tirés d'affaire.
Je rejoignis Witternheim pour y trouver les paras, les pieds bien trempés, ayant pataugé toute la matinée, mais n'ayant pas eu à tirer un coup de fusil pour prendre leur objectif déjà occupé par Dehen.
Sans liaison avec Guillebon galopant suivant son habitude dans son command-car, ne pouvant joindre personne apte à prendre une décision à son P.C, j'essayai de persuader, ne l'ayant pas sous mes ordres, le commandant Meyer, chef des Paras, de foncer vers le village suivant où il était certain de ne pas trouver de résistance - et la fameuse percée était faite.
Je me heurtai à un mur : la marche du matin - à tout casser 5 km en tout terrain - dans cette boue avait été harassante - bref une fin de non recevoir.
Castellane qui, avec la 12 avait suivi le même itinéraire, était outré - mais lui devait aller tenir Neunkirch.
Laissant Dronne tenir Witternheim pendant que les paras se remettaient de leurs fatigues, je repartis vers les abattis et y trouvai le commandant Puig - un artilleur colonial - chef État-major de Guillebon ; j'insistai pour que lui, donne l'ordre aux paras de repartir pour attaquer plus au Sud. Avec toute la certitude du jeune breveté non fantassin de surcroît, il me dit "une infanterie n'attaque pas deux fois dans la même journée" et je ne pus l'en faire démordre.
Ce n'est finalement qu'aux environs de midi, midi trente que je vis poindre Guillebon toujours majestueux au volant de son command-car. Je lui exposai rapidement la situation, insistant pour qu'il ordonne aux paras d'aller prendre le patelin suivant. Ayant consulté sa montre, de son ton inimitable il me dit "mon cher Debray il est midi passé, c'est l'heure où les honnêtes gens se mettent à table - on verra ça demain".
Je rejoignis Witternheim laissant Boissieu tirer tant bien que mal ses chars de cet océan de boue et retrouvai mes paras littéralement les doigts de pied en éventail, occupés à sécher pieds et chaussures.
J'allai d'un coup de Jeep à Neunkirch. Castellane s'y installait, sans problème. Dans Witternheim même, Dronne avec son habituelle minutie avait tout paré. Contrairement à tous les principes d'emploi des blindés, en raison des faibles effectifs de fantassins, il était prévu d'embosser, de place en place, chars et T.D au milieu de points d'appui.
La route ayant été libérée plus vite que prévu, les chars et Half-Traks rejoignirent vers 15h et c'est aussi à ce moment qu'arrivèrent les "huiles" Guillebon et Puig - mais aussi Gribius, alors capitaine chef du 3ème Bureau de la D.B.
Malgré mon opposition car j'estimai qu'il était trop tard pour faire quelque chose, l'occasion était passée, perdue, il fut décidé de faire une reconnaissance. Pour reconnaître quoi , toujours la même histoire - "on y va ou on n'y va pas" disait La Horie.
En fait à peine sortie du village, la patrouille fut allumée et comme on ne pouvait sérieusement songer à attaquer une heure avant la tombée de la nuit, on en resta là.
Pour le lendemain, compte tenu de l'état du terrain il fut convenu que l'attaque serait menée entre la route et le canal par le Bataillon de paras et que de la route en tout cas et par ailleurs suivant ce que permettrait le terrain, je l'appuierai au mieux, l'artillerie devant bien sûr en priorité tirer au bénéfice des paras.
Les ordres donnés et compte tenu de la densité des troupes occupant le village de Witternheim, j'avais préféré aller passer la nuit à Rossfeld avec mon fidèle Court. C'est là où dans la nuit nous apprîmes qu'un T.D. de Guillebon embossé près de la route à la sortie sud de Witternheim avait été manqué de peu par un coup de canon d'en face. Cela me parut faire assez partie des risques courants du moment et je ne diffusai pas ce renseignement à Dronne ni à Boissieu.
Le lendemain à 08h les paras s'étant mis en place, l'attaque déboucha. De notre côté c'est Dronne qui fonça sur la route mais, avant même de se heurter aux abattis faits rapidement dans la nuit par les Allemands, son char de tête fut arrêté net par un coup de 88. Immédiatement un tir d'artillerie s'abattit sur le bosquet d'où le coup semblait parti - mais de toute façon la progression sur la route était stoppée n'ayant aucune possibilité de manoeuvre pour déborder d'un côté ou de l'autre. Il nous fallait, en les aidant de notre mieux, attendre les résultats des paras.
Très vite, par l'artilleur Singer qui marchait avec eux, presque dans leur échelon le plus avancé, on sut que ce n'était pas facile. Les Allemands avaient pu amener quelques engins - des canons automoteurs, Rhinocéros ou Jagdpanther - qui utilisaient au mieux les boqueteaux parsemant la plaine ; plaine dans laquelle leurs larges chenilles leur permettaient de se déplacer - contrairement à nos chars ou T.D.
Il n'était pas question, instruit par l'expérience de la veille, que je lance les chars de Boissieu dans ce terrain, d'autant que leur canon n'était guère efficace contre des blindés. Par contre le bon canon des T.D. pouvait être fort utile ; restait à trouver des cheminements où les chenilles pussent passer.
Je mis le Peloton de T.D. à la disposition du commandant Meyer, ainsi que le Peloton de chars légers à qui leur moindre poids permettait parfois de passer là où les moyens enfonçaient. Je dis également à Boissieu de se mettre à la disposition de Meyer et de voir, en particulier le long du canal, si le terrain ne serait pas plus propice à l'engagement de ses pelotons. Tout cela hélas fut inutile : Bindernheim ne fut pas pris.
C'est je crois un bon exemple de toute l'importance du dernier quart d'heure. Non sans mal à cause essentiellement des automoteurs utilisant parfaitement les boqueteaux, les paras parvenaient aux lisières de Bindernheim. Cette fois il ne pouvait être question, dans un dernier sursaut que "d'y aller" et à en croire Singer parvenu aux lisières même du village avec les fantassins les plus avancés, c'était possible. Hélas, trois fois hélas Meyer ne le sentit pas - et il donna l'ordre de repli - et ce fut le drame.
N'en espérant probablement pas tant, les automoteurs utilisant à nouveau les boqueteaux précédaient le repli de nos paras, les harcelant autant dans le dos que de face, leur causant de lourdes pertes - sans comparaison avec celles subies dans l'approche du village.
Dès leur repli terminé les paras furent enlevés et Dronne de Witternheim, Castellane à Neunkirch organisèrent la défense. Outre les unités organiques du sous-groupement, la 9 et la 3/501, je disposai de la 12 et d'un Peloton léger de la 4/501 à Neunkirch, et bientôt de la 10/R.M.T. à Witternheim même. J'avais aussi avec moi le lieutenant de Vaisseau Guillon et les organes de commandement de son Escadron le 2/R.B.F.M.
Dès le lendemain les Allemands déclenchèrent contre nous une contre-attaque des plus violentes. Eux aussi parvinrent aux lisières, mais ne purent jamais les franchir grâce aux excellentes dispositions prises et contrôlées avec sa minutie habituelle, par Dronne - et aussi à la parfaite maîtrise de nos artilleurs qui firent vraiment merveille sous la direction du commandant Tranié - commandant le XI/64 et qui, en l'occurrence disposait des feux de toute l'Artillerie de la D.B.
Échaudés dans leur contre-attaque, les Allemands trouvèrent autre chose. Je faisais "popote" avec les marins toujours riches en personnel de qualité ; nous étions dans une ferme à la sortie nord du village et nous nous apprêtions un soir à déguster un lièvre tiré l'après-midi par Guillon - il venait d'être apporté sur la table quand dans le lointain on entendit grossissant, un bruit de tôle ondulée. J'eus le temps de dire - sans y croire - "ce sont les Trains bleus" ; je n'avais pas fini que le plafond nous tombait sur la tête, la loupiote ensevelie sous les décombres ; nous étions dans la plus totale obscurité. Il n'y avait heureusement aucun mal, des plâtras, beaucoup de poussière et ... plus de civet ! La loupiote marchant toujours, une fois dégagée, on comprit qu'il ne nous restait plus qu'à nous rejeter sur les "beans" ou autres "sweet potatoes". Mais auparavant nous sortîmes aux nouvelles : une étable brûlait et des marins s'affairaient pour sauver les bêtes. Le lieutenant de Kluguenau du 501, moins heureux que nous, avait reçu non seulement les plâtras mais un chevron sur le crâne et était quelque peu groggy.
Si ce fut notre premier contact avec les trains bleus que les Allemands appelaient "les orgues de Staline" ce ne fut pas le dernier. Il ne se passa en effet plus de jours sans que à intervalles variés quelques rafales toujours centrées sur le carrefour près de la popote ou sur l'Église ne vinssent nous secouer - mais sans grand mal. Les projectiles ressemblaient à de grosses bonbonnes de tôle emplies d'un explosif jaune solidifié, faisant plus souvent boulet qu'ils n'explosaient.
J'avais mon P.C. à une centaine de mètres à l'ouest du carrefour et à partir du moment où le bombing devint permanent, je l'avais fait mettre en sous-sol - pas très profond d'ailleurs, mais avec ma claustrophobie habituelle je ne pus me résoudre à m'enterrer et demeurai au rez-de-chaussée où je couchai.
Un matin à peine éveillé le planton oubliant de frapper me dit : "le Général" - je me précipitai et tout de suite le Général me dit : "Allez on va faire un tour" puis tout d'un coup, remarquant mon képi, me dit : "alors le casque, hein, vous vous moquez de mes ordres"..... Je jouai la confusion et dis au planton "donne-moi mon casque" et celui-ci ingénument de me répondre "lequel mon Commandant ? " - ce qui provoqua un grognement appuyé du Général dont je crois encore qu'il cachait une bonne envie de rire.
Est-ce avant ou après que se situe un incident qui me valut un certain prestige auprès de mes subordonnés, - peu importe. Toutes les nuits les guetteurs signalaient des "bruits de chenilles", donc de chars, mais c'était bien vague. Un matin cependant on pensa d'après d'autres indices, qu'il pouvait y avoir quelques blindés dans un boqueteau triangulaire au sud de la route Witternheim-Neunkirch et à peu près à mi chemin de ces deux localités. Plutôt que de leur envoyer quelques salves d'artillerie sans grand effet sur les blindages, je demandai une intervention de l'aviation. Comme toujours en pareil cas on fixa la ligne au-delà de laquelle, en direction de l'ennemi, il ne devrait y avoir aucun élément ami. En l'occurrence aucune équivoque possible : la route Witternheim-Neunkirch. Comme d'habitude - et l'exemple de Dompaire est l'exception qui confirme la règle - l'obtention de l'aviation est toujours longue ... Finalement demandée vers 08h, elle fut promise aux environs de 13h 30. La journée était magnifique, soleil, ciel bleu et froid de canard ; aussi après le déjeuner avec Guillon, lieutenant de Vaisseau commandant le 2/R.B.F.M, Boissieu, commandant la 3/501 et Bénard un de ses lieutenants, nous sortîmes pour assister au bombing. Nous marchions parallèlement à la route, vers l'Est, nous tenant à distance respectueuse parce qu'on ne sait jamais. Nous approchions d'un petit blockhaus survivant de la ligne Maginot, aux meurtrières béantes, quand dans un bruit de tonnerre les avions surgirent : trois patrouilles de trois en triangle la pointe en avant. Nous eûmes le temps de voir, aux cocardes tricolores, que c'étaient des Français ; les trois premiers piquèrent et lâchèrent leurs engins - des grenades en chapelet - sur le petit bois. Mais les suivants, au lieu d'attendre d'être placés pour atteindre l'objectif, lâchèrent leurs crottes en même temps. Personnellement je ne m'en rendis pas compte, tout occupé à regarder le spectacle mais j'entendis, Guillon je crois, hurler "commandant, commandant, planquez vous". Je regardai, j'étais seul ; tous mes compagnons avaient eu le bon réflexe de sauter dans le blockhaus tout proche, et la vision que je garde ce sont les jambes de Guillon, gigotant, s'introduisant la tête la première par une meurtrière. J'étais stupéfait et sans plus m'occuper d'eux, allai voir un emballage de grenades tombé. Je comptai les pas après - à 7m de moi - les avions déjà loin, les autres m'avaient rejoint et ensemble - mais j'étais le seul surpris - nous pûmes constater qu'en fait d'emballage c'était le chapelet de grenades ! !
Quelques années plus tard Bénard retrouvé en Tunisie où il était colon, me rappela l'incident et la réputation de folle bravoure qu'il m'avait valu et cela me confirma dans l'idée que bravoure et inconscience vont souvent de pair !- et puis il y a le "pot".
Nous étions à Witternheim pour Noël et eûmes la Messe de minuit dans une cave - et enfin le 27 ou le 28 (Décembre 1944) je fus relevé par le colonel Putz et retrouvai Kertzfeld - mais je fus surpris à mon premier passage au G.T.V. de trouver des visages soucieux - j'en avais eu des échos par Putz. L'offensive de Runstedt dans les Ardennes, ses faciles succès, avaient jeté le trouble dans les esprits et les curs. D'un excès d'optimisme on sombrait dans un pessimisme aussi excessif. Quelques rapports du 2ème Bureau ultra secrets venus jusqu'à moi n'étaient pas faits pour remonter le moral. Je me rappelle celui prédisant que si la guerre n'était pas terminée au printemps, l'avance technique de l'industrie aéronautique allemande, l'apparition d'engins nouveaux du côté allemand renverseraient à coup sûr la situation.
Le 30 décembre je fis le tour des P.C. amis pour les vux, et ce que je vis en chemin n'inclinait pas à l'optimisme. A tous les ponts ou ponceaux les sapeurs s'affairaient préparant les destructions. Certains villages se vidaient de leurs habitants et sur les routes on voyait à nouveau les tristes cortèges de réfugiés. J'étais allé jusqu'à Strasbourg voir à l'hôpital Bernard Quesnel, engagé à Paris à 19 ans, dont la sur s'était très liée avec Maman et avait été cheftaine d'Hélène. Le pauvre garçon engagé au III/R.M.T. avait été blessé la nuit de Noël dans une maison d'éclusier, très en arrière de nos lignes où une patrouille allemande s'était infiltrée.
Les Américains pliaient bagage, la ville avait un aspect sinistre. En rentrant j'appris que nous étions relevés et que la D.B. repassait les Vosges pour parer à une nouvelle offensive allemande prévue vers Bitche. Le G.T. Langlade, non engagé en Alsace était déjà parti, quant à nous nous devions faire mouvement dans la nuit du 2 au 3. (Janvier 1945) C'est la 1ère D.F.L. qui nous releva - mais dans quel état était-elle ! ! Littéralement squelettique, et par exemple à Witternheim-Neunkirch, pour relever deux Compagnies d'infanterie et une Compagnie de chars, plus de Génie et des T.D. Elle ne pouvait même pas aligner une petite Compagnie - hélas - ce qui était prévisible arriva : malgré leur héroïsme, les coloniaux furent submergés, mais ceci est une autre histoire !.
Ce passage des Vosges en sens inverse, par le col de Saverne, avait un goût terriblement amer - en plus il faisait un froid de canard, la neige gelée, durcie, rendait les routes glissantes et on ne comptait pas les véhicules, chars, camions et autres, allant au fossé. Vers minuit on comprenait très bien la retraite de Russie !
On avait dépassé une petite ville - Sarrebourg je crois - et nous montions vers l'"Alsace bossue" le vent soufflait en rafales violentes, la neige cinglait en toutes directions, plus trace de routes, de champs ou de fossés ; heureusement un bon clair de lune qui rendait le spectacle dantesque quand on pouvait jeter un coup d'il. Il n'y avait plus de colonne mais parfois quelques véhicules s'essayant à suivre la trace de mon fameux command-car. Mais tout d'un coup, à l'occasion d'un changement de vitesse : pff ! glissade en marche arrière, arrêt dans un fossé. J'en pris vite mon parti, n'y pouvant rien, et chacun connaissant le point de destination je poursuivis ; au moins arrivant le premier je pourrais faire le campement. Je touchais au but ; sur ce fond tout blanc je voyais se découper la masse sombre de mon patelin, les lisières étaient là quand un brutal coup de frein, efficace, grâce à Dieu, nous stoppa brutalement : le pont à l'entrée du patelin n'existait plus, plus trace, un trou béant ! ! le brave Simonneau, mon conducteur avait eu le bon réflexe. Hélas, mis pied à terre, il fallut bien se rendre à l'évidence : aucune chance de passer à droite ou à gauche. Un oued encaissé, des abords abrupts, il ne restait qu'à faire demi tour pour faire un détour de 5/6 km. Cette marche arrière fut dans un sens heureuse car je récupérai ainsi, à peu près tout mon monde. Mais nous ne fûmes pas dans le patelin avant 4h - où sur les réchauds portatifs nous fîmes un Nescafé qui ne parut jamais aussi succulent !
Avant de repasser les Vosges j'avais appris ma mutation : je quittai le commandement du sous-groupement H donné à Sarazac, un ancien du Tchad, nouvellement promu commandant, et je reprenais ma place de commandant en second du III/R.M.T. avec promesse plus ou moins assurée de succession au départ du lieutenant-colonel Putz dont on disait - et lui le premier - qu'il devait aller prendre le commandement d'un régiment de la 10ème Division que Billote était en train de former avec les F.T.P. et les F.F.I. parisiens.
Le lieutenant-colonel de Guillebon, commandant le G.T.V, avait décidé de dissoudre les sous-groupements de façon que 501 et III/R.M.T puissent reprendre chacun tous ses poussins sous son aile et en parfaire l'instruction, de nombreuses recrues étant venues combler les vides.
Je ne quittai pas sans mélancolie ceux avec qui j'avais eu l'incomparable fierté d'entrer en Alsace, à leur tête. Mais le chaud accueil du R.M.T me réconforta bien vite. Je regrettai de ne pas y retrouver le capitaine Pinhède que Guillebon - qui ne s'était pas trompé - venait de mettre à son 4ème Bureau.
Nous avions le P.C. dans l'unique salle d'un "bistrot" ; et commandant ou secrétaires, tout le monde était ensemble. Les Compagnies assez dispersées détachaient un ou deux agents de transmission au P.C. Si bien que la densité d'occupation du bureau était grande - et que l'on ne pouvait éviter d'entendre ce que disaient les uns et les autres.
Je m'aperçus bien vite que certaines de ces conversations n'étaient pas quelconques. Des jeunes, engagés à Paris, élèves de Centrale pour un ou deux, étudiants pour les autres mais tous anciens scouts, discutaient du service militaire en se référant à St Paul ! Et sans le moindre complexe admirent très bien que je mêle mon grain de sel à leurs échanges. Ni eux, ni moi ne pensions - et c'est normal on n'y pense jamais - que plusieurs d'entre eux avant que ce mois finisse, auraient donné leur vie pour que renaisse la France qu'ils rêvaient ...
Très vite il apparut que les Allemands n'étaient pas très offensifs dans le coin. Seul le pauvre Massu y avait laissé des plumes - lui qui, deux mois plus tôt, m'avait dit fièrement alors que je le cherchais près d'un oued où je croyais le trouver : "Je me tiens toujours sur les points hauts," avait mis dans un patelin - Achen - littéralement posé au fond d'un entonnoir, un détachement mixte II/R.M.T et 12ème R.C.A. que des Allemands, camouflés en G.I montant des Shermans, avaient complètement surpris, avant d'être détruits à leur tour ; non sans avoir fait prisonnier le capitaine Langlois du R.M.T. qui venu du Tchad ne s'attendait pas à cela. Malgré cet incident le moral resta élevé au G.T.L. comme je le constatai le lendemain en allant faire des reconnaissances de terrain en vue d'éventuelles contre-attaques. Et je me retrouvai dans des coins connus en 36 quand avec le 5ème R.T.M. nous édifiions des blockhaus de la ligne Maginot ! !
J'appris aussi que la crainte d'une offensive allemande dans cette région de Bitche venait de renseignements dus au 117ème Squadron Cavalry U.S. Or nous connaissions bien ce 117ème l'ayant eu pour voisin en Lorraine trois mois plus tôt, appliquant un dispositif très étalé en profondeur, sa fine pointe, deux Jeeps, était à 2 ou 3km de leur peloton de tête, lequel devançait de 3 ou 4 km le gros de l'Escadron qui lui même précédait le gros du Squadron de 5 à 10 km. Et comme Jeeps et Peloton de tête n'avaient les unes qu'un rôle de sonnette et l'autre un rôle de recueil, dès que les Jeeps voyaient ou croyaient voir des fritz s'avancer, toute la tête du 117ème effectuait un repli minimum de 5 à 7km et pour peu que l'Escadron emboîtât le pas, ce pouvait être 15km. Mais quand on ignorait cette méthode très particulière au 117ème, qui d'ailleurs, quand rien ne s'était passé, faisait place le lendemain à une avance équivalente, on pouvait croire à des événements graves !
Bref, nous passâmes deux semaines dans cette Alsace dite bossue et que l'on traite parfois de Sibérie ... Or comme cet hiver fut froid, nous nous gelâmes consciencieusement ; mais je n'avais pas perdu mon temps, j'avais eu le temps de voir un peu plus en détail les diverses Compagnies du Bataillon ; j'avais fait connaissance d'un Escadron du 12ème R.C.A commandé par un très sympathique capitaine, M. de Parcevaux, et j'avais découvert ces jeunes garçons de 18/19 ans qui n'avaient pas hésité, au contraire de tant d'autres, à lâcher des études, quitter leur famille pour "servir" tout simplement.
Moins par les cuisines comme jadis, que par le service auto, nous avions des échos de ce qui se passait dans cette plaine du Rhin que nous avions quittée le cur serré. Malgré leur courage, leur héroïsme, même les effectifs dérisoires qui nous avaient relevés au Sud de Strasbourg avaient été balayés et nous étions angoissés, dans la crainte que même Strasbourg ne pût résister. Aussi quand nous eûmes l'ordre de repasser les Vosges on n'eut pas besoin de le dire deux fois ! Malheureusement cette fois n'était plus l'autre, le Général eut beau dire et beau faire la D.B fut fractionnée. Le G.T.L et en particulier le sous-groupement Gribius parvint in extremis à débloquer le village de Kilstett qu'un Bataillon algérien du 7ème je crois, défendait contre l'acharnement des Allemands, dernier verrou avant Strasbourg. Le G.T.D. pour sa part fut engagé dans des opérations sans espoir, ses chars ne pouvant manuvrer dans les terrains fangeux où il fut engagé.
Pour notre compte, G.T.V, nous fûmes plus au Sud mis à la disposition du Corps d'Armée Montsabert - qui d'abord ne nous engagea pas - et j'eus alors, et pas seulement moi, une fausse joie. Le Général depuis le début de l'année était à Paris pour mettre sur pied un Corps d'Armée et il venait d'appeler Guillebon comme chef d'Etat-Major, celui-ci passa son commandement à Putz et me donna le Bataillon. Putz du coup ne pensait plus du tout à la 10ème D.I ... Hélas ! c'était trop beau et deux jours après ce fut Vézinet qui vint prendre le G.T.V, Putz reprit le Bataillon et moi ... l'attente !
Une attente dont on ne pensait pas alors qu'elle serait si brève. Vézinet un matin nous convoqua ; il s'agissait d'aider les fantassins de la 1ère D.F.L à s'assurer du Ried, à l'Est de Sélestat et c'est le sous-groupement H, commandé maintenant par Sarazac qui devait entamer l'action. Putz et Cantarel devaient se tenir prêts à pousser derrière - sur ordre.
Pas d'objectif lointain, rien que des sauts de puce de fantassins ; la négation de l'emploi de la cavalerie. Nous étions alors dans un joli village des derniers contreforts avant la plaine : Rosheim où le lieutenant Dehen, de la 9ème Compagnie, avait été hébergé par le curé à Noël 43, alors qu'il venait de s'évader de l'Oflag de représailles de Colditz (ou de Lübeck) !
Pour être plus près de notre futur théâtre d'intervention nous fîmes mouvement sur Sélestat où le sous-groupement fut cantonné à la tréfilerie et le colonel et moi nous eûmes une chambre dans une villa sur la route de Strasbourg, dont le propriétaire avait sur un mur de son salon le fanion d'une Compagnie de Chasseurs à pied que, incorporé dans l'armée allemande, il avait ramassé sur le champ de bataille, dans les Vosges en 1914 ... Nous prenions nos repas à la tréfilerie où le gardien était un ancien marin et avait un fils qu'il croyait sur un bateau F.N.F.L, sans nouvelle depuis 40 - et c'est ainsi que j'appris qu'il y avait toujours en Alsace un fort courant d'engagement pour la marine.
C'est à ce moment que, dans la nuit du 26 au 27 (Janvier 1945) à 03h 30 le lieutenant-colonel Putz est convoqué au P.C. du G.T.V. Il me laisse le soin de mettre le sous-groupement en alerte et de le diriger sur la sortie de Sélestat où la D.C.R. (circulation routière) nous orienta sur notre destination.
Le mouvement se fait au mieux ; au petit jour nous sommes quelque part à l'ouest de Jebsheim, neige partout sur cette plaine juste coupée de loin en loin par des haies. Avec surprise nous nous apercevons que là où nous nous sommes arrêtés, il y a eu des trous ébauchés dans la neige - et dans chaque trou, couvertures, outils, voire jumelles ou munitions, sont abandonnés - et l'on s'aperçoit que tout cela est américain.
Au passage nous avions trouvé des éléments du R..M.L.E. (Régiment de Marche de Légion) commandés par Boulanger - un de mes bazars, dans mon Bataillon autrefois au Maroc - un brave type, (
) Mais Putz me rejoignant, le mouvement reprit vers le pont détruit sur la Blind où passait le chemin d'accès au village de Grussenheim. Aucune manifestation allemande à notre approche, mais des explosions vers Jebsheim nous rappelaient à la réalité.
Très vite Putz me mit au courant : nous devions prendre Grussenheim pour élargir la tête de pont de Jebsheim et permettre de foncer sur le Rhin pour isoler les Allemands encore au Nord, jusqu'à Strasbourg.
Avant d'attaquer Grussenheim, un pont devait être jeté sur la Blind et pour protéger cette opération un Bataillon de la 13ème D.B.L.E. (1/2 Brigade de Légion) devait établir une tête de pont sur l'autre rive de la Blind qu'ils passeraient dans des canots pneumatiques. Le commandant de Sairigné, commandant ce Bataillon, arriva très vite ; il espérait que ses hommes, à pied, venant de Bergheim, seraient là vers 10h 30. En fait ils ne purent arriver qu'à midi, et c'est peu de dire que leur aspect nous serra le coeur.
On peut dire que ce Bataillon n'avait cessé de se battre depuis le débarquement, les Cies étaient réduites à 50/60 hommes (sur 150 !) dont près d'un tiers n'avaient que quelques semaines d'instruction. Ils paraissaient à la limite de la résistance et pourtant .....
Comme les canots promis tardaient à arriver, vers 15h une Compagnie entra dans l'eau glacée pour établir une protection du pont à jeter sur l'autre rive. C'est alors que les Allemands se révélèrent - il y en avait non seulement dans Grussenheim mais aussi dans les haies, les bouquets isolés dominant la rivière. Ce fut sporadique - et quand les canots arrivèrent enfin, une autre Compagnie de Légion, et la 12ème du R.M.T, commandée par le capitaine de Castellane passèrent aussi sur l'autre rive, sans autre opposition des Allemands que des coups de feu peu nourris. Cependant de temps à autre tombèrent des coups de mortier ; on repéra aussi un (ou plusieurs ?) Rhinocéros (canons automoteurs) très mobiles mais se contentant d'envoyer quelques coups par ci, par là, d'une position, puis d'une autre.
Et l'on attendait toujours le Brockway (pont de campagne se jetant d'un coup, en quelques minutes depuis un camion porteur muni d'un portique). Hélas, le camion était tombé en panne de terrain et ne pouvait s'en sortir. Il fallait donc renoncer à attaquer ce jour là. On espérait pouvoir le faire le lendemain après qu'aurait été construit dans la nuit un autre pont, un Bailey, cette fois, c'est à dire un pont s'assemblant un peu comme un mécano, ce qui demandait du temps et du personnel en plus grand nombre.
Dans la soirée vers 21h arriva le pont et la section du Génie chargée de son lancement. On prévint ces braves gens de ne pas se fier au calme absolu du moment, en face il y avait des fritz qui tiraient sur tout ce qui se découvrait.
Nos recommandations furent suivies pendant un bout de temps, mais le calme absolu incita ces malheureux sapeurs à quelques imprudences : un coup furtif de lampe électrique pour un assemblage délicat, puis un autre, puis plusieurs plus appuyés, et tout d'un coup, brutalement, de partout à l'horizon, mortiers, canons, automoteurs allemands concentrent leurs coups sur le pont ; il y a des obus éclairants - En un instant tous les gradés et la quasi totalité des sapeurs sont touchés. Sur la rive Est de la Blind, des fantassins allemands aux nerfs solides qui sont restés dissimulés, particulièrement au milieu de la 12ème Compagnie tirent dans le dos de nos hommes.
Il y a un commencement de panique, et il ne faudra rien moins que l'exemple de Castellane, impavide, debout sous le feu, allant de son pas tranquille de l'un à l'autre de ses jeunes F.F.I. pour leur donner confiance. Tous hélas n'avaient pas cette solidité et je dus mettre mon pistolet sous le nez d'un aumônier qui était venu avec les sapeurs et qui traumatisé arrivait en courant sur nous, hurlant "Nous sommes tournés, nous sommes trahis". Il fallut même aussi arrêter un lieutenant, un très brave type, mais qui n'avait pu résister à l'effroi d'être tiré dans le dos. C'est alors que médecins et ambulancières montrèrent tout le dévouement dont ils étaient capables - soignant, brancardant, évacuant - jusqu'à la limite de leurs forces et au delà - et en gardant le sourire ! Vers 23h tout était fini il n'était plus question du pont, j'avais insisté pour que Putz se reposât.
Il n'était plus le même, on eût dit qu'il avait un pressentiment. Je restai encore debout jusqu'aux environs de minuit, faisant les cent pas avec l'adjoint de Sairigné, le capitaine de Corta, neveu de l'autre ... une figure de la Légion d'entre les deux guerres.
Et puis tout semblant vraiment bien calme, je me roulai dans les couvertures, un peu abrité par un char dont une chenille avait enfoncé la route glacée et qu'on n'était pas parvenu à tirer de sa fâcheuse position. Heureusement il ne s'enfonça pas davantage, car je n'aurais probablement pas résisté à ses 32 tonnes !
Dans l'aube blafarde un jus bien chaud fut le bienvenu, et Putz m'invita à monter un instant dans une ambulance bien chauffée. C'est là que je pus signer quelques papiers apportés par le lieutenant Alacchi, notre officier de détails, puis on nous annonça un pont Brockway, qui fut lancé sans provoquer la moindre réaction allemande. Mais dès qu'on voulut l'utiliser un premier char fut touché alors qu'il était dessus, et un deuxième venu le tirer de ce mauvais pas, puis un gros Wrecker de dépannage, subirent le même sort malgré les astuces de l'aspirant de Baillencourt dit Courcol. Notre pont ne servait donc plus à rien - chars ni half-tracks ne pouvaient franchir la Blind, c'était notre attaque qui était remise en question.
Reprenant une idée que j'avais présentée la veille et qu'il avait déjà écartée parce qu'il la trouvait en opposition avec l'ordre de prendre Grussenheim par l'ouest, je suggérai à nouveau de profiter du pont du Moulin de Jebsheim tenu, à 2km au Sud, par la 5ème D.B pour passer nous déployer face au Nord et foncer alors vers Grussenheim.
Très ouvert en toute occasion à toutes les suggestions, Putz me surprit : assez vivement il me dit "mon Vieux, c'est encore moi qui commande pour l'instant, vous ferez tout ce que vous voudrez quand ce sera vous". Je ne pouvais insister, mais j'étais consterné à l'idée qu'il allait falloir attaquer à pied en traversant un glacis d'un blanc éclatant pendant près de 2km - combien arriveraient au bout ?
Quand Putz donna ses ordres il conclut : "pour faire plaisir au commandant Debray, un détachement de diversion, la CA3 du Capitaine Duault passera par le pont du Moulin de Jebsheim !"
L'attaque devait démarrer à 13h précédée d'une courte et brutale préparation d'artillerie, mise au point par le capitaine Thiollière, adjoint du commandant Tranié, commandant le groupe XI/64 (et peut être par Tranié lui-même, mais je crois qu'il ne nous rejoignit que dans la soirée). A midi trente tout était en place. Je devais commander l'ensemble : deux colonnes de fantassins, celle de gauche : Sairigné, celle de droite le capitaine de Witasse, commandant la 2ème Compagnie du 501, coiffant les 11ème et 12ème Compagnies du R.M.T..
L'un et l'autre, Sairigné comme Witasse, n'avaient plus à donner des preuves de leur bravoure, et comme moi ils devaient méditer sur notre mission ..... vers 12h 40 n'y tenant plus, sans avoir pu se concerter ils venaient me trouver pour me dire "ce n'est pas possible, personne n'arrivera à Grussenheim" et tous les trois nous allâmes trouver Putz que nous ébranlâmes. Mais sur ces entrefaites arriva le chef État-major du G.T.V., le commandant Puig, un artilleur colonial frais émoulu du cours d'E.M et, bien sûr, sans expérience du combat rapproché.
Putz se tourna vers lui pour lui faire part de nos objections qu'il balaya catégoriquement "La mission c'est la mission, ça n'a déjà que trop traîné". Il nous prévint cependant qu'on signalait vers Elsenheim une forte concentration de chars allemands qui probablement nous contre-attaqueraient, et pour y parer nous allions recevoir un Escadron de T.D. (Tank Destroyers) du 8ème Régiment de Chasseurs d'Afrique, commandé par le capitaine Perriquet qui d'ailleurs se présentait au moment où Sairigné, Witasse et moi, n'ayant plus rien à apprendre, saluions et repartions.
Ma Jeep n'avait pas parcouru 200m que ma radio grésillait "ici Maunoury (c'était l'officier de transmission du III/R.M.T.) le colonel Putz tué revenez tout de suite".
Je bondis pour trouver trois cadavres : un obus tombé en plein milieu de leur petit groupe avait tué Putz, Puig, Perriquet ... Je saluai et sans tarder suspendis l'attaque des fantassins tant de Sairigné que de Witasse.
Presque tout de suite un message de Duault rendait compte que, "sans coup férir, il était arrivé au carrefour Sud de Grussenheim". C'était capital et immédiatement je donnai l'ordre à la 11ème Compagnie de remonter sur ses half-tracks, à Witasse de les prendre sous ses ordres et avec ses chars de rejoindre Duault en passant par Jebsheim.
Pendant que ce mouvement se préparait, mais c'était forcément long, je cherchai à faire préciser par Duault s'il était parvenu au carrefour Sud de Grussenheim, c'est à dire à l'extérieur, ou au carrefour Sud, c'est à dire dans Grussenheim.
Malheureusement par suite d'une panne radio, Duault dès ce moment était muet. Mais Witasse par son chef de peloton, lieutenant Michard, qui était avec Duault, eut confirmation que le détachement avait bien pénétré dans Grussenheim.
Pendant tout ce temps et sans que j'y prisse bien garde le scout-car radio du G.T.V qui avait accompagné Puig, avait envoyé au P.C un message annonçant que nous avions atteint notre objectif.
C'est Guillebon, rentré de Paris, et reprenant son commandement qui reçut le message ; et suivant sa bonne habitude il sauta dans son command-car pour venir sur place. Il arriva rayonnant surpris de voir que je faisais pâle figure. En effet je venais de recevoir un message de Witasse demandant des instructions, car au moment où il débouchait de Jebsheim il se heurta au petit détachement Duault bousculé et rejeté de Grussenheim par blindés et fantassins allemands.
Il était près de 16h - sous peu ce serait la nuit - et déjà le jour tombait. Guillebon - et je lui en garde une grande reconnaissance - me dit "mon cher Debray, quelle que soit la décision si ça tombe juste vous n'en aurez pas forcément la gloire, mais si ça "foire" c'est bien à vous qu'on le reprochera, alors je vous laisse décider" - et il s'éloigna.
Ma réflexion fut brève, c'était tout le sous-groupement qui était à pied d'uvre et j'ordonnai à Witasse de poursuivre la mission "prendre Grussenheim" - ce qui fit dire à Guillebon, en me quittant "vous avez un sacré culot".
En fait j'eus raison.
Le Colonel Roblin qui commandait un sous-groupement de la 5ème D.B tenant le pont du Moulin de Jebsheim fit exécuter par ses chars un tir de fumigènes protégeant Witasse des coups que sur sa droite les Allemands en lisière de bois auraient pu lui porter. Et vers 16h 30 par l'artilleur Thiollière qui le sut par son D.L.O, je sus que la 11ème Compagnie était dans Grussenheim.
Dans la Jeep avec Thiollière, pour bénéficier de sa bonne liaison radio et pouvoir convenir avec lui, le cas échéant, des tirs à faire, je fonçai vers le village.
Il faisait nuit noire quand nous parvînmes au fameux carrefour au Sud dans le village - il faut bien dire que c'était assez pagailleux - comme toujours en pareil cas. Ça tiraillait un peu dans tous les azimuts et au centre du carrefour, le grand Bachy, le lieutenant commandant la 11ème, essayait de mettre de l'ordre. Je l'orientai vers un quartier, Castellane et sa 12ème vers un autre. Je leur fixai l'emplacement provisoire de mon P.C. et leur prescrivis de me tenir informé au fur et à mesure qu'ils auraient atteint les lisières extérieures et nettoyé les bâtiments des Allemands pouvant y être réfugiés.
C'est vers 19h qu'il me fut rendu compte que tout était fini, et que le Bataillon Sairigné lui aussi avait rejoint - d'ouest en est. Je réunis alors les divers commandants d'unité leur donnant à chacun, y compris à la section du Génie, un morceau de lisière à défendre et renforçant certains points d'appui d'un char ou d'un T.D puis avec les artilleurs nous mîmes au point un plan de feux et ... je changeai de P.C pour m'installer à peu près au centre du village dans le bâtiment qui paraissait le moins abîmé et assez vaste pour abriter mon P.C. et celui de l'artilleur. Vers minuit je reçus un capitaine du 5ème Chasseurs d'Afrique, envoyé, avec un char radio, par le colonel Roblin, soucieux d'avoir avec moi un poste à poste pour pouvoir plus vite et mieux m'aider en cas de besoin.
Roulés dans nos couvertures, à même le sol, notre entassement nous tenant chaud, nous dormîmes malgré les bruits extérieurs des camions ravitaillant toute la nuit les unités en carburant, vivres et munitions - avec en accompagnement, un ou deux obus fritz de temps en temps.
Brusquement, à 06h la cadence s'accéléra brutalement, me réveillant, et je secouai les autres prévoyant que ce devait être le signal d'une attaque. En effet presque aussitôt un, puis deux, puis tous les points d'appui, signalèrent qu'ils étaient tâtés - et bientôt ce fut l'attaque générale, et même l'assaut.
Vers 08h 30 le Colonel Roblin me fit savoir qu'il arrivait et déjà ses premiers éléments, l'Escadron de chars de St Germain, sa Compagnie d'Infanterie, venaient appuyer les nôtres que protégeaient admirablement, comme six semaines plus tôt à Witternheim, les feux des artilleurs. Outre son groupe, Tranié disposait des feux de sept groupes tant français qu'américains et il les appliqua avec sa maîtrise habituelle, au point qu'on entendit les fantassins, à la radio, crier leur admiration "bravo les artilleurs".
Les Allemands attaquaient avec la rage du désespoir - beaucoup tombaient quelques uns passaient - à la porte arrière de notre ferme - P.C. Nos chauffeurs et même les radios durent faire le coup de feu - et Castellane devait plus tard me montrer les Allemands tués à la baïonnette alors qu'ils escaladaient des appuis de fenêtre.
Cet acharnement rendit plus étonnant le silence qui d'un coup, à 10h 30 tomba comme une chape ...... les Allemands cessaient le combat : plus d'obus - plus de blindés - et dans les hangars à moins de 100m des lisières Est, 250 prisonniers furent ramassés qui un quart d'heure plus tôt donnaient l'assaut en hurlant.
Il me paraît probable que l'évacuation de leur poche vers Strasbourg terminée, les Allemands jugèrent inutile de continuer les frais.
Pour nous aussi le prix était élevé. Nous avions gagné, mais comment ne pas pleurer tous ceux tombés pendant ces trois jours - au R.M.T, au 501 et au XI/64, à la 13ème 1/2 de Sairigné et au sous-groupement Roblin de la 5ème D.B.
Vers midi la relève par le colonel Roblin était terminée et nous reprenions en sens inverse la route vers Sélestat. Au passage du Moulin de Jebsheim je fus touché d'être invité par le lieutenant-colonel Renaudeau d'Arc, de la 5ème D.B à me restaurer - touché surtout de ses compliments pour ce que nous avions réussi.
Désagréable surprise à Sélestat : la tréfilerie où nous avions nos quartiers avait, entre temps, été occupée par des commandos de la 1ère Armée, encore dotés de mulets ! Voyant l'état d'épuisement où nous avaient laissés ces 72h, ils nous proposèrent d'assurer la garde de nos véhicules par leurs gardes d'écurie - nous acceptâmes avec reconnaissance.
Après avoir signé les papiers, m'être assuré que chacun était casé, j'allai me coucher - et comme dans mon enfance je fis ... le tour du cadran ! !
Une mauvaise surprise m'attendait au réveil : les commandos avaient, dans la nuit, déménagé sans tambours ni trompettes ... emmenant une Jeep ... la mienne.
J'étais d'autant plus furieux que la veille je leur avais été reconnaissant de bien vouloir nous proposer de garder nos véhicules ! ! !. Les hommes étaient encore plus fous furieux que moi et mon officier mécanicien partit à la recherche - vaine, bien sûr - de ces forbans.
J'avais à peine fini de rédiger le compte rendu de ces trois jours que la porte s'ouvrait, et avant même que j'aie pu voir qui entrait, Leclerc, car c'était lui, me donnait une grande tape dans le dos, "Mon Vieux, c'est bien, c'est bien, dites-le à vos hommes".
Jamais je ne l'avais vu aussi familier - et après m'avoir questionné à fond il me dit "Vous prendrez le commandement du III/R.M.T.".
Rien ne pouvait me faire plus de plaisir - depuis cinq mois maintenant j'avais eu l'occasion d'avoir sous mes ordres toutes les Compagnies - j'avais toute confiance dans les capitaines comme dans les lieutenants et je crois que la réciproque était vraie.
Nous ne restâmes pas longtemps à Sélestat - et par Krautergersheim, où nous passâmes deux jours, nous gagnâmes Sand. Là le Bataillon était regroupé - je m'occupais essentiellement de sa remise à niveau, tant en personnel qu'en matériel, parfaitement aidé en cela par Florentin, le capitaine-adjoint, et par la bonne volonté de tous.
J'étais en plein dans les états de pertes, les demandes de re complètement, quand, un Dimanche matin, Guillebon arriva à mon P.C et souhaita me voir en particulier - et tout de suite, comme pour se libérer d'une corvée, il me dit "Vous savez que je dois remplacer Puig. Parmi les noms que me propose le Général aucun ne me convient. C'est vous que je lui ai demandé, mais en raison de la promesse qu'il vous a faite il n'acceptera que si vous ne voyez personne à me proposer".
J'étais interloqué et ne pus que répondre "Mon Colonel si vous n'avez trouvé personne, vous qui connaissez tout le monde, comment voulez vous que moi je puisse trouver ?"
"Non, non, répondit Guillebon, ne jetez pas le manche après la cognée, rendez moi réponse dans la journée".
"Inutile, mon Colonel, mieux vaut trancher dans le vif, j'accepte".
"Bon, me dit Guillebon, nous allons partir à l'arrière dans la région de Metz - je n'aurai pas besoin de vous tout de suite, prenez donc quelques jours de permission".
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C'est probablement à ce moment là que nous passâmes une journée à Paris visitant entre autres, sur les Champs Élysées, une exposition organisée par la D.B et où nous eûmes l'émotion de voir mon nom sur une des flèches qui le 23 Novembre convergèrent sur Strasbourg ...
Je rejoignis le G.T.V. et pris mes fonctions de Chef État-major, en Lorraine, pour un repos auquel tout le monde aspirait sans bien voir que cela risquait de nous priver de l'hallali final.
Je profitai de ce stationnement pour aller faire un tour à Metz, notre ancien appartement était occupé par les Américains ; il y avait à la porte, servant de poubelle, ce qui avait été une superbe malle "Innovation" cadeau de mariage, offert par les internes de mon beau-père : Lenègre, Soulié, Poumeau de l'Ile ...
J'allai aussi à Remilly voir les Lorraines chez qui je logeais lorsque me fut annoncé le 22 Octobre 39 vers 23h la mort de notre petit Hubert. Je retrouvai ces braves femmes, la mère et la fille, qui me dirent les vexations endurées pendant ces quatre ans et demi .......
C'est à ce moment qu'eut lieu une prise d'armes à l'occasion de la remise de la Rosette de la Légion d'Honneur au Général Haislip, commandant la 15ème C.A. U.S. Au cours du défilé qui suivit, l'aide pilote d'une automitrailleuse des Spahis émergeait de son trou avec une caméra pour filmer les officiels en passant devant eux. J'étais juste en arrière et à gauche d'Haislip, lui-même à gauche du Général Leclerc je vis celui-ci crisper les mâchoires et agiter sa canne en apercevant le Spahi cinéaste - mais Haislip qui s'en aperçut avec un petit temps de retard, s'esclaffa très fort ce qui détendit Leclerc - et évita probablement quelques ennuis au Spahi !
Vers le 15/20 (Mars 1945) toute la D.B fit mouvement, les chenillés par voie ferrée, les roues par la route. En trois ou quatre étapes nous rejoignîmes la région autour de Châteauroux, P.C de la D.B ; notre P.C du G.T.V se voyant attribuer Vatan comme cantonnement.
Le lieutenant-colonel de Guillebon et moi étions logés dans une grande maison proche de Église, les bureaux de l'E.M. étaient dans une maison depuis longtemps fermée appartenant à la famille de Lesseps.
Après quelques jours de détente, les bienvenus, favorisés par un temps ensoleillé exceptionnel pour l'époque, on commença à se demander si on allait nous oublier. C'est surtout après que les Américains, à Remagen, puis la 1ère Armée près de Gemersheim eurent franchi le Rhin, que notre impatience s'exaspéra.
Elle fut à son comble lorsque la Division, sauf notre Groupement, fut envoyée dans l'Ouest pour réduire la poche de Royan. Le Général lui-même n'y était allé que contraint et forcé.
Pour nous, nous avions au moins l'espoir que dès que nous y serions autorisés nous pourrions plus vite que ceux de Royan sauter au-delà du Rhin - mais les jours passaient ...
Enfin le 22 Avril l'ordre de mouvement arriva. Jamais préparatifs furent plus rapidement faits. Nos chars par voie ferrée toujours, débarquèrent vers Strasbourg. Nous franchîmes le Rhin dans le Palatinat à Frankenthal - et dès ce moment on comprit que notre problème essentiel allait être de trouver de l'essence - une hantise.
Nous étions en effet très en l'air, ni rattachés à la 1ère Armée, ni aux Américains. C'est seulement le 29 Avril que nous fûmes rattachés à la 12ème D.B U.S du Général O' Donnel.
Nous avions franchi le Danube, encore bien maigrichon, à Donaueschingen, et nous pensions à 1805 ! Nous avions couché dans le château des Princes de Thür et Taxis - et Guillebon avait été très déçu de découvrir que c'était d'anciens maîtres de poste, anoblis d'assez fraîche date !
Le 2 Mai au soir, après une étape de 400kms, nos Spahis, (le 3ème Escadron - Capitaine Da) nous rejoignent. Artilleurs, Marins, Sapeurs, foncent eux aussi, et en attendant les matériels, les E.M. rejoignent. Un créneau s'ouvre, entre la 12ème D.B et la 4ème D.I.U.S. Nous espérons en profiter - mais pour le 3, l'ordre est de ne pas dépasser l'Inn.
Ce jour là l'hiver a un rude sursaut - nous progressons dans la tempête de neige ; cependant en avance sur notre horaire, nous faisons vers 08h une pause café - l'eau bout quand le chef du "message center", Tournebize ou Millilesi, arrive fébrile : le papier jaune qu'il me tend indique : Nouvel objectif Berchtesgaden ...
Le café est oublié. Je fonce en Jeep pour rattraper et aiguiller sur le nouvel objectif nos Spahis. Ils ont eu heureusement la même idée que nous et je les trouve arrêtés juste au carrefour d'où part le nouvel itinéraire, c'est un coup de pot. Et comme nous tout à l'heure, ils oublient leur "jus" et démarrent en trombe sur Berchtesgaden via Inzell.
Le gros du G.T. est retardé car il faut remettre dans la nouvelle direction les sous-groupements dont l'un, D est engagé, et les autres sur des petites routes alpestres.
En outre une série d'incidents - et accidents - retardent l'arrivée des ordres autorisant l'emprunt de l'autoroute. En fait ce n'est pas trop grave car une large brèche sur cette autoroute provoque le plus gigantesque embouteillage que j'aie jamais vu. Les U.S ont bien mis en place un "by pass", mais faire dégager par un mince boyau en tous terrains quatre voies d'autoroute où s'entassent plusieurs milliers de véhicules, il y faut du temps. Et malgré son impatience le lieutenant-colonel de Guillebon se range à ce que je lui dis après avoir fait une reconnaissance par moi-même, et nous ne repartirons que le 4 à l'aube - exception faite des Spahis qui depuis 15h 30 ont atteint Inzell mais ne peuvent franchir le défilé, facilement et fortement tenu par les Allemands - le sous-groupement Sarazac les rejoindra dans la nuit.
Le 4 au matin Sarazac attaque mais sera bloqué. Delepierre accroché la veille fera au passage, un crochet par l'Autriche. C'est Barboteu qui ira au plus court et qui, grâce à un pont rétabli par des U.S, pourra malgré l'obstruction de ceux-ci parvenir en fin d'après-midi à Berchtesgaden où Guillebon le rejoint bientôt et m'appelle à Bad-Reichnall où je m'installai dans le P.C encore chaud du maréchal Kesselring.
Je ne me le fais pas répéter deux fois et à tombeau ouvert je fonce vers Berchtesgaden. C'est dans un hôtel au bord de l'oued que je trouve Guillebon. Nous nous regardons .... un peu éberlués, tout de même ; nous avons besoin de nous pincer pour être sûrs de ne pas rêver ... Chez Hitler ...... ça me venge du dépôt d'essence que ces chleus avaient installé à Beauvais chez mon Père ! !
C'est alors que passe Touyeras, un capitaine du XI/64 d'Artillerie, il nous lance : "vous n'êtes pas chez Hitler ici - j'y vais" - et il file dans sa Jeep.
Quelques instants plus tard il nous lance son message "Suis seul chez Hitler, m'y ennuie, envoyez camarades" ...
Ce n'est pas facile, car il est toujours bien difficile de tromper la surveillance des U.S au pont qu'ils ont rétabli - et dans l'immédiat c'est une Section de la 12ème Compagnie qui est poussée sur le Berghof. Ce sont des F.F.I parisiens commandés par le sous-lieutenant Messiah - un israélite, ô Hitler !
Dans la nuit le reste de la 12ème Compagnie, avec son capitaine M,. de Castellane ira occuper le Berghof.
Le 5 les Spahis ainsi qu'une Section de la 9ème Compagnie emmenée par le Capitaine Dehen, débordent à pied, par les crêtes, le défilé qui les arrête depuis 48h et parviennent en fin de journée eux aussi à Berchtesgaden.
Le Maréchal Kesselring signalé dans la région est recherché sans succès.
Les prisonniers affluent - cependant quelques uns font encore le coup de feu, et nous aurons notre dernier tué : le sous-lieutenant Peters, commandant la Section de reconnaissance du III/R.M.T .......
Le soir de notre arrivée quelques chauffeurs de l'E.M firent des fouilles et nous amenèrent un "suspect" soi-disant belge et se disant cuisinier de Goering - pas moins. Pensant mieux nous convaincre il offrit à ses gardes de les conduire à la réserve de porto de son maître et on nous apporta un grand panier à linge plein de bouteilles - nous en bûmes une avec plaisir et ayant recommandé aux cuisinier et serveurs de faire bien attention, nous allâmes enfin dormir - mais au réveil il n'y avait plus ni bouteilles, ni porto !
On commença aussi à voir défiler tous les autres petits camarades arrivant de Royan - qui ignorant les ordres de stationnement qu'ils avaient reçus, voulaient venir à Berchtesgaden. Du moins surent-ils vider les réserves du Berghof.
Servitudes du chef d'E.M, je ne pus y monter que le 6 ou le 7, et Castellane me dit sa stupéfaction à découvrir les fabuleuses réserves remplissant des caves soigneusement compartimentées.
Tous les vins d'Europe : France - Italie - Hongrie - étaient là par milliers de bouteilles. D'autres caves contenaient tous les produits ménagers possibles, l'une par exemple était pleine de balais de paille de riz !.
Les bâtiments étaient très abîmés. Plus solide que les autres probablement, la maison de Hitler paraissait à peu près intacte mais basculée, un peu comme la tour de Pise. Les maisons des séides, Goering et autres, étaient elles, très abîmées.
En arrivant dans la maison de Goering je croisai mon fidèle chauffeur tout content d'avoir trouvé un service à thé en argent. Ayant fait dans la matinée une note de service pour interdire ces petites prises de souvenir, je le lui dis, et il s'exécuta !
Aussi quand dans les décombres de ce qui avait été la cuisine, je dégageai un livre avec une magnifique reliure bleue pleine peau romantique je le reposai sur une corniche, non sans avoir vu que, en fait de livre précieux, elle ne recouvrait que le ... livre de comptes quotidiens, sur mauvais papier ! de la cuisinière.
Dans ce qui avait dû être une antichambre était encore accroché, mais déchiré par l'écroulement du plafond, un magnifique manteau de daim marron dont l'ampleur était bien à la taille de Göring.
Cette fois je me sentais vengé de cette humiliation subie à Mailly en 40 où nos geôliers nous distribuaient les journaux soi-disant français de la collaboration et où en première page du "Matin" étaient photographiés deux soldats allemands qui du haut de Montmartre contemplaient Paris, "ville conquise" !
Nous ne restâmes pas longtemps à Berchtesgaden. Les bons Américains étaient furieux que nous fussions montés avant eux chez Hitler. Ils voulurent même en expulser Barboteu manu militari ! mais justement Leclerc était là et ça n'alla pas plus loin.
Quelques jours plus tard, toute la D.B était regroupée au bord de lacs bavarois - non sans avoir fait quelques trouvailles importantes à Berchtesgaden - en découvrant le train de Göring dans un tunnel. J'en fus averti par le sous-officier chargé du ravitaillement en munitions du III/R.M.T qui bafouillait tant il était ému, en voulant me faire comprendre la valeur de butins de toute sorte contenus dans ce train ; et comme je lui paraissais peu convaincu de sa compétence à en juger, il sortit d'un gros portefeuille un immense parchemin de 60x40 environ, couvert de caractères gothiques, mais en latin je crois me rappeler : son diplôme de "Docteur ès art et lettres" de l'Université de Heidelberg.
Pour éviter le pillage, ou au moins le faire cesser, je fis mettre une garde au tunnel - et n'ayant plus besoin de munitions on en vida les G.M.C, où on emmagasina les richesses pillées par Göring - je pense qu'elles furent récupérées par les Américains qui surveillaient de très près tous les mouvements de véhicules vers la France.
Il y eut cependant quelques pièces, d'ordre militaire, qui furent envoyées au Musée de l'Armée - j'eus ainsi entre les mains un grand atlas d'au moins 50x40 relié pleine peau, portant en dédicace "Au Grand Maréchal du Reich, Hermann Göring, l'ami de toujours, des bons et mauvais jours, son ami", signé : Adolf Hitler.
Chaque page de cet atlas était une carte de France, avec le stationnement de toutes les Divisions : leurs P.C, ceux des Corps d'Armée depuis le 3 Septembre 39 du côté franco-anglais.
Me rappelant les pérégrinations de ma division, la 42ème en 39 et 40, je pus vérifier que les services de renseignements allemands n'ignoraient rien de nos mouvements - et d'ailleurs je me rappelais qu'en Avril 40, le traître Perdonnet avait 24h à l'avance, annoncé que la 42ème Division, au repos autour de Pont à Mousson - allait remonter en ligne !
Sur les bords de notre lac nous occupions une grande propriété où ne restait qu'une vieille institutrice parlant parfaitement français, trop polie pour être honnête, qui voulait savoir si je n'avais pas quelques liens avec un homme politique bavarois du XIXème Mr de Bray !!.
De Berchtesgaden j'étais un jour allé à Salzbourg, emmenant avec moi Louis Baratchart, 18 ans, qui s'était engagé quand nous étions à Luneville, pour remplacer son frère tué dans les rangs du 501. Je n'avais pas encore récupéré toutes les heures de sommeil perdues entre Vatan et Berchtesgaden et sentant que je m'endormais sur cette autoroute où j'étais absolument seul, je préférai m'arrêter et donnai le volant à Louis et m'endormis aussitôt. Pas longtemps, car très vite j'eus la désagréable sensation d'être en bateau ; j'ouvris un oeil et vis que nous allions d'un bord à l'autre de la chaussée. Je fis arrêter mon chauffeur improvisé et lui dis "as-tu déjà conduit ?" - "jamais mon Commandant" fut sa réponse. Ouf ! j'étais réveillé - nous pûmes voir Salzbourg et en revenir sans autre incident !.
Les joies de la victoire savourées, les plaisirs de l'occupation épuisés, nos gens, tous ou presque engagés pour la durée de la guerre, n'aspiraient qu'à rentrer chez eux. Il fallait d'abord que nous rentrions en France ; mais d'abord il y eut la revue passée par le Général de Gaulle à Kloster-Lechfeld, sur le terrain d'aviation. (C'est dans la ville voisine apprenions-nous que Hitler avait été emprisonné, profitant de cet isolement pour écrire "Mein Kampf".)
Dès que cette revue devant le Général de Gaulle fût annoncée, ce fut partout la fièvre. Des ordres sévères limitaient la composition des unités aux véhicules de combat. Mais aucun des équipages de tous ces camions ou engins de servitude, plus souvent à la peine obscure qu'aux honneurs, ne l'entendait de cette oreille.
Et dès, et même avant l'aube, par tous les itinéraires menant au terrain de la revue, tous les véhicules en état de marche sans exception, contournant au besoin les barrages, confluaient vers l'emplacement de la revue.
Ce fut assez extraordinaire de voir ensuite défiler toute une Division Blindée au complet. Il ne manquait pas une Jeep, pas un G.M.C, pas un discovery ni un camion atelier. Il y avait même du "rabe" ! !.
Défilant, je n'aurais pas vu grand-chose mais décoré, je fus spectateur et 41 ans après je reste émerveillé d'avoir vu cette parade sans pareille.
J'avais en effet été très surpris, la veille au soir, quand le capitaine Ratard, chef du 1er Bureau du G.T.V, me dit que le lieutenant-colonel de Guillebon me proposait pour être le lendemain décoré de la Rosette par de Gaulle. En même temps que moi, Guillebon et le capitaine de Castellane reçurent la cravate. Et de fait il y eut de nombreux gens du G.T.V parmi les récipiendaires. Ce qui suscita des murmures dans les autres G.T trouvant que Berchtesgaden avait été bien payé ! En fait, dans mon cas, par exemple, c'est pour Grussenheim que j'étais cité et il en allait de même pour Castellane.
Quelques jours plus tard nous rentrions en France - de nombreuses V.L. de récupération se camouflaient dans les colonnes et les M.P. U.S. y faisaient la chasse. Dronne réussit à faire passer deux puissantes Mercedes blindées, prises chez Hitler : une destinée au Général de Gaulle, qui arriva à destination ; l'autre, il voulait absolument l'offrir à M. Pleven, pour qui il avait beaucoup d'admiration. Je ne sais ce qu'il en advint !
Nous nous retrouvâmes, la Division ayant son P.C à Bourron-Marlotte, près de Fontainebleau, dans cette région à cheval sur la Seine et Marne et le Nord de l'Yonne.
Et c'est dans l'Yonne, à Villeneuve la Guyard au Nord de Sens, que s'établit le P.C du G.T.V.
Très vite il y eut des démobilisations, très peu compensées par des incorporations, si bien que les unités furent vite exsangues et quand, à l'automne, il faudra gagner les nouvelles "garnisons" les quelques sous-officiers ou officiers de carrière durent embarquer chacun plusieurs chars, faute de conducteurs assez nombreux.
Il y eut aussi la formation du groupement partant en Indochine, avec Massu - et entrant dans un ensemble plus vaste que devait commander le Général Leclerc. Celui-ci prit Guillebon comme Chef d'état-major. Je lui demandai de partir avec lui, il refusa me disant que j'avais mieux à faire à m'occuper de mes enfants ! ! et j'avoue que venant de lui cela me fit plaisir.
C'est le Colonel Remy, commandant jusque là du 1er R.M.S.M qui prit le commandement du G.T.V ; bientôt un chef d'Escadron rentrant de captivité fut affecté. Je n'avais plus rien d'intéressant à faire, et après les adieux que le Général nous fit à Fontainebleau le 22 Juin - et où il passa le commandement à Dio, je quittai l'E.M. du G.T ......
Fantassin métropolitain, en ce temps là, j'étais seul de mon espèce dans cette Division où les fantassins étaient coloniaux, ayant encore alors une direction d'armes particulière.
Par ailleurs je me sentais tout à fait "blindé", donc cavalier, ma vieille ambition ! et je fis une demande de changement d'armes.
En attendant pour m'initier à la technique et d'abord à la conduite des chars, je demandais au lieutenant-colonel Delepierre, commandant le 501, de me prendre comme stagiaire. Il accepta, et à son tour le capitaine de Witasse, commandant la 2ème Compagnie, me reçut. Et c'est ainsi que je transportai mes pénates à Villeblevin, son cantonnement. Sous la direction du maréchal des logis Beaufils, je fis mon école de conduite sur le char Iéna .
L'école de conduite ne pouvait durer éternellement, il me fallait trouver un point de chute - je m'en ouvris à Dio et à Fieschi, le chef d'E.M et aussi camarade de promo ; et ils me prirent à l'E.M. pour y rédiger les enseignements de la campagne. Cela me mit en prise avec le 3ème Bureau dont le chef était alors le capitaine d'Alençon, extrêmement coopératif.
Je rédigeai un questionnaire le plus vite possible - car il importait qu'il parvînt au maximum de gens avant qu'ils aient été ou démobilisés, ou mutés. Les réponses parvinrent assez vite, nombreuses, très nombreuses même - j'allais avoir du travail pendant tout l'hiver !.
Je m'installai donc à Bourron-Marlotte, dans la splendide villa de Chiappe, ancien préfet de police, beau-père de Carbuccia (de "Gringoire", hebdomadaire pro-fasciste avant 39) et au moins soupçonnés de collaboration !
C'est à Bourron qu'un matin je croisai un command-car qui s'arrêta pile et d'où sauta mon vieil ami Tranié, qui venait de prendre le commandement de l'Artillerie de la Division après avoir commandé celle du G.T.V. pendant toute la campagne. M'annonçant, ce que j'ignorais, l'explosion de la bombe d'Hiroshima, il me dit avec une solennité qui me frappa : "C'est aussi important que la découverte du feu".
La fin de l'été, l'automne, préparaient l'envoi des diverses unités dans des garnisons souvent étonnantes. Ainsi le III/R.M.T. était envoyé à Mayenne ; le pauvre Barboteu, autre camarade de promo, qui le commandait ne put le supporter - "Tu comprends, me dit-il, Brest, Rochefort, Cherbourg, oui, ce sont des garnisons de coloniale - mais Mayenne - jamais il n'y a eu de coloniale à Mayenne - j'aime mieux partir".
Quant au P.C. de la D.B c'est à St Germain en Laye qu'il se fixa. Il y occupait, pour les bureaux de l'E.M, l'ancien établissement hippique de transition, choisi par Dio parce qu'il y avait des écuries et un petit manège.
Avec beaucoup de chance je découvris une villa que venaient de lâcher les Américains. (
)
Quant à moi je m'étais remis à cheval après 6 ans d'interruption. La Section équestre de École de Guerre avait une vingtaine de chevaux à l'Établissement hippique - l'écuyer était alors St Quentin, vieux camarade de Rouvillois, et je montais successivement deux chevaux, Pernot et Sirius. Ce furent aussi les débuts de Michel et de Georges, avec le brave adjudant Berthelot.
À senlis, 1966/1973 Pierre DEBRAY
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A propos des G.T ou Groupes Tactiques :
GTD = DIO
GTL = LANGLADE
GTV = initialement, GT Warabrot, du nom du Colonel Cdt le 501 REC en Normandie, puis remplacé par Billote, puis par le Lt-Colonel de Guillebon dans les Vosges. Temporairement le Colonel Vézinet a remplacé Guillebon, en mission à Paris, lors de l'affaire de Grussenheim pendant quelques jours vers le 28/01/1945. (Colonel Dehen)
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Le 25 Janvier 1995, le colonel Debray mourait ; il allait rejoindre son épouse dont pas un instant depuis le 27 Septembre 1992, la pensée ne l'avait quitté.
C'est le Général de Boissieu qui m'a permis d'avoir ce document Les pages 5 et 6 manquaient, je les ai demandées à Pau, et elles me sont parvenues en Avril.
Ma première idée était de le photocopier, mais .... envoyé par fax, la photocopie n'en est vraiment pas bonne. Didier a fait faire une copie du document, que j'ai vérifiée et corrigée. Ceci est donc une copie.
Dossier 68.3237
Arme Modèle 322/24
ou A.B.O. ÉTAT DES SERVICES Format 21x27
Service
Cadre : 22ème D.M.
NOM : DEBRAY
Prénoms : Pierre, Alfred, Georges, Joseph
Né le 15 Octobre 1907, à Charenton le Pont (Seine)
N0 d'identification : 1/07/10/75/018/000
N0 d'immatriculation au recrutement : 27 601 01146
Marié le 9/10/1933 à Melle FLANDIN Violette alors domicilié à Paris
Autorisation donnée le , par le Général cdt sup. T. M. N° 3 932
Indication des services,affectations ou positions diverses
1
Grades
successivement
obtenus
2
Datescorrespondant à chacunedes inscriptionsdes colonnes 1 et 23
Observationsou indication des décisionsde référence
4
Engagé volontaire pour 8 ans à la Mairie de Beauvais au titre de l'Ecole spéciale Mre de St-Cyr le
..
A été compris sur la première partie de la liste de recrutement de la classe 1927, de la subd. .de Beauvais dans le canton de Beauvais N° 1146 au registre de recrutement.
Admis comme élève à l'Ecole Spéciale Militaire à la suite du concours de 1926 avec le N° 178 sur 323 élèves reçus.
Incorporé le 5/10/1926. Arrivé à l'Ecole et élève Officier le .......................
Nommé sous-lieutenant le ....................
Affecté au 97ème Rgt d'Inf. par décret du 18 Septembre 1928 (JO. Du 25 Sept. 1928).
RdC de l'Ecole le .....................................
Arrivé au corps de l'Armée du Rhin 2ème Cie le ..................................................
Dirigé avec son unité sur Autun le .....
Franchit la frontière le ..................
Affecté au 13ème Rgt d'Inf le ........par suite de la dissolution du 97ème R.I.(D.M. N° 7179 PO/I du 27/5/30)
Nommé lieutenant pour prendre rang au (JO du 23/9/1930)
E.O
S/Lieutenant
"
"
"
"
"
Lieutenant
3/10/1926
6/10/1926
1/10/1928
1/10/1928
1/10/1928
27/5/1930
28/5/1930
16/6/1930
1/10/1930
Indication des services,affectations ou positions diverses
1
Grades
successivement
obtenus
2
Datescorrespondant à chacunedes inscriptionsdes colonnes 1 et 23
Observationsou indication des décisionsde référence
4
Mis à la disposition du Gal Cdt Sup des troupes du Maroc et affecté au 1er Régiment Étranger d'Infanterie (dépôt de SIDI BEL ABBES) (service) où il effectuera un stage de 3 mois à l'issue duquel il sera dirigé sur le Maroc, conformément à l'instruction 2175 I/II du 2/3/31 BOPSPp.184 (JO du 1er Sept 1931, RdC du corps le .............................
Embarqué à Marseille le .................
Débarqué à Oran le ............................
Arrivé au 1er Rgt Etranger et affecté à la C.I.2. Affecté au 3ème Rgt Etranger par Dion 332 PO du Gal C.S.T.M. du 19/1/1932.
Dirigé sur OUDJDA et passe la frontière Algéro-Marocaine. RdC du 1er Rgt Etranger le ............................................
Arrivé au corps à la CM1 le ...............
Affectation au 3ème R.T. notifiée par D.M. du 7/4/32 (JO du 10/4/1932)
Rejoint la Cie de Mitrailleuse le ......
Quitte FEZ avec le 1er Btn le ..........
Franchit la zone de campagne double le 10/11/1933Autorisé à prolonger son séjour au Maroc de 4 mois après 2 ans 6 mois à/C du................
par Dion N° 6332 P/O en date du 6/11/33 du Gal Cdt Sup. des T.M.
Assure le commandement provisoire de la C.M.I.
Cesse d'assurer le commandement prov. de la C.M.I le ......................................
Par Dion N° 3198 P/O en date du 28/5/1934 du Gal Cdt Sup des T.M. l'autorisation de prolongation de séjour de 4 mois accordée le .................................sous le N° 6332 P/O est annulée.
Affecté au 5ème Rgt de T.M. (service) par D.M. du 23/8/1934 (JO du 25/8/34) pour compter du ........................
Rapatriable pour fin de séjour RdC du corps le ....................................................
Embarqué à CASABLANCA le ..........
Débarqué à MARSEILLE le .............
Titulaire d'un congé de fin de campagne de 1 mois et 24 jours.
Lieutenant
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
21/11/1931
21/11/1931
23/11/1931
9/3/1932
9/3/1932
30/3/1932
03/4/1933
25/8/1934
26/11/1933
6/11/1933
16/9/1934
16/9/1934
16/9/1934
19/9/1934
Indication des services,affectations ou positions diverses
1
Grades
successivement
obtenus
2
Datescorrespondant à chacunedes inscriptionsdes colonnes 1 et 23
Observationsou indication des décisionsde référence
4
Détaché à la C.M.I. comme Cdt de Cie du 16/6 au 4/8/35. Inscrit au tableau d'avancement pour le grade de Capitaine avec le N° 77 année 1937 (JO du 28/12/1936). Par D.M. du 21/5/37 (JO du 25/5/37) Muté au 80ème Rgt d'Inf sera maintenu à promotion (service) RdC du .... R.T.M le ......................
Promu au grade de Capitaine (choix) pour prendre rang du ................................décret du 20/6/37 (JO du 25/6/37)
Maintenu au 80 RI Prend le commandement de la 1ère à/c du .............
Classé à l'E.M. particulier de l'Infanterie État-major de l'Infanterie de la 42ème D.I.
Rejoindra à l'expiration de son temps le commandement D.M. 03461 I/EMA du ?/5/1939, RdC le ......................
Aux Armées Mobil. Gén. Le ..............
Affecté au 94ème R.I. par note 7107 le ....
RdC de l'I.D. le ....................................
Rejoint le 94ème R.I. (5ème Cie) le .....
Fait prisonnier le ...............................TONNERRE (Yonne) oflag XI A
Rapatrié sanitaire le ...........................Hospitalisé à BEGIN du 20/10 au ...Convalescence du 1/11 au ..................Hospitalisé à BEGIN du 1/12 au .......Convalescence du 13/12/43 au .........Hospitalisé à BEGIN du 01/2 au ......
En congé de convalescence renouvelable à/c du ................................à AVALLON, 40 rue de la Porte auxerroise
Promu au grade de Chef de Btn à T.C. pour prendre rang du ..........................Arrêté du 5 Mars 1944. Nomination confirmée par notification de promotion N° 15001 -A/I du 19/5/44 (arrêté du 10/5/44 p/c du 5 Mars 44).
Réintégré par arrêté du 10/4/45, J.O. du 12/4/45 et maintenu dans son affectation actuelle. Nouvelle prise de rang dans le grade de Chef de Btn fixée au 25/6/1944. Rejoint la 2ème Division Blindée le 28/8/1944 à PARIS et affecté en surnombre à l'E.M. du groupement tactique V à/c du ..............
"
Capitaine
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
Chef de Btn TC
Chef de Btn
25/6/1937
25/6/1937
26/6/1937
25/6/1939
2/9/1939
16/1/1940
1/1/1940
17/1/1940
17/6/1940
20/10/1943
31/10/1943
30/11/1943
12/12/1943
31/1/1944
11/2/1944
12/2/1944
25/3/1944
28/8/1944
Indication des services,affectations ou positions diverses
1
Grades
successivement
obtenus
2
Datescorrespondant à chacunedes inscriptionsdes colonnes 1 et 23
Observationsou indication des décisionsde référence
4
A participé à la campagne des Vosges-Moselle du 9 Sept 44 au 21 Novembre 1944
Affecté au 3ème Btn du Rgt de Marche du Tchad par AM N°1261/I/M du 14/10/44 de la 2ème DB et adjoint du Cdt du Btn 2
A Participé à la campagne d'Alsace du 22/11/1944 au 28/2/1945. Affecté à l'E.M. du groupement tactique V pour y prendre les fonctions de Chef d'E.M. par A.M. N° 227/I/N du 19/2/45
Quitte la zone des Armées le ........
Rentre dans la zone de l'intérieur le dit jour. La 2ème DB fait mouvement par route à destination de CHATEAUROUX le .............
Arrive à VATAN (Indre) le .......
Fait mouvement avec son unité à destination du front de l'Est. Quitte la zone intérieure le .....................................et entre dans la zone des Armées le dit jour.
Franchit la frontière allemande, participe à la campagne d'Allemagne.
La 2ème DB fait mouvement vers la France le....................................................
Franchit la frontière allemande le........et passe dans la zone de l'intérieur le dit jour.
La 2ème DB stationne dans la région parisienne à/c du ......................
Cantonne avec son unité à VILLENEUVE LA GUYARD le dit jour.
Affecté à la Cie de QG le ..........par AM N° 1384 I/M du Colonel Cdt la 2ème DB en date du ................................
Affecté à l'E.M du groupement d'Infanterie N° 21 en qualité de Chef d'EM par AM N° 20241 EMA/EM du 31/12/47
Embarqué à MARSEILLE le.............
Débarqué à TUNIS le ....................
Admis au Centre des Hautes Etudes Administratives en qualité d'auditeur (liste du 28/1/1950) JO.R.F. N° 26 du 10/1/1950 page 411 et T.O. 26 517 PM/2E du 22/2/1950)
Embarqué à TUNIS le ..............par avion D.M 1135 EMFA/GI/O/15 du 26/1/50. L'État-major du GI 21 est dissous.
Remis à la disposition du Gal C.S.T.T à/c du ..............................................
AM 9293/CH/PM du 7/3/50 du C.S.T.T.
chef de Btn
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"
1/3/1945
1/3/1945
3/3/1945
25/4/1945
26/5/1945
28/5/1945
31/5/1945
22/8/1945
22/8/1945
7/2/1948
9/2/1948
1//3/1950
1/3/1950
Indication des services,affectations ou positions diverses
1
Grades
successivement
obtenus
2
Datescorrespondant à chacunedes inscriptionsdes colonnes 1 et 23
Observationsou indication des décisionsde référence
4
Inscrit au T.A. année 1951 pour le grade de lieutenant-colonel Inf. avec n°40 - J.O.R.F du 23.2.50 page 13 098 par arrêté en date du 12 juin 1951 (J.O.R.F. en date du 16 juin 1951, page 6304 de l'Infanterie). Passe à l'armé de l'A.B.C. avec son grade et son ancienneté de grade.
Promu au grade de lieutenant-colonel par décret en date du 30 juin 1951 avec prise de rang du ............................................(J.O.R.F en date du 3 juillet 1951 page 6958).
Désigné pour continuer ses services en E.O. avec embarquement à/c du ..........
(D.M. n°164 487/PM/2C en date du 2 octobre 1951.
Quitte TUNIS par VA à destination de SAIGON (Indochine) sur PARIS le............
Arrive à SAIGON le .....................
Affecté aux F.T.N.V. - Z.S. (Cie de Cdt de la zone).
A la disposition du colonel Cdt la zone A.M. N°31 000/EMIFT/BP/3.MO du 7.12.1951 pour compter du ........................
Dirigé sur le 1er R.C. le ...............
(Exécution T.O. N°113/25931 en date du 11.2.1952 du Général de C.A. Cdt les F.T.N.V.
Affecté au 1er Rgt de chasseurs par A.M. N°489/EMIFT/BP/3.MO et placé à l'E.H.R. à/c du dit jour.
Prend les fonctions de commandant en second du Rgt le ....................................
Muté au G.A. du 1er R.E.C. par AM N°28 011/EMIFT/BP/3.MO en date du 1er septembre 52, notifié sous le N°20 624 FTNV/I/PERS en date du 10 septembre 52 et pour compter du ..........
R d C du 1er Rgt de C à/c du ................
Par N d S N°9814/EMIFT/BP/5/LE du 22.9.52 du Gal. de C.A Cdt en chef en INDOCHINE est désigné pour prendre le commandement du 1er G.A. du 1er R.E. de Cavalerie p/c du .................................
Par changement de dénomination (réorganisation des U.A.) le 1er G.A. du 1er R.E.L. devient le 1er G.A. p/c du ......
Lt-Colonel
"
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"
"
"
"
"
"
"
01/07/1951
01/12/1951
25/11/1951
01/12/1951
02/12/1951
14/02/1952
31/07/1952
15/09/1952
15/09/1952
25/09/1952
01/04/1953
Indication des services,affectations ou positions diverses
1
Grades
successivement
obtenus
2
Datescorrespondant à chacunedes inscriptionsdes colonnes 1 et 23
Observationsou indication des décisionsde référence
4
(NdS N°630/EMIFT/I/3243 du 16.3.1953 et A.M. N°10801/EMIFT/BP/3.MO du 26.3.1953 du Gal de C.A. cdt en chef en INDOCHINE)
Classé rapatrié sanitaire et muté à la base militaire de SAIGON en vue de son rapatriement sur la Métropole, par A.M. N° 17157/EMIFT/BP/3 RAP du Général de C.A. Cdt en chef en INDOCHINE en date du ........
Embarqué par A.V à SAIGON le ......
Débarqué à PARIS le ........................
Affecté à la C.A.R. N°1 à VERSAILLES par A.M N°1899/TP/A du Cdt l'AA de PARIS du D.I.T.C. à/c du .....
HM VAL DE GRACE du 19.5.53 au 11.6.53. Obtient un congé de fin de campagne du 11.6 au 10.9.53.
Affecté au secrétariat général permanent de la Défense Nationale à PARIS par AM N° 131 709/PM/2.A.I. de la DPMAT en date du 14.8.53.
Affecté au 2ème Rgt de SA (FFA chef de corps par AM n°110 024/PM/2B CAV du 25 juin 1954 à/c du ................................
RdC du SGPDN le 1er Août 54
Passe la frontière Franco-allemande le ......
Présent au 2ème RSA le même jour
Prend le commandt du 2ème RSA le ......
Fait mouvement sur l'AFN avec la 5ème DB.
Passe la frontière Franco-Allemande le 10 avril 56.
Embarqué à PARIS par VA le ................
Débarqué à ALGER le ..............................
Affecté au service central des relations nationales à PARIS par AM N° 153 807 /PM /SEM/OFF/I du 1er Octobre 1956 à compter du
Rejoindra le ..............................................
Quitte le commandement du 2ème RSA le 6 Octobre 56.
Dirigé sur la métropole par VA le
.
Affecté comme commandant militaire du département de l'OISE à BEAUVAIS (2ème RM) par AM N°52 810/PM/SEM/OFF/I du 13.4.57 pour compter du.................................
Promu au grade de Colonel à TD par décret du 5.7.57 (JO des 8 et 9/7/57) pour prendre rang du .................................
Lt-Colonel
Lt-Colonel
"
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"
"
"
"
"
"
"
Lt-Colonel
13/5/1953
18/05/1953
19/05/1953
19/05/1953
01/08/1954
16/08/1954
25/08/1954
22/04/1956
22/04/1956
01/10/1956
15/10/1956
09/10/1956
01/05/1957
01/07/1957
Nommé au commandt de la subd Mil. de l'OISE à BEAUVAIS par arrêté du 7 janvier 1958 (JO du 25.1.58).
Admis sur sa demande à faire valoir ses droits à pension de retraite d'ancien noté de services à/c du .........................
RdC de l'Armée active le ...............
(DM N°03724/PM/ADM/CAV/OFF du 31 janvier 1958).
Par décision du SEFA "Terre" en date du 28.3.58 (JO du 13.4.58) est nommé avec son grade et son ancienneté de grade dans les réserves à/c du jour de sa radiation des cadres de l'active soit le 1.3.58 et affecté pour administration à l'EM du G.S. d'AMIENS.
En exécution des prescriptions de la D.M. N°2755/EMAT/ I.O du 20 septembre 1962 passe sous l'administration à l'EM de la Subd. Aut. de l'OISE à/c du 1er octobre 1962 par AM N° 575 434/PM/3/02 du 20.10.62.
Par décision du 7 avril 64, prise en application de l'art. 29 de la loi du 1.12.56 est maintenu dans les cadres de Réserve sur sa demande.
Classé dans l'affectation individuelle de défense par décision N° 2243/I/M/AID en date du 25 novembre 65 du Gal. Cdt la 2ème R.M LILLE. Placé dans la position "hors cadres" à/c du .......
Muté de la Subd. Mil de l'OISE l'D.M de la 22ème DM à AMIENS en exécution des prescriptions de la DM n° 543 627 /PMAT/ EG/I.B du 6 mai 66 à compter du .................
"REORGANISATION TERRITORIALE"
Rayé des cadres à compter du .........par décision du 21.11.67 prise en application de l'art. 29 de la loi N° 56 1221 du 1.12.56 modifiée par décret N° 67 393 du 28.4.67 (JO du 18.5.67)
Admis à l'honorariat de son grade.
.
Colonel
Colonel
"
"
"
"
"
"
07/01/1958
01/03/1958
01/03/1958
01/03/1958
25/11/1965
01/07/1966
01/07/1966
ARMEE DE TERRE
INTERCALAIRE N°1
CAMPAGNES
TAUX
DURÉE DE LA CAMPAGNE
DÉSIGNATION DE LA CAMPAGNE
du 01.10.1928 au 25.05.1930
du 21.11.1931 au 23.11.1931
du 24.11.1931 au 08.03.1932
du 09.03.1932 au 30.03.1932
du 31.03.1932 au 19.10.1932
du 20.10.1932 au 09.04.1933
du 10.04.1933 au 17.09.1933
du 18.09.1933 au 06.11.1933
du 07.11.1933 au 20.11.1933
du 21.11.1933 au 15.09.1934
du 16.09.1934 au 19.09.1934
du 20.09.1934 au 13.11.1934
du 02.09.1939 au 16.06.1940
du 17.06.1940 au 19.10.1943
du 20.10.1943 au 05.06.1944
du 06.06.1944 au 27.08.1944
du 28.08.1944 au 28.02.1945
du 01.03.1945 au 25.04.1945
du 26.04.1945 au 08.05.1945
du 09.05.1945 au 28.05.1945
du 07.02.1948 au 09.02.1948
du 10.02.1948 au 24.11.1951
du 25.11.1951 au 01.12.1951
du 02.12.1951 au 17.05.1953
du 18.05.1953 au 19 05.1953
du 11.06.1953 au 10.09.1953
du 16.08.1954 au 04.08.1955
du 22.04.1956 au 22.04.1956
du 23.04.1956 au 08.10.1956
du 09.10.1956 au 09.10.1956
EN ALLEMAGNE-OCCUPATION
AFFECTÉ EN AFN - EN MER
SÉJOUR EN ALGERIE - TC
SÉJOUR AU MAROC - TM
" - SUD MAROCAIN
" - TM
" - SUD MAROCAIN
EN CONGÉ DE FIN DE CAMPAGNE
SÉJOUR AU MAROC - TM
" - SUD MAROCAIN
RAPATRIÉ EN FRANCE - EN MER
EN CONGÉ DE FIN DE CAMPAGNE
EN FRANCE EN GUERRE - AUX ARMÉES
EN ALLEMAGNE - CAPTIVITÉ
EN FRANCE EN GUERRE - S/P DE GUERRE
EN FRANCE EN GUERRE - INTÉRIEUR
" - AUX ARMÉES
" .......- INTÉRIEUR
" - AUX ARMÉES
EN ALLEMAGNE - OCCUPATION
AFFECTÉ EN AFN - EN MER
SÉJOUR EN TUNISIE - TU
DÉSIGNÉ POUR L'EO - EN AVION
SÉJOUR EN INDOCHINE
RAPATRIÉ SANITAIRE - EN AVION
CONGÉ DE FIN DE CAMPAGNE
EN ALLEMAGNE - OCCUPATION
EN AVION
EN ALGÉRIE (OPÉRATIONS)
EN AVION
CITATIONS
(Avec Croix de Guerre ou Croix de la Valeur militaire)
- Citation à l'ordre de la brigade n° 57 du 30.12.1933.
- Chevalier de la Légion d'Honneur arrêté du 1.12.1942 O.G. N° 877/D du 08.10.1942 (JO du 13.12.1942)
- Citation à l'ordre du Corps d'Armée O.G. N°11 du 13.01.1945 du Gal. Cdt la 2ème D.B
- Officier de la Légion d'Honneur du 07.07.45 page 6557 - décret du 12.6.45. (ou 18/06)
- Citation à l'ordre du Corps d'Armée O.G. N° 516 du 23.05.53 du Gal Cdt en chef en E.O
- Citation à l'ordre de la Brigade O.G. N° 332 du 26.10.1956 du Colonel Cdt la 5ème D.B
- VOIR INTERCALAIRE N°2 -
Témoignages de satisfaction, lettre de félicitations, citations sans attributions de Croix etc. ...
- T.S.D du 18.08.1952.DECORATIONS1° Françaises2° Etrangères
- Croix de Guerre T.O.E avec Étoile de Bronze.
- Médaille Coloniale avec agrafe "MAROC" brevet N° 503 231 du 10.10.34
- Croix du Combattant
- Croix de Guerre 1939 - 1945 avec 2 palmes - 1 Étoile de Vermeil
- Médaille Coloniale (agrafe E.O)
- Médaille Commémorative (guerre 39/45) brevet N° 503 231.
- Croix de guerre des T.O.E. avec Étoile de Vermeil.
- Commandeur de la Légion d'Honneur - décret du 19.08.58 (J.O. du 23.08.58).
- PRESIDENTIAL UNIT CITATION
Attestation n° 3037/POI du 10.09.1948.
- Commandeur du NICHAM IFTICHKHAR brevet N° 1437 du 15.06.1950.
ARMEE DE TERRE
INTERCALAIRE N°2
CITATION A L'ORDRE DE LA BRIGADE O.G. N° 57 DU 30.12.1933
"Jeune officier énergique et plein d'allant. A remarquablement conduit sa section de mitrailleuses le 17 Mai 1933 au cours de l'opération de liaison de TILLOUGHIT --TALMEST. A l'arrivée sur l'objectif, a pris les plus judicieuses dispositions pour combattre toute réaction de l'ennemi et faciliter les travaux d'organisation défensive."
CETTE CITATION COMPORTE L'ATTRIBUTION DE LA CROIX DE GUERRE T.O.E.
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CHEVALIER DE LA LEGION D'HONNEUR O.G. N° 877/D DU 08.10.1942 -
Arrêté du 01.12.1942 (J.O. du 13.10.1942).
"Officier ardent qui n'a cessé de multiplier les preuves de son énergie et de sa bravoure. Le 09 Juin 1940 sur l'Aisne, a entraîné les unités du groupement temporaire qu'il commandait malgré la violence des bombardements d'Artillerie et d'Aviation, a enrayé la progression de l'ennemi qui avait franchi l'Aisne et le canal latéral et brisé au corps à corps, trois assauts au cours de la journée.
"Le 10 Juin, couvrant le flanc de son Bataillon débordé, a maintenu sa position et se repliant par ordre dans des conditions très difficiles, a réussi, après un combat en retraite pied à pied, à interdire à l'ennemi un pont de la VESLE.
"Le 16 Juin, a réussi à chasser l'ennemi de LUSIGNY, permettant ainsi à la Division de gagner la SEINE.
"A été pour tous ses subordonnés, un exemple d'énergie et de vibrant patriotisme."
(Annule la citation de l'ordre de l'Armée N° 468/C).
CES NOMINATIONS COMPORTENT L'ATTRIBUTION DE LA CROIX DE GUERRE AVEC PALME.
CITATION A L'ORDRE DU CORPS D'ARMÉE O.G. N° 11 DU 13.01.1945
Du Général commandant la 2ème DB
"Cet officier complet joignant à un jugement très sûr, une audace lucide et un courage personnel éprouvé. A assuré le commandement d'un ensemble d'unités blindées entre BADONVILLER et STRASBOURG où il donna la mesure de ses capacités. Aussi décidé dans l'offensive que clairvoyant dans la défense, calme dans toutes les situations, réunit toutes les qualités de chef."
LES PRESENTES CITATIONS COMPORTENT L'ATTRIBUTION DE LA CROIX DE GUERRE AVEC ÉTOILE DE VERMEIL.
ARMEE DE TERRE
OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR (J.O. du 7.7.1945 - page 6557) décret du 12.06.1945.
"Officier Supérieur d'une haute valeur. A eu une très brillante conduite pendant la campagne de 1940, et a repris du service dès qu'il à pu le faire en Août 1944. S'est imposé immédiatement par ses qualités morales et par son ardeur au combat. S'est très rapidement adapté aux conditions nouvelles d'engagement des unités blindées et a assuré avec maîtrise le commandement d'éléments de toutes Armes pendant les opération de 1944 -1945. Commandait la colonne de droite pendant la marche sur STRASBOURG et par son allant, ses dispositions prises et son esprit de décision, a rempli sa mission au delà de tout espérance en éprouvant le minimum de pertes.
"Était à la tête de son sous-groupement engagé pendant les dernières attaques de la plaine d'ALSACE en Décembre 1944 où il a aussi admirablement réussi dans l'offensive que dans la défensive. Le 28 Janvier 1945 après la mort de son chef a pris le commandement des unités attaquant GRUSSENHEIM où il a manoeuvré avec hardiesse, s'emparant du village malgré une résistance acharnée, l'organisant avec promptitude et désorganisant deux contre-attaques lancées par l'ennemi dans la nuit suivante."
LA PRÉSENTE CITATION ENTRAINE LE DROIT AU PORT DE LA CROIX DE GUERRE AVEC PALME. (Annule la citation à l'ordre de l'Armée accordée par décision 751 du 22 Mai 1945).
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CITATION A L'ORDRE DU CORPS D'ARMEE O.G. DU 23.05.1953 - Du Gal Cdt en chef en E.O.
"Commandant d'un groupement amphibie en opération dans la zone Sud du Nord-VIETNAM, depuis près de cinq mois a fait preuve des qualités manoeuvrières de prudence et d'audace à la fois, qui lui ont permis d'obtenir des résultats remarquables tant dans la pacification qu'au combat. Au mois de Janvier 1953 en débloquant le poste de NGO-KHE, et plus particulièrement encore au mois de Mars 1953 au cours des multiples opérations au Nord de PHU-LY, a su, par un emploi judicieux de ses moyens organiques et des éléments de renforcement d'Infanterie et d'Artillerie, mener une contre-guérilla efficace qui a conduit à la destruction de l'Infanterie rebelle locale."
CETTE CITATION COMPORTE L'ATTRIBUTION DE LA CROIX DE GUERRE DES THÉATRES D'OPÉRATIONS EXTÉRIEURES AVEC ÉTOILE DE VERMEIL.
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ARMEE DE TERRE
CITATION A L'ORDRE DE LA BRIGADE O.G. N° 332 DU 26.10.1956 - du Colonel Comandant la 5ème D.B
"Débarqué à la tête du 2ème Régiment de Spahis Algériens, a dirigé dès son arrivée en ORANIE, avec ardeur et dynamisme de nombreuses opérations dans la région d'AIN-TEMOUCHENT, mettant hors de combat d'importantes bandes rebelles."
" Commandant du difficile quartier du PALMIER, à la frontière marocaine pendant les mois de juillet, août et septembre 1956, a mené de pair les interventions rapides de ses éléments, de nombreuses patrouilles et embuscades et, une notion bienfaitrice de pacification".
" Par son action efficace a contribué à l'anéantissement d'importantes bandes rebelles".
CETTE CITATION COMPORTE L'ATTRIBUTION DE LA CROIX DE GUERRE DE LA VALEUR MILITAIRE AVEC ETOILE DE BRONZE.
1er Régiment de ChasseursDécision N°165 du 20 Août 1952
Témoignage de satisfaction (Ordre Général N°1474 en date du 18 Août 1952 du général de C.A. commandant les F.T.N.V.)
A L'ORDRE DE LA DIVISIONDEBRAY Lieutenant-Colonel 1er Régiment de Chasseurs.
" Volontaire, ardent et convaincu pour servir en Indochine, a commencé son séjour au Tonkin comme Adjoint au Commandant en zone sud. De Décembre 1951 à Février 1952, au cours d'une période particulièrement troublée, n'a ménagé ni ses forces ni sa santé pour seconder son Chef dans des circonstances souvent critiques et dans l'exécution de diverses opérations de détail.
Au cours des six mois suivants, comme Commandant en second le 1er Chasseurs, a fait preuve de réelles et brillantes qualités de commandement, cherchant toutes occasions de se porter auprès des unités engagées en opérations pour leur apporter réconfort et appui.
Par un sentiment élevé de son devoir a payé généreusement de sa personne."
"Le Chef de Corps lui adresse ses bien vives félicitations."
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Les Oberlé, ouvrage de René Bazin, 1901
Colette Baudoche, ouvrage de Maurice Barrès, 1909 (Merci Odile !)
Groupe de Reconnaissance
place principale et centrale
une exhaure, c'est l'épuisement des eaux d'infiltration
gardes allemands
revenus attachés à une situation lucrative
Forces Françaises de l'Intérieur
du nom de l'inventeur, fusil de calibre 8mm réalisé en 1886, plusieurs fois perfectionné et employé dans l'armée française jusqu'en 1940 (Larousse)
Régiment de Marche du Tchad
Affaires Indigènes
Il avait épousé Suzanne Guichard, fille de Robert et Henriette Depret; il est aussi le père de Gisèle épouse de Henri Bacot, et de Roland.
désigne l'artillerie de marine ou coloniale ; voir cahier2.
Surnom, un "hochequeue" est une bergeronnette
Homme politique,+1956
Afrique équatoriale Française
Note du Colonel Dehen : "les Cdt Debray et Lt Dehen rejoignent le 3ème RMT à Roville. Le Cdt Putz renvoie en convalescence le Lt Dehen dans les Vosges, car insuffisamment guéri
École Supérieure de Guerre
Francs tireurs partisans
Régiment Blindé de Fusiliers Marins
régiment de Marche de Spahis Marocains
Détachement de Circulation Routière
voir Annexes "la cinquième colonne, "colonne Debray"
Détachement de Liaison et d'Observation d'artillerie
lit de camp militaire : "élément de couchage au sol" (Cl Dehen)
Maintenir à l'arrêt, dans une direction déterminée
Witternheim se trouve au SE de Benfeld
au N de Witternheim, sur l'axe Benfeld/Witternheim
Obstacles faits en général, par des arbres inclinés ou abattus
au S de Witternheim
à l'E de Witternheim
NO de Witternheim, à quelques km N de Benfeld, de l'autre côté de la nationale
Yvonne Quesnel, religieuse aujourd'hui à Aurillac
Je dirais plutôt "Phalsbourg", Sarrebourg me paraît bien à l'O !
SO de Bitche
NE de Strasbourg, à quelques km du Rhin, près de la Wantzenau
Note du Cl Dehen : "ancien prisonnier de guerre oflag IV puis de la forteresse de Colditz, puis muté avec tous les officiers Français au camp de représailles de Lübeck d'où il s'évade en Dec43. Direction France puis Angleterre, affecté à l'E.M. du Gal Koenig, puis 2ème DB à Southampton fin juillet 44.
S de Grussenheim
C'était la ferme de la famille Homesser
voir Annexe
Corps d'Armée
Note du Cl Dehen : Passé Capitaine depuis le 25 Mars 1945, il commande la Cie, Dronne étant lui-même passé Cdt à la même date
gros camions US
+ le 14 Juin1994, parrain de Marc Debray
Indication du corps de service
Le nom doit être porté en lettres capitales
après indication de la commune de naissance, indiquer le département (ou le territoire d'origine)
Dans le cas où un intercalaire serait nécessaire, apposer le cachet "certification"
Dans le cas où un intercalaire serait nécessaire, apposer le cachet "certification"
Dans le cas où un intercalaire serait nécessaire, apposer le cachet "certification"
Dans le cas où un intercalaire serait nécessaire, apposer le cachet "certification"
Dans le cas où un intercalaire serait nécessaire, apposer le cachet "certification"
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Pierre DEBRAY Souvenirs cahier 4- exclusivité de http://www.marechal-leclerc.fr.st p. PAGE 2
Pierre DEBRAY Souvenirs 4 - / PAGE 1